
c u e i l d e f a g l o i r e p o é t i q u e . O n f e r a p p e l l e i c i c e
p o è t e q u 'u n a u t e u r c o m i q u e i n t r o d u i t d a n s u n e
d s f e s p i è c e s , 8c q u i a v o i t i m a g i n é d e m e t t r e l ' h i f -
t o i r e d e F r a n c e e n m a d r i g a u x .
Benferade, q u o i q u e p o è t e , c o n n o i f f o i t t r è s - p e u
l a m y t h o l o g i e . O n f a i t q u e l e s D r y a d e s 8 c l e s H a -
m a d r y a d e s f o n t d e s n y m p h e s d e s b o i s , m a is q u e
l e s p r e m i è r e s f u i v a n t l a f a b l e f o n t i m m o r t e l l e s , &
q u e l e s a u t r e s m e u r e n t a v e c l 'a r b r e q u i l e u r e f t
c o n f a c r é . H e n r i e t t e d 'A n g l e t e r r e , f e m m e d e M o n t
e u r , d e m a n d a u n j o u r , é t a n t d a n s f a l o g e à l ’ o p
é r a , à Benferade , «e l a d i f f é r e n c e q u 'i l m e t t o i t
.*» e n t r e u n e D r y a d e & u n e H a m a d r y a d e » ? C e
p o è t e q u i i g n o r o i t l a d i f t i n é t i o n f e t r o u v a f o r t
e m b a r r a f f é 5 m a is n e v o u l a n t p a s d e m e u r e r c o u r t ,
c o m m e i l s 'a p p e r ç u t q u 'u n a r c h e v ê q u e & u n é v ê q
u e a t t e n d o i e n t M a d a m e a u f o r t ir d e f a l o g e , i l
d i t , q uil y avoit autant de différence qu'entre un
évêque & un archevêque. O n r i t b e a u c o u p d e c e t t e
c o m p a r a i f o n . U n é v ê q u e q u i a f p i r o i t à ê t r e a r c h e -
- v ê q ü e , d i t à M a d a m e , l e l e n d e m a i n : ce J e f u i s
33 D r y a d e : q u a n d v o u s l e v o u d r e z , m a d a m e ,
» f é r i e u f e m e n t , j e f e r a i H a m a d r y a d e » .
On a rapporté de ce poète quelques faillies 8c
quelques bons-mots , qui pouvoient être plaifans
dans fa bouche. Le cardinal Mazarin jouant au
piquet fit une mauvaife chicane à celui avec qui
il jouoit. Comme ils difputaient beaucoup , Benferade
entra, qui entendant difputer le cardinal,
& voyant que tout le monde fe taifoit autour de
lui, dit : ce Monfeigneur, vous avez tort. Comment
» peux-tu, Benferade, lui dit le cardinal, me con-
» damner fans favoir le fait ? Ah ! vertubleu , dit
» Benferade, le filence de ces meilleurs m'inftruit
» parfaitement ; ils crieroient en faveur de votre
» éminence auffi haut qu'elle fi vous aviez raifon».
Il fe trouva' un jour dans une compagnie, ou
fe rencontra une demoifeîle dont la voix étoit fort
belle, mais l ’haleine un peu forte 5 cette demoi-
fe-Ile chanta : on demanda le fentiment de Benferade
, qui dit, que les paroles étoient parfaitement
belles , mais quesl’ air n’en valoit rien.
Benferade d é g o û t é d e l a c o u r s'étoit ïf c r ir é f u r
l a f in d e f a v i e à G e n t i i l y . I I a v o i t e m b e l l i f a r e t
r a i t e d e d i v e r f e s i n f e r i p t i o n s q u i v a l o i e n t b i e n f e s
a u t r e s o u v r a g e s . C ' e f t d o m m a g e , d i t M l d e V o l t
a i r e , q u 'o n n e l e s a i t p a s r e c u e i l l i e s . I I a v o i t g r a v é
c e l l e - c i f u r l ' é c o r c e d ’ u n a r b r e 8c e l l e f e p r é f e n t o i t
l a p r e m i è r e :
A d ie u f o r t u n e , h o n n e u r s ; a d ie u v o u s & l e s v ô t r e s »
J e v ie n s i c i v o u s o u b lie r . •
A d ie u t o i -m êm e , am o u r , b ie n p lu s q u e to u s le s a u t r e s ,
D i f f i c i le à c o n g é d ie r .
La B r u y è r e a, d a n s f o n c h a p i t r e de la fociéte&
de la -conversation , t r a c é l e p o r t r a i t d e Benferade 3
mais Benferade f e p t u a g é n a i r e . C e p o r t r a i t a é t é
juge tres-reffemblant, quoiqu’on y reconnoiffe la
charge ordinaire au peintre. « Je îe fais, Théo-
• vous etes y mais voudriez-vous que
je cruffe que vous êtes baiffé, que vous n’êtes plus
P °« e 3 ^ bel efprit, que vous êtes préfentement
auffi mauvais juge de tout genre d'ouvrage, que
méchant auteur, que vous n'avez plus rien de
<naif 8c de délicat dans la converfation ? Votre air
libre & préfomptueux me raffine & me perfiiade
tout le contraire. Vous êtes donc aujourd nui tout
ce que vous fûtes jamais , & peut-être meilleur :
car fi a votre âge vous êtes fi v i f& fi impétueux,
quel nom, Theobalde , fklloit-il vous donner dans
votre jeuneffe, 8c lorfque vous étiez la coqueluche
ou 1 entêtement de 'certaines femmes qui ne juraient
que par vous & fur votre parole , qui di-
foient, cela eft délicieux , qu a-t-il dit ?
Seneçai a fait auffi le portrait de Benferade,
Ce bel-efprit eut trois tàlens divers.
Qui trouveront l’avénir peu crédule.
De plaifanter les grands ,il ne fit point fcrupule» ;
Sans qu'ils le priffent de travers :
Il fut vieux & galant fans être ridicule,
Et s’enrichit à compofer des vers.
BERCER. C e mot qui au figuré fe prend en
mauvaife part ne devroit pas avoir plus de crédit
dans le fens qui lui eft propre. Au figuré bercer
fignifie ennuyer , tromper , on m’a bercé avec
cette hiftoire. Vous nous bercer de, vaines, prom
e t s . Dans le fens propre on dit bïççer un enfant
pour défigner l'ufage pernicieux à tant de
nourices de remuer leurs enfans de côté & d’autre
pour les provoquer au fommeil. Cet ufage
s'eft tellement accrédité que le lit de l'enfant en
a pris le nom de berceau, 8c n'eft plus un lieu
de repos, mais un théâtre de douleurs, qui fou-
vent devient fon cercueil. Que celles qui fuivent
cet ufage fâchent donc que ce balottement n'endort
les enfans que parce qu'il les étourdit, qu'il
| fatigue inutilement les fibres extrêmement délicates
de leur cerveau 3 qu'il nuit à la digeftion, aigrit
leur nourriture-, & leur procure très-fouvent de
violentes tranchées 8c des vers.
BÉRÉNICE. Bérénice femme de Ptolomée
Evergete^ aimoit tendrement fon époux. Pendant
une expédition militaire où ce prince courut les
plus grands dangers , cette tendre époufè fit voeu
de fe faire couper les cheveux & d'en faire une
offrande à Vénus, fi Ptolomée revenoit vainqueur-
La déeffe ayant exaucé fes voeux, Bérénice exa&e
à les remplir fufpendit fa chevelure, dans le temple
dé jà déeffe. Cette offrande fut enlevée la même
nuit 8c Ptolomée furieux & inconfolable de cette
perte , fe feroit livré à tous les excès d'une, aveugle
vengeance j mais Conon de Samos, aftronome
célèbre, l'affura qu'il l ’avoit apgerçue dans le
ciel où elle formoit un efpèce de triangle dans la
queue du lion. Bérénice, ce modèle de 1 amour
conjugal, furvécut à fon époux 8c fut affaflinee
par l'ordre d'un fils indigne de lui devoir le jour.
B E R E T IN , nommé Pierre de Cortonne, né
en 1596, mort en 1669. Le grand duc Ferdinand
quiprenoit fouvent plaifir avoir ce peintre célèbre
, admirait un jour un enfant qu'il avoit repré-
fènlé pleurant, aufli-tôt, Pierre de Cortonne ne
fit que donner un coup de pinceau & il parut
rire, puis avec une autre touche il le remit dans
fon premier état. Prince, dit le peintre , vous voye%
avec quelle facilité les enfans pleurent & rient.
BERGHEM. Nicolas Berghem, excellent peintre
en payfage, étoit né à Amfterdara en 1624. La
douceur 8c le défîntéreffement formoient fon caractère.
Il difoit que l'argent étoit inutile a celui
qui favoit s'occupe?.
Sa femme au contraire étoit l'avarice même %
elle fe tenoit habituellement dans une chambre
au-deffus de celle où Berghem travailloit, 8c frap-
poit au plancher toutes les fois qu'elle prévoyoit
que fon mari alloit s'endormir. Elle s'emparait de
tout l'argent qu'il gagnoit 8c ne lui laifîoit point
de relâche. Berghem mourut en 1683.
BERGER. Des poètes nous ont peint les bergers
du fiècle d'or avec des couleurs féduifantes,
ils nous les repréfentent
Figurant quelques danfes lég è res, ,
Où tout le jour affis aux pieds de leurs bergères,
conduifant au milieu de plaines émaillées de fleurs
des troupeaux dont la laine égale la blancheur de
la neige.
Aujourd’hui c’ eft celui qui jour & nuit garde
le troupeau & n'a que des chiens pour compagnons
de fes travaux 5 il faut qu'il foit de bon
matin dans les champs, qu'il défende fon troupeau
des loups, qu'il aide fes brebis à agneler,
qu'il connoiffe leurs maladies pour les guérir
8c qu'il veille à ce que les couleuvres ne tètent
point fes brebis. Tous ces détails ne reffem-
blent point aux charmantes deferiptions des bergers
du fiècle d 'or , auffi n'y fommes-nous plus.
BERNARD ( Saint). Saint-Bernard né en 1091
au village de Fontaine en Bourgogne, d'une famille
noble , fe fit moine de Cîteaux à l'âge de
22 ans. En 1 n y,Clairvaux ayant été fondé, Saint-
Bernard, à peine forti du noviciat, en fut nommé
premier abbé.''
Le ’concile affemblé par Louis le gros, potm
examiner lequel d'innocent II ou d'Anaclet étoit
pape légitime , s'en rapporta à la décifion de
Saint-Bernard, 8c fon opinion qui fut adoptée
par le concile, fut en faveur d’innocent II. La
fuite de cette affaire l’ayant conduit à Milan, la
foule étoit fi grande pour le voir , qu'il ne pou-
voit paroître qu'à fa fenêtre d’où il donnoit fes
bénédi&ions.
En 1140 .il fit condamner, au concile de Sens,
plufieurs propofitions du célèbre 8c malheureux
Abailard, dont il étoit perfécuteur déclaré.
A la follieitation du pape Eugène III fon dif-
cîj51e , Samt-Bernard perfuada d'abord à Louis le
jeune d’entreprendre une croifade , ce fut en vain
que l'abbé Suger s'y oppofa. On dreffa à Vefclay
en Bourgogne un échafaud en pleine campagne ,
où Saint-Bernard parut avec le roi, il échauffa
tellement les efprits par fon éloquence, que malgré
la grande provifîon de croix qu'il avoit faite,
il mit encore fon habit. en pièces pour fuppléer
au drap qui lui manquoit. Il paffa enfuite en Allemagne,
& détermina l’empereur Conrad III à fe
joindre aux croifées. Voilà comme le préfident
Hénault nous a peint Saint Bernard.
Il avoit été donné à cet homme extraordinaire
de dominer les efprits : on le voyoit d’ un moment
à l'autre paffer du fond de fes déferts au milieu
des cours î jamais déplacé, fans titre, Tans caractère
, jouiffant de cette admiration perfonnelle qui
eft. au-deffus de l’autorité : fimple moine de Clajr-
vauxj plus puiffant que l'abbé Suger, premier
miniftre de France , & confervant fur le pape
Eugène I I I , qui avoit été fon difciple, un af-
cendant qui les honoroit également l'un & l'autre.
Cependant Saint Bernard n'étoit pas auffi grand
politique qu’il étoit un faint homme 8c un bel
î efprit. Ses fermons font des chef - d'oeuvre de
fentiment 8c de force. Après quarante ans de
profeffion Saint-Bernard mourut à Clairvaux en
115-3, âgé de 65 ans,
BERNARD. Samuel Bernard, comte de Cou-
bért , qui fut fi connu par fon influence dans les
affaires de finances, fous le règne de Louis X IV ,
étoit né en 1652 de Samuel Bernard, profeffeur
de l’académie royale de peinture à Paris. Samuel
Bernard fils , devint extrêmement riche & fut
nommé le Lucullus de fon fiècle. Il mourut en
Ï739, âgé de 88 ans.
BERNARD. Pierre-Jofeph Bernard, natif de
Grenoble, vint à Paris, ou après avoir travaillé
chez un notaire, il s'attacha au marquis de Pezay
qu'il accojnpagna dans la campagne de 17^4 en
Italie. Le maréchal de Créquy ayant apprécié fon
mérite le prit pour fecrétaire, 8c la mort feule
fépara Bernard de fon illuftre prote&eur dont il
- avoit fu fe faire un ami. Bernard, qui dès fa jeu-
neffe avoit montré de grandes difpofitions pour
la poéfie, compofa plufieurs ouvrages charmans,
dont le plus cpqfidérable eft fon art d'aimer/ Ses