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Carlin tiroit de ce coate une fcène extrême-
ment plaifante. -
O n avoit défendu le chant aux italiens ;' on
fit paroître fur le bord de la couliffe , un âne
qui fe mit à braire ; taifeç-Vous infoient 3 lui dit
Arlequin 3 votre mufique efi ici défendue.
U n jour qu’il y avoit peu de fpe&ateurs à la
comédie italienne 3 Colombine vouloir dire une
fcene tout bas à Arlequin , parler plus haut 3 dit
Ca rlin 3 nous fotnmes entre nous & perfonne ne
ftjus ésoute.
U n aubergifte fe venant plaindre à Arlequin
qu'on lui avoit volé fa bourfe où il y avoit
trois cents écus; les aviez-vous comptés 3 lui
dit Arlequin ? O u i , répondit le plaignant. Brebis
comptée , répond Arlequin 3 le loup la
mange.
U n autre aubergifte fe plaignoit qu’on lui avoit
v o lé une montre la meilleure du monde. Si elle
étoit aufli bonne que tu le d i s , dit Arlequin 3
elle t’ auroit montré l’heure qu’ on devoit te la
prendre ; mais quel eft le voleur ? — c ’eft un
étranger, répondit l’ aubergifte. — C ’eft peut-être"
la mode de fon pa ys, dit Arlequin,
A R M A N D - ( François Huguet ) plus connu
fous le nom feu! d’Armand 3 naquit a Richelieu
•en 1699 , d’ une honnête bourgeoife du Poitou.
I l »eut l’honneur d’être tenu fur les fonts de baptêm
e, au nom de M . le duc. maréchal de R ichelieu
, qui n’étoit alors g«ères plus âgé que
Ébn filleul. U enfant fut élevé fous le nom d3Ar-
piand, qu’il a porté toute fa v i e , par un fenti-
ment de refpeél pour fon parain. L ’abbé Nad a l,
poitevin comme lu i , le plaça chez un notaire â
Paris j mais un penchant pour les plàifïrs & pour
le th éâ tre, lui fit abandonner la chicane. Après
diverfes aventures dignes de Gilblas - de Santil-
lan e , il joua la comédie en Languedoc, & revin
t enfuite à P a r is , où il débuta fur le théâ-
tre de la comédie françoifè en 1723 , par le !
rôle de Pafquin , dans Y Homme a bonnes fortunes.
L a nature lui avoit donné le mafque le
plus propre à caraéfcérifer les talens d’ un valet
adroit & fou rbe; c’eft principalement.dans ce
rôle qu’il excelloit. O n le grava dans le per-
fonnage de Ca ron das, au moment o ù , à l’exemple
du valet de Z en o n , il voloit le philofophe
fon maître, par un mal-entendu de pnilofopnie.
C e rô le , dans la comédie des Philosophes, celui
de Fabrice dans YEcoJfoife, & celui du garçon
libraire dans la Préemption à la mode, furent
les derniers queil représenta dans les pièces nouvelles.
C e comédien mourut à Paris en 176 $v
H s’ étoit retiré du théâtre peu de temps avant fy jjjort ^ avec une pepfion du ro i, après qua-
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rante-deux ans de fervice. Il étoit le doyen des
comédiens françois.
Le caractère de cet excellent aéfceur étoit de
voir tout gaiement; & dans les affaires les plus
férieufes , il ne pouvoit fe refufer une plaifan-
terie. Il narroit d’une façon à faire diftinguer
les différens interlocuteurs; qu’il mettoit en action
dans fes récits ; il imitoit leur voix, leurs
moindres geftes ; on eût dit que Scaron l’avoit
deviné dans le perfonnage de la Rancune. On
a confervé un difeours que cet aéteur avoit
compofé étant clerc de notaire , & qu'il débita
dans une comédie bourgeoife, dont il s’étoit
chargé de faire le prologue.
33 Meflieurs , mon deffein n’ eft pas, dans ce
33 jour qui renouvelle l ’année, de vous jetter de
53 la poudre aux yeux, ni de vous faire croire
” que des vefiies font des lanternes. Je fais trop
33 que marchand d’oignons doit fe connoître en
33 ciboules, & que vous êtes des éveillés de
33 PoifTy, à qui l’on ne vous feroit pas paffer
33 des chats pour des lièvres ; parce que vous en
33 avez bien vu d’autres, & qu’on ne fauroit
33 vous en donner à garder. Je n’ignore pas qu’un
33 difeours bien garni de fleurs de rhétorique,
33 viendroit ici iufte comme de cire, ou, fi vous
« voulez , comme Mars en carême, 8c que ce
33 ne feroit point tirer ma poudré aux moineaux,
33 ni femer des marguerites devant des pourceaux,
33 Mais il n’y en a pas de plus èmbarraffé que
33 celui^ qui tient la queue de la poêle * à petit
33 mercier , petit panier, & à bon entendeur de-r
33 mi-mot. Si nous ne rempiiffons pas nos rôles
33 comme les grands aéteurs que vous avez jour-
33 nellement fous les yeux, c’eft qu’il n’ eft pas
33 permis à. tout le monde d’aller à Corinthe,
33 & que qui eft apprenti n’eft pas maître. Loin
33 de nous en faire accroire, nous avouons de
33 bonne fo i, que fi nous comptions moins fur
33 votre indulgence , nous ne faurions tous fur
33 que^ pied danfer. Mais fi vous daignez nous
33 mettre le coeur gu ventre, nous ne vous pro-
33 mettons pas poires molles, ni plus de beurre
33 que de pain; & nous irons de cul & de tète,
33 comme des corneilles qui abattent des noix.
33 Ainfî , meflieurs, fans tourner fi long - temps
» -autour du p o t, ni chercher midi à quatorze
« heures, d’ autant plus que vous n’ignorez pas
33 que trop gratter cuit, & trop parler nuit, je
33 me contenterai de Vous prier de ne pas nous
« recevoir comme des chiens dans un jeu de
«quilles, en vous affurant que notre recon?
« noiflance ne fera pas entre le zifte & le zefte,
« ni moitié figue , moitié raifîn ; & que lorfqu’ i|
» Saigira dg vous faire épanouir la rate, on
33 ne nous verra jamais n’y aller que d’une
» feffe, & C . . . 7 . y
Cette harangue fut extrêmement applaudie»
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l’abbé Nadal ne put fe contenir* il fe le v a ,
monta fur le th éâ tre, courut embraffer fon jeune
protégé, & lui promit une amitié qu il lui con-
ferva toujours.
Son humeur gaie "& facétieufe ne le quitta
jamais. L e commencement de fa fortune fut
même l’effet de fa plaifanterie. Il avoit l’ habitude,
en allant fe promener avec fes amis, de
parier, ou la dépenfe du moment, ou des billets
de loterie , au premier boffu qne le hafard lui
fijifoit rencontrer fur fon chemin ; & rarement
ces billets étoient malheureux. U n jo u r , au for-
tir de la com éd ie , il rencontra ( c e qu’il - re-
gardoit comme un préfage très-favorable ) un
boffu, dont la phyuonomie le frappa plaifam-
ment. Dans l’ accès de fa g aie té , il alla prendre
fur le ch amp, quelques billets de loterie à la
devife du boffu. U n de ces billets lui rapporta
huit mille livres : c’ é to it, d i fo it - i l quelquefois,
le plus beau des boffus. -
Étant à Lyon à fe divertir avec-des amis,
furvint un fâ ch eu x , q u i, après avoir foupé à
leurs dépens, leur demanda encore à coucher
pour cette nuit; chacun s’en défendit en faifant
retraite. Armand, refté f e u l , connoiffant 1 humeur
du perfonnage : & voulant éviter une affaire
, lui promit de partager fon lit. C ’ etoit une
5 belle nuit d’çcé j Armand conduit le fâcheux a
la promenade , met fon épée en bandoulière,
fes fouliers dans fa p o ch e , grimpe au haut d’un
arbre, & s’y établit aufli tranquillement que dans
l ’appartement le plus commode. « Qu e faites-
« vous donc , dit l’ importun, que ce manège
« commençoit à impatienter? Je loge i c i , ré-
« pondit Armand, je vous invite à faire de
« même ». ,
Armand faififfoit avec une préfence d’efprit
fingulière tout ce qui pouvoit plaire au public
dont il étoit fort aimé. Jouant le rôle de P a f quin
, dans Attendez - moi fous^ l’ orme , après
ces mots : Que dit-on d‘intérejfant ? Vous aveç
reçu- des nouvelles de Flandres ; il répliqua fur
le champ: Un bruit fe répand que Port-Makon
eft pris. L e vainqueur de Port-Mahon étoit le
parrain d’Armand.
Armand entreprit un jo u r , en buvant avec
deux de fes- camarades, de les faire pleurer avec
la fable du Tartufe. « Figu rez-vou s, mes bons
« am is , leur difoit-il, un honnête gentilhomme
» qui retire ch ez lui un miférable, à qui il donne
a| tout fon bien avec fa fille , & q u i , peur le
» récompenfer—de fes b on té s, veut féduire fa
» femme, les chaffe de fa propre maifon & fe
» charge de conduire un exempt pour l’ arrêter.
» A h ! le coquin, le m onftre, le féiéra t, s’ écrioient
» les convives déjà gris ! & en difant cela , ils
' » fondoient en larmes «i Alors Armand 3 continuant
avec ce fang froid qui le rendoit fi plaie
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fant : » L à , l à , confolez-Vous, leur d i t - i l , ne
» pleurez p a s , mon gentilhomme en fu t quitte
» pour la peur ; l ’exempt lui dit :
» Remettez -vous, monfieur, d*une alarme fi
» c h a u d e .» — « Q u e diab le, c’eft le fujet du
» T a r tu f fe que tu nous débites? — Eh ! o u i ,
„ mes amis. A -t-on fi grand tort de dire que
» nombre de comédiens ne connoiffent que leur
» rô le , même dans les pièces qu’ ils repréfentent
» journellement
A RM O IR IE S . Les armoiries ne furent inventées
que du temps des croifad es, pour diftinguer
la nobleife de tous les^ royaumes de
la chrétienté qui s’ étoient enrôlés dans cette"
guerre.
Les 'armes les plus Amples Sc les moins
t diverfifiées font les plus belles & les plus nobles.
En A n g leterre, un homme qui n’eft pas gentilhomme
de naiffance, & qui n’ a point d ar-
moirie, peut prendre & tranfmettre a la pofté-
rité celle du gentilhommé , du p a ir , ou du
prince qu’il a fait prifonnier dans une guerre
légitime.
U n empereur, pour fe m o que r, demanda s
un ambafiadeur de Venife dans quel endroit du
monde on trouvoit des lions a îlé s , tels que
ceux qu’ on v o it dans les armoiries de l’état v énitien
: ce O n les trouve , lui répondit l’ambaffa-
» d e p r , dans le même pays où l’on vo it des
» aigles à deux têtes ».
Louis X V appelloit le médecin Quefnay fon
penfeur & lui donna, pour armes, trois fleurs
de penfées.
Henri I V s’ étant égaré à • la chaffe, s’arrêta
dans un hameau. Il defeendit ch ez une vieille
femme, à laquelle il dit Amplement qu’ il étoit
un feigneur de la cour que le , mauvais temps
obligeoit à chercher un afvle. L a bonne femme
courut v îte "chez fon voifîn , & revint un moment
après avec un air fort trifte. Henri lui
demanda la caufe de fon chagrin. «= Je viens de
« c h e z mon v o ifin , reprit-elle, lui demander
» quelques provifions afin de vous traiter un peu
» plus convenablement; mais il n’ a qu’une din-
» d e , qu’il n’ a jamais voulu me donner à moins
» qu’ il n’ en vînt manger fa part. — E t peur-
» quoi ne lui avez-vous pas permis de v e n ir ,
» dit le roi ? — C ’eft , monfeigneur, repartit la
» v ie ille , parce que c ’eft un plaifant qui vous
» choqueroit peut-être par fes contes & par fes
» airs familiers. — Faites-le v en ir , dit le r o i ,
« qui vouloir égayer fon frugal repas ». La
femme' fort & revient un moment après avec
le vo ifîn , qui tenoit à fa main une belle dinde.
O n l’ apprête, on fe met à table. Le voifin ré