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C a b a l e . On appelle cabale ail théâtre cette
efpèce de milice que lèvent les amis ou les ennemis
d'un auteur , pour faire réuffir ou tomber fa
piece. Un de ces chefs de ligueurs déclamoit un
jour contre un jeune poète qui venoit de mettre
au théâtre un drame nouveau 5 c ’eft, difoit-il , un
petit préfomptueux dont la pièce ne peut réuffir.
Vous le çonnoiffez donc ? lui dit un des auditeurs,
fi je le connois, répondit notre cabaleur ! il m'a
lu fa pièce , je lui ai donné des avis dont il n'a
fait aucun,cas j &que certainement il fe repentira
de n'avoir pas fuivis, j'ai eu tort lui dit le jeune*
homme qui l'avôit interrogé ; mais, monfieur 3 ce
n'efl pas affez de connoître les gens | il faut encore
les reconnoître.
C e trait nous rappelle le fuivant.
Un auteur , ami du fergent de garde au
théâtre françois , lui avoit recommandé de placer
les fentinelles de manière à en impofer à la cabale.
La pièce fut fifflée 3 & n'alla pas jufqû'à la fin.
L'auteur en fit des reproches au fergent fon ami 3
qui lui répondit naïvement : « quand il n’y a que
» huit ou dix perfonnes de mauvaife volonté 3 on
» leur en impofe 5 mais que .voulez-vous qu’on
m faffe contre une cabale de fix cents perfonnes » ?
CABARETIER. Il y a long-tems que les au-
bergiftes , cabaretiers & autres 3 ufent de l'artifice
de faire fervir le mauvais vin le dernier. En effet 3
lorfque l'on commence à être ivre 3 le goût s'é-
mouffe , & i l ‘ eft bien difficile de difcerner la
différence des vins. On rapporte d'une cabare-
tière à Vienne en Dauphiné 3 qu'elle ne manquoit
pas de dire à fes garçons 3 en parlant de ceux
qui buvoient chez elle : « dès que vous entendrez
»5 ces meffieurs chanter en choeur 3 donnez-leur
» le moindre vin ».■
CAB IN ET S. On a donné des defcriptions
curieufes des cabinets de phyfique & d’hiftoire
naturelle les plus connues ; mais on connoît peu
en France les cabinets que les anciens nomraoient
cabinets fecrets.
La conftruCtion de ces cabinets eft telle que
la voix de celui qui parle bas à un bout de la
voûte 3 eft entendue à l'autre bout.
Tout l’artifice confifte à ce que la muraille
contre laquelle on parle foit unie & cintrée en
ellypfe.
La prifon de Denys à Syfacufe changeoit en
Un bruit confîdérable un fïmple chuchotement ; l'aqueduc
de Claude portoit la voix à feize milles.
Le dôme de l'églife de S. Pierre de Londres
a la faculté de faire entendre le battement d'une
montre, d’un côté de la voûte à l'autre côté,
A Glocefter , il y a dans une églife une galerie
où deux perfonnes qui parlent bas s'entendent
à la diftance de vingt-cinq toifes.,
L'obfervatoire de Paris offre un de ces cabinets
qui ont la faculté de rendre les fops d'un coin
à l'autre.
C A CH E T ( lettres de ). Ce fut un. capucin , le
père Jofeph , fi fameux fous le miniftère du cardinal
de Richelieu., qui imagina 3 dit-on., les efpions
! foudoyés par la police, & les lettres de cachets.
CACOPHON IE . La cacophonie e ft, comme
l'on fait, un vice d'étourderie produit par la
rencontre de plufieurs mots, d'ou il réfulte uri
, fon défagréable. On lit avec déplaifir dans l'ode
à la poftérité, par Rouffeau, ce vers qui corn-,
mence par ces mots.
Vierge non encor née. . . . . . .
On peut encore citer ce vers échappé à
Voltaire :
N o n , iln ’eftrien que Nanine n’honore.
Il feroit facile de faire d'autres citations pareilles
; mais on fe contentera de rapporter ce
fingulier trait de cacophonie, que fit un magiftrat
eh ordonnant , pendant les guerres civiles de
Paris , qu’on tendit promptement une chaîne
dans une rue : il cria, qu'attend-on donc tant ?
que ne la tend-on donc là ?
La Mothe le Vayer cite un homme qui fut
vingt-quatre heures à rêver, comment il évi-
teroit de dire ce feroit, à caufe de la reffemblance
des deux premières fyllabes : ce n'eft pas ce que
nou’s conseillons ici.
C A IL L Y ( le chevalier de) ou d'Aceilly, mort
en 1674. On a de lui un recueil d’épigrammes &:
de petites pièces en vers, remarquables par leur
ingénuité.
Une coquette à un joueur.
Mon cher Frère, difoit Sylvie ,
Si tu quittois le jeu, que je ferois ravie !
| Ne le pôurras-tu pas abandonner un jour?
— Oui, ma loe u r , j’en perdrai l’envie
Quand tu ne feras plus l’amour.
-- Va, méchant, tu joueras tout le temps.de ta vie.
C A L
A un mari• v_
Battre une femme de la for te,
Sous tes pieds la lailler pour morte,
E t d’un bruit fcandaleux les voifins alarmer ;
Trf vas paflèr pour' un infâme,
Compere; „l’on fait bien qu’il faut battre une femme > ■
Mais il ne faut pas l’aflommer.
A un parvenu.
De ce lieu Philémon partit à demi-nu;
Bien fuivi, bien couvert, le voilà revenu ;
Je ne le connus point dans cette pompe extrême :•
Eh ! qui ne l’auroit méconnu ?
Il fe méconnoît bien lui-même.
A un fuyant.
Dieu me garde d’être favanc
D’une fcience fi profonde :
Les plus d oéles, le plus fouvent,
Sont les plus fottes gens du monde.
.. A un prédicateur.
Pour nous perfuader fans difeours fuperflus,
Dites-en moins, faites-en plus.
De la pofiéritê.
Vous me prêchez à tous momens
Que la poftérité fera fes jugemens
Sur tout ce qu’en public nous avons fait paroître.
Je m’embarraflè peu de la poftérité
Qui n’eft point aujourd’hui, qui n’a jamais été ,
Et qui pourra bien ne pas être.
CALABROIS ( Mathieu Preti, furnommé le ) ,
né dans la Calabre, l’an 1643 , mort en 1.699^
Comme le Calabrois examinoit, dans une églife
d'Anvers , un tableau de Rubens, un homme
inconnu l’accofta & lui demanda ce qu’il en pen-
foit , le Calabrois loua beaucoup le tableau ,
& dit qu’ il n'étoit venu à Anvers que pour voir
Rubens : cet homme offrit auffi-tôt de le conduire
chez le peintre, qu'il defiroit de connoître ; & en
effet, ils entrèrent tous deux dans une maifon
fort ornée. Plus 1 ç. Calabrois louoit les peintures
de cette maifon, plus l'habitant d'Anvers affeCtait
d'y trouver des défauts. La piaifanterie ayant affez
duré, l’étranger embraffa le Calabrois , & fe fit
connoître pour Rubens.
C et artifte voulut-entrer dans l ’ordre de Malthe ;
il fit fes preuves , ne laiffa aucun doute fur la
noblefle & l’ancienneté de fa famille, & fut reçu
chevalier : il obtint par la fuite une commanderie
C A L si*
confidérable, accordée à fes talens dans la peinture
, encore plus qu'à fa naiffance.
Il paroît que le Calabrois avoit de la bravoure
& fe . fervoit bien de fou épée : un fpadaffin le
défia au fleuret, genre d’eferime où il ctoit fort
habile; & cet exercice fe convertit en un vrai
combat, en préfence’ du peuple romain. Le Spa-
daffin fut blelfé dangereufement, & notre peintre
fortit fecrètement de Rome.
Il s’embarqua pour Malthe: comme il yfaifoit
fes caravanes, un chevalier le critiqua fur fa no-
bleffe, l'obligea, par fes mauvais propos, à fe
battre avec lu i, & reçut une bleffure mortelle.
Cette aventure força le Calabrois de prendre
la fuite. A peine étoit-il rentré dans Rome,
qu'il fe battit avec un peintre qui cenfuroit trop
fortement fes tableaux ; l'ayant blefie, il fut encore
obligé de fe fauver de Rome.
Mais d'un péril, le Calabrois tomba dans ' un
autre ; fa deftinée lui fufeitoit chaque jour de
nouvelles affaires : il fe rendit à Naples , ignorant
qu’il fût défendu , fou$ peine de la v ie , a entrer
dans le royaume de Naples, à caufe de la pefte
qui venoit de ravager les provinces voifines. Les
gardes s’oppoferent à fon paflage ; l’un d’eux le
couchant en joue , 10. Calabrois l’étendit -mort fur
la place, & efij-défarma un autre. Enfin les gardes
de la ville accourant en grand nombre , le faifirent
& le menèrent en prifon. C ’en étoit fait du Calabrois
3 fi le vice-roi, qui connoiffoit fon mérite
, ne l'eût fouftrait à la peine de mort qu’il
avoit encourue , en difant : exceliens in arte non
debet mori ( un excellent artifte doit être immortel, j
C e généreux feigneur fe contenta de lui impofer ,
pour toute peine, la tâche de peindre les faints
protecteurs, fur les huit portes de la ville ; encore
lui donna-t-on cinq cents écus.
Tout le monde aimoit le Calabrois , fa bravoure
ne l’ excitant point à infulter perfonne, félon l’ufage
des tapageurs. Sa converfation, loin d’annoncer
une humeur querelleufe, étoit fort agréable &
foutenue d’une connoiffance parfaite de l’hiftoire
& de la fable. Il devint très-dévot dans fes dernières
années, menoit chaque jour fes elèves à
la méfié , &. étendoit le foir fur fon lit les figures
de la Vierge & de plufieurs faints. On le vit fou-
vent porter des fecours à de pauvres familles :
il ne travaiiioit même dans fa vieiileffe, que pour
être plus en état d’adoucir leur mifère. Quand
on liii repréfentoit que fes infirmités le difpen-
foient de manier le pinceau, il répondoit : ■—
« que deviendroient mes pauvres, fi je ne tra-
» vaillois pas ? » •—
( anecdotes des beaux Arts, y
C A L CU L S . L’ utilité des calculs ne peut être
, conteftée; mais combien de gens fe rendent ri