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Dèfpréaitx de Ton cô'té avoit décoché plufiéurs
épigrammes, mais il en reftoit là $ & on étoit fur-
pris qu'un homme dont on avoit vu toujours la bile
& éçhaüffèr.à larihoindre atteinte que quelqu’un don-
noit au bou geât & à ilaxaîfon, fouffrit tranquillement
les décifions d’un écriv..i.i qui jugeoit les
poèmes d'Ataric , de la Pue il le & de Moyfe fauve,
des chefs d'oeuvre en comparaifon de l‘Iliade,
Sf de V Odyjfée.
Perrault, qui étoit de l’humeur la plus pacifique,
ne pouvoit comprendre .comment fes adverfaires
s'étoient fi fort échauffés pour des poètes morts,
il y avoir deux mille ans.
Il préféroit avec raifon fa tranquillité à toutes
ces querelles littéraires , qui rendent les gens
de lettres le jouet du public , dont ils doivent
être les maîtres. Aufli Te réconcilia-t-il bien fin-?
cérement avec Boileau lorfque celui-ci parut le
defirer.
Gette paix fe fit en 1699, & le fatytique 1?célébra
lui-même par ces vers :
Tout le trouble poétique
A Paris s’en va ceflèr.
Perrault l ’anti-pindarique ,
Et Defpréaux l ’homérique
Confentent de s ’embraflèr.
PERSE, ( Autus Perfius Flaccus) poète latin ,
n é , l'an 34 de Jéfus-Chrift, mort l'an 61 à 2,8
ans.
Perfe reprend fouvent les défauts des orateurs
& des poètes de fon temps, fan«: épargner
Néron même. On cfôit qu'il a voulu défigner ce
prince par ce vers injurieux qu’on.Ut dans la première
ae fes fatyres :
Auriculas afini quis non hahet
Perfe avoit d’abord mis :
Aünculas afitii Mida rex habit.
Mais Cornutus, ami du poète, lui fit fentir le
danger de ce bon mot & le lui fit corriger.
Si l'anecdote eft vraie-, comment peut - on
attribuer à Néron ce vers , Torva mima/loneis
implerunt cornua bombis , & les trois fuivans
que Perfe çite pour modèle d’une poéfie ridi-
dule.
C e dernier trait de fatyre n’étoitTl pas encore
plus fort que le premier, & Néron qui
vouloit régner fur le parnaffe comme dans l’empire
, auroit-il fouffert aifément une pareille infuite
?
Perfe tn mourant laiffa par reconnoiffance à Cor
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nutus fon maître & fon ami, favbibliothèque, eom*
pbfée de fêpt cents volumts, ce qui étoit alors
fort onfidérable, & une-grande fomm? d’argent.
Cornutus accepta les 1 vies , & rendit i'ârgént aux
héritiers du poète.
L'obfcurité qui règne d. ns fes fatyres a fait lire
a quelqu'un, que pu.Tque Perfe ne v< uoit pas être
entendu, il ne vouloir p s 1 < mendié Si non vis
intelligi , me ego vo[o te hntelligere.
PE TRARQUE , ( Français) oéièbre poète italien,
né le 20 juillet 1304, mort le 18 juillet 1374.
L'auteur des nouveaux mémoires pour la vie de
Pétrarque, rapporte la circ^ nftarce qui donna lieu
à la paflion de ce poète , pour Laure.
Le 6 avril 1317 , c'étoit le lundi de la femaine
fainte a la première heure, c.’eft-à-dire, vers les
fix heures du matin ( l’ufage étoit alors dr compter
les heures depuis la pomte du jour) Pétrarque
étant allé faire fes prières à l'églife des religieufes
de fainte Claire-d’Avignon, y vit une dame fort
jeune ., dont la beauté le frappa.
Elle étoit vêtue de verd, fon habit étoit par*
femé de'violettes. Son vifage, fa démarche , fon
air a voient quelque chpfe de célelK ; fi ta 11c. étoit
fine & légèié'i Tes .yeux tendres & brillais, fes
Tour cils noirs comme de l’tbène. Des cheveux couleur
d’or flottoienc fur des épaules plus blanches
que la neige.
L’ or de cette chevelure lui paroiffoit filé S’ tiflii
des mains de. l’amour. Elle avoit ;e col bilci fair &
d'une blancheur admirable. Son teint étoit animé
parce colotis que ia nature & l’arc s'efforcent en
vam d'imiter,.
Quand elle ©uvroit la bouche, on ne voyoit
que des parles & des rofes. Elle aveit de jolis
pieds, de belles mains plus blanches que la neige
& l’ivoire.
Elle étoit pleine de grâces 5 rien de fi doux
que fa phyfionomie, défi mode fie que fon- man-
tien , de fi touchant que le fon de fa voix,
fon regard avoit quelque chofe de gai & de «tendre,
mais en même-temps fi honnête qu'il portoit à
la vertu.
Laure étoit fille d'Audifert de Noves, & fut
mariée à l’âge de dix-huit ans à Hugues de Sade,
feigneur de Saumane.
Elle eut pour fa dot fix mille tournois à 1*0 .
rond, outre cela deux habits complets, l'un verd,
& l’autre d'écarlat*, une couronne, d’argent du
prix de vingt florins d’ô,r , un lie .honnête & tout
ce qui convient à une éppufée fifivant la condition
des perfonnps;
Tous ces petits détails interefferoient moins, fi
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£ la mufe qui infpira Pétrarque n’en étoit l’objet.
Cette mufe étoit chafte & vercueufe.
Laure, contente d'être a:mée de Pétrarque, ne
fouffroit point qu’il lui parlât jamais de fon amour.
Elle le traitoit avec rigueur toutes les fois qu il
entreprenoit de déclarer fes feux , mais quand elle
le voyoit au défefpoir, prêt à fe rebuter, & a
quitter fon _efclavage , elle fa voit le ramener par
quelque faveur légère. Un regard, ungefie, un
mot fuffifoit..
Ce fut par ce manège que Laure fans compro-
; mettre fon honneur, trouva moyen de tenir dans
fes chaînes jufqu'à fa mort arrivée en 1348 , c’efi-
â-dire, plus de vingt ans, l'homme le plus ardent
& le plus impétueux.
On ajoute que Laure étoit du nombre des dames
r qui compofoient la cour d’amour.'
Cette cour étoit une affemblée de femmes de
la première qualité qui ne traitoient que des matières
de galanterie, & qui décidoient gravement
fur ces bagatelles.
Rome renouvella en faveur du chantre de
• Laure ,. l’ufige de couronner les poètes , interrompu
depuis la ceffation des combats capi-
j.tolins.
Pétrarque reçut dans cette capitale la couronne
de lauriers. Il foutint auparavant devant Robert,
roi de Naples, un examen qui dura trois jours,
& fur le témoignage de ce prince qui paftoic
alors, pour le père .& le juge des favans, Pétrarque
Tut couronné.
L'affemblée, pour la cérémonie du couronnement,
fut convoquée le jour dé Pâques 8 avril
H 4 1,
Dès le matin le fon des trompettes annonça
cette efpèce de fête. Pétrarque parut au capitole,
précédé par douze jeunes gens de quinze ans,
chojfis dans les meilleures mailons de Rome; ils
écoient habillés d’écarlate, Sc récitoienc des vers
de Pétrarque.
Le poète revêtu d'une robe que le roi de
Naples lui avoit donnée , marchoit au milieu
des premiers citoyens de la ville, habillés de
verd.
Orfoy comte d’Anguillara, qui étoit alors féna- ■
teiii- de Rome, venoit en fuite accompagné des
principaux du confeil de ville.
Lorfqu'il Te fut mis à fa place, Pétrarque, appelé
par un hérault, fit une courte harangue ,
& cria trois fois : Vive le peuple romain , vive Le.
fenateur, Dieu'lès maintienne en liberté.
La harangue finie , il fe mit à genoux devant le
fénateuï qu;, après avoit Taie û ii petit difcours,
EneyclopédiaiUi.
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ôta de fa tête line couronne de laurier, & la mit
fur celle de Pétrarque en difant : La couronne eft la
récompenfe du mérite,
Pétrarque récita fur les héros de Rome un beau
fonnet qui n'efi pas dans fes oeuvres.
Le peuple marqua fa joie & fon approbation
par des barttemens de mains redoublés, & en criant
a plusieurs reprifes : Vive le capitole & le poète.
La cérémonie achevée au capitole, Pétrarque fut
conduit en pompe avec le même cortège dans l’é-
glife de faint Pierre, où, après avoir rendu grâces
à Dieu de l'honneur qu’il venoit de recevoir,
il dépofa fa couronne pour être placée parmi les
offrandes, & fufpendue aux.voûtes du temple.
La' fête fe termina par une expédition des lettres
patentes, dans lefquelles, après un préambule
rrès-flatteur, il eft dit, « que Pétrarque a mérité.
le titre- de grand.poèce & d'hiftoricn5 que , pour
marque fpé'çiale de fa qualité de poète, on lui a mis
fur la tête une couronne de laurier, lui donnant ,
tant par l'autorité du roi Robert, que par celle
du fénat & du peuple romain, dans l’art poétique
& hiftorique à Rome & par-tout ailleurs la pleine
& libre puiffance de lire, de difputgr3 explique!
les anciens livres, en faire de nouveaux, com-
pofer des poèmes, & de porter dans tous les
aétes la couronne de laurier, de hêtre ou de
myrte à fon choix, & rhab.-t poétique. Enfin .
on le déclare citoyen romain , & on lui en donne
tous les p r i v i l è g e s i
L'abbé du Refnel pénfe que ce fut b:en moins
la vanité qui engagea Pétrarque à accepter cet
honneur, que l'efpérance de trouver fous le laurier
poétique, un fur abri contre les foudres dont,
dans ces temps d’ignorance , lui & 'les poètes fes
confrères étoient continuellement menacés. Il fuf-
fifoït alors de faire des vers pour être fufpeét d’hé-
réfîe ou de magie.
Mais fi le laurier mît Pétrarque à couvert de la
perfécutîon des inquifiteurs, ce fut pour lui un
foible bouclier contre les trai:s d'une infinité de
çenfeurs que la fingularité de cet honneur lui
attira.
Il fe plaint que cette couronne n'ajouta rien
à fa fcience;, & qu'elle augmenta le nombre de
‘ fes envieux : ma:s elle lui fufeita auffi des admirateurs
paftionnés.
Un maître de grammaire qui étoit aveugle,
ayant entendu parler de Pétrarque & du defieia
‘qu'il avoit formé de fubir un examen devant le roi
r- Robert, avant que d’aller à Rome recevoir la
couronne poétique, conçut un violent d:fir de
'^entretenir avec un homme fi rare, & fc mit eu
; route.
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