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pu fléchir par fes larmes, elle lui déclara qu’ elle
ne fe reprochoit que Tes prières, & qu’ elle avoit
vécu avec plus de'fatisfad on dans l'obScurité d’un
tombeau, que lui fur le trône.
Vejpafien étoit parvenu jufqu’à l’âge de foîxan-
te-dix ans fans éprouver aucune incommodité j
mais une violente douleur dans les înteftins qu’il
reffentit alors, fembloit annoncer que fa fin étoit
prochaine. Tout le monde s’inquiétoit à fon fujet,
lui feul paroiffoit tranquille. On débitoic, comme
un préfage de mauvais augure pour le prince, que
le maufolée des Céfars s’étoit tout d’un coup
ouvert « Ce prodige ne me regarde point, dit
Vejpafien : je ne fuis point de la race d’Augufte. »
Une comète ayant paru au ciel avec une longue
chevelure./ il dit gaiement à ceux qui s’en entretenaient
: « Si-cet aftre menace quelqu’un , c’efl le
roi des Parthes qui a de longs cheveux, .& non
pas moi qui fuis chauve«.
Cependant fon mal augmentait tous les jou^s j
il connut lui-même le danger où il étoit, & dit à
fes amis, par une raillerie a fiez fine de l'adulation
des Romains, qui dé fioient leur empereur après
leur mort : Jejens que je deviens dieu. \
Sa maladie ne l’empêcha pas de travailler aux
affairés du gouvernement avec le même zèle &
la même aflîduité. Il répondit aux représentations
qu’on lui faifoiî à ce fufet, qu’/V falloit quun empereur
mourût debout.
On a comparé Vefpafien à Auguftè II fit^ fleurir,
à fon exemple, les arts dans fon empire. Il diftribua
des récompenses aux gens de lettres & auxartiftes
qui s’etoient diftingue's dans leur art. Un jngé-
TÛeur avoit imaginé de fon temps un moyen de
transporter, à peu de frais, au capitale.3 des colonnes
d’une grandeur .énorme. Vefpafien loua
l’invention, & il accorda une gratification à l’aute
u r , fans permettre cependant que l’on fe fervît
de fes machines. I l fa u t, dit-il, que les pauvres
j û ijfint gagner leur vie.
VEUVE.eoNSGXÉE. Autrefois que les femmes
n’aimoient que-leur mari, elles avoient de
la * douleur dé le perdre j mais aujourd’hui la
reffource eft grande, le Sacrement n’eft pas ce
qui gagne lé" pi us l’amitié d’une femme. Une
dame ayant perdu fon époux , fon xonfeffeur
ad. honores vint la voir le lendemain de fon enterrement
; il la trouva jouant au piquet avec
u» jeune homme bien fait : ce confeffeur fuç
fort fur pris : quoi! dit ce bon père, vous venez
de perdre moniteur votre mari, & vous.en
avez iî peu de déplailir ? où eft cette trifteffe
que vous devriez du moins faire paroître? Vraiment,
mon père, répondit cette dame, fi yous
étiez venu une demi heure, p lu tôt, vous m’auriez
vue toute baignée de pleurs ; mais cette
douleur que yoiis me reprochez^fi v ivement,
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j je Ta! jouée contre monfieur, & je la viens de
I perdre.
V I C , ( Dominique de ) mort en 1610.
Dominique de Vie 3 gouverneur d’Anrens, de
Calais, & vice-amiral de France, s'informait
dans tous les lieux où il commandoit, des marchands
& des artifans qui jouilfoîent d’ une bonne
réputation 3 il les vifitoit comme un ami, & al-
loit lui-même les prier à dîner. C ’efl: ce même de.
. V ie , dontl’h;ftoir.e rapporte deux traits bien tou-
chans. Ayant eu en 1586 le gras de la jambe droite
’emporté d’un coup de fauconneau, & ne pouvant
plus monter à cheval , quoique fa bielfure
fût bien guérie , fans refitntir les douleurs les-
pi iis vives , il s’étoit retiré dans fes terres en
Guyenne3 il y vivott depuis trois ans, lorfqu’ il
apprit la mort de Henri III , les embarras où
étoit Henri I V , & Te befoin qu’il avti. de tous
fes bons Serviteurs 3 il fe fit couper la jambe ,
vendit une partie de fon bien , alla trouver ce
prince, & lui rendit des Services fignalés à la bataille
d’ivri & dans plufieurs autres occafions.
Deux jours après TafTafïîtint de ce bon ro i, de
Vie paffant dans la rue delà Ferronnerie, & regardant
l’endroit où cet horrible attentat avoit
été commis, Tût fi faifî de douleur, qu’il tomba
ptefque mort, & mourut le lendemain.
VIEILLARD. Que refte-t-il à un vieillard de
la vigueur de fa jeuneffe & de fa vie paffee Un
Soldat caiîé de fatigues & chargé d’années, vint
un jour demander à Céfar congé de fe faire raaur
rir : » tu penfes donc être en v ie , répondit C é far
2 » '
Vieilleffe eft maladie , & maladie eft vieille
ffé.
Rabelais dit en Ton almanach ^ que vieilleffe fera,
incurable cette anhée à caufe des années paffées.
Caton le cenfeur , voyant un vieillard de mau"
vaife vie : — » mon ami, lui dit-il ,1a vieilleffe,
d’elle-même , eft allez laide y n’y ajoutez pas
, celle du vice.
Un vieux gentilhomme s'entretenait avec uti
de fes anciens amis fur quelques anciennes avan-
tures qu’ils avoient eues en Semble . : Oh mort
arrii-3 lui dit-il, c’étoit-la Le bon temps ! Oui3 répliqua
l’autre, mais nous n étions pas alors auJ]S
-, 'tranquilles que nous le fommes aujourd’hui.
Le cardinal d’Armagnac, évêque deRhodez,
\ faifant fa vifite dans fon diocèfe l'an 15 ja, trouva
/ un befti vieillard en la caducité de fon âge, qui
' pleuroit fur le feuil de fa porte, & s’étant en-
quis de la caufe de fes larmes, il répondit que
c’étoit de douleur, de ce que fon père l’avoit
: battu. Le cardinal étonné d’entendre qu’il avoit
encore fon père, lui demanda pourquoi il l’avok
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Battu ; c*eft , répondit le bon homme , parce -
qije j’ ai pâlie devant mon grand père fans le fa-
luer. A ces mots le prélat fut fi Surpris;, & en
même temps fi touthé, qu’il fe mit à pleurer,
& voulut voir ce prodige. Etant donc monté
dans une .chambre , il trouva deux vieillard.* >
dont.l’un ne fe pouvoit remuer , & l’autre, quoi-
qu’extrêmement vieux , paroiffoit néanmoins être
dans fa jeuneffe, en comparaison de celui qui
étoit fon père«
Un jeune fpartiate voyant des hommes qui fe
faifoient porter à la campagne, dans des litières ,
s’écria : à Dieu ne phife qu,e je fois jamais affis
en un lieu d’où je ne puiffe me lever devant un
yieillardl . '
Jamais la vieilleffe n’a été plus honorée que
par les fpavtiates 3 aufîi le Lacédémonien Lyfan-
dre diloit, que la vieilleffe n’avoit nulle part de
domicile fi honorable qu’ à Sparte. Un vieillard
cherchoit une place aux jeux Olympiques, &
perfonne ne fe dérangeoit 3 il ne fut pas plutôt
au quartier des/ Lacédémoniens , que 'tous les
jeunes gens fe levèrent par refpeét 3 ce qui ayant
été reçu avec de grandes acclamations : grands
Dieux! s’écria ce vieillard, tous les grecs cor.-
no.ffent la vertu, mais il n’y a que les Lacédémoniens
qui-la pratiquent!'
On n’à pas oublié la réponfe d’un vieux gentilhomme
de la cour de Louis X IV au jeune monarque
, qui lui demandoit lequel il préfëroit de
fon fîècle bu de celui-ci « Sire j’ai paffé ma
jeuneffe à refpeéter les vieillards , & il la ut que
je paffe ma vieilleffe à refpeéter les enfans ».
Patrix étant , revenu d’une extrême maladie à
quatre-vingts an's , & fes amis s’en rejouiffant
avec lui, & le conjurant dé fe lever : « Hélas,
meffieurs, leur dit il, ce n’ eft pas la peine de fe
r’habdler. ■ i
Le chevalier Gafcoin, dont parle Wilcherü dans !
une de fes lettres, avoit é té , pendant fa jeu- j
neffe, fort bien venu des femmes. Pour fe procurer
cette même Satisfaction étant vieux , il ‘
s’ avifa de mener toujours avec lui un jeune homme
3 fi je me préfentois feul chez les dames ,
difoit-il à fes amis, elles ne manqueroient pas de
me refufer la porte, uniquement, parce que mes
vifîtes feroient fans conséquence.
Philippe Herbelot, né à Doulerans le Château ,
étoit âgé de.neuf ans, lorfque Henri IV mourut.
Il fervit plufieurs années fous le règne de
Louis XÏII , reçut plufieurs bleifures dans différentes,
allions, & parvint au grade de premier
fergent de fa compagnie. Il quitta les armes pour
s’établir à Châteaudun où il exerça le métier
de fellier jufqu’à la cent deuxième année de fon
âge.
V I I P33
Moniteur de Vendôme revenant de l’armte ,
fut obligé de s’arrêter à Châteaudun parce que
fa voiture s’étoit rompue. On s adrefla à la boutique
du vieillard Herbelor pour la'remettre en
état. Lorlqu il fut que cette voiture appartenoit
à monfieur de Vendôme , il voulut y aiier lui-
même, quoiqu’il eût deux compagnons. Tandis
qu’il travailloit, quelqu’ un de ceux qui ^toiènc
préfetis, inftruifit monfieur de Vendôme du grand
âge de ce bon vie illard. Ce Se geeur lui ntpiu-
fieurs queftions. Herbelot y répondit avec beaucoup
de gai été & dé bon Lns. Moniitur de Vendôme
fort fatisfait, lui promit de pa; 1er au 101
en fa faveur.
Un an après , le marquis Dangeau qui avoir
des terres aux enviroqs de Châteaudun 5 tut-
chargé de le faire venir à la cour : il lui avoit
mandé de choifir une Voiture commode, mais
le bon vieillard fe contenta de prendre un cheval
pour porter forr petit bagage, & fit le voyage
à pied, accompagné de fon fils : H fe rend.t à
Marly chez le marquis Dangeau, qui le préfenta
a Louis XIV. En abordant fa maiefte, il mit un
genou en terre ; le roi lui préfenta lui meme la
main pour le re’ever , lui fit beaucoup de quéf-
tions fur fa vie à l armée & ailleurs 5 fa majefte
l'engagea à prendre un établilfement à Paris
& lui dit de revenir à la^cour. Tant que vécut
ce monarque, il daigna prendre foin de ce bon
vieillard.
En fortant de chez le roi , il fut préfenté aux
dames qui avoient demandé à le voir ; madame
la dauphine coupa de fes cheveux pour en faire
un bracelet, d'autres dames en voulurent faire
autant : » Tout beau, mefeiames , S’écria plaisamment
le vieillard, cela n’eft permis qu’à madame,
» Quelqu’un lui ayant demandé s’il avoit
l’ouïe bonne 5 il répondit : » J ’entends fort bien,
quand on me dit , tiens ; mais je fuis fourd ,
1 quand on me d i t , donné *>.
A l’avénement de L o n V X V au trône, il alla à
Vincennes , accompagné de fon fils. Il étoit pour
lors âgé de cent quatorze ans. Il eut l’ honneur
de complimenter le maréchal de Villeroi, dont
il étoit connu , & qui fe chargea de le-présenter
à fa majefté , ce monarque lui alfura fur fa
.cadette une penfion viagère, dont une parti#
retourna à fon fils : » Quel bonheur , s’ écria-
t - il dans les tranfpo'rts de fa reconnqiffance ,
d’avoir eu l’avantage de voir les quatre derniers
rois de France 5 j’ai là confolation de voir le
commencement du règne de Louis X V , ce qui
met le comble à mon contentement! 11 ne me
telle après cela rien à délirer au monde 5 faffe
le ciel que les jours du jeune roi fe multiplient
beaucoup au - delà des miens , que- la
cours de fes années' Soit tilfu de toute forte da
bonheur & de gloire 5 qu’enfin il termine fa «axi