
faire une lui-même , en ne peignant que les dames 1
qui lui paroiffoient les plus belles;
M. le diic d’Or! éans , - depuis régent du
royaume , venoit fouvent le voir travailler à cet
ouvrage 3 prit du goût pour la peinture , &
voulut être un de fes élèves.
Pour prémices des dons qu’il lui deftinoit, ce
prince commença par lui envoyer un carroffe
attelé de très-beaux ’chevaux , & accompagna ce
magnifique préfent d’une penfion de cinq'cents
écus j pour l’entretien de l’équipage.
Coypel, ayant eu quelques fujets de mécontentement
, étoit tenté d’accepter les offres avan-
tageufes qu’on lui faifoit en Angleterre ; lorf-
qu’une voiture entièrement fermée s’étant afrêtee
à fa porte , on vint lui dire qu’ un de fes amis, qui
ne pouvoit defcendre de cette voiture, demandoit
à lui parler. Il y courut aufli-tôc 5 & quel fut
fon étonnement, de reconnoître la voix du prince
fon bienfaiteur , qui, le menant dans une promenade
folitaire, daigna employer les ra;fonne-
mens & les repréfentations pour lui perfuader
de ne point quitter la France.
Long-temps avant cet événement fi glorieux
pour Antoine Coypel} mademoifelle , fille de
Gafton , duc d’Orléans., lui ordonna de peindre
un plafond à Çhoify. La princefie, quis’amufoit
à voir les progrès de cet ouvrage , reconnut que
le jeune peintre avoit l’efprit orné, & voulut
qu’il eût l’honneur de fe joindre à fa cour aux
heures des promenades. Souvent'même cette prin-
ceffe le faifoit appeller pour lire auprès d’elle ;
parce qu’il lifoit de fgçon à rendre plus fenfibles
les beautés d’un ouvrage, & à faire illufion fur
les endroits foi blés. Un jour que mademoifelle
lui faifoit lire les mémoires de la minorité de
Louis X IV , il fè trouva dans un étrange embarras
, voyant qu’il touçhoit à l’endroit du livre
où le canon de la baftille ne devoit pas être ou-
blié. Il feignit une extinction de voix. La prin-
ceflfe, qui en pénétra la caufe , fourit, en lui
difant : continuez, tout ce que vous allez lire
eft faux. Malgré cette affurance, il lut ce morceau
avec tant de rapidité , qu’on ne s’apperçüt
point qu’il en fupprimoit un très-grand nombre
de détails.
Louis X IV répandit, aufli fes bienfaits fur
Antoine Coypel, & lui donna des lettres de no-
bleffe. Il arriva .1 Coypel la même chofe qu’à
Molière, & l’on ne peut voir fans étonnement !
que les courtifans, pour l’ordinaire remplis d’ ef-
prit & de goût, n’ofent apprécier le mérite que
d ’après le prince qu’ils encenfent. Coypel a peint
le plafond delà chapelle de Verfaîlles; LouisXIV I
voyant de fa tribune cet ouvrage pour la première I
fois, en trouva les figures d’une proportion trop
grande. Toute la couçjépéta cette1 remarque, &
enchérit encore fur la critique du roi. Le lendemain
Louis X IV appercevant Coypel à, fon petit
couvert, l’appella , & lui dit : — » les figu-
» res de votre beau plafond m’avoient paru trop
» fortes; mais ma critique n’écoit pas jufte : j’ai
» examiné votre ouvrage du bas de ma chapelle ,
» & je fuis convenu que vous euffiez mal fait de
» les peindre plus petites «. — Ce trait fait le
plus grand honneur à Louis X I V , & achève de
mettre dans tout fon joui: le caractère des courtifans
, qui ne manquèrent pas de chanteE la palinodie
, & de trouver le plafond admirable.
Antçine Coypel auroit pu être aufli-bon poète
qu’il étoit excellent peintre; nous avons ae lui
une a fiez longue pièce de vers, intitulée : Epitre
a mon fils , fur la peinture. Il eft étonnant que cet
ouvrage ne foit pas plus connu. La modeftie de
Coypel l’avoit condamné à refier toujours dans
fon porte-feuille ; mais il ne put fe défendre de
le montrer à Boileau , avec lequel il étoit intimement
lié , qui le preffa de le faire imprimer, &
lui dit même d’inférer dans la préface, que Boileau
l’avoit engagé à publier fes vers.
C O Y P E L , ( Charles ) fils d’Antoine Coypel,
né à Paris l ’an 1694, mort en 1752.
Le régiment de la calotte a fait beaucoup de bruit
en France, vers l’année 1710. Sous prétexte d’enrôler
des fujets dans ce régiment chimérique , des
perfonnes d’efprit compofoient des brevets très-
plaifants , qui n’étoient autre chofe qu’ une critique
maligne de ceux qu’on vouloit tourner
en ridicule,, Charles Coypel fut reçu dans ce fameux
régiment, fans y avoir brigué de place.
Antoine Coypel, voyant fon fils déclaré fécond
peintre du régiment, crut qu’on le défignoit
lui-même tacitement pour le premier. Il alla fe
plaindre au duc d’Orléans, régent du royaume,
qui ne trouvant rien de criminel dans une plaî-
fanterie,lui confeilla, en badinant, de s’adreffer
plutôt au généraliflime du régiment. —■ » Monfer-
»3 gneur, répondit C oypel, fi votre alteffe royale
33 ne me rend jufiiçe, je fuis tellement déshonoré,
»> qu’ il faut que je forte du royaume — Bon
voyage, lui dit Te prince en riant ; & c’eft tout
ce qu’il en put tirer. •
CR A TE S , philofophe grec & dîfdple de
Diogene le cynique; il vivoit vers l’an 328avant
Jefus-Chrift.
~ Cratès, facrifia les avantages de la naiffance &
de la fortuné à la’ pratique de la philofophie
cynique. Sa vertu etoit auftere & fort confédérée
; mais il de cette efpece d’autbtitô
publique, que pour rendre fes concitoyens
meilleurs.
Ayant reçu l ’argent de fon patrimoine, qui
étoit confiderable, il le dépofa entre les mains
d’un banquier, avec ordre de le remettre à
les enfans au cas qu’ils néglîgeaffent la philofophie
; car, difoit - i l , s’ils font philofophe:, ils
n’en auront pas befoin.
Quoiqu’ilfût fort laid & tout contrefait, U infpira
la paflion la plus forte à Hipparchie : on avouera
ic i, en l’honneur de fa philofophie , fqu’il fit tout
ce qui dépendoit de lui pour détacher une femme
d’ un goût un peu délicat. Il fe préfenta un jour
tout nud devant fon amante, & lui d it , en
lui montrant fa figure contrefaite : Voilà l’époux
que vous me demandez ; & , jettant à terre fon
bâton & fa beface : Voici tout fon bien. Hyp-
parchie perfifta dans fa réfolution, époufa fon
cynique bolïii, & prit l’habit de philofophe.
.Alexandre lui ayant offert de rebâtir Thèbes
fa patrie : Que m’importe 3 lui répondit Cratès;
un autre Alexandre viendroit peut - être encore la
détruire. La philofophie, ajoutoit-il, eft ma patrie
fur laquelle la fortune n’a point de prife.
Lorfqu’on lui demandoit de quoi lui fervoit
la philofophie : A me contenter de peu, a vivre
libre & heureux.
Il ne fe vengea d’un foufilet qu’il avoit reçu
d’un certain Nicodromus, qu’en faifant écrire
au bas de fa joue enflée du fouffiet : 35 C ’ eft la main
»3 de Nicodrome , Nicodromus fecit a : allufion.
piaîfafite à l’ufage des peintres.
On ne doit point oublier la réponfe qu’il fit
à celui qui lui demandoit. jufqu’à quel temps il
VOuloît philofopher? Jufqua ce que ce que ce ne
foit plus des aniers qui conduifent nos armées.
CR É AN C IE R S . Le baron d’Efcoutures, dont
nous avons une traduction de Lucrèce, ayant
appris que fes créanciers avoient obtenu une
fentence contre lu i, & qu’ ils avoient deffein
d’exécuter fes meubles , les fit enlever une nuit
fans qiie perfonne s’en apperçût. Un huiflier vint.
un jour après, qui, ne trouvant perfonne, fit
ouvrir les portes par un huiflier, en préfence d'un
commiffaire ; mais ils furent très-étonnés de ne
voir que les quatre murailles, fur une defquelles
çtoient écrits ces quatre vers.
Créanciers , maudite canaille,
Commiffaires , huiffiers & recors ,
Vous aurez bien le diable au corps
Si vous emportez la muraille.
Miftïifs - W-s, jeune veuve d’Hampshire, inquiétée
par fes créanciers, hors d’état de les
fatisfaire, fe fer v it , il y a quelques années, d’un
ftratagême affez plaifant pour fe mettre à l’ abri de
leurs pourfuites. Elle fe para un matin plus qu’à l’ordinaire
, & feignit d’aller voir une de fes foeurs,
établie à Th-ham. Elle en prit réellement le chemin
; elle renconr-a un pauvre voyageur dans le
plus pitoyable équipage : elle l’invita fans façon
à fe rafraîchir avec elle ; celui-ci fe garda bien de
refufer; ils s’aflirent enfemble fur le bord du chemin
, la dame tira un flacon de fa poche & quelques
provifîons, dont ils mangèrent l’un & l’autre
avec appétit. En caufant de chofes indifférentes,
elle lui demanda s’il étoit marié, & apprenant
qu’il ne l’étoit point, elle lui offrit un habillement
honnête & décent s’il vouloit l’époufer en
paflant & continuer fon voyage. L’homme n’héfita
point; Miftrifs- W-s le conduifit chez elle, fe
pourvut des difpenfesnéceffaires, & leur mariage
fut célébré le lendemain matin en préfence de
quelques-uns de fes parens. Les époux fe Réparèrent
auflî-tôt, Miftris remercia fon mari ; l’équipa
de pied én cap comme elle l’avoit promis
, & lui donna quelques guinées. Enfin je
fuis parvenue à mes fins, dit-elle en lui faifant
fes adieux : grâces au ciel je puis à préfent braver
mes créanciers (1). Que le ciel vous conferve,
répondit le mari, & qu'il iui.plaife de me faire
rencontrer une autre femme dans uneparoiffe voi-
lîne.
CREBIL LON > ( Profper Joliot de ) poëte
tragique français , né à Dijon , d'un greffier en
chef de la chambre des comptes, le 1 y février
1674, mort à Paris le 17 juin 1762 ; il fut reçu
de l’académie françaifeen 17 3 1 , & fit fon remerciement
en vers.
Crébillony que fés contemporains ont comparé
aux Cornei les & aux Racines , s’efl:
principalement diftingué de ces illullres tragiques ,
par fes fuccès à peindre la terreur , Lame des
tragédies grecques & des fiennes. Son coloris a
quelque chofe de fombre & de fublime en même-
temps. Sa verfification eft mâle , rapide , ferrée ;
fon ftyle plein de force & de nerf ; mais cette
force dégénère quelquefois en dureté , toujours
préférable néanmoins à cette molltffe de diction,
que reclame l’élégie. Tous ceux qui ont vécu
aveç cét illuftre poète, le dépeignent comme un
homme fimple, modefte, officieux , d’un caractère
un peu impatient néanmoins fort doux ;
qupiqulii eût l’air férieux & même affez mélancolique,
il étoit très-gai & déplus badin , fur-
tout avec fes amis particuliers ; mais il haïffoit
l’épigramme & je la permettoit rarement ; lorf-
qu’il lui en échappoit elles éçoient du ton de
' ; ( i) Cfeft une coutume en Angleterre, qu’un mari
réponde feul des d ctt^de fa femme.
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