
-1S A C T
facrifia Racine au Comte de Clermont-Tonnerre j
ce qui a donné lieu au quatrain fuivant :
Au tendre amour elle fut deftinée,
Qui prit long-temps Racine dans fon coeur ;
Mais, par un infigne malheur,
£ e Xonnerre eft venu qui l’a déracinée.
C e t aStrice avoit la voix belle & des plus fo-
fiores j quand elle déclamoit , fi Ton eût ôuvert la
loge du fond de la falle , fa voix auroit été entendue
au-delà delà rue, ' dans le café de Procope.
Mademoifelle Lecouvreur 3 célèbre actrice du
théâtre françois 3 morte en 1730* déclamoit avec
beaucoup de noblefle. Un feigneur étranger la
voyant repréfenterElifabeth dans le Comte d’EJfex 3
fut fi frappé de la dignité de fon jeu, qu'il dit : j'a i
yu une reine parmi des comédiens.
Comme on différoit la repréfentation d'une
pièce allégorique à la foire Saint-Germain , on demanda
au directeur du fpeétacle ce qui caufoit
ce retardement ?
« C'eft 3 répondit-il j que mademoifelle Ross
fette , qui devoit repréfenter dans la pièce le
?» rôle de la Vertu 3 vient d’accoucher, & qu'on
» attend qu'elle foit rétablie ». Cette réponfe , qui
fe répandit dans le public , fit fupprimer le rôle de
la vertu à l'opéra comique.
Mademoifelle de Laguerre fe livroit volontiers
-aux plaifirs de la table & de la boiflon : jouant un
jour à l'opéra le rôle d’Iphigénie en Tauride 3 un
plaifant du parterre feignit d'ignorer quel perfon-
fonnage elle repréfentoit. « Mais c'en: Iphigénie
» en Tauride j lui dit un de fes voifins. — Ditesdonc
Iphigénie en Champagne jj.
On difoit d'une aétrice qui étoit allez bonne ;
mais fort laide : « ona beau l'applaudir 3 elle fait
09 toujours la mine ” ,
M- le duc d e . . . . au fortir d’une repréfentation
, fuivit une actrice qui venoit d'y jouer un rôle.
On en fit compliment à la mère de la demoifelle.,
qui répondit : « En vérité , Monfieur, vous faites
39 trop d'honneur à ma fille : M. le duc ne lui a
»9 encore fait que des politefles de foyer ».
. Mademoifelle A . . . . première chanteufe de
l'académie de mufique 3 rencontra un jour fur
l'efcalier du théâtre une très-agréable chanteufe
des choeurs , qui tenoit par la main une petite
fille : « Mon Dieu, le joli enfant ! à qui eft-il ,
» mademoifelle , dit la première aStrice ? — A moi,
99 mademoifelle , répondit la fubalterne. -r Mais ,
99 ajouta l'héroïne du chant, il me femble que
99 vous n'êtes pas mariée ! — No n , mademoifelle,
?9 reprit vivement la chanteufe des choeurs 5 mais
p je fuis de l'opéra ».
Jvladeipoifellç de R . , . . de l'opéra , aY.pit
A C T
époufé M. le comte d e . . . . & difoit de fon
mari, il eft doux comme un agneau. Quelqu'un
répliqua : oui 9 c’eft Vagneau de Dieu qui ôte les
pêchés du monde.
On jouoit Britannicus fur un théâtre de province
3 Y actrice chargée du rôle d'Agrippine,
manquant de mémoire ou de bop-fens, au lieu
de dire :
Mit Claude dans mon l i t , & Rome à mes genoux»
dit :
Mit Rome dans mon l i t , & Claude à mes genoux.
Une autre dans le rôle de Camille, de la tragédie
des Horaces, au lieu dedire :
Que l’un de Vous me tue , & que l’autre me venge,
d it, •
Que l’un de vous me tu e , & que l’autre me mange.
On rcprochoit à la Denelle, actrice fort fpiri-
tuelle, à un fouper où étoit le préfident fon amant,
de n'avoir rien dit de divertiflant pour le préfident.
Voudriez-vous, dit-elle, que j'euffe ennuyé le refte
de la compagnie pour le divertir lui feul.
Un actrice nouvelle, qui jouoit à Londres le
rôle de lady Anne dkns la tragédie de Richard I I I ,
ayant répété ce paflage : ah ! quand aurai je un pe u
de repos ? Un de fes créanciers qui étoit dans ,1a
galerie s'écria : jamais , f i vous ne me paye£ pas les
trente fchelins que vous me deve%.
Mademoifelle Woffington, actrice excellente
dans le tragique, morte peu après M. Berry, emporta
les regrets- de tous les honnêtes gens. L'armée
britannique d'Allemagne lui fut redevable ,
pendant la dernière guerre, de la foüfcription volontaire
établie à Londres , & dans plufieurs villes
du Royaume, pour lui procurer des foulagemens.
Le produit de cette foüfcription copfidérable a été
employée à lui fournir un nombre fuffifant de gilets
& de fduliers, qu'un hiver rigoureux lui ren-
doit très-nécelfaires. Mademoifelle Woffington a
fait légataire univerfel un officier général.
Les faftes de la fcène françoife atteftent auffi, par
d'illuftres preuves, que les favoris de Mars font
chers aux filles de Melpomène.
C'eft. cette demoifelle Woffington qui, fortafl
de jouer un rôle en homme, d i t , ent rentrant au
foyer : en vérité, la moitié du parterre vient de me
prendre pour un homme, A quoi cela fert-il, lui
répondit malignement une. comédienne, fi l'autre
moitié du public fait précifément le contraire ?
On peut évoquer ici" les mânes de la célèbre
! mademoifelle Oldfielh, morte en ' 1730 ? &r en-
| terrée dans l’abbaye de Weftminfter. Elle fut ex-
pofée pendant deux jours fur un magnifique lit de
parade. Ses obfçques fe firent avec autant de
pompe
‘17
T Le Boileau anglois , l'immortel Pope , nous a
yepréfenté mademoifelle Oldfield comme la personne
de fon temps qui avoit porté le plus loin le
luxe & la fenfualité j. il lui fait tenir le difcours fui-
fvant, dans le moment de fon agonie, où il fup-
pofe qu'elle portoit fes vues au-dela du trépas,
8c qu'elle étoit alarmée de l'abandon où feroit fon
korps, dont la parure avoit fait un de fes foins
/principaux.
! « Quelle horreur.!. . . .unlinceul de laine , ah!
•cela me révolte. Préparez , dit-elle à fesfemmes,
înies dentelles les plus précieufes, mon linge le
plus beau $ leur fecoürs rendra quelque vie à ce
çofps , à ce teint, que leur chaleur naturelle aura
’quitte : fur-tout que le rouge ne me Toit point
épargné. On ne peut fouffrir l'idée d'être laide ,
même après la mort ». Tels furent, dit Pope, les
^derniers mots qui fortirent de cette bouche char-
«imante.
à. C e fut à l'occafiôn de la mort de mademoifelle
Lecouvreur , célèbre attrice françoife , à qui on
jrefufa lés honneurs delà fépulture , que M. de
Voltaire fit une pièce de v e rs , dans laquelle il rappelle
ceux que l'on rendit en Angleterre aux mânes
de mademoifellè Oldfield.
Aéleurs des petits fpectàcles.
Le fieur Moreau, connu fous le nom de petit
arlequin ,. à caufe de fa très-petite taille, joua un
rôle fingulier dans une fête donnée à Chantilly,
il y a plufieurs années , par le prince de Condé j
il lortit d’un ananas qu’on avoit fervi fur la table,
& chanta les couplets fuivans en s'adreflant aux
vdames :
Sur l’air : Ilfaut, quand on aime une fois.
Sous différens traits tour à tour
J’ai paru pour vous plaire j
Mais à vos regards en ce jour
Je m’offre fans myftère :
Reconnoiffez en moi l’Amour
Qui cherche ici fa mère.
Mais dans mon 'coeur en ce moment.
Je fens un trouble naître.
Ici chaque objet eft'charmant ,
Ah ! que le tour eft traître !
x Maman, maman, maman, maman,
■' Comment vous, reconnoître?
Hncyclopédiana.
A C T
Vous refufez de m’éclaircir ,
Et caufez mes déroutes ;
Oh ! mon embarras va finir.
Mais vous formez des doutes :•
Hé bien ,: je vais vous en punir,
Je vous adopte'toutes. '■
Le fieur Dorvigni, un des afteurs de ces petits
fpeétacles, fut appellé dans une fociété 5 & comme
on lui connoît 1e talent des impromptus, on lui
demanda un quatrain fur le nom du roi. Mais,
dit-il, il y a cinq lettres dans Louis. — Eh bien ,
faites,répondit-on en riant,un quatrain en cinq vers.
Voici le cinquième vers qu'il compofa fur-le-
champ :
Son image eft par-tout, excepté dans ma poche.
'Lè fpè&acle de V Ambigu comique venoit d'être
tranfporté dans la falle des Variétés fur le boulevard
, on jouoit la Matinée du comédien ; & dans
une fcène où lès deux perfonnages doivent s’affeoir,
il ne fe trouva qu'ilne chaife fur le théâtre. - Le
fieur Talon eut la préfence d'efprit de .dire à fon
interlocuteur, en lui préfentant fa chaife : « excu-
99 fez 5 nous ne faifons que d’emménager 99.
A fteurs de fociété.
Des acteurs de fociété répétoient chez M. de
Voltaire la tragédie de Mahomet. Une jeune per-
fonne de quinze ' ans , très-jolie & très-interef*
fante , joüoit le rôle de Palmirey mais elIe"etoit
fort loin de mettre, dans les imprécations contre
Mahomet, la force & l’énergie qu’exigeoit la
fituation de fon perfonnage. M. de Voltaire ,
pour lui montrer combien elle s’écartoit du fens
de fon rôle , lui dit avec douceur : « Mademoi-
99" {elle, figurez-vous què Mahomet eft un impof-
» teur , un fourbe , un fcélérat , qui a fait poi-
99 gnarder yôtre père , qui vient d’empoifonner
99 votre frère , & qui, pour couronner fes bonnes
1 » oeuvres, veut abfolument coucher avec vous*
j 99 Si tofit ce petit manège vous fait un certain
J9 plaifîr, vous avez raifon de le ménager comme
99 vous faites 5 mais fi cela vous répugne à,., un cer-
» tain point, voilà comme il faut s’y prendre 99.;
Alors M. de Voltaire joignant l'exemple au précepte
, répéta lui-même ^l'imprécation, & vint à
bout de la faire rendre parfaitement par la demoi-
felle.
Une dame pafloit la plus grande partie de
l ' année à la campagne , & y jouoit régulièrement
la comédie ; mais fa troupe, comme la plupart de
celles de fociété, étoit fujette à fe compofer différemment,
fuivant les liaifons qu’elle formoit à
Paris pendant l'hiver. « Je me fouviens (dit l'auteur
des mélanges (M. le Marquis de P ...) de
l'avoir vue, durant .un é té , très-engouée d'un
jeune homme, d'une charmante figure , qui