
S'étant spperçu que les jeunes^ feigtiturs de la
nouvelle cour cherchoient à lui donner des ridicules,
il dit au roi Louis XIII , :en entrant au
cabinet : « Sire, quand le-roi votre père, de glorieufe
m mémoire, me faifoit l'honneur de me^ con/îil-
*» ter, nous ne commencions à parler d affaires ,
» qu'au préalable on n'eût fait paffer dans 1 anti-
» chambre les bàladins & bouffons'de cour ».
GRENADIER. Lors du fiège de Phiiisbourg,
îa tranchée étoit inondée, & le foidat y marchait
dans l'eau plus qu'à demi-corps. Un très-jeune
officier, à qui fon âge ne permettoit pas d’y marcher
de même , s'y faifoit porter de main en main. '
Un grenadier le préfentoit à fon camarade, afin
qu'ii le prît dans fes bras : mets-le fur mon dos,
dit celui-ci, du moins s'il y a un coup de fufil à.
recevoir, j:e le lui épargnerai.
Dans la guerre d’Allemagne, un grenadier fran-
çois marchant à l'attaque d’un fort, appelle un
v i v a n d i e r f e faît.donner un verre d'eau de-vie.
Il fe difpofe à le payer , lorfqu'un boulet de
canon frappe & tue le marchand. — Eh quoi !
morbleu 1 le roi de PrüfTe veut me payer le bran-
de-vin ? A fa fanté* Il boit j & monte à l'àffaut.
Les françois aflîégeoïent une place. L'officier
qui les commandoit fit propofer aux grenadiers
une fomme confidérable pour celui qui, le premier,
placeroit une fafeine dans le folle expofé
à tout le feu des ennemis. Aucun des grenadiers
ne fe préfenta. Le général étonné leur en fit dés
reproches. Nous nous ferions tous offerts, lui
dit un de ces braves foldaïs, fi l'on n’avoit pas
mis cette aéfion à prix d’argent.
M. de Boufflers, qui défendoit Lille, fe trouvant
en peine de favoir quelle étoit la manoeuvre
des ennemis dans un quartier des fortifications,
que deux feux croîfés rendoient extrêmement dangereux,
demanda deux ou trois braves pour en
faire la découverte. La mort paroifibit certaine
pour quiconque vouloit en tenter les rifques, On
fut longtemps fans répondre, quoique le général
promît une récompenfe proportionnée à la har-
dieffe deTadion. Enfin, un grenadier fe.préfente,
qui s'adreffant à M. de Boufflers, lui dit : mon-
feigneur, me voici, que faut-il faire ? Mais, mon
ami, répond le général, étes-Vous prévenu des
dangers auxquels va vous expofer votre bravoure ?
O u i , monseigneur ; mais un homme de mon état,
ne doit appréhender que de manquer à fon devoir.
Si je meurs dans cette affaire, l'état ne perd qu’un
homme i fi je réuffis à découvrir les opérations
des affiégés \ le fuccès de nos armes en fera
peut-être plus rapi.de. Partez, généreux guerrier,
répond le général, & comptez^ fur toute ma re-
- connoiffance. Le grenadier, après fon inftrudion,
fe rend fur les lieux, & malgré le feu de mouf-
Aueterie de? ennemis, parvient à arracher un gabion,
fe retire, & retourne vers le maréchal,'
qui le croyoit mort. Auffi-tôt qu’il fe préfente,
M. de Boufflers Tembrafle, & lui fait compter
dix louis. C'étoit une fortune pour un grenadier>•
mais celui ci-les ayant ramaffés , les rendit au
fecrétaire, en difant ; monfeigneur , ces fortes
d'adions ne fe font pas pour de l’argent. Vous
avez raifon, répondit le général, & la cour re-
•.connoîtra tour autrement l’importance de ce fer-
vice. Quelque temps après, il obtint du miniilre
le brevet de lieutenant ; récompenfe flatteufe dans
un' état où l'honneur eft le premier mobile des
belles adions.
GRESSET, (Jean Baptifte-Louis) né en 1709 J
mort en 1777.
Grejfet étoit jéfuîte lorfqu'il compofa fon poëmé
de Vert vert, que tout le monde connoît. L'éclat
que fit ce poème plein de fel,"de facilité 8c de
grâces , l'obligea de quitter fon ordre.
Il fît admirer la fécondité 8c l'agrément de fa
verve poétique dans différentes pièces, fur-tout
dans VEpître au P. Bougeant, les Ombres , XEpître
fur fa convalefcencë, Sidnei , comédie} mais fur-*
tout dans le Méchant, comédie en cinq ades, jouéç
avec grand fuccès en 1747 : c’efl une des pièces
les plus agréables, où il y a un grand nombre d$
vers qui font devenus proverbes.
A flSih retour d’Angleterre, J. J. Rouffeatï
paffant par Amiens, où Grejfet s’étoit retiré, lui
rendit une vifite. Grejfet voulut le fonder fur 1 hif-
toire de fes malheurs , 8c n’en put retirer que
cette réponfe : « Vous avez fu faire parler un
» perroquet, mais vous ne fautiez faire.parler
» un ours».
G R IM A LD I , furnommé Jambe-de-Fer, dan-
feur italien, le plus intrépide cabrioleur que l’on
I ait v u , débuta à l'Opéra - Comique de la foire
.Saint - Germain 17 4 1, dans le divertiffement du
Prix de Cyth'ere, par une entrée de matelot turc.
Il avoit parié qu'il s'élèveroic à la hauteur des
luftres; ce qu'il exécuta} & du coup qu'il donna
dans celui du milieu, il en fit fauter une pierre
au vifage de Mèhémet Ejfendi, ambaffadeur dé la
Porte, qui étoit dans la loge du roi. Lorfque
Méhémet fortit du fpeélacle, Grimaldi fe préfenta
devant lui, dans l’efpoir de quelque récompenfe;
mais il fut rofle par les efclaves de l'ambaffadëur,
qui prétendoient qu'il avoit infulté leur maître, &
manqué de refpeél à la hautelfe ottomane.
Quelques jours après, Jambe-de-Fer annonça
qu'il danferoit une entrée de nain furprenante. >11
s'étoit fait faire un turban d’une-groffeur énorme,
qui renfermoit fa tê te , fa. poitrine & fes bras :
deux autres petits bras poiliches étoient attachées
à fes hanches 5 & fur fon ventre nud, étoit peint
tin vifage de nain, qui changeoit de phyfîonomïe
félon le mouvement des plis de fa peau. On l'empêcha
de paroître devant le public en cet état ; &
comme il infilloit, en faifânt beaucoup de bruit,
l ’exempt de la foire l’envoya coucher en prifon. Il
n'y eut point d'entrée de nain.
Jambe-de-Fer avo’t pour danfeufe fa femme, fa
fille ou fa foeur , tout ce que l’on voudra 3 car on
n’a jamais pu débrouiller leur degré de parenté.
C ’étoit une nymphe trapue, qui lui difputoit en
vigueur 8c en agi ité le prix de la.gargouillade.
C 'e ff, fans doute y à ce couple merveilleux, que
nos danfeurs 8c danfeufes-d'aujourd’hui doivent
cette noble émulation pour la danfe haute ; & ils
s’éreintent pour s'élever aux honneurs de la cabriole.
Malgré tout ce mérite, la Grimaldi n'étant
point goûtée à Paris, prit le parti de courir la
province, où elle rétablit fa réputation. Il lui
arriva en Flandres une aventure qui fait honneur
à les fenûmens.
En 1746, e’ie étoi/-engagée avec le fleur Me-
y.ière, chef d'une troupe de comédiens de campagne,
qu’il devait conduire a la cour dé leleéteur
de C o ’ogne. Ils arrivèrent tous enfemble à Bruxelles
avec leurs équipages } & comme'ils fe dif-
pofoient à continuer leur route, on les avertit
que les chemins étoient infeftés de huffards. Ils
méprifèrent cet avis 5 mais à peine étoient-ils fortis
des fauxbourgs de cette ville, qu'ils furent enve--
loppésyfur la chauffée de Louvain, plr une cinquantaine
dehufîards, qui les entraînèrent dans
-le bois.’ Ils furent dépouillés en deux minutes.
On ne laiiïa aux femmes que leurs chemifes & un
fimple jupon ; on fit enfuite ranger tous les comédiens
en cercle, à genoux, & la face tournée vers
- le c ie l, en attendant qüe l'on décidât de leur
fort. Pendant que l’on enfonçoit les coffres à coups
de fabre & de hiche, le fieur Flahaut., ci devant
libraire fur le quai des Auguftins, & qui avoir
quitté fon négoce pour embrafîer le parti de la’
comédie, fe leva, & en qualité d'orateur de la ,
troupe, croyant que c'étoit le moment d'étaler
utilement-fon éloquence, fit une harangue latine
au commandant des huCirds, pour implorer fa
mifericôrde. L officier l’ecouta flegmatiquement}
& quand l’orateur eut terminé fon difeours avec
un dixi3 il \ui allongea un coup de fabre, en répondant
feci. Comme le coüp fi’ avoit fait qu'une
fimple eftafilade, il alloit redoubler, quand il fut
arrêté par un j r i perçant & un fpedacle qui le
füprit. La Grimaldi voulant s'épargner la vue du
fang de fon camarade, avdit pris brufquement à
deux mains fon petit jupon, 8c ce qui s'y trou voit
d^idhérent, pour s’en couvrir le vifage en guife
d’éventail Elle s’offrit aux yeux du capitaine dans
le même état que ces généreufesjpartiates fe pré-
fenterent à leurs fils qui revenoient en déroute
d une bataille : « Ah ! mon cher monfieur* s'écria-
» t-elle, épargnez mes camarades, & prenez-moi
” P°or viétime , vous & tous vos braves foldats ».-
Le chef des huffards, défarmé par ce trait d’éloquence
nature! e , fit un éclat de rire , remercia la
Grimaldi de fes offres charitables, ordonna que
l'on mît lès comédiens- én liberté, pouffa même
la générofité jufqu'à faire donner aux hommes,
quelques vieux mantelets & tabliers de foubrettes .
pour les couvrir ^ & fit diffribuer aux femmes des
hab.ts de Caractère , au lieu de leurs robes. La
Grimaldi eut en partage un habit d'arlequin, trop
étroit de moitié : les autres endoffèrent l’attirail
de doétetir, de pantalon ou de fcaramouche, & c :
fut dans ce trifté & comique équipage,
qiriis joiirfyivirent leur route & firent leur entrée
a Louvain, err excitant tout à la fois les
ris, la compaffion & la charité. La Grimaldi en
devint plus chère à fes camarades, qui lui dévoient
leur exiftence.
GRIMOU , ( Alexis ) peintre de portraits ,
mort vers 1740^ :
La coutume de Grimou étoit de ccèfifer fes
figures avec un bonnet d’une façon affez fingu-
lière, 8c de les habiller au gré de’fes caprices.
Cet artifle mettoit des couleurs fi épaiffes , â
la plupart de fes tableaux, qu’il en réfultoît prefquer
des reliefs, 8c que les enfoncemens devenoient
réels} en forte que dans 1 ©bfeurité, on pouvoir
en les touchant diflinguer le nez, les joues> les
yeux, &c.
Grimou de volt à tout le monde : fon boulanger
ne pouvant en être payé, 8c voulant en tirer
quelque .chofe, dit à l’artifle de lui faire fon por-
trait. Grimou y confentit, 8c prit jour pour J ai
femaine fuivante. Le boulanger court âuffi - toc
commander une perruque neuve, un habit à
bafqu’e , à grandes manches, 8c arrive dans cet
appareil chez 1 artifle , qui ne' l'apperçoit pas
plutôt, qu’il fe met dans une furieufe colère:
—r « Que fignifie cette mafearade ,• s'écrie Grimou >
« où efl votre vefle 8c votre bonnet? Je ne vous
» reconnois plus — Le boulanger a beau infîfler ,
fur l’habit du dimanche ,, 8c alléguer qu'on; doit
être v'étu décemment dans un portrait de famille :
il n’y eut pas moyen de calmer Grimou; il fallut
reprendre le bonnet 8c la vefte; 8c le boulanger
fut Supérieurement peint en homme de fa forte.
Le caractère de cet artKle étoit des plus fin-
guliers. Il ne voyoit ordinairement que les per-
fonhes qui s'enîvroient avec lui. Lorfqu'on vouloit
fe faire peindre, il falloit avoir l'attention de lui
écrire, 8c attendre patiemment fa réponfe. Lorfqu'il
travaîiloit, il avoit toujours quatre ou cinq.,
bouteilles d'excellent bourgogne auprès de lui.
Ce n’étoit prefque jamais dans fa maifon qu'on
pouvoit l ’engager à prendre le pinceau. II f e