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moifelle j .tout arriva heureusement au port. Notre
américain fe trouva' au ddbaiqulmehf,. & Vit une.
pêiToiiiie;. très aimable & qui, Tayànt entendu
nomitfer, lui dit : Moniteur, fa i une lettre-Je-’
change fur vous, j'efpère que-vous y ferez honneur
». Elle lui remit en même-temps la lettre de
fon,correspondant, fur le dós de-laquelle étoit
écrit : La porteufle d icelle éfi l’tpoufe que vous m r.~
ye\ donné ordre de vous envoyer, a Madèmoifeüe,
dit 1 américain , je n’ai jamais I aille protefter mes
lettres-de-change, & je vous jure que je ne commencerai
point par celle-ci ; je me regarderai comme
le plus heureux des hommes, fi vous me permettez
de l’acquitter». Cette première entrevue fut bientôt
Suivie des noces ; & ce mariage eft devenu un
des plus heureux de la colonie.
Un.gentilhomme montrait à un amateur fa col- 1
ledtion de tableaux,■ &s ’arrêtant vis-à-vis un-petit ,
tableau : Voila, s’écxia-t- il, un morceau fans prix.
L ’amateurl’obferva quelques inftans, & cherchoit
à y découvrir les beautés dont le gentilhomme pa-
roiiïoit exufié , lorfque celui-ci lui dit :. « Moniteur
, le mérite de ce morceau n'ell pas en lui-
même, mais dans .la manière dontr.il a été fait. Le
peintre a tracé le tout avec fon pied, & il tenoit
le pinceau avec les orteils. Je .l'ai acheté fort cher,
car les talens particuliers méritent récompenfe »V
Taupes pour nos propres défauts, lirix pour
ceux des autres, a dit le poëce;. nous n’apper-
ceyons jamais le ridicule que dans autrui. On a rapporté,
à ce fujec, un fait affez platfanf. Un prince
donnoit un grand repas à toute fa cour;, on avoit
fervi le fouper dans un vettibule, & ce veftibule i
donnoit fur un parterre. Au milieu du fouper , une
femme croit voir une araignée : la peur:4a faifit;
elle pouSe un-cri, quitte la table:, fuit dans le
jardin, & tombe fur le gazon. .Au mofnènt‘de fa
fhûtç’, elle entend rouler quelqu'un à fes, côtés,
«’étoit le premier miniftre du prince. Ah ! monteur
, lui dit-elle , que vous me rafîure^, & que
j'ai de grâces à vous rendre ! je craignots d'avoir
fair une impertinence. Eh ! madame, qui pourrait
y tenir ? répond le miniftre : mais, dites-moi,
(étoit-eile bien groffe ? — Ah ! njôn’fîeür’ ; elle ecoit
affreufe----Voloit-élle ajouta-t-il, près de 'moi? '
— Que voulez-vous dire ? une araignée voler !
Eh ! quoi-, reprit-if, c'eft pour une araignée que ;
vous faites ce train là ? A lle z , madame, vous-
êtes une folle; je croyois que c'étoit une chauve-
fouris. , . ! ’ • - • '
M. le Verrier., fameux- financier, àffeâoit de
paflèr pour favant, .pour homme à bonnes fortunes,
& pour ami des grands féignèurs. il avoit le
iÿdicule de po ter toujours à la meffe un gros livre
g frec,d ont la.reliure étoit barriolée, pour fe faire
remarquer de plus loin tauflî.l'appelloit-on dans le
monde ,. Je traitant renouvelle des grecs.
On dit que ce même financier,,allant chez M . de
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Pont-Chartraindepuis chancelier, pour.s'intéref-
fer dans quelque nouvel armçnie.nt, cemimftre lui
dit : ” mais j monfieuï> on n',àrme'pas pour li
Grèce. »
Edouard Howard, comte de: $uffolk, fe crut
né poète j parce qu'il avoit du goût-pour les.
vers , & quelque dérangement de cerveau 3 mais,
malheureufement fa folie n'étolt pas du genre poétique
il fit beaucoup de vers r fans pouvoir en
faire de 'bons. 11 1-ifoit un jour1 de Tes poéfies à
! un. homme. de lettres.5 : &r commeiil-en étoit à la
defcription d'une belle femme,;il l'arrêta-tout à
c o u p & dit ; monlieur, je ne fuis pas comme la.
plupart des poètes : je n,e chante pas des beautés.,
imaginaires i j’ai toujours mes modèles fous les*
yeux. « Et fur le champ, , il tireja fôrin,ette, & dit
à un de fes gens : « faites-moi venir Béaux-yeiix. »
: Une fille parut. « Beaux-yeux, dit le comte, re-
■ gardez moniteur en face. » Elle regarda,. & fe,retira.
Deux ou trois autres odaliques de ce ferrait
parurent à leur tour * & étalèrent aux yeux de
1 homme de lettres les charmes divers par lefquels
i -elles- étoient caraétérifées dans les vers de milord.
^ R IG A U D , (Hyacinthe);, né à' Perpignan,
1 an îGfy, mort le 23 décembre 1747.
Quelques portraits:commencèrent la grande-réputation
dont Rigaud à toujours joui. Il peignit,,
entr'autres^edans fajeuneifej un jouaillier nommé
Marteron, & le portrait paifa fucceifivement au
fils & au petit-fils du jouaillier- Ce dernier vou*^
lant s'affurer s'il étoit réellement de Rigaud, prit le
parti de le lui faire voir. Rigaud né reconnut point
fon ouvrage, & dit que le tableau pouvoit être de
Vandÿck ; mais enfin, il fe rappella qu'il avoit
autrçfoispeînt un nommé Marteron, & pria qu’on
lui permît de retoucher la draperie qu'il trouvoit indigne
de lui.
Rigaud alla exprès en Rouflillon, pour peindre
fa mèrè, & pour emporter avec lui l'image de celle
qui lui avoit donné ie jour-
Pendant qu'il peignoit Louis X V ,. encore enfant
, Iç jeune monarque lui demanda s'il étoit marié
, & s'il avoit le bonheur d’çtre père :-■— !« je
, répondit Rigaud., en foupisantj mais
; je n'ai point d'enfans, grâce à Dieu — Le roi ,,
furpris de-ces derniers mots , lui en demanda l’ex-
plication.. — Si j'avois des .enfans, fire,- répli-1
qua-t-il, je ne fauroîs leur laiffer de quoi viyre,-
votre màjéfté devant hériter après ma mort de tout 1
, ce qi^e j’ai pu gagner par mon travail «, — Le
jeune monarque l'afïura qu'il fe feroit expliquer la
chofe, & qu'il en parleroit à M. le régent & au-l
cardinal Dubois, alors premier miniftre. Louis XV
.annonça,dès 1 enfance la, bonté de fon. coeur 3 il
daigna être fenfible au difeoursde fon peintre , &
1 on fit pour Rigaud ce. qu'on n'avoit encore fait
î pour perforine ; on lui; conferva le mêmec .revenu*
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qu’il, avoit fur }'hôtel-de-vifie, malgré la rigueur du
-réglement doiiné en 1722/, au fujet de la .propriété
dès billets de ^banque.
Dans lei cours de'fia' vie brillante.,: Rigaud a peint
cinq monarques, tous les princes du fan g royal
dé irx&hcè y &c les »perfonnes les plus difLriguées
ded’Èuropç. .;o
, Sa epummè ètoft d ’écrife é'xaéleménï fur un re-
•gifti'è'yièsmopis' 3 les qrialitë's'Sé Pâgé de, tous ceux
qu'il pe/gnoit, avec^fanriée & lè prix dutableau.
Un étranger: vint lui demander le portrait de fon
père,ifait depuisrplus de quarante années, & qui
devoir encore. êaee cheziluit^Rigaud le conduifit
dans’:une faite où ilavoit ïÉiensblé plufieurs portraits
qui lui étoient reftés 3 l’étranger reconnut le
portrait, - ouvrit fa boarfe ; - & Rigaud, ayant regardé
derrière la toile dans quelle année il avoit été
peint , n'en voulut recevoir que 'cinquante-francs-,
prix qu'il exigeoit à l'époque de ce tableau.
Rigaud fe maria, par 'une avariture affez fîngulîère.
Une damat^'ant envoyé-fon dqmeftique pouf avertir
quelque barbouilleur de venir mettre eft coüleür
fon-plancher, le laquais alla s'adrefler ’à Rigaud,
qui, charmé de là mépîi.fe, Voulut s'en amu fer,
promit de fe rendre à l'heureindiquée, & n'y manqua
pas en effet. La dame voyant paroîtreun homme
de bonne mine; habillé magnifiquement, fe
douta du quiproquo dé fon.domellique , en fit des
excufes à Rigaud, Sc le reçut d'une‘manière très-
diftirïguée.L'artiftei enchanté de l'efprit & d e là
beauté de.cette dame-, demanda la permiflîon de
venir quelquefois-lui faire fa cour. Enfin, la fympa-
thie agit entre, ces deux perfonnes 5 on parla bientôt
de mariage , & leur union fut des plus heu-
ïeufes..
, Çuoiq-uè Rigaud eut naturellement refpTÎt très-
galarït, il n'a jâmais ‘aimé à.peindre les femmes : —
« f i je les repréfente telles qu’elles font, difoit-il,
elles ne fe trouveront pas affez belles 5 fi je les
flatte trop, elles ne feront point reffemblantes
Un;e dame qui avoit beaucoup de rouge, &
dqnt il faifoit le pçrtfait, fe plaignit de ce qu'il
'n’emplqyoitpas..d,’^fîez bellès couleurs , & lui demanda
dans'quel endroit il les achetoit. : « je
’ÇfoiSo madàrriè , répondit-il, que nous nous four-
.anjriacme marchand ( Anec-, des beaux
RIGUEURS. Un jeune auteur dramatique s'attacha
à une aétiiçe qui jouoit les,premiers rôles
dans le- tragique. Il ne foupira pas en vain, & il
conquit celle qui l'avoit conqiàis. Au lieu.que dans,
les .pièces dé cet auteur ejle avoit fait feinte dé
préridie du poifon, elle luf en fit prendre réelïe-
oient dans les plaifirs qu'elle lui procura. Il fut
obligé de mettre dans fa confidence,..un .fonpôt de
Saint-Côme, & bient^jtdly mit le public. L'aétrice
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piquée, fe plaignit de fon indifcrétion. Vous avez
tort..de vous plaindre, lui dit Je jeune auteur, je
n ai pas publié vos faveurs, mais vos rigueurs.
ROBERT LE DIABLE. Robert dit le Diable,
duc dé Normandie , étant un' jour à. la- fenêtre
, vit ’danfer dans la rue la fille, d’un pelle-
tiéf, nommée H à flotte 5 ( ce nom fignifie en Anglais
fille de joie ). « Le duc trouva cette fille
jolie,. & voulut avoir accointance avec elle. La
nuit venue , qu'elle dev.oit coucher avec Robert,
elle lui fut menée jufqu'en fa chambre ; $c quand
elle fc fut dépouillée de fes habits, elle entra dans
le lit avec fa chemife : puisfentant que le duc, qui,
s Çtoit cbûché le premier, vouloir approcher d'elie,
la prit par lé coîlet, & la fendit tout au long. Quoi
reconnu par le duc, il lui demande pour quel fujet
elle fait cela, & qu'elle rie la dépouille par diffus
fa tête? Elle répondit gaillardement & promptement
, que ce. i f étoit pas chofe honnête, que
ce qui touchoit à fes pieds & jambes , paftat devant
Ton vifage. Quand il eut fatisfait à fon amour,
elle s'endoririit, & treffaillit incontinent après
avec ün grand îôupir : de quoi, lui ayant .demandé
la c a u fe : . .. , monfeigneur, dit-elle, j ’ai Longé'
que. de,mon corps ifïbit un arbre, lequel étendoit
les rameaux fi grands & fi hauts vers le ciel, qu'il
Ombragéoit toute la Normandie. Étant parvenue
au terme de l’enfantement, elle accoucha heu-
reufement d’ùn firs qui Fut nommé Guillaume:
auflitôt que la fage-femme l’eut reçu, ,il; fut -mis
fur un peu de .paille blanche, fins langes ni drapeaux.
II commença alors 4e pétiller, & tirer à lu i.
la paille avec les mair.s , tant qu'enfin il en eut les
poingts &, les bras pleins. Quoi voyant la fage-
femme : par ma fo i, dif-elle, cet enfant commence
bien jeune^ à acquérir & à amaffer «i C'eft ainfi
que les arinalyftes- Anglais rapportent Ce fait.
R O CH E FO U C A U LD , ( François j duc de
la ) , né en x 6 r3-,. niort en ?i;éSo.
. C e feigneur paffa des jours pleins de trouble &
d’agitationdurant la guerre de la frondé. 11 fut
Un des premiers qui fe rangea du parti des princes
contre je ir.iuiftère du cardinal de Richelieu. Rendu
à lui-même , il culttyades lettres &. la. philofo-
phie , & fa maifon devint le rendez-vous de tous
ceux,qui faviojent penfer. Il a .écrit les mémoires
de la régence & Anne d'Autriche, avec l’énergie de
Tacite.; ils font entre les mains de tout le monde ;
mais lion fait par coeur fes réflexions & maximes ,
ou il a fait un portrait achevé de l'homme. Le
pinceau du peintre eft délicat & plein de fineffe.
Quoiqu'il n’y ait qu'une vérité dans ce livre ,
qui eft que l'amour-propre ou l'amour de foi eft
le mobile de toutes nos aérions, cependant cette
vérité, fe trouve fous tant d’a'fpeéts variés, qu'elle
eft toujours ‘ piquante.
Minmmm i