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Tière d’une manière suffi- glorieufe que fon bisaïeul
, dont je n’oublierai jamais la bonté avec
laquelle il recevoir tous les ans le bouquet que
j’avois l’honneur de lui piéfcnter : la grâce qu’il
m'a faite pendant dix ans avant fa mort, de me
mettre au nombre de fes pensionnaires > demeurera
éternellement gravée dans mon ame ».
Louis X IV , quelqu'e temps avant fon décès avoit
accordé une loterie en fa faveur , qui devoit
bientôt s’ouvrir.
Les felliers Tavoient adopté cette même année
pour leur doyen le jour de la fête de faint
E/loi, lui ayant donné la première portion de
pain béni, ils l’invitèrent à dîner, le firent af-
feoir à la première place, & burent à fa fanté,
le nommant leur doyen avec de grandes acclamations.
Il fut très-gracieufement accueilli du duc d’O r léans
^régent , qui l’alfura de fa protedlion. Une
perfonne de la part du prince lui apporta un
préfent digne de la généreufe bienfaifance de fon
altelfe royale.
Les moeurs de Philippe Herbelot étoient aufïi
pures que fon tempérament étoit fain & vigoureux.
Il eft mort à Paris dans la cent quinzième
année de fon âge.
Il y a des peuples* entiers qui fe procurent
la mort pour fe délivrer des ïnfiifn tés de la
vieillelfe & des chagrins de la vie. Lorfque les
fauvages de la baie de Hudfon viennent à un
âge tout à fait décrépft, & qu’ils font hors d’ état
de travailler , ils font faire un feftin & y convient
toute leur fimilie. Après avoir fait une longue
harangue dans laquelle ils invitent leurs amis à
fe bien comporter, & à vivre en union les uns
avec les autres , ils choififfent celui de leurs en-
fans qu’ils aiment le mieux; ils lui préfentent une
corde qu’ ils fe pafTent eux-mêmes autour de cou,
le prient de les étrangler pour les tirer de ce
inonde , ou ils ne font plus qu'à charge aux
autres. L ’enfant ne manque pas auffitôt d’obéir
à fon père & l’étrangle le plus promptement
poflible. .
V IL L A R S , ( Louis-He&or duc d e ) pair &
maréchal de France , grand-d’Efpagne , mort à
Turin le 17 juin 1734, à Page de 8a ans.
Villars, officier plein d’ardeur & de confiance,
jiuifit d’abord à fon avancement par Taulière fran-
chife avec laquelle il s’expliquoit. On lui. reprocha
plus d’ une fois de n’avoir pas une modeftie
digne de fa valeur; mais on ne pouvoir s’empêcher
de reconnqître qu’il étoit doué d’un génie
heureux pour la guerre. Comme il n’eut jamais
cette foupleffe héceffaire pour fe faire des amis
& des protecteurs, il ne commença que très-
fc&rd à jouir de fa renommée.
v 1 L
Lors de la bataille de Fridlingue , gagnée par
les François en 1702, Villars n’étoit encore que
lieutenant généra!. Après la victoire remportée ,
comme Villars u.archoic z la tête de fon infanterie
à travers un b o is , une voix cria : Nous
fommes coupés. A ce mot tous les régimens fe
chfperfèrent dans un défordre affreux. Il court
a eux, & leur crie : Allons, mes amis, la victoire
eft à nous, vive le roi. Les foldats répondent,
vive le roi en tremblant, & recommencent
à fuir encore.
Les François remis de leur frayeur, prcclamè-
rent- Villars maréchal de France fur le champ de
bataille ; & le roi quinze jours après confirma*
ce que la voix dès foldats lui avoit donné.
En 1703, le maréchal de Villars étant parti
d’Alface pour joindre TéleCteur de Bavière, s’approcha
de Kenizingen dont il vouloit fc rendre
maître. Quelques religieux lui apportèrent"' des
contributions. Il les renvoya, avec ordre de dire
à la garnifon de mettre bas les armes , fous peine
d’être paffëe au fil de l’épée, & que, fi elle ofoit
tirer un feul coup , tout ferôit mis à feu & à
fang dans la ville. Le commandant intimidé par
ces menaces, fe rendit fans coup férir. On trouva
dans là ville qui étoit allez bien fortifiée, outre
une nombreuse artillerie , beaucoup de munitions
de guerre & de bouche. Villars, charmé
4 e faire remarquer ce tour de l’on métier aux
officiers généraux , leur dit : » Avouez , mef-
lïeurs , que fi cette place ne fe fût pas rendue,
il nous eût été impoffible de la prendre, n’ayant
pas dé canons ; & nous n’aurions pu aller par
conféquent plus loin. Il faut quelquefois que la
hardieffe fupplée à la force. Des menaces faites
à propos à un ennemi qui fe croit fupérieur &
hors d’infu'te, ne peuvent que le fuiprendre ,
& lui donner fouvent des allarmes qui l’obligent
à accorder des çhofes qu’on ne fauroit obtenir
autrement * . ;
Le comte de Styrum , à la'tête d’ un corps
d’environ vingt mille, hommes, alloit fe joindre
à la grande arméç ennemie que c 01mm an doit le
prince de Bade , auprès de Donavert. Il faut
les prévenir, dit lé maréchal à Téledleur de Bav
ière;-il faut tomber fur Styrum, & marcher
tout à l’heure ». L’éleâeur tempotîfoit : il ré-
pondoit qu’il en devoit conférer avec fes généraux
& fes miniftres. G’eft moi qui fuis votre
miniftre & votre général , lui répliqua Villars.
Vous faut il d’autre confei.1 que moi quand
il s’agit de donner bataille ? » Le prince occupé
du danger de fes états, teculoit encore : « Eh*
bien J lui dit Villars., fi votre alteffe électorale
ne veut pas faifir Toccafion avec fes Bavarois ,
je vaÎ6 combattre avec les François». Et auffi-
tôt il donna Tordre pour l’attaque. Le prince
entraîné par cçtte faillie, attaqua, avec Villars *
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Styrum dans les plaines d'HocMct , & rem-*
porta là v.Ctoiie.
Un an ap-ès, en 1704, les François perdirent
dans les mêmes plaines une célèbre bataille contre
Mârlboroug & le prince Eugène. Villars
étoit alors dans les Cevènnes, ou les Huguenots ,
pou fiés au défefpoir, avaient pus les armes. On
lui avoit marqué la veille de cette journée la dif
pofition des deux armées, & la manière dont le
maréchal de Taiard, qui commandoic les François
, vouloir combattie. On a rapporté que le
maréchal de Villars écrivit en réponfe au pré-,
fident de Maifons, fon beati-hère, que fi le maréchal
de Taiard donnoit bataille en gardant cette
pofition , il feroit infailliblement défait. On a
ajouté que cette lettre fut montrée à Louis X IV .
Le maréchal de Villars avoit mis à prix la tête
du chef d s camifards, hérétiques qui s’ étoient
révoltés dans les Cévennes. Ce rebelle, témoin
du fuppltce de fe-s compagnons , reconnoiffant
que toc ou tard il lui fa u droit fubir le même fort,
prit un parti qui lui réullït. Il connoiifoit la gé-
nérofitc & la clémence du maréchal. S’écant pré-
fenté à ce général., qui ne le connoiffoit-que de
nom, il lui demanda s’il étoit vrai qu’il eût promis
mille écus à celui qui le livreroit mort ou vif ?
Le maréchal ayant répondu que oui : « Cette
récompenfe me feroit d u e , continua le cami-
fard, fi mes crimes ne m’en avoient rendu indigne;
mais j’ai tant de confiance en la clémence
du ro i, & en votre générofité, que je ne crains
point de vous apporter moi - meme cette tête
criminelle dont vous pouvez difpofef ». Il étoit
à genoux , en difant ces mots. Le maréchal,
l ’ayant fait relever, lui fit compter fur le champ
les mille écus , & expédier une amniftie générale
pour lui & pour quatre-vingt perfonnes de
fa fuite.
Un jour on conduifoit un déferteur à l’endroit
où il devoit être fufillej dans le moment même ,
le maréchal de Villars vint à paffer en chaife.
Le ma!heureux foldat demande , pour dernière
faveur , à parler à Ton général. Monfieur de
Villars en eft inftruit & le fait approcher : mon
général, lui dit le foldat en fanglottant , vous
aile£ a Versailles , je vous fupplie de dire au roi
l'embarras dans lequel je me trouve. Le maréchal
trouva cette naïveté fi plaifante qu’il fit fufpendre
l’exécution , & n’eut rien de plus prefté que de
la rendre au roi. Sa majefté en lit beaucoup &
fit grâce- au déferreur.
Mârlboroug croyant, après le fuccès d’Hochf-
t e t , pouvoir tout entreprendre, avoit en 170$
formé le projet de pénétrer dans la Champagne.
Villars, qu’on venoit de lui ôppofer , le mit
dans 1 impoffibilité de rien tenter ; il réuffit
même à le faire décamper > c ’étoit- beaucoup
alors. Malboroug qui eftimoit affez le maréchal
de Villars pour vouloir en être eftimé, Juiécri- \
v 1 % 9»
vit : Rendez-tooi la juftice de croire que m«
retraitej eft la faute du prince de Bade qui n eft
pas venu me joindre,. is: que je vous eftime uP
core plus que je ne lu s fâché contre lui.
En 1708 , Villars, à la tête d’une petite ar*
mée , fit échouer tous .les projets du duc de
Savoie qui vouloit entrer dans le Dauphiné. » Il
faut, dit un jour ce prince éclairé, que le maréchal
de Villars fort forcier, pour fa voir ce que
je dois faire ; jamais homme ne m’a donne' plus
de peine , ni plus de chagrin »>,
Après.la campagne, Louis X IV dit à ce général
: Vous m avïeç promis de défendre Lyon £?
le Dauphiné ,* vous êtes homme de parole , 6 ' j e
vous en fais bon gré. » Sire, répondit le maréchal,
j ’aurois pu mieux faire fi favois été plus fort. »
Lors de la journée de Malplaquet en 1709 , le
maréchal de Villars fe trouva allez grièvement
blé fié pour fe faire adminiftrer les facremens. On
Yropofa de faire cette cérémonie en fectet.
N o n , dit le maréchal, puifque l'armée n’a pu
voir mourir Villars en brave, il eft bon qu’elle
le voye mourir en chrétien.
Villars furvécut à cette bleffure , & fut choifi
pour rétablir en Flandres les affaires de la France*
On. prétend que la duc h elle de Villars voulut
diffuader fon mari de fe charger d’un fardeau
aufii dangereux, mais que le maréchal rejetta ce
c'mfeil timide. <* Si j’ai, difoit-il , le malheur
d'ê'ie battu, j’aurai cela de commun avec les
généraux qui ont commandé en Flandres avàfït
moi : fi je reviens vainqueur, ce fera une gloire
que je ne partagerai avec perfonne ».
Villars eut bientôt çette glaire fi flatteufe. Il
tomba inopinément le 12 juillet 1712 fur un camp
de dix fept bataillons retranches à Denain fur
l ’Êfcaut, pour ie forcer. L ’entreprife étoit difficile
; mais Villars ne défefpéra pas d’ en venir
à bout. » Meilleurs, dit-il à ceux qui étoient
autour de lu i, les ennemis font plus forts que
nous 5 ils font même retranchés ; mais nous fom-
mes François : il y va de l’honneur de la nation
: il faut aujourd’ hui vaincre ou mourir 5 ôc
je vais vous en donner l’exemple ». Il fe met
auffitôt à la tête des troupes qui, excitées par
fon exemple, font des piodiges, & battent Jes
alliés commandés par le prince Eugène.
Cette victoire inefpérée eau fa la plus grande
joie à la France. La première fois que le maréchal,
de retour à Paris de fa glorieufe campagne, vint
à l’opéra,- la demoifelle Antîer faifoit le rôle de
la gloire dans le prologue d’Armide , lui pré-
fenta dans les balcons du théâtre où il é toit,
une couronne de laurier. On fe rappelle que la
même chofe eft arrivée pour le maréchal de
Saxe, après la célèbre journée de Fontenoi.
Villars avoit fu vaincre & profiter de- fa vio