
année 17 71, n°. 46. Le prieur de Rano-les-Dafliés,
lieu fitué entre Sainte-Menehould & Vitry-le-
François, âgé de 80 ans, était incommodé depuis
cinq ans d'un mal d'eftomac 3 dont le retour
périod-que le tenoit régulièrement tous les jours
en fouffrance, depuis cinq heures du foir jusqu'au
louper. 11 lui prit un jour envie à dîner de
manger des .noix, &. il en mangea en affez
grande quantité pour incommoder même, un
homme en bonne Santé. I l attendoit à l'ordinaire
le retour de fon mal d'eftomac , mais il n’en ref-
fentir aucune atteinte. D ’après cette épreuve , il
fe flatta d’être Soulagé, & même peut-être guéri
par un ufage habituel de ce fruit: il en Ht en
conséquence une bonne provifion, & il s’en eft
fait Sur Sa table , en fix mois, une consommation
de 14 boiffeaux} il a été entièrement guéri par
ce moyen, & n'a plus reffenti depuis aucun retour
de Son mal.
Les gens dé lettres 3 fi l’on en croit CelSe ( lib.
I » cap', a ) ont pre/que tous l’eftomac d'une nature
affez foible : imbëcilles ftomacho omnei penë
cupidi litterarum funt. Anftote avoit en effet ce
viScère fi délicat, qu’il étoit obligé ,de tems en
tems de le fortifier, au moyen d’une huile aromatique
qu’il appliquoit fur la région de P eftomac
3 mais qui, à coup sûr, ne pénétroit pas
jufqu’à f e vifcère. Un médecin , affez bon juge
dans cette partie , a Soutenu qu'on pouvoit ef-
timer la capacité des efprits par la délicateffe de
Yeftomac , d’autant plus , dit-il, qu'il fe rencontre
peu d'hommes d'efprit qui n'aient Yeftomac délicat*
Voyez Y examen de texamen des efprits 3 par
Jourdain Guibelet, chap. i o , pag. 205.
Quelqu’un a dit avec affez de jufteffe, que le
cimetière des animaux eft Y eftomac. M. Bourdet,
dentifte du ro i, qui a publié un petit livret
intitulé: Soins faciles pour la propreté de la bouche,
& c . dit dans cei ouvrage : On a fait autrefois'la
fable de Yeftomac & des membres > fi l’on fai-
foit aujourd’hui celle de Yeftomac & des dents ,
o combien les torts de celles-ci fourniroient de
griefs à Yeftomac !
Bernard SvValwe, médecin d’Amfterdam, dans
le dernier Siècle , a publié, in-11: Ventriculi que-
reloe & opprobria. Il fait parler dans cet ouvrage
Yeftomac lui-même , qui décrit en peu de mots
fa ftrufture, & qui fe plaint des médecines, de
•ce qu’ elles le privent des alimens qu’il aime, &
de ce qu’ elles lui font Souvent ufer de ceux qui
lui /ont les plus désagréables.
Erafme répondit au pape, qui lui reprochoit
de ne pas faire ab.ftinence pendant le carême ,
& de manger du gras, j’ai l’ame catholique, mais
Y ai Yeftomac futhérien. i
M» Anderfon fait, au Sujet du crocodile , la
1 remarque que ce poiffon infatiable a reçu de la
nature un avantage fingulier, que beaucoup de
nos gourmands fouhaiteroient pouvoir partager
avec lui. C’eft que toutes les fois que Son avidité
lui a fait avaler un morceau de bois, ou
quelqu’autre chofe d’indigefte, il vomit Son eftomac
t le retourne devant fa bouche, & après l’avoir
vuidé , & bien rincé dans l’eau de la mer , il
le retire à fa place, & fe remet fur le champ à
manger. Ce fait eft avéré entr’autres par Denys ( defeription de t Amérique Sept. )
C’eft ici le lieu de parler de la. çharlatanerie
de certains juifs, qui prétendent qu'ils ont Ytfto-
mac propre à nettoyer les perles, & à en augmenter
le poids. Çe fait eft d’autant plus impof-
fible, dit M. Valmont.de Bomare (diâ. d’hift.
nat., tom. VI, page 12 ) que les perles, comme
les os, l'y voire & les dents,- s’amoliffent dans
des liqueurs acidulées & chaudes , & qu'elles
perdent alors de leur poids. On en a des preuves
qu'on ne peut révoquer en doure. Si les perles
fe nettoyoient dans un eftomac juif, il en ferok
de même dans' un eftomac mufulman ou chrétien}
mais dans tous, ce feroit aux de'pens du volume
des perles.
Un garçon boucher, prefle par la foif, ayant
bu avec avidité d’une eau dormante, rendit fcj aH
bout dé fix mois, après bien des-maux Y eftomac
& autres accidens, trois crapauds vivans.
ïl*y a des exemples de perfonnes qui ont ve'cu
après avoir avalé & rendu par la bouche des
ferpens vivans, longs d’une demi-coudée & grès
à proportion, ainfi que des grenouilles, qui s'rn-
finuent ordinairement par la bouche pendant le
fommeil.
Mais le fait le plus fingulier & le plus Surprenant
qu'on puiffe citer fur l'amas dans { eftomac de matières tout-à-fait étrangères & en abondance,
eft celui du forçat de Breft, fait fuivi & bien
détaillé par M. Fournier, médecin, qui a traite
le malade, lequel eft mort le 10 oâtobre 177^»
un mois à-peu-près après fon entrée dans 1 hôpital
de la marine de Breft. L’ouverture du cadavre
fut faite en préfence d'environ cinquante
perfonnes, tant médecins que chirurgiens, &
autres. On ouvrit Yeftomac, qui étoit-d’un volume
eonfidérable, & on y trouva quarante-
quatre corps étrangers , dont on a dreffe 1 inventaire
, tous plus grands les uns que les autres ;
les principaux étoient plufieurs^ morceaux de
bois .de genêt, de chêne» de fapin, une cuiller
de bois, un tuyau.d’entonnoir de fer-blanc, deux
cuillers d’étain, un briquet de fer , deux morceaux
de verre blanc , un couteau avec fa lame *
&c. De toutes les informations prifes, il eft refaite
que ces/corps étrangers ont été avalés par
le malade lui-même, & non introduits après fa
fiibrt dans fon eftomac, comme -quelques per-
fonnes l'avoient foupçonné.
ESTRÉES, (Gabrielle d') ducheffe de Beau-
fort, morte en 1599- Henri IV , qui la vit pour
la première fois en 1591 , au château de Crève-
coeur , téfolur d’en faire fa maîtreffe favorite. Il fe
déguifa un jour en payfan pour l'aller trouver ,
paffa à travers les gardes ennemies, & courut
rifquedefa vie. Ce prince l’aima fi éperduement,
que quoiqu’il fût marié, il avoir fait le projet de
l'époufer. Il lui écrivit dans une occafion périlleufè :
« Si je fuis vaincu, vous me connoiffez affez peur
a» croire que je ne fuirai point, mais ma dernière
» penfée fera à Dieu, & l’avant dernière à vous.
Quand elle voulut faire renvoyer le mîniftre Sully,
le roi eut la fermeté de lui dire : Je me pajferois
mieux-de dix maîtrejfes comme vous, que d’un ferviteur
comme lui. .
Henri apprenant que les Efpagnols s’avançoient
contre lui, dit à Gabrielle, qui fondoit en larmes :
<c Ma maîtreffe , il faut prendre nos armes &
*» montera cheval, pour faire une autre guerre.
Henri IV eut de Gabrielle YEftrèes, trois en-
fans, Céfar, duc de Vendôme 3 Alexandre ^ &
Henriette , qni époufa le marquis d'Elboeuf.
On prétend que la belle Gabrielle fut empoi-
fonnée par le riche financier Zamet, à l’inftigation
de la reine Marguerite de Valois, que Henri IV
vouloit répudier.
E strées , (François-Annibal d’) maréchal de
France , né en 1573, mort en 1670.
Des courtifans s’entretenoient devant Louis XIV,
qui n’avoit que quinze ans, du pouvoir abfolu des
faltans turcs, &: difoient qu’ils difpofent au gré
de leurs caprices, du bien & de la vie de leurs
fujets. ce Voilà, dit le roi,ce qui s’appelle régner. »
Le maréchal d’Eftrées 3 qui étoit préfent, répliqua : •
« Oui, fire, mais en régnant ainfi, trois empereurs
./» ont été étranglés de mon temps. »
ETIQUETTE. Cérémonial écrit, ou traditio-
nel, qui règle les devoirs extérieurs à l’égard des
rangs, des places, &des dignités.
La conduite des rois & des reines d’Efpagne
eft tellement réglée, par ce qu’on appelle l’m-
quette du palais , qu il ne faut que la lire pour
favoir à quoi fe font occupés tous les rois d’Efpagne
depuis Philippe II & ce que feront les fuc-
ceffeurs de Philippe V jufqu’au jour dujugement,
pourvu que cette étiquette fabfifte jufqu a la fin
du monde, comme on l’obferve aujourd’hui. i°. Il
eft^ ordonné aux reines d’Efpagne de fe coucher
precifément à neuf heures en hiver, & à dix
heures en été. i ° . Que lorfque le roi va la nuit de
U chambre dans celle de la reine, il dok avoir I
fes foulïers en pantoufle, f<£n manteau noir fur
fes épaules, une bouteille de cuir paffée dans le
bras gauche, dont on fe fert pour pot de chambre,
une lanterne fourde de la même main, fon épée à la
main droite. 3°. Que fi le roi a eu quelque maîtreffe,
& qu’il l’ait enfuite quittée, il faut qu’elle fe faffe
religieufe. 40. Que toutes les fois que le roi recevra
quelques faveurs d’une maîtreffe , fa majefté fera
tenue^le lui donner quatre piftoles. Enfin parce
règlement font marqués les jours que le roi doit
donner audience aux ifiiniftres étrangers & à fes
fujets j ceux qu’il doit aller à l’Efcurîa!, à Aran-
juez, & à fes autres maifons de plaifance, & les
I jours que la cour en doit revenir, de forte que
.[ quelque temps qu’il faffe , ces voyages ne font
jamais interrompus : Sc s’il arrivoit un exprès pour
des affaires de la.dernière conféquence, qu’il fallût
affembler un .confeil extraordinaire, où la per-
fonne du roi fût néceffaîre} dans un jour ordonné
pour là chaffe, je ne crois pas qu’on interrompît
ce plaifir.
Combien d’extraVagânces Yétiquette n’a-t-elie
pas fait éclorre en Efpagne ? on a lieu fur-tout
de les déplorer, lorfque l’on fait que Philippe III
en fat la viérime. Ge prince , à peine relevé d’une
maladie dangecçufe, étoit affis à côté d’une cheminée
dans laquelle le boute feu de la cour avoit
allumé une fi grande quantité de bois , que le
monarque penia étouffer de chaleur. Sa grandeur
ne lui permettoît pas de fe lever pour ap-
peller du fecours ; les officiers en charge s’étoient
éloignés , & les domeftiques n’ofoient entrer dans
l’appartement. A la fin, le marquis de Pobar
parut, auquel le roi ordonna d’éteindre le feu ;
mais celui-ci s’en exeufa, fous prétexte que l’é-
tiquette lui défendoit de faire une pareille fonction
, pour laquelle il falloit appeller le duc d’Uf-
sède. Le duc étoit forti, & la flamme augmen-
toit : néanmoins le roi foutint la chaleur plutôt
que de déroger d fa dignité j mais il s'échauffa
tellement le fang, que le lendemain il eut une
éréfipèle à la tête, avec des redoublemens de
fièvre qui l'emportèrent. Hift. d’Efpagne'3 & Inf-
titutions politiques , par le baron de Bielfed.
Voici une autre anecdote qui fervira à prouver
que Yétiquette eft obfervée à la cour de Madrid
avec une rigueur incroyable : la reine,
époufe de Charles II,, aimoit beaucoup à monter
à cheval} die voulut un jour en effayer un
qu'on lui avoit amené de la province d’Anda-
loufie} à-peine fut-elle deffus qu'il fe cabra &
la‘ fit tomber, le pied de la prîneeffe s'accrocha
malheureufement à l'étrier, & le cheval entraîna
la reine fans que psi fonne ofat la fecourir}
Yétiquette s’y oppofoit formellement, car il eft
défendu à quelque homme que ce fait , fous
peine de la vie, de toucher le pied d'une reine
à Efpagne j Charles II qui étoit. amoureux, de fa