
a> n’entendôns pas toutrà-fait certaines caufes,
» nous les appointons & comme il y a long-
» tems que mes confrères & moi ne font plus
» familiers avec le latin, nous appointons votre
33 harangue *>.
Louis X IV , paflant par Reims en 1666, fut
harrangué par le Maire , qui, lui préfentant des
bouteilles de vin avec des poires de roufelet
fèches, lui dit: lire, ce nous apportons à .votre
» majefté , notre vin , nos poires & nos coeurs ,
» c’ eft ce que nous avons de meilleur. » Le roi
lui frappa fur l’épaule, en lui difant rvoilà comme
j aime les harangues.
Le maire d’une petite ville ne pouvant fortir
'd’unt-harangue qu’ il avoit commencée, un de nos
rois qu’il haranguoit, las de le voir penfer, "lui
dit: Unifiez en trois mots. Le maire s’arrêta tout
"court, puis il s’écria.: Vive le roi.'
Les confuls d’une petite ville ayant chargé
le maître d’école de haranguer un prince qui déç
o it paffer, il fe mit à leur tête, gl adreffant la
.parole au prince , il lui dit : « monfeigneur, les ;
» ignorans que voilà ( .& en même tems il montra
» les confuls), ont chargé lé pédant que voici
’» ( il fe mit la main fur i’eftomac ) d’aflurer votre;
.*> altefle, qu’ il font fes très-humbles & très- j
*> obéiiTants feniteurs ».
M. le prince paflant par une petite ville de
Bourgogne } le maire fe préfenta. pour le :ha- !
ranguer : monfeigneur, lui dit-il, j ’ai, comme vous J
voy e z , le droit de Vous ennuyer j je ne le ferai
point valoir, à Condition .que vous obtiendrez -
pour notre ville une exemption de gens de guerre. I
M . le Prince fut fort content de cette harangue,
& promit ce qu’on lui demandoit. Songéz-y
monfeigneur , reprit le maire, linon l’année qui
vient, lorfque vous repâfferez, jè ferai valoir
mon droit.
Une ftatue équsftre du roi étant arrivée dans
-une ville de province ; le maire harangua la
llatue, & les confuls haranguèrent le cheval.
Je n’ai jamais vu dans l’hiftoire, dt harangue\
plus noble que celle que le duc de Grammont :
fit au roi d’Efpagne, lorfqu’il lui demanda, au
nom du ro i, l’infante fa fille : « lire, lui dit i l ,
a» le roi mon maître vous donne la paix 3 » &
puis s’a.lreffant à cette princeffe : « & à vous,
» madam?, fon coeur &*fa couronne ».
Un AmbalTadeur turc haranguant le pape Léon,
lui donna de la haute lie au lieu de lui donner
de la fainteté, & après l’avoir appelié avec S.
Bernard , primâtu A b e l, gubernatu Noé , ôr-
-dine Melchifedech , dignitate Aaron, il lui dit
-pour conclufion, qu’il étoic ;le grand turc des
chrétiens.
La harangue qui fuit a été prononcée fl y â
plus de c*nt ans 5 elle peut être une preuve que
ce qu’on croit de nouvelle création, a fou vent
une date fort ancienne, & que le génie eft de
tous les fiècles»
» Monfeigneur, tandis que Louis-le-Grand
fait aller l’empire de mal en pire , damner le
Danemark & fuer la Suède 3 tandis qu’il gêne les
génois , berne les bernois, & cantonne le relie
des cantons j tandis que . fon digne rejetton faif
baver les bavarois , rend les troupes de Zell fans
zèle , & fait faire des elfes aux heffois 5. tandis
que Luxembourg fait fleurir la France à Fleurus,
met en flammes les flamands , lie les liégeois,
fait danfer'Caftanâgâ fans cafiagnettes > tandis
.que le turc hongre les hongrois , fait efclaves
des e fc la v o n s& réduit en fervitude la Servie;
enfin, tandisque.Gatinatdémonte le piémontois:;
qne faint Ruth fe rue furie favoyard , & que
Larré l’arrête : vous, monfeigneur , non content
de faire fentir la pelanteur de vos. doigts aux
vaudois, vous faites encore !a barbe îux barbets.
Ce qui nous oblige avec un très-profond refpeêf,
-monfeigneur, à être vos très-humbles & très-
obéilfans ferviteurs , les maire, échevins & habi-
tans de la ville de... » .
Le Curé de Montlhery haranguant le roi d’E f-
pagne , lui dit : « lire, comme les longues harangues
. font incommodes & les harangueurs ennuyeux,
je me contenterai de dire à votre majefté
que-....
( I l entonna ’fur un vieux noël ) .
Tous'les bourgeois de Châtre & Montlhery,
Ont grande joie que vous foyéz ic i, &c.
Le roi charmé du zèle chanfonnier du Curé,,
lui d it, bis : le pafteur chantant -obéit, le roi
lui fit donner dix loüis. Le curé ayant reçu la
libéralité , dit au prince, bis : on redoubla la
fomme.
H A R CO U R T , ( Henri de .Lorraine, comte
de ) grand écuyer de France , mort en 1666.
Le comte à’Harcourt pouvoit prétendre à la
place .de grand écuyer par fa naiffance. Il ne
l’obtint néanmoins que comme une récompenfe
de fes travaux. C’étoit un généra) brave , généreux
, intrépide, & non moins cher aux foldats
que terrjble aux ennemis,., La victoire le fuivoit
partout j & fi l’on en excepte le fiège de Lénda
qu’il fut forcé de lever en 1646 , il fortit toujours
fupérieur des combats où il hazardoit fou-
vent fa vie. On lui avoit donné le fumom de
Cadet la perle 3 parce qu’il étoit le cadet de la mai-
fon de Lorraine, & qu'il oortoit une perle à
l’oreille. Son portrait füpérieurement gravé pas.
Maffon le -repr-éfente ainfi,
Le comte d'Harcourt, après s’ êtrè 'fignâle*a
Tattaque du pas de Süze en 1629, reçut en
163.7 le commandement d’une armee navale, &
prit fur les Efpagnols lej ifles de faint-Honorat
& de fainte-Marguerite. En 1639, il gagna une
bataille auprès de la ville dé Quiers en-Piémont ,
où »il mit en fuite l’armée efpagnole.,Cette armée!
avoit attaqué vivement les français fur les bords du !
ruilfeau de la Route dans le Piémont. Les.aflail-
lans, quoiqu’au nomb.re.de vingt mille hommes ,
Turent néanmoins battus par le comte d'Harcourt,\
qui en avoit tout au plus huit mille. Les vaincus;
jfurefit eux-mêmes fi étonnés de leur défaite , q.ue;
Léganès, leur général, fit dire au comte d'Har-l
court par un trompette qu’il lui ..envoya pour lui;
demander l’e'ehange de quelques prifonniers , que;
Is’il étoir roi de France ,3 Il lui ,feroit couper la j
têçe pour avoir bazardé une bataille contre unej;
armée beaucoup plus forte que la jienne. « E t ;!
93 moi , reprit Harcourt, fi j’ étois roi d’ECpagne, !
» je ferois couper la tête au marquis de .Léganès, i
» pour s’être laifîe battre par une aimée b.eau-i
.» coup plus foible que la fienne ».
En 1640, le comte d'Harcourt :prit Coni , &
alfiégea Turin j & fut .lui-même aflûégé dans Ton
.camp par les Efpagnols. Les defteins du comte
id’Harcourt fur Turin paroiflbie.nt fi téméraires au
marquis de Léganès ,qu’il écrivit t»u prliicë Thomas
que les dames pouvoient louer des fenêtres
pour voir paffer Cadet la perle. Cependant le général
françois réuffit à préndrè Turin à re-
poulfer' le général éfpâgnbl. Jean de Wert dit
à cette occafion : « J’aïrrierois mieux être général
» Harcourt qu’empereur ».
Le marquis de Léganès ayant réufli pendant
cette opération à couper totalement les vivres
aux françois , lés domefiiques du comte à‘Harcourt
fe donnèrent tant de .mouvement, qu’i's
^parvinrent à fe procurer [quelques barils de vin
pour fa perfonne. Le ,fage général n’en voulut
point faire ùfage , & les envoya aux malades &
aux blelTés. Par cette généreufe politique il parvint
à étouffer jufquau plus léger murmure, au
anilieu de la dïfette la plus affreufe.
En 1645 , le comte d’Harcourt fut fait vice-
roi de Catalogne, & défit à la bataille de Liorens
les efpagnols commandés par le marquis de Mor-
tare. Envoyé dans les Pays Bas èn 1649 , il prit
Çondé , Maube.uge , le château de l’Eclufe &
•plufîeurs autres places. Il fe procura fur la fin de
jes jours une retraite honorable dans l’Anjou dont
il obtint le gouvernement. « L’expérience nous
» apprend difuit ce grand général, que s’il y a
des malheurs imprévus à la guerre , il y a aufli
>) des bonheurs qu’on n’auroirofé fe promettre ». !
HARDIESSE.
I Ciüus Popilius fut. envoyé vers le roi Antio- '
•chus , àvec Une lettre de la part du fénat, par
.laquelle on lui mandoit qu’il eût à retirer fon
armée dans l’Egypte. Antiochus ayant lu cette
lettre , lui dit au’il délibéreroit fur ce que Je
fénat lui demandoit, & qu’enfuite il feroit ré-
ponfe. Popilius fit ,un cercle autour de ce prince
avec une baguette qu’jl tenoit à la main , & lui
dit : « délibère actuellement, & me faisréponfe
» avant de fortir de ce cercle. » Antiochus admirant
fa hardujfe répondit qu’il feroit ce que
les romains fouhaitoient.
Un ancien foldat ayant un procès à foutenir,
pria l’empereur Augufte de le venir fecourir de
fon crédit. Ce prince lui donna un de ceux qui
Taccompagnoient pour avoir foin de fon affaire /
là defliis le foldat fut allez hardi pour lui aire : -
feigneur, je n’ai pas ufé de la même forte à
•votre égard , quand vous étiez en danger dans la
bataille d’Adtium, moi-même, fans chercher de
fubllitut, j’ai combattu pour vous»
Julien Coîlardeau, poète françois du dernier
fiècle,,.& l ’un de plus zélés panégyriftes du cardinal
de Richelieu, fit en l’honneur de ce mi-
niftre, un po.ëme intitulé : la Defcription de Richelieu
, où l’on trouve du feu & cette expref-
fion forte qui femble diftinguer fur le parnafle le
nom de. Coîlardeau. Mai.« ce qui mérite le plus
d’attention , & ce qui le fait citer dans cet
article , c ’.eft le courage avec lequel il ofa mettre
fous les yeux de fon héros, l'éloge du dire de
Montmorency, que le cardinal avoit immolé à
fon reffentiment. Il ne craignit pas de dire aux
mannes de ce guerrier malheureux : •
Tes fublimes vertus, dignes d’un meilleur Tort,
Effacent à nos yeux la honte de ta mort.
Mécène voyant Augufte dans le fénat près de
condamnér à la mort un grand nombre de per-
fonnes , & rne pouvant s’approcher allez près pour
l ’avertir de modérer fa févérité, lui jetta un billet,
à -l’ouverture duquel Augufte trouva ces paroles
hardies :*« .lève to i, bourreau, & fors de là .»
Augufte qui connoiflbit fon affeétion ne s’en of-
fenfa pas, mais au contraire eftima cette ex-
ceflive liberté.
Pomenars , gentilhomme breton, paflant par
les Roches en Bretagne , terre de madame de
Sévigné , trouva une grande affemblée de peuple.
Il demanda ceque s’étoit : «« c’eft , lui dit-on,
» que l’on pend en effigie-un gentilhomme qui
a enlève la fille de M. le comte de Grancé. »
C e gentilhomme^ c’étoit lui-même. II approcha,
il trouva que le peintre l’avôjt mal habillé; il
s’en plaignit. Il alla Couper chez le juge qui l’a-
voit condamné , & partit dès le grand matin le
jour d’après. Il fut encore accufé de fauffe mon-
noie. Sollicitant fes Juges à Rennes avec- une
longue barbe i quelqu’ un lui demanda pourquoi