
pour ne le point perdre de vue. Enfin , étourdi parce
tournoiement, il tomba du haut de f arbre , &le
retard s’en faifit.
Quand le renard voit la loutre pêcher , il fe
tapit derrière une pierre , Sc quand elle remonte
au bord pour dévorer le poiflbn-qirelle a pris , le
renard fait un grand faut pour effrayer la loutre,
èc pour l’obliger à lui abandonner fa proie.
On a obfervé dans le voifinage d’une cabane de
pêcheur, qu’un renard mettoit par rangée dès têtes
de poiffons. On ne favoit quel pouvoit être fon but,
lorfqpe peu de temps après, un corbeau qui fondit
deflus devint fa proie.
Cet animal fe fert de fa queue pour prendre
des écrevifîes, qui aiment à s’attacher à des corps
velus.
Quand il eft tourmenté par les puces , ce qui
lui arrive fouvent, il prend dans fon mufeau une
touffe de moufle ou de foin, & entre enfuite dans
l’eau à reculons , mais fi lentement que fes hôtes
incommodes ont le,temps de fe retirer dans les endroits
fecs.de fon corps. Il s’enfonce enfin jufqu’à
l’extrémité de fon mufeau, & quand il croit avoir
ramafle toutes fes puces dans la touffe qu’il tient,
il la lâche, & fort promptement de l’eau.
La femelle du” renard étant pourfuivie par un
chien, pifie fur fa propre queue, elle la fecoue,
& Jette .ainfi fon urine aux yeux de fon ennemi,
qui, en étant aveuglé, parce qu’elle eft très-âcre,
le voit forcé de lâcher prife.
Serpent. Le ferpent, quel’on regarde comme le
fvmbole de l’ingratitude, eft néanmoins fufceptible
d'éducation; autrefois les macédoniess en élevoient*
Ils leur faifoient téter les femmes , & jouer avec les
enfans. Madame du Noyer rapporte dans Une de
fes lettres, que pendant fon féjour à Dijon, elle
alla rendre vifite à une confeillère du parlement,
qui avoit élevé un ferpent.Comme cette dame avoir
quelqu’indifpofition , madame dit Noyer la trouva-
couchée fur un lit paré : elle avoit bonne compagnie
auprès d’elle. Son déshabillé lui donnoit un
petit air de nymphe. « Je m’approchai de cette
» aiçnable malade, continue celle qui lui rendoit
» vifitè; mais quelle fut ma furprife , quand je vis
» qu’elle badineit avec un-ferpent, qui étoit at-
=? taché à fon bras f avec un ruban couleur de
w feu aftèz long pour lui laifler la fiberté de fe
*> promener fur Je lit* Je fis; un cri effroyable à
» cet afpeôt, & l’horreur que l’on a naturellement
*> pour ces fortes d’animaux, me fit frémir : mais
» la dame me dit que je n’avois rien à craindre,
»» que (on ferpent ne me feroit point de mal ; &
*> après qu’elle lui eut donné un petit coup, comme
*• on auroit fait à un joli épagneul, elle lui dit de
« dormir ; St ce docile animal fe gliffa dans fon
» fein , où un moment après il parut ene&ivement
» endormi. Vous avez vu mon ferpent , ajout»
33 cette dame, on peut vous dire qu’il y a fix ans
3> que je l'a i, Sc que, contre le naturel de ceux
» de fon efpèce, il ne m’a jamais fait aucun mal.
» Toute la compagnie certifia la même chofe, Sc
: w je fortis de chez cette dame dans un étonne-
33 ment dontje ne puis encore revenir. Elle voulut
: 33 que je vifie tout ce qu’il favoit faire : elle fiffla
; 33 à demi-bas ; il s’éveilla, fit mille lingeries, après
33 quoi on fit ouvrir une boëte de vermeil, qui
: 33 étoit pleine de fon, dont il fe régala».
Un citoyen dePatras, ville d’Achaïe, province
du Péloponèfe, après avoir long-temps nourri un
gros ferpent 3 voulut s’ en défaire : il le porta dans
un bois éloigné, où il le laiffa 3 & s’en retournant
, il fut attaqué par des voleurs, qui lui au-
roient ôté la vie , fi le ferpent, qui entendit fes
cris, ne fût venu à fon fecours; il fe jetta avec
furie fur lés voleurs & les mit en fente. Un ferpent
reconnoiflant, quel prodige !
ANJOU (Marguerite d’), femme de HenriVI,
roi »d’Angleterre. .
Marguerite A'Anjou étoit fille de Réné d’Anjou
qui portoit les titres de roi de Naples, de duc de
Lorraine & de comte du Maine, fans pofteder
aucuns de ces états. Il n’y a peut-être point eu
de princefle plus malheureufe en père , & fur-tout
en époux.
Marguerite , femme entreprenante, courageufe >
inébranlable , auroit été une héroïne , fi elle n’ avoir
fouillé fes vertus par un crime, atroce. Née avec
les talens néceflaires au gouvernement d’un empire
, elle eut toutes les vertus guerrières l'ambition,
la néceflïtéla rendirent quelquefois cruelle Æ
& fa hardiefle St la foiblefle de fon époux furent
les fources des malheurs de l’Angleterre.
Marguerite veut gouverner : fous le prétexte:
d’une confpiràtion dans laquelle eft ‘entré le duc
de Glocefter, oncle du ro i, elle le fait arrêter,
& le lendemain il eft trouvé mort dans fon lit*
Cet aéle tyrannique rend la reine toute-puiflantç
dans l’état, le nom du roi eft odieux au peuple ,
&. réveille les. efpérances du duc d’Y orck , def-
cendant d’Edouard I I I , & même d’un degré pins
près de la fouche commune, que la branche régnante.
Le duc d’Yorck portait fur fon écu une-
rofe blanche, & le roi HenriVI une rofe rouge >
noms fameux qui fervirent à diftinguer les partis,
pendant cette horrible guerre civile.
Le duc d’Y orck, foutenu par le parlement, fait
chaffer < de la cour le comte de Suffolck, premier
miniftre & favori de la reine ; & , profitant des
inftans de maladies de Henri V I , qur le-tendoïent
fouvent incapable d’agir & de penfer, il fe met
à la tête du confeil. Le roi, en revenant de fon
aftoupiflement, fe voit fans autorité ; Marguerite
Y excite à être roi. Le duc d Yorck eft chafie clu
confeil, mais il ne part que pour fe mettre à la
tête d’une armée. La reine trame fon epoux débile
à la bataille de Saint-Alban : il y eftblefle ,
pris ; mais fon perfécuteur n ofe encore le de-
trôner ; il fe contente de régner fous le nom de
prote&eur.
La courageufe Marguerite ne peut fouffrir l éf- .
clavage de fon époux, elle Veut qu’ il foit libre :
po,ur l’ être elle-meme ; elle forme un parti , lève
dés, troupes, enlève le roi de Londres, devient
la générale de fon armée , & combat vaillamment
,'mars malheureufement à la fanglante journée
de Nortampton. Le fameux comte de Warwick
'étoit rame du parti rebelle : fon génie l’emporta
fut celui de Marguerite : elle eut la douleur, en
fuyant avec fon fils le prince de Galles , de laif-
fer fon mari dans les fers de fes ennemis. -
Jfette fois le duc. d’Yprck né fe contenta pas
du titré dë protecteur, & réclama la couronne ,
comme y ayant droit du chef d’Edouard III ,
à Texclufion du roi régnant. Cette grande dif-
culfion eft plaidée devant lé parlement comme
une affaire ordinaire, & ce fuprême tribunal décide
que Henri VI gardera le trône pendant fa
v ie , & que le duc d’Yorck , àl’exclufiondu prince
de Galles , fera fon fuccefiféur. On ajoute que, fi
îe roi violoit cette lo i , la, couronne,. dès le moment
, - feroit dév.olue au duc d’Yorck. C etoit
fournir des alimens au feu de la guerre civile.
’ Cependant Marguerite, fans armée, fans parti,
ayant à combattre Londres , le parlement Sc le
duc d’Yorck victorieux, ne perd pas courage.
Elle fuit dans la principauté de Galles, & bientôt
elle reparoît devant Ton ennemi dans la province
d’Yorck, près du château deSandal, à la tete
de dix-huit mille combattans. La bataille s’engage,
la fortune eft favorable à cette^ héroïne. Le duc
d’Yorck , vaincu , tombe percé de coups $ fon fécond
fils Rutland eft tué en.fuyant ; ■ la tête du
père eft plantée fur les -murailles de la ville, &
Marguerite marche vers Londres pour brifer les
fers de fon époux. Bientôt elle jouit d’une nou-
yeHe. gloire : c’èft celle de voir fuir devant eilu le
grand Wàrwick, humilié d’être vaincu par une
femme dans les plaines de Saint-Aîban, & de
rendre là liberté: à fon époux fur le champ de
bataille.
- Si Marguerite triomphe, le bouillant W arw ick
ne déreipère pas de lui arracher la viétoire. Il
vole à Londres ; il préfente aü peuple le fils du'
duc d’Y o rck , & dit « lequel voulez-vous pour
ai-votre roi, ou ce jeune, prince, ou Henri de
»» Lancaftre » ? Le peuple répond , Yorck. Cette
acclamation' porté ce prince fur le trône, il eft
reconnu roi fous le nom d’Edouard IV , & la tete
de fon père eft encore expoféç fur les murailles
d’Y e rck , comme cellé d'un coupable
A cette nouvel!*, Marguerite raflemble foixante
mille combattans ; mais elle n’expofe ni fon mari ,
ni fon fils : elle livre bataille à cet audacieux faï-
feur de roi ( c’eft ainfi qu’il fut appellé dans la
fuite)3 elle eft vaincue, trente-fix mille foldats
font égorgés, près de Tàwton , aux confins de là
province d’ Yorck ; & la reine fuit en Ecofle avec
fon mari &.fon fils.
Marguerite, mal fecouruç en Ecofle, pafle en
France , ou, rebutée par la faufle politique dss
Louis XI, quicommençoit à régner, elle ne peut
raflembler que cinq cents hommes. Avecce foible
fecours , elle repafle la mer ; un tempête fcpare
fon vaifleau de fa petite flotte. Elle arrive prefque.
feule err Angleterre} mais fon courage eft au-
defîus des événefnens : fés reflources ne font
point épuiféës, & fes' ennemis , avec étonnement,
la voient' encore leur préfenter bataille près d’Ex-
liarn. Elle là perd & fuit avec fon fils; & le
malheureux Henri, prifonnier de fon rival, rentre
dans' la tour de Londres. C’eft dans, cette occa-
fion que , , tenant fon fils Edouard : dans fes bras ,
là reine s’engage dans une forêt, où des brigands
la dépouillent de tout çe;qu’elle avoit dé plus riche.
Enivrés d’une telle capture, ces malheureux prennent
querelle ènfemble fur le partage, & Marguerite
faifit cette occàfion pour s’échapper. Accablée
de laflîtude, elle s’enfonçoit dans le plus épais du
bois, lorfqu’ejle eft encore rencontrée par un voleur
de là baridede ces derniers. Celui-ci étoit
prêt à la percer. Marguerite ranime fon courage,
ellé”préfente au voleur fon fils Edouard , &, d’un
ton de” dignité qui lui étoit naturel, elle lui dit;
« mon ami, fauve îë fils de ton roi 33. A ce nom
de roi, le voleur laifle tomber fon épée, & offre à
la reine tous les . fecours dont elle peut le croire
capable-. Marguerite le charge de fon'fils qu’elle
rie peut plus fouteriir. Es forcent tous trois de la
foret : quelques feigneurs du parti de Lancaftre fe
rencontrent heureufement fur leur chemin, & tous
enfemble furent vers Carlile, de là en Ecofle , &
peu de tems après en France, chez René d' Anjou ,
pète de la reine. ’
Pendant trois ans que dura l’exil de Marguerite,
il fe pafla bien des chofes en Angleterre. Edouard
de voit fa couronne à Warwiçk; mais Edouard
fut ingrat. Dans le temps que ,ee guerrier négo-
cioit; en France le mariage de fon maître avec
Bonne de Savoie , foeur de la femme de Louis XI,
Edouard ép.oufe Élifabeth Woodwil , 8çla déclare
reine. Le favori, outragé , fe. plaint : il ëft chafîé
du confëil, & le foutîen de la couronne devient
bientôt l’ennemi du prince qui la porté. Déjà un
parti fe lie aux intérêts de. Warwick , il arme,
tous les bras des mécontens : ce n’eft plus la to%
. rouge qui difpute le feeptre à la rofe blanche ,
c’eft le maître ingrat qui repoufle les, coups que
lui porte îe .fujet irrité.On fe livre d,e^ combats,
ôn négocie : les meurtres, les trahifons fe fuc