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de fon orgueil, lui dit ayec vivacité /que , s3il
» lui prenoit envie de monter à cheval il iroit dé-,
» jeûner à Milan, entendre la meffe à Rome &
» dîner à Naples ». — Si votre majefté va f i vite 3
répondit Y ambajfadeur , elle pourrait aujfi 3 dans le
même jour 3 entendre les vêpres en Sicile.
Le do&eur Dale 3 ambajfadeur de la reine Eli-
fabeth d'Angleterre 3 fe trouvant dans une conférence
avec les ambajfadeurs des autres fouverains 3
on demanda dans quelle langue on traiteroit. En
françois 3 reprit Y ambajfadeur t fpagnol $ car 3 s'adref-
fant au dodeur Dale , e* votre maîtrelfe prend le
» titre de reine de France : non 3 lui répliqua l’anglois
3 traitons plutôt en hébreu 3 puifque votre
30 maître fe qualifie de roi de Jérufalem.
Le comte de P i fard & F évêque du Mans , qui
etoient delà maifon de Rambouillet3 revenant de
Rome, où ils étoient ambajfadeurs 3 furent pris fur
les galères de France, par un pirate nommé Barbe-
Roujfe, ce corfaire les garda huit jours , & comp-
toit d'en tirer une forte rançon. Un jour ayant
quitté -fa galère , le comte fongea à s'évader ;
l'évêque voulut l’en détourner 3 craignant la furie
du corfaire ; Pifani lui répart en colère : « Allez
33 prier Dieu , je ferai le refte ». En effet, il tua
le capitaine & quelques-uns des principaux , &
fe fauva avec l'évêque.
La cérémonie du mariage de Charles I I , roi
d'Efpagne, avec la princeffe Marie-Louife d'Orléans
, fe fit dans une petite chapelle du palais :
!e roi commanda de ne laiffer entrer que les grands
d’Efpagne 3 & de ne point admettre les ambajfadeurs.
Le marquis de Villars,ambajfadeuràtYrmce,
dit : ce La jeune reine étant nièce du roi mon maî-
» tre 3 & mariée de ma main , je ne dois point
» être compris dans l'exclufion ». En effet, il fut
admis à l'augufte cérémonie. En entrant dans la
chapelle , il alla fe mettre à la tête du banc des
grands, fur un petit tabouret qui étoit deftiné pour
le connétable de Çaftille : celui-ci arrivant peu de
temps après , alla droit au marquis de Villars, &
lui dit, que c'étoit fa place : ce J’en conviens , dit
» le marquis, mais montrez m'en une plus honô-
» rable, & je la prendrai ». Il n'auroit point été
aife. d'afligner la place à ces deux prétendans ,
mais on apporta un fécond tabouret au connétable
, & tout fut dit.
A I’affemblée de Lubeck, en 1652, Morofîni,
ambajfadeur de Venife, étant affis dans une falle
du palais, vit venir de loin trois ambajfadeurs des
éleaorats, qui dévoient paffer devant lui 5 il prévit
qu'il y auroit une conteftation à qui fe falueroit
le premier ; il ôta fon chapeau & le' mit fur fes
genoux: les électoraux le voyant découvert, crurent
qu'ils ne pouvoient fe défendre de le faluer
èn paflant devant lu i, à quoi il répondit par une .
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inclination relpeCtueufe. Ces trois ambajfadeurs-fe
vantèrent d’avoir été faluésles premiers, mais Morofîni
les prit pour dupes, car il ne s'étoit pas découvert
pour les faluer, mais bien pour ne les pas
faluer j telle étoit la politique alors.
A l'affemblée de Soiffons , tenue en 1733,
pour terminer la guerre de Bohême, lors du mi-
niftère du cardinal de Fleury, il s'éleva une difficulté
à-peu-près pareille j c'étoit pour déterminer
les rangs, & afligner les places à chacun des dé-*
putés , ce qui n'étoit point facile ; la politique ne
fe trouva point en défaut, car on fit faire par ordre
du roi ( Louis X V ) , une table ronde j ainfi
chaque miniftre plénipotentiaire pouvoit dire avoir
la première place.
Des ambajfadeurs de Hollande en France étant
à [dîner chez le contrôleur-général des finances,
le miniftre leur dit en leur préfentant un fromage :
voila du fruit de votre pays; un d’eux, pour répondre
à cette pîàifanferie, jetta une poignée de
ducats au milieu de la falle, & dit : en voila
aujfif
M. Chanut, ambajfadeur de France en Suède,
étant au lit de la mort, un feigneur Suédois lui
dit : « Je comprends que ce qui doit vous faire
» de la peine en mourant, c'eft de penfer que
» vous ferez enfeveli parmi des proteftans ». L ‘ambajfadeur
lui répondit : «c on n'aura qu'à creufer
» ma fofle un peu plus bas qu'à l'ordinaire , & je
» ferai enterré parmi les catholiques ».
Le grand mogol, Cha-jeham , fort enclin à la
raillerie, demandoit à un ambajfadeur de Perfe : fi
fon maître étoit plus grand qu'un certain petit ef-
clave fort laid , dont l'emploi étoit de chaffer les
mouches autour du trône :«e non, répondit Yam-
33 baffàdeur, il s'en faut bien j mon maître eft feu-
» lement plus grand que toi de toute la tête ».
Un ambajfadeur d’Efpagne confeilloit à Jacques II,
de ne pas tant fe livrer aux prêtres, dont les con-
feils imprudens pourroient lui faire perdre la couronne.
ce Quoi donc, répondit Jaequçs, le roi d'Ef-
» pagne ne confulte-t-il pas fon confeffeur ? » Oui,
répliqua Y ambajfadeur , & c'eft pour cela que nos
affaires* vont fi mal.
Un grand duc de Tofcane fe plaignoit à un
ambajfadeur de Venife , de ce que fa république
lui avoit envoyé un vénitien qui s'étoit fort mal
conduit pendant le féjour qu'il avoit fait auprès
de lui. «c II ne faut pas , dit Y ambajfadeur , que
» votre alteffe s’en étonné, car je puis l'affurer
» que nous avons beaucoup de fous à Venife.
» Nous avons auffi des fous à Florence, lui ré-
» pondit le grand duc, mais nous ne les envoyons
» pas dehors pour traiter les affaires publiques ».
Au concile de Confiance, Dom Diego. d’Anaya,
évêque de Cuença, ambajfadeur de Jean I I , roi de
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Çaftille, ayant eu prife de parole avec Yambaf-
fadeur d'Angleterre qui lui difputoit la prefeance,
termina le différend par des voies de fait. Il prit
fon adverfaire par le milieu du corps & le porta
comme un enfant, ( l'anglois étoit de petite corpulence)
au bas de l'églife, où il le jetta dans un
caveau, qui, ce jour-là, fe trouvoit ouvert. Puis
revenant à fif place, il dit à fon collègue dom
Martin Fernandés de Cordava : I comme prêtre,
» je viens d'enterrer l'ambajfadeur^ d'Angleterre 5
33 faites,le refte comme homme d'épée & cavalier
» de naiffance ».
• M . P * * * ambajfadeur de France auprès' de ViCtor
Amédée, duc de Savoie, fe conduifoit avec toute
la fierté qu'il croyoit convenir à fon caraCterë. •
Quelques jours après que ce prince eut perdu
Montmelian, irrité de quelques traits de hauteur prétendue
que lui fit Y ambajfadeur , il s'approcha d une
fenêtre, l'ouvre, & lui dit avec colère :Vous voyez
bien cette fenêtre ? oui, dit fièrement M. P * * * ,
en s'avançant auprès, j’en -découvre Montmelian.
Nicolas de Harlay, ambajfadeur auprès de la
reine Efifabeth, dans une de fes audiences fecretes,
infinua politiquement à cette princeffe une proportion
de mariage avec le^roi fon- maître. « 11 ne
» faut pas fonger à cela, répondit-elle, mon gen-
» darme ( c'eft le nom de guerre qu'elle donnoit
» à Henri I V ) n’eft pas mon fait, ni moi le fien j
» non pas que je ne fois encore en état de donner
» dupfaifîr.à un mari qui me conviendroit j mais
95 pour d'autres raifons ?a.
C e même ambajfadeur, dans le cabinet de cette
princeffe, feul avec elle, où il étoit queftion encore
de ce-mariage , en parlant elle découvrit un
de fes bras ; Sancy mit un genou en terre, & le lui
baifa. Elifabeth s'en fâcha , ou fit mine de- s'en
fâcher, comme fi notre ambajfadeur lui eût manqué
de refpeél. « Madame, lui dit-il, j’ ai fait ce qu'en
9? pareil cas auroit fait mon maître, que je repré-
»'fente ». Cette exeufe plût à la reine, & Henri IV
approuva la galanterie.
AMBIGAT. Ambigat, roi des Celtes,, étoit
contemporain de Tarquinl'ancien, roi de Rome.
Il régnoit fur cette même étendue de pays qui
compofe aujourd'hui. la monarchie françoife, en
ÿ joignant toute la Flandre : Bourges etoit la capitale
de fes états. Son peuple étoit fi nombreux
que les provinces en étoient furchargées. Il fit
publier qu'il vouloit envoyer Sigovèze 8cBellov.èze,
fils de fa foeur, établir des colonies dans les pays
où les dieux & les augures les conduiroient. Trois
cens mille de fes fujets, vers l'an 600 avant J. G .,
fuivirent çes jeunes princes.’ Bellovèze franchit les
Alpes, & s'établit le long du Po.
Sigovèze traverfa la forêt Hercynie, entra dans
la Bohême, y laiffa une partie de fon armée, &
alla avec le refte terminer fes courfes entre l’Elbe
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le Vefer au bord de l'océan. Queîquès auteurs
prétendent que les Semnons, dont parle Tacite,
& qui étoient les plus puiffans parmi les oueves ,
defeendoient de ceux du pays de Sens qui avoient
fuivi Sigovèze. C e font aujourd’hui les Saxons.
AMBITION. Les romains avoient élevé un
temple à Y ambition : ils repréfentoient cette divinité
avec des ailes & les pieds nuds.
Les traits d’ambition font fans nombre, & nial-
, heureufement toutes les hiftoires en offrent en aoon-
dance. Nous nous contenterons d’en rapporter
quelques-uns.
Ecoutons auparavant les confeils que nos poètes
nous donnent pour nous en garantir.
Des grandeurs & des biens ne foyons point avides f
Nous ferions par le fort confondus & trahis :
Jamais l’ambition ne voit fes voeux remplis,
C’eft le tonneau des Danaïdes.
L’avare eft l’ennemi le plus grand de lui-même ;
Mais l’ambitieux l’eft de tout le genre humain :
Il marche à la grandeur le poignard à la main.
Sans çeflè accompagné du crime fanguinaire,
Il eft entreprenant, & fouvent téméraire:
Sans regrets , fans remords, dans l’horreur des forfaits
Il n’eft rien qu’il n’immole à fes vaftes projets.
L’empefé magiftrat, le financier fauvage,
La prude aux yeux dévots, la coquette volage,
Vont en pofte à Verfailles, efluyer des mépris |
Qu’ils reviennent foudain rendre en pofte â Paris.
Alexandre fut le plus ambitieux des hommes,
db uno difee emnes.
Suivez , jufques dans Babylone,
Ce fier vainqueur de l’univers,
Et contemplez-le fur le trône,
Maître de cent peuples divers ;
Lorfqu’il enchaîne la vi&oire
Et qu’à jamais comblé de.gloire,
Il n’en fauroit plus acquérir,
Un cruel ennui le dévore
De ne pouvoir trouver encore
Un autre monde à conquérir.
Sefoftris, roi d'Egypte, aprèsla mort de fon père
ne s’occupa de rien moins que défaire la conquête
du monde. Ce fut environ l’;an 1500 avant J .C .
qif il partit à la tête de fix cents mille hommes d infanterie
& de quarante mille chevaux, fans compter
vingt-fept mille chars armés en guerre. Ses conquêtes
furent rapides , & Sefoftris, pour en perpétuer
la mémoire faifoit élever des colonnes qui portoient
cette infeription : « Sefoftris le roi des rois & le
feigneur des feigneurs, a conquis ce^pays par les