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de la vie. Son opulence lui procuroit la fatisfac- j
tion de recevoir à fa table julqu’ à des cardinaux ,
& de Its traiter avec fplendeur. Son caractère
doux & toujours égal, & fon humeur enjouée,
lefaifoient aimer & rechercher de tout le monde.
Son mérite le rendoit encore refpeétable; & fa
fanté, qu'il a conlervée jufqu’ à l’âge de quatre-
vingt-dix-neuf ans, a femé de fleurs tous les
inftans de fa vie.
Voici de quelle manière il travailloit ordinairement
: après avoir ébauché fon tableau , il le
• retournoic contre la muraille & fembloit l ’oublier
pendant quelque temps; il le repnnoit-dans la
fuite, tic, refprit moins rempli de fon idée, il
l’examinoit avec des yeux critiques , y corrigeoit
-ce qui lui déplaifoit, & le terminoit enfin.
L e Tîtieh\ avant de jou'r de fa grande, réputation,
s’occupa long temps a graver en bois,
les premiefs: deffins de fes tableaux.
Le Titien s’ étant lié avec l’Ariofte, ces deux/
grands hommes employèrent leurs talynsv à fe
. faire mutuellement honneur. Le Titien fie le portrait
de ce poète fameux , & l’Ariofte a fait
l’éloge du Titien , dans fon poème do. Roland.
Le Titien eut le bonheur de fe faire aimer de
l’Arénn , de ce poète fatyrique, dont les rois crai-
gnoient l’efprit mordant & briguoienc l’amitié.
L ’Arécin , touché du peu de fortune de notre
peintre, confacroit fouvent fa plume à publier
fes talens, & le fit connoîcreà l ’empereur Char-
- les - Quint. Lorfque notre artifte-travailloit , il
savoir quelquefois.un le&eur; c’étoit l’Arétin lui-
même. . - -
On prétend que le Titien làiffoit fouvent ouverte
la porte de l’endroit où il travailloit, feignant
d’avoir oublié de la 'fermer : fes élèves ve-
noient auffitôt copier fes ouvrages , tands que
l’un d’entr’ etix.fiifoit le guet. Mais le Titien ne
leur fut point mauvais gré de leur entreprise ; il retouchent
les copies*, qu'on vendoit enfuite, dit*
on, pour d’excellens originaux.
. Dans fes ouvrages , le Titien a quelquefois
bleffé la vraifemblance & le coflumé. Il Wa point
i fait difficulté d’introduire dans la Préfentation de
Jéfus OErift au 'temple} ,des pages vêrüs à Tefpa-
gnple rSî-de mettre l’aigle d’Autriche fur les boucliers
des foldats romains..
Dans ce même tableau, prèfq-ùé tous les juifs
font habillés en nobles vénitiens.
Le Titien a fait trois fois, le. portrait de Charles*-
Quint ÇÏk cet emperèlir dafoit qu’il avoit reçu trois
fois l ’immortalité des mains du Titien.
Cet artifte ayant' fait, un grand/tableau qui
repréfèntôit les hompiès illuftres de là maifpn
d’Autriche, Charles V voulut abfolununt que le
Titien s’y peignitlui-même. - !§ - * i
T o M ’*
L'empereur l’annoblit, aiufi que fa famille &
tous fes delcendans : il le décora enfuite de l’ordre
de Saint-Jacques, & le ciéa comte palatin.
En peignant pour la troifième fois le portrait de
fon augufte protecteur, le Titien laiffa tomber un
de fes pinceaux, que l’empereur s’empreffa de
ramaffer : l’artilte fe jettant alors aux genoux de ce
prince, s’écria : — ■ « Stigneur, je fuis indigne
d’un pareil feryiçe.— Charles V lui répliqua : le
Titien mérite d’être fervi par Céfar. »
Quand Henri I I I , roi de France, paflfa par
Venife, à fon retour de Pologne, il voulut con-
noître le Titien, & alla jufqucs chez lui pour le
'voir. Le Titien lui montra tous fes ouvrages ; &
comme il s’apperçut que ce prince confidérJt
avec beaucoup de phifir qu Iques-mns de fes ta-"5
b! eaux, il le fupplia de vouloir bien L s accepter.
La v.ue de cet artifte's’étant beaucoup àffoiblie
vers la fin de fes;jours, il voulut retoucher quelques
uns de fes. tableaux, qui ne lui paroiff.ient
plus d'un coloris allez vigoureux ; mais fes élèves
craignirent qu’il rie gâta: lts chef-d oeuvres *}u’a-
voit produit fon pnceau, & mêlèrent dans les
couleurs dont il fe fervoit, dé l’huile d’olive, qui
ne sèc-he point : par-ce moyen , ils effaçoienten
l’ab.'ence du Tiiien} l’ouvrage de fa vie.Heffe.
Le Titien fe maria, dit-on, à l’âge de quatre-
vingt-dix neuf ans, avec une fille qui en avo-it à
peine quinze ■ &- I on attribue fa-mort à ce mariage
fi difproporcionné.
Il a peint fa femme toute nue,, fous la figure de
Venus ; il l’a auffi repréfentée en vierge avec [’enfant
Jéfus & le petit faint Jean : elle eft’, difént
les connoiffeurs, également bien dans les deux tableaux,
. \ ; T OM P SO N , ( Jacques ) poète anglois, mort
en 1748.
Tompfon, auteur du poème* des Saîfons , ."•>&
de ' plufièutjs autres : ouvrages de poéfie, étoit
quelquefois, par fon peu de fortune, réduit
aux derniers expé-liens.. Quin, célèbre .adleur
ansiois, informe que. cet itluiire écrivain venoit
d’ê'ire arrêté à Loi dres par un de fes créanciers,
va le trouver, & lui dit : « Monfieur, je viens
vous remercier; j’ailqis mourir d’une maladie de
languéur, lôrlqü-;'je me fuis fait fre votre-poème
des Saîfons ; mais il m’a fait-tant de plaifii-iy que
pour marque de ma recônnoiffance, je vous avôis
m:s dans mon teftament pour deux cents livres
fterlings ; aôiueilemen^que ma fanté tft rétablie,
grâce tri partie à vôtre charmant ouvrage, & peut-
être pour plus longLterrîps que; je’ne refpéroisf-'ai
cru^u’il -Valoir mieux vous payer ce'petit legs de
mon vivant', que d'en donner plus tard là peine à
mon exécuteur-teftamentaire. Voilà donc ma dett
e , dont vous me permettrez de m’acquitter 5’ »
T R A
& après avoir gliffé fur la table un billet de banque
de cette fomme , il difparut fans laiffer même à
Tompfon le temps de lui répondre.
T O S T . Ce mot, en anglois, fignifie rôtir. Il
fe dit plus particulièrement de l’adtion de boire à
la fancé des belles à la mode. Voicf l’anecdote
qui y donna lieu. Une maitreffe du roi d’Angle-
terie venoit de fe baigner ; un des cpurtifuns.ayala
par galanterie une taffe d’eau du bain de la déeffe ; v
chacun,en but à fon tour : le dernier dit : je retiens ;
la rôtie, failânt allufion à l’ufage du temps, de'
boire avec une iôtîe 'au fond du verre : origine du
toft anglois.
T R A J A N ,’ (Marcus Ul^ius Crinitus Traja-
nüs ) empereur remain, né l’an 51 de Jélus-;
Chrift, mort l'an'i 17/
Trajan efl le prince le plus accompli dont l’iiif- \
,toire ait j imais parlé. Ce fut un bonheur d’être né-
ifous fon rè^ne : il n’y en eut '.point de fi heureux ,
ni de^fi glorieux pour le peuple romain. Grandi
homme d’état, grand capitaine , ayant un coeur
bon p qui le portoit au bien ; un efprk, éclairé,
qui lui mnntroit le meilleur ; l une ame noble,
grande , belle ; avec toutes'les vertus-, iv’étant
extiême fur aucune; enfin, l’hqmme le plus propre
à honorer la nature humaine i & repréfenter
la divine.
Trajan.étqh encore en Germanie, lorfque Ncrva
. qui l’avoit défigné pour fon fucceffeur, vint à
mourir. 11 fut unanimement reconnu empereur
par les .armées de .la Germanie & de la Moefie.
L ’année fuivante, il fit fon entrée.à Rome. Quoiqu’il.
en fut fort! fimple particulier, & qu’il y
revint empereur, il fembloit qu’il n’étoit arrivé
aucun changement dans, fa fortune. Il étoit a
i,pied, & tout le ,monde avoit la liberté de l’ ap-
• procher.. Il faluoît fes .anciennes, connoiffances, &
. prenoipplaifir à en être reconnu. Il morita.au qa-î
• pitpl.e, environné (fï.raut un peuple qui le com-
: bloit de (bénédiél'ons. Il fe rendit enfuite au
palais imp éria lou il entra .du, même air que s’ il
: eût revu fa demeure privée. Il fit mettre fur le
frontifpice de ce't édifice, palais public. On pouvoir,
en effet regarder cette demeure comme.celle
: de tous les c.itov^ns: :On n ’y f ’ôuvoît nulle porté
■ fermée, rüdé difficulté de fa part des'gardes.: Le
: moindre‘part'cülier aVoit la liberté d’aborder le
prince, & de lui parler. Trajan écoiffeit tout le
monde avec la même attention que s’il n’eût aucune
autre affaire. Il fe prêt'oit même atlx co.Vver-
fations familières de ceux qui n’avoient rien à lui
• communiquer.-Ses amis , car M en avoir, tout em- |
pereurqu’il étoit, lui ayant un jour repréfenté qw’iî
étôit trop bon & trop indulgent. «Je veux me corn- I
porter, répondit-d, àTégard de tout le monde ,
delà même manière que je. fouhaiterois qu’un empe- I
T R A $0$
reur fe comportât envers moi lorfque je n’ étois que
fimple particulier ». ,
Les premiers foins de Iraj.an furent de rétablir
la difcipline militaire. Le mérite fous lui ne craignit
pas de le montrer au grand jour. .
Les citoyens en qui il aÿoit reconnu les fen-
tîmens : les plus nobles, les plus généreux,
é.toiént ceux qui avoient le. plus de droit à fa faveur.
Il perifôit que l’êlévâtion du coeur qui rend
un hornme ennemi du défpote, l’attaché inv.iq>
lâbîemèht à . fon empereur.
Quelques çourtifans, jaloux d,u crédit de Sura ,
.le plus, cher de fes favoris, l’accufèrent de ua-
mer des deffeins. contre la vie de fon prince. Il
.arriva que cë jour-.là même Sura invita l’empereur
.à fouptr chez .lui. ' Trajaji,y alla, &; en entrant
dans laimaifon , il renvoya toute fa garde. Il prit
, les bains avant dé fotipef, & fe fit rafer par le
jbarbier de Sura, & fe mit enfuite à table à
côté de fon ami.
Un magiftrat qu’il avoit mis. en place lui ayant
demande la permiflïon de paffer le relie de fes
s jours à fa campagne, Trajan qui fouhai toit l’a voir
auprès de lu i, céda néa nnoins à‘ fes inftances. 11
l’accompagna jufqu’aii moment qu’il devoir s’embarquer
fur mer, & l'embraffa tendrement en fe
réparant de lui.
Trajan ne fe regaxdoit que comme le premier
mügiftrat de l’empire v & le croyoit en cette qua-
■ lire comptable envers fes fujets , qu’ il regardoit
plutôt'Comme fes concitoyens, de l’adminilha-
tion qui lui avoït été connée. La première fois
qu’ii créa un prêteur , il ? di t èr i lui remettant,
félon i’ufâge, une épée entre les mains , ces
mots célèbres que tout le monde a retenus:
« Recevez de moi cette épée, & fervez vous en
foüs mon règne, ou pour défendre en moi un
prince -jullè, ou pour punir en moi un tyran ».
Rlufietrrs héritiers s’étoient iiîfcrits en faux contre
un teftament, & avoient intenté aétion à ce
fiijet contre un certain Euryrhmus. Lorfque ces
héritiers fçurent que cet Eurythmus étoit un a ffranchi
de Trajany\ls voulurent par refpeéf fe
défiller de leur accufation. L ’empereur en futinf-
■ trust : « Pourquoi, leur diriil, vous, défifter?
Mon affranchi n’eff point Polyclete, ni moi
■ Néron » . ! ‘
Il rendit les ordonnances les plus févères contre
la troupe'infâvrie des délateurs , il abolit tous
les prétendus crimes de léfe-majeffé. «O temps
heu reu x s ’écrie,Tacite , en parlant du règne de
ce fage, empereur ; ou l’on n’obéit qu’aux loix,
ou l’on /peut penfer. libremenf ,t & dhe librement
ce que j on(penfe , pu l’on voit tous les coeurs voler
au-deyant du prince, où fa vue feule eü ua‘
bienfait 1 » ,