
On difoit devant 1-ui qu'il y avoit une .bou-
cherie à Troyes où jamais la vian.de ne fe gâtoit,
quelque chaleur qu'il fît.. « Dans ce pays-là , demanda
t-il, n’attribue-t-on pas cette confervation
à quelque chofe de particulier? — A un faint
.révéré dans le lieu , lui répondit on. — Eh bien 1
dit Mairan, je me range du côté du miracle , pour
ne pas compromettre, ma phyfique.
cc Toutes les fautes de Lafontaine, a dit 1 in.-.
» génieux M. de Mairan, font en négligences
» toutes celles de Lamotte font en affectation ».
Il difoit qu’tt/2 honnête homme eft celui a qui le
récit d'une bonne aftion rafraîchit le fang.
M A IR E T , (Jean) hé vers l’an 1604, mort
en 1686..
Mairet a donné au théâtre Chriféïde, Silvie,
Silvanire, le duc d’Offone, Virginie , Sopho-
nifte, Marc-Antoine, Soliman, Muftapha, Athé-
naïs, l’illuftre Corfaire, & Roland le furieux. On
lui attribue encore la Sidonnie & les Vifionnaircs.
Il eut les défauts attachés à fon fiècle ; mais
il ne les prit pas ■ tous, &. il en réforma'piu-
fieurs. Quelques-unes de fes pièces font dans
toute la rigueur des règles s & , ce qu’il ne faut
pas oublier, c’eft qu’elles font antérieures aux
bonnes tragédies de Corneille. -
Sa Silvie n’étoit pas excel’ente, & Mairet Tap-
peloit ordinairement les péchés de fa jeuneffe.
Cependant, parce qu’elle reffembloit un peu à
celles qui font venues depuis, ce fut une jo ie ,
une admiration, & une efpèce d’émotion fi grande
dans tout Paris, que l'on n’y- parloit d’autre
ckofe.
Un berger, qui veut en conter à Silvie, dit à
cette bergère, qui ne l’aime point:
O dieux! foyez témoins que je fouffre un martyre,
Qui fait fendre le tr o n c de ce chêne endurci l
Silvie lui répond :
Il faut croire plutôt qui s’éclate de rire,
■Ovant les fots difcours que tu mè fais ici.
M A LADIE .
Dans l’antiquité toutes les maladies étoient
attribuées aux génies ou efpHts; Pythagore, qui
croyoit que l’air étoit rempli ‘ d’efprits', difoit,
fuivant Diogène Laerce, que-fc’étoient eux qui
envoyoient les maladies aux hommes. Homère'*
dans l’Odyffée, attribue à un génie l’état d’un
homme qui eft accablé d’une grande maladie.
Celfe obferve qu’on attribuoit les maladies à la
colère des dieux immortels, & qu’on avoit coutume
d’implorer leur affiftance pour en obtenir la
güérifon. L’opinion d’attribuer la maladie aux
* mauvais génies s’eft répandue par-tout depuis >
encore aujourd’hui prefque tous les peuples de
l’Amérique croient qifil n’y. a que Dieu ou le
diable qui les rende malades, & qui puiffe les
guérir. ,
Le Baron de Busbec parle , dans fes Ieitres , du
préjugé des turcs fur toutes les efpèces de maladies.
Ce préjugé, dit-il, eiV fi fort, qu’ils n’en
appréhendent aucune ; il fercit à defiier qu’ il le
fût moins. Ils s’expof.ro:ent auffi moins au danger,
& mourroient en plus petit nombre.Ils croient
que Dieu a écrit fyr le front dé tous les hommes
le temps & le genre .de fa mort; qu’étant im-
poffible d’éviter ce deilin , il eft inutile de fuir le
danger. Dans cette opinion, ils n’héfitènt pas. de
toucher les habillemens des peftiférés, les draps
de leur l i t , & de s’en frotter le vifage., & voici
comme ils raifonnent. Si Dieu a réfolu que j.e
meure maintenant, cela arrivera .infailliblement; fi
ce n’eft pas fa volonté, ce linge ne pourra aucunement
me nuire. C ’eft ainfi qu’ils donnent chez
eux une entrée facile à la contagion. Faut-il s é-
tonner, après cela, fi des familles, entières périf-
fent, fans qu’il échappe un feul individu ?
Dans Penarmbuce , province du Bréfil, quand
quelqu’un tombe malade , on lui affigne un temps
pour guérir; & fi dans ce temps-là il n’a pas
recouvré la fanté , on le tue pour le délivrer de
tous les maux qu’il fouffïiro;t, s’il reftoit plus
long-temps malade. Chez les Mégaburiens, ceux
qui étoient fi affoiblis par L’âge , qu'ils ne pou-
voient plus fuivre leurs troupeaux, ou qui étoient
atteints de. quelque maladie incurable, s’ atta-
choient par le cou à la queue d’une vache, qui
les écràngloit en les traînant. C ’étoit choifir.une
fîngulière manière de mourir.
Hoffmann, dans fes confultatîons, attribue la
plupart des maladies des femmes à leur genre de
vie , à leur nourriture & à leurs pallions. Le
fexe, dit-il, aime le fruit, la falade, la pâtilïerie ;
les nourritures doucereufes, boit peu, & toujours
froid, parce qu’il'eft toujours échauffé, mène
une vie fédentaire, dort trop Jong-temps, porte
des habits-qui lui ferre trop le corps , eft fujet
aux pallions violantes, à la frayeur, à la trifteffe ,
& à un amour de longue durée qui le mine. Le
même auteur prétend encore que lés fièvres pourprées
font plus familières aux femmes qu’ aux
hommes , & qu’elles font caufées par le trop grand
.ufage du café. Cette infufîop a fon utilité ; mais
quand on en prend trop, fouvent, elle peut faire
beaucoup de tort.
Voici une épigramme de Martial fur un avare
qui étoit fouvent malade.
Ægrotas uno deciês aut fæpiùs anno;
Neç tib i, fed nobis h o c , Polycarme, nocet;
Nam quoties furgis, foteria pofcis amicos ;
Sit pudor : ægrota jam, Polycarme, femel.
Vou$
Vous êtes malade * Polycarme * dix fois ou
même plus dans une année, ce qui ne vous eft
pas nuifible à vous, mais à nous ; car toutes les
fois que vous êtes convalefcent, vous exigez des
préferis de vos amis. N ’avez-vous pas de honte?
Soyez donc malade une bonne fois pour toutes,
Polycarme.
Un habitant de Nanking, ville de la Chine ,
dont la fille unique étoit attaquée d’une maladie
dangereufe , accabloit tous les jours fon idole
de prières, d’offrandes, de facrifices, & n’cpar-
gnoit rien pour obtenir la güérifon de fa fille.
Les bonzes qui profitoient de fes libéralités,
l’avoient afiuré, de la part de l’idple, que fa
fille guériroit bientôt ; cependant elle mourut. Le
père, défolé, intenta un procès à l’idole. L’affaire
fut agitée dans plufieurs tribunaux, & après
bien des difcuffions, le père gagna fon procès,
& l’idole fut bannie à perpétuité du royaume, a
comme impuiffante & inutile : on démolit fon
temple , & on châtia févèrement les bonzes
trompeurs.
Il y a eu. depuis bien des faints qui auroient
perdu leur procès. „
Apollonide , médecin de Cos très-employé,
ayant été appelé pour voir Amytis, femme de
Megabife , qui fe plaignoit de quelqu’indifpo-
fition, lui d it, après l’avoir bien examinée, que
fon mal .étoit de nature à ne pouvoir être guéri
que par la compagnie d’un homme; il lui offrit
en même-temps fon fecours , qu’ elle accepta.
Cependant le médecin , qui en avoit impofé à la
malade, au moins fur la nature du remède, voyant
que la maladie devenoit de jour en jour plus fé-
rieufe, & dégénéroît en phtifie, ne jugea pas à
propos de continuer plus long-temps un commerce
fi dangereux. Amytis en fut fi piquée,
qu’au lit de la mort elle demanda pour toute
grâce à fa mère de vouloir bien la venger d’A-
pollonide , qu’ elle accula d’être l’auteur de fa
mort : effectivement, après avoir fait fouffrir toutes
fortes de tourmens au médecin, il fut enterré tout
vif le même jour que mourut Amytis.
Arlequin feint le malade dans une comédie : un
médecin qui l’ a guéri, lui demande fon paiement ;
mais arlequin refufant toujours de le payer, le
médecin le fait afîigner. Lôrfqu’ils font tous deux
devant le juge, arlequin dit qu’il ne veut pas de
la fanté que le médecin lui a donnée, & offre
de la lui rendre , érant prêt de la dépofer au
greffe, à condition que le médecin y dépofera
aufli la maladiequ’ il lui a ô té e , enforte qu’alors
chacun reprendra ce qui lui appartenoit.
' Chez les Marfiliens ,* dès qu’il y avoit dans la
ville quelque maladie populaire, un homme d’entre
le peuple s’offroit pour être immolé, & pendant
un an entier on le nourriffoit, aux dépens du
Bnc^clqpédiana,
public* de ce qui fe trouvoit de plus exquis:
[près quoi, à la fin de l’année, l’ayant revêtu
les habits de cérémonie , on le menoit par toute
a v ille , & après qu’on avoit vomi contre lui
toutes fortes d’imprécations, on le jettoit dans
la mer.
C e qu’on appelle communément la maladie du
pays , eft une efpèce d’ antipathie, qui fe change
peu-à-peu en un état de langueur, d’autant plus
déplorable, qu’aucun remède ne peut la guérir.
Théodore Zwinger, profefleur d’anatomie & de
botanique à B â le , a traité ce fujet avec a fiez
d’étendue, & il- a fait voir que les peuples du
nord étoient fur-tout fujets à cette maladie, qu'il
nomme P athopatridalgia y il confeille à ceux qui
en font attaqués, de retourner promptement dans
leur patrie ; c ’eft effectivement le plus sur remède
pour guérir.
Démocrite a laiffé par é c r it, que le fon de
là flûte , bien touchée guérit plufieurs maladies.
M . Burette, dans une differtation fur la mufique
des anciens, inférée dans le cinquième volume
des mémoires de l’académie des belles-lettres ,
parle de plufieurs maladies que la mufique gué-,
riffoit; de ce nombre étoient la fièvre-quarte, la
pefte, la fyncopé, l’épilepfie , la folie, la furdité,
la feiatique, la morfure des vipères: il cite pour
garansdeces cures opérées par la mufique, des
auteurs grecs & latins. Marien Capelle allure que
le chant guérlffoit la fièvre , & qu’Afclépiade
remédioit à la furdité par le fon de fa trompette :
le crétois Taletas, par la douceur de fa lyre,'
délivra les lacédémoniens de la pefte. L ’ écriture-
fainte ne nous apprend-elle pas aufli que la harpe
de David calmoit les. fureurs de Saül ? Athenée
rapporte que le fon de la flûte guérit de la goutte
feiatique, avec cette circonftance que pour réuflir
dans cette cure, il faut jouer de la flûte fur le
mode phrygien. Aulugelle, au contraire , recommande
un mode plein de douceur, & non de
véhémence, comme le mode phrygien. Ccelius
Aurelius marque même jufqu’ à quel degré devoit
aller cette efpèce d’enchantement ; c’étoit jufqu’à
ce que les fibres de la partie venant à fautiller
en palpitant, la douleur fût diffipce, quos, cum
faltum fumèrent palpitanZof difcujfo dolore, mitef-
cerent.
Hippocrate parle fouvent de maladies falutaires,
& plufieurs médecins après lui ont traité la même
matière. En 1729 , M- Elie C ol de Villa^s a fait
fur ce fujet une thèfe, dont l ’argument eft :
Dantur-ne morbi falutares ? Et il conclut pour
l’ affirmative.
M. de Maupertuis, en differtant dans' fes
lettres fur la maladie , remarque, avec rai fon ,
que les auteurs qui fe font avifés de faire l’éloge
de la goutte, de la fièvre, de la pierre & d’autres
maladies n<?n moins cruelles , ont voulu fe fingu-
M m m ta