
L e parlement de Paris fit des remontrances
tres-tortes contre la bulle fcandaleufe de Sixte
•Quint , de i j8 ÿ , qui décîaroit Henri IV bâtard
<x incapable de pofféder la couronne. Plufieurs
magiftrats fcellerent de leur fang leur fidelité à
*eur roi ; tels furent le prêfident Briifon, les con-
feillers d'Archer & Tardif , qui furent pendus à
une poutre dans le petit châtelet; par ordre
«es Seize 3 le 16 janvier 1589..
M- de Voltaire a célébré leur mort glorieufe
par ces vers.
Vos noms font à jamais confeivés dans l’hiftoïre, -
Et qui meurt pour fon roi, meurt toujours avec gloire
r iL O U X . Un médecin de Dublin-, homme
d un certain âge, très en réputation 8c fort riche,
ada utijour recevoir dans un endroit une fomme
aflez confîdérable en billets de banque 8c en or 5
en retournant chez lui avec la fomme, il fut
arreté par un homme qui paroifloit hors d’haléine.
à force de courir-, & qui le pria de vouloir
bien venir voir fa femme attaquée d’un flux vio-
' V ’ ^ aî°uta cîue Ie befoin de fecours étoit
prenant, & que le doéteur feroit content , puif-
qu il ne lui promettoit pas moins qu'une guinée
pour une feule vifite. Le médecin qui étoit fort
avare, s'emprefla de la gagner: il dit à l'homme
de marcher , de lui montrer le chemin & qu'il
Je fuivoit. On le conduifit dans une maifon fi tuée
dans une rue écartée ; on le fit monter à un troi-
fième étage, où on l'introdu lit dans une chambre
dont la porte fut foudain fermée à clé. Alors le
conducteur piéfentant d’une main le bout d'un
piftolet au doCteur & de l'autre une bourfe vuide
& ouverte : « voilà ma femme , lui dit-il, elle
» eut hier un flux qui l'a réduite à l'état où vous
» la-voyez ; vous êtes un de nos plus habiles
30 médecins, & je fais que vous êtes, plus que
** perforine, en état de la guérir ; vous venez
fur-tout de tirer d'un endroit le remède nécef-
» fa re ; . dépêchez-vous de l’appliquer , fi vous
33 n'aimez mieux avaler deux pilulles de plomb
35 qui font dans cet inftrument ». Le doéfeur fit
la grimace, ma;s obéit. Il avoir quelques billets
de banque & cent-vingt-cinq-guinées qui étoient
en rouleaux ; il mit docilement ces dernières dans
la bourfe & voulut fauver les billets ; mais le
filou les fayoit dans fa poche. « Attendez, lui
** dit-il, ii.n'eft pas jufte que vous ayez fait une
« fi belle cure pour rien : je vous ai promis une
33 guinée pour votre vifite ; je fuis homme d'hon-
» neur: la voilà; mais je fais que vous avez fur
« vous quelques petites recettes très-efficaces
03 contre le retour du mal que vous venez de
33 guérir ; il faut que vous ayez la bonté de me
33 lés JaifTer Les billets prirent le chemin des
.*? guinées; alors le filou cachant fon piftolet fous
fon manteau, reconduifit Je médecin en le priant
de ne point faire de bruit, le laifla au coin
d une rue, lui défendant de le fuivre, & cou-*
rut brufquement chercher un nouveau logement
dans un quartier éloigné.
Un archevêque de Cantorbéry, en allant à fa
maifon de campagne, s'arrêtoit ordinairement à
une petite auberge ifolée au milieu d'une forêt,
pour faire rafraîchir fon équipage; il apperçut,
d^ la fenetre de cette auberge, un particulier qui
fe promenoit feul ça & là dans les bois, gefti-
cuiant & remuant les lèvres comme un aéteur
qui répété feul fon rôle ; il fut curieux de fa1-
voir ce que cet homme faifoit; il l'aborde &
lie avec lui une converfation que celui-ci inter-
rompoit à chaque inftant par de nouveaux geftes
& un fojiloque prefque continu : « A quoi êrcs-
» vous donc^occupé, lui dit l'archevêque. — Je
» joue, dit l’autre. — Avec qui ? — Avec Dieu «.
Il n'en fallut pas davantage pour perfuader à l'archevêque
qu'il parloit à un fou, & il réfolut de
s'en amufer quelques inftans. « A quel jeu jouez-
I vous ? — Aux échecs. •— Et le jeu eft-il irité-
» relié? — Aflurément.— Quand vous gagnez
» ou que vous perdez, comment faites-vous vos
n comptes ? — Très-aifément : lorfque je perds
» Dieu m'envoye aufli-tôt un pauvre a qui je
» dennë ma perte; au moment où je vous parle
je fuis mat y & je dois cinquante guinées ».
A ces mots il tire cinquante guinées de fa poche,
les donne à l’archevêque & s'enfuit. Le prélat
ne favoit que penfer d'une aventure auffi lihgu-
Jiere. Il continua fa route & dillribua aux pauvres
les cinquantes guinées. A fon retour il trouve
fon homme au meme endroit & l'aborde comme
une ancienne connoiffance « Eh bien ! jouez-vous
33 toujours, lui dit-il? Comment la chance a-t-elle
M t?un?^ ^ePU!s notre dernière entrevue : Tan-
33 tôt bien| tantôt mal, répondit le joueur ; aujour-
” :d hui j ai fait les plus beaux coups du monde;
33 a 1 inftant où vous m'avez abordé je gagnois
la cinquième partie. —■ Et qui vous payera,
» dit 1 archevêque ? — C e fera vous, dit bruf?
« quement l'autre en tirant up piftolet de fa poche;
» car commeL)ieu m'envoye toujours un pauvre
» quand je perds, il ne manque jamais de m'en-
» voyer un riche quand je gagne ». L'archevêque
venoic de recevoir 500 guinées, le joueur le
favoit; ii fallut les lui donner. Le prélat s'apper-
çut alors, mais trop tard, que cet homme qu’il
avoit cru infpiré n'étoit qu'un voleur.
Un homme vêtu d'un uniforme bleu, galonné
en argent, fe préfenta vers les huit heures, d u '
foir à un hôtel garni & fe fit donner une chambre;
il demanda enfuite un homme de confiance pour
aller chercher fes malles au bureau de la diligence;
on lui repréfenta qu'il étoit trop tard-, que le
bureau feroit fermé, à: il remit la commiflion au
lendemain ; mais comme il trouva qu'il auroit le
temps, avant fouper, d'aller faire un tour dans
Paris, il voulut avoir un carofte de remife & fe
fit conduire dans une de ces maifons confacrées
aux plaifirs des libertins ; il en fortit peu après
avec une femme élégamment mife, qu'il mena
chez un horloger fous prétexte de lui faire pre-
fent d'une double boëte pour fa montre. La jolie
nymphe, accoutumée à etre complaifante, laifla
fa montre pour qu'on y ajuftât cette double boëte,
& fe rendit, avec l'inconnu, à l'hôtel où il devoit
loger. Il commande un fouper délicat, & tandis
qu'on l’apprête il veut donner à fa facile compagne
de nouvelles preuves de fa génerofité ; il
fait venir un bijoutier du voifinage, afin de changer
les bracelets & les boucles de la dame , pour
des bijoux plus précieux, & il ôte lui-même les
omemens qu'il va remplacer. Le choix étant décidé
il ouvre la fenêtre, & crie qü'on lui apporte de
l ’argent blanc pour deux doubles louis ; on tarde
à venir: il a l'air de s’impatienter; il defeend en
paroiflant de mauvaife humeur, & quoique le
bijoutier veuille lui épargner cette peine. Le marchand
& la beauté peu cruelle, attendirent fon
retour pendant une demi-heure ; commençant
à s'impatienter , ils. defeendirent eux - mêmes :
l'homme à l’ uniforme bleu n’étoit qu'un effronté
filou3 qui avoit pris la fuite, après avoir enlevé
adroitement l'argenterie qui étoit fur la table où
l'on devoit lui fervir le fouper. Chemin faifant il
paffa chez l’horloger pour reprendre la montre
qu’il y avoit fait laifler. Ainfi, la courtifane en
fut pour fa montre , fes boucles. & fes bracelets
d’or ; le bijoutier, pour plufieurs paires.de boucles;
le traiteur, pour fon foùper & fon argenterie,
& le propriétaire du evofte de remife, pour le
loyer de fa voiture. '
Mylord Straford fut volé très-adroîtement. Il
avoit une épée d'un très-grand prix : un filou fe
déguîfa en exempt, & fes camarades fe travef-
tirent en foldats aux gardes; ils attendirent le
lord dans une rue où il devoit paifer à pied
fur la fin du jour. Le faux, exempt l’arrêta, en lut
difant, -qu'il avoit ordre du roi de le conduire
a la baftille ; il lui montra un ordre faux parfaitement
bien imité ; il le. fit entrer dans un
fiacre> il monta avec lui ; la troupe efeorta le
rcarolTe; quand ils furent près de la baftille , le
filou demanda 1 epee au lord, parce qu'il ne
convenoic pas à un prifonnier de la garder; il
lui promit de la rendre lui-même à 1 hôtel du
lord ; ù dëfcendit après comme S'il eût voulu
aller parler au gouverneur de la baftille ; il laiffa
le lord feul dans le fiacre & ne revint plus,
ni lui ni ^fes gens : ce feigneur ne pouvoit pas
croire, même long-temps après, qu’on eût voulu
le filouter.
Les filoux 'de Londres font encore plus rufés
que les nôtres ; témoin l’anecdote que l’on va
lire, racontée par un françois., qui y joua un rôle
, fftalgre lut. « Je fortois du fp eéhc le, la prefle
33 étoit grande à la, porte , & je fentis quelque
» chofe entre mes jambes qui m'auroît fait tomber
» fi je n'euflfe été foutenu par la foule; jÿ portai
» la main, & je reconnus que c’étbit un gros
» chien. L'on m'avoit prévenu qu'on couroic
» rifque d’être volé en- forçant du théâtre ; je
» m'étois précautionné contre cet accident, en
33 tenant ma main fur mon gouftet. Tout d'uti
» coup je fens une main velue qui faifit la mienne,
33 & l'on m'enlève ma montre. J'eus la préfencc
33 d'efprit de retenir eetee main , en criant au
33 voleur ; la foule s'écarte, & j'apperçois que
» ce chien qui étoit entre mes jambes, étoit celui
» qui m'avoit volé : je croyois le tenir, mais je me
!» fentis ferré par derrière avec tant de vio-
33 Ience, que je fus contraint de lâcher mon
33 voleur; ceux qui m’environnoient, & qui s'é-
» toient rangés au bruit que j'avois fait, ayant livré
33 paffage au prétendu chien, fe font refférés
» avec tant de promptitude, que je me fuis trouvé
33 fans montre aufli prefle qu'auparavant. Je ne
» puis , malgré ma perte, m'empêcher de rire ,
» lorfque je penfe au tour qu'on ma joué : il n’eft
» pas nouveau ; & l'on afiure que ces ch'etis ne
» font autre chofe que des enfans, qui, à la BS
, 33 véur de cette mafearade , volent impunément,
» parce qu’environnés de ceux qui les mettent en
» oeuvre , ils font fûrs de trouver un pafîage
» après avoir fait leur coup. Il faut nécefiairement
» être volé quand ces meilleurs l’ont réfolu ».
FILOU A T T R A P E . Un gentilhomme dont on
vola la bourfe au palais, réfolut d’attraper le. premier
filou qui travaîlleroit dans fa poche; il s’y
fit mettre un reflbrt dont le jeu étoit fi jufte , que
[ dès qu’on mettoit la main dans cette poche, il
| la^ refferoit tellement qu’on ne pouvoit plus la
i dégager. Il retourna au palais le Lndemain; dans
i le temps qu’il faifoit un emplette, il fut joint
par un filou, qui, dans fon opération, fut pris
comme un rat au trebuchet. Le genti homme s’en
étant apperçu ne fe tourna point vers lui , mais il
fe mit à courir; le filou étoit obligé de le fuivre
malgré lu i, il le promena par-tout, & le donr.oit
, en fpeélacle à tout le monde. On étoic fort fur-
pris de voir ce^ deux infe'parable« ; on croyoit
que c'étoit une gageure. Le filou difoic avec une
çxtreme humilité, Monfieur, ne me perdez pas,
je ferai tout ce que vous exigerez de moi, je me
foumets à tout. Le gentilhomme après avoir fait
longtemps la fourde oreille, lui dit, fais-moi
trouver ma bourfe qui me fut volée hier, je r.e
te relâcherai qu'à ce prix. Le filou qui n'a voit
pas l'argent fur lui, le mena auprès de fis camarades
pécunieux à qui il expliqua fon infortune ;
! pour délivrer le pauvre prifonuier , il FaVut que
l’argent volé fe rendît : ce fut la rançon du filou.
L FINANC IER. Sallufte définit bien le finan-
K kk a, ‘ '