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fervi pour fes triomphes. Il étoit vêtu d’une robe
de pourpre & d’une cafaquefemée d’étoiles d or.
Il portoit fur fa tête la couronne olympique, qui
étoit dolivier fauvage, & dans fa main droite la
couronne pythienne, faite d’une branche de lau-
jier. Il avoit à fes côtés un muficien nommé Dio-
dure. On portoit devant lui les couronnes qu’il
avoir gagnées, & il étoit fuivi d’applaudiffeurs
a gages, dont il avoit formé une compagnie aufli
nombreufe qu’une légion. Ils chantoient la gloire
du triomphateur.
Le fénat, les chevaliers & le peuple accom-
pagnoient cette honteufc pompe , & faifoient retentir
l’air d’acclamations.
Toute la ville étoit illuminée, ornée de f t f
ton s , ôc fumante d’encens.
Par-tout où paffoit le triomphateur , on immo-
loit des viaimes , les, rues étoient jonchées de
poudre de faffran j on jettoit fur lui des fleurs,
des rubans, des couronnes ; & , conformément aux
ufages des romains, des oifeaux & des pièces de
pâtiffcrie.
On avoit abattu une arcade du grand cirque.'
Tout le cortège paffa par cet endroit, vint dans
la place , & fe rendit au temple d’Apollon Palatin.
Les autres triomphateurs portaient leurs
lauriers au capitale j Néron [ dans un triomphe tel
que le fien, voulut honorer le dieu des arts. Hiß.
des empereurs.
On ne s’imaginoit pas que Néron put jamais
donner à l’univers un fpeètacle plus ridicule j mais
il étoit réfervé à cet empereur de donner l’exemple
de toutes les folies & de tous les vices. Il-s’avifa
dans un de ces repas, où l’excès de la débauche
la plus honteufe , étoit joint à la profufion des
mets, de s’habiller en femme, 8c de fe marier !
en cérémonie avec l’infâme Pithagore, & depuis
en fécondés noces de ia même efpèce avec Do-
riphore , un de fes affranchis. Par un retour à fon l
premier fexe, il devint l’épcux d’un jeune homme
nommé Sporns, qu’il fit mutiler pour Jui donner
un air de femme.
L ’extravagant Néron revêtit fa fingulîère époufe
des ornemens d’impératrice, & parut ainfi eh pu- j
blic avec fon eunuque. « Heureux l’empire romain
, difoît-on en voyant ces horreurs , fi le
père de ce monftre n’eût eu que de pareilles femmes
” !.
Il ne manquoit plus à Néron que de devenir
incendiaire. Entendant un jour quelqu’un fe fer-
vir de cette façon de parler impie : Que le monde
brûle quand je ferai mortj & moi, répliqua Néron,
mon plaißr feroit de U voir brûler. Ce fut encore
pendant un de ces feftins abominables préparés par
k s furies, qu’il fit meure le feu aux quatre coins
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de Home. L’embrâfement dura neuf jours, les plus
beaux monumens furent confumés par les flammes.
Il y eut dix quartiers de la ville réduits en
cendres > ce fpe&aclë lameniable^ut une fête pour
lui j il monta fur une tour fort élevée pour en
jouir à fon aile. On ajoute que ce frénétique prenant
fon habit de théâtre , déclamoit de toutes
fes forces une tragédie dont le fujet étoit relatif
à la fcène qu’il avoit devant les yeux.
Néron avoit accufé les chrétiens de fon empire
d’être les auteurs de l’incendie de Rome. Car
c étoit encore un vice de ce prince de commettre
Je crime 8c d’en rejetter toute la noirceur fur des
mnocens. Les chrétiens devinrent dès ce moment
l’objet de fes fureurs. Il faifoit couvrir de cire &
d’autres matières ceux que l’on trouvoit, & les
faifoit brûler la nuit, difant que cela jervoit de
flambeau.
Le fénat fe réveillant enfin de fa léthargie, &
foutenu. pat Galba , qui s'étoit mis à la tête des
principales forces de Temçire, rendit un décret
qui déclarait Néron ennemi de la république , &
le condamnoit à être précipité de la roche du
capitole, après avoir été traîné tout nud publiquement
& fouetté jufqu'à la mort.
C e prince , pour éviter l'exécution de la condamnation
portée contre lui, fe vit obligé de fe
cacher dans ia maifon d'un de fes affranchis.
Dans le moment il fe perça la gorge avec un
poignard; & comme il.y alloit mollement, Epa-
phrodite , fon affranchi & fon fecrétaire , appuya
le coup & aida le poignard à s'enfoncer.
Le jour de la mort de ce tyran fut un jour
de joie pour le peuple romain. On aibora publiquement
le fignal de la liberté , & le peuple fe
couvrit la tête de chapeaux femblables à celui
que prenoient les efclaves après leur affranchif-
fement.
N E R V A ; fC o c c e ïu s ) , empereur romain,
né l'an j z de Jéfus-Chrill, 8e mort l'an yS.
Le commencement du règne de Nervo, dit
Pline, fut l'époque du retour de la liberté ; &
Tacite loue ce bon prince d’avoir fu allier deux
choies que Ton croit communément incompatible
, l'autorité fuprème d'un fèul, & la liberté
des citoyens
C e prince, plein de confidération & de déférence
pour le fenat, ne decidoit aucune affaire
qu’après avoir pris l'avis des chefs de cette epro-
pagnie. Il avoit juré folemnellement que tant qu’il
vivrait, nul fénateur ne feroit mis à mou. Il fut
fi_ fidèle à fa parole, qu’au lieu de punir deux
d entre eux qui avoient confpiré contre fa vie,
il fe contenta de leur faire conncître quil
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n’ignoroic rien de leur projet. 11 les mena avec
lui au théâtre, les plaça à fes côtés, & leur
montra les épées des gladiateurs qu’on lui pré-
fentoit j fuivant la coutume} il leur dit : EJfaye%
fur moi f i elles font bonnes.
Une des maximes de cet empereur clément
étôit^que la bonne confcience vaut un royaume.
Se Tentant proche de fa fin , il adopta Trajan,
& ce ne fut pas le moindre de fes bienfaits
envers le peuple romain.
N E W T O N , (Ifaac), célèbre mathématicien
anglois, né le jour de Noël de l'an 1^42 à
Vyolftrope dans la province de Lincoln, mort
à Londres, le 20 mars 1727.
Newton avoit la taille médiocre avec un peu
d’embonpoint dans fes dernières a .nées j l’oeil
fort vif & fort perçant , la phifionomie agréable
& vénérable en même tems, principalement
quand il ôtoit fa perruque, & laiffoit voir une
chevelure toute blanche, épailîe & bien fournie.
Il ne fe fervit jamais de lunettes, & ne perdit
qu’une feule dent pendant, toute fa vie. Son nom
doit juftifier tous ces petits détails. Il étoit- né
fort doux & avec un grand amour pour la tranquillité.
Newton s’étoit accoutumé de bonne heure à
être vêtu légèrement, afin de s’habituer à toutes
les vrciflïtudes de l ’air 5e à toutes les degrés de
température fans en être incommodé. L ’hiver
il portoit volontiers fes habits d’ été. é
Il y a des preuves que Newton avoit fait à
vingt-quatre ans fes grandes découvertes en géométrie,
& pofé les fondemens de fes drux célèbres
ouvrages , les Principes & Y Optique. Le j
livre des Principes ayant été connu de l'empereur
de la Chine, par la voie des millionnaires françois,
ce fouverain voulut en témoigner fa fatisfa&ion
à l’auteur-par une lettre qu’il lui écrivit en langue
chinorfe. Comme il ne doutoit point que fa réputation
ne fût répandue dans toute l’univers ,
& qu'il croyoit que tout le monde devoit favoir
fa demeure , il fit mettre fur la lettre cette
fimple adreffe : A Monfleur Newton en ^Europe.
La lettre parvint au philofophe anglois, & en
la traduifant, on y vit des expreflions très-vives
de l’ eftime que l ’empereur faifoit de l’ouvrage
& de l’auteur.
Newton a découvert & démontré le principe
de l’attrattion, principe nouveau qui fait mouvoir
la nature. On demandoit à ce philofophe
comment il avoit pu trouver le fyflême du
monde. Ceft, répondit-il, pour y avoir penfé
fans cejfe. .
Il eft intereflant de voir dans Ykiftoire des
philofophes modernes les degrés par lefqudsIVmvc/r
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. parvint à fes plus fublimes découvertes. Il y eft:
dit qu'étant feul dans un jardin, il fe mit à méditer
fur la pefanteur des .corps, & il lui parut
que puifqu’on trouve que cette force ne diminue
; point d'une manière fenfible à la plus grande
diftance de la terre où nous puiflions parvenir,
ni aux plus hautes montagnes , elle devoit s’é-
| tendre jufqu’à la lune. Et fi cela eft , difoit-il
! en lui-même, cette force doit influer fur fou
mouvemént, & la retenir dans fon orbite. Delà
il alla jufqu’aux planètes. Revenant enfuite à
la lune, il trouva par le calcul que cette aélion
ét-oit capable de produire cet effet.
a Newton auroît préféré de vivre inconnu, plutôt
que de voir le calme de fa vie troublé par
ces orage» littéraires que l’efprit & la fcience
attirent à ceux qui s’élèvent trop. On voit pat
une de fes letrres du commercium epifiollcum, que
fon traité d’optique étant prêt à imprimer, des
objc&ions prématurées qui s’élevèrent, lui firent
abandonner alors ce deflfein. Je me reprochois,
dit-il, mon imprudence de perdre une chofe aufli
réelle que le repos , pour courir apres une ombre.
Mais cette ombre ne lui a pas échappé dans la
fuite j. il ne lui en a pis coûte fon repos qu’il
eftimoit tant, & elle a eu pour lui autant de
réalité que ce repos même. {Eloge de Newton par
Fontenelle ).
En 1696, Newton fu t, avec 1’agrément du
roi Guillaume, créé garde des monnoies. Il
rendit dans cè re charge des fervices importans
à l’occalîon de la grande refonte qui fe fit en
ce tems là. Trois ans apiès il fut mahre de U
monnoie, emploi d’un revenu çonfidtrable, &
qu’il pofféda jufqu’à fa mort. Èn 1703 , il fut
élu préfident de la fociété royale, & a été con-
fervé dans cette place jufqu’ à fa mort pendant
vingt-trois ans.
Depuis que^ Newton fut employé à la monnoie,
il ne s’engagea plus dans aucune entre-
prife donfidérable de mathématiques, ni de phi-
lolophie i car quoique l’on pût compter pour une
entreprife confidérable la folution du fameux problème
des trajectoires, propofé aux Anglois
comme un défi par Leibnitz pendant fa contef-
tation avec eux , & recherché bien foigneufe-
ment pour l’embarras & la dfKcuIté, ce ne
fut prefque qu’un jeu pour Newton. On allure
qu’il reçut ce problème à quatre heures du foir,
revenant de la monnoie fort fatigué , & ne fe
coucha point qu'il n’en fût venu à bout. {Eloge
dé Newton ).
Cet homme illuûre , ajoute fon panégyrifte
cônferva une fanté toujours ferme & égale jufqu’à
un âge très-avancé, circonftar;ce très-efîen-
tielle du bonheur dont il a joui. Il ne fouffric
beaucoup que dans les derniers vingt jours de
fa, vie. On jugea fûrement qu’ ilavoit la pierre,
8c qu'il ne pouYoit en revenir. Dans des accès