dans la faite, & un moment après on le mena
dans le cabinet du miniftre ; on vit auffi-tôt la
confternation fur le vifage de ceux de cette compagnie
, dans la penfée que P...... venoit faire une
enchère. Deux heures après étant forti, cesMef-
fîeurs députèrent chez lui pour le fupplier de
ne pas leur nuire, & qu'ils lui feroient préfent
de cent mille frans. P ....... qui n'avoit parlé à
Colbert que des affaires de M. L.....’ , fans
penfer à dire un mot des Fermes, fe fervit de
l'pccafîon ; & après avoir fait quelques difficultés
aux députés, comme fi effectivement il eût
voulu aller fur leurs brifées , il reçut le préfent.
Il n'a jamais fait vifîte qui lui ait tant valu.
FAVORIN. Sophifie célèbre fous 1' empereur
Adrien.
On dit -que Favorin s'étonnoit de trois chofes :
de ce qu'étant né gaulois , il parloit en grec 3
de ce qu'étant eunuque 3 on l'avoit acçufé d’adultère
3 de ce qu'il vivoit, étant ennemi de l'empereur.
FAYE. ( Jean-FrançoisLeriget de la) de l'académie
françoife, mort en 1731.
Voltaire en a fait ainfi l'éloge:
H a réuni le mérite
Et d’Horace & de Pollion ;
Tantôt protégeant Apollon,
Et tantôt «hantant à fa fuite.
Il reçut deux préfens des dieux,
Les plus charmans qu’ils puiflènt faire ,
L’un étoit le talent de plair e,
L’autre le fecret d’être heureux.
FA Y E T T E . (Marie-Madeleine Pioche de La-
vergne, marquife de la ) morte en 1693.
Madame de la Fayette, la femme de France
qui avoit le plus d'efprit & qui écrivoit le mieux ,
comparoit un fot tradu&eur à un laquais que fa
maîtrefiTe envoie faire un compliment à quelqu'un:
ce que fa maîrreffe lui aura dit en termes polis
, fi va le rendre groffièrement, il l'eftropie;
plus il y avoit de délicateffe dans le compliment,
moins ce laquais s’en tire bien.
Madame de la Fayette âgée de 19 ans, difoit
je compte encore par vingt.
J'ai ouï raconter par Madame de la Fayette,
dit l’abbé de Saint-Pierre, que dans une conver-
fation, Racine foutint qu'un bon poète pouvoit
faire exeufer les grands crimes & même infpirer
de la compaffion pour les criminels. Il ajouta qu'il
ne falloit que de la fécondité, de la délicateffe
de la jufteffe d’efprit, pour diminuer tellement
l'horreur des crimes de Médée ou de Phèdre,
qu'on les rendroit aimables aux fpeétateurs> au |
point de leur infpirer de la pitié pour leurs malheurs.
Comme les affifians lui nièrent que cela fût
poffible, & qu'on voulût même le tourner en ridicule
fur une opinion fi extraordinaire 5 le dépit
qu il en eut le fit réfoudre à entreprendre Phèdre,
où il réuffit fi bien à faire plaindre fes malheurs,
que le fpe&ateura plus de pitié delà criminelle,
que du vertueux Hypolite.
Madame de la Fayette difoit : M. de la Rocke~
foucault m a donné de 1‘efprit; mais f a i réformé
fon coeur. C efi que M. de la Rochefoucault, qui
devint fi vertueux, avoit donné dans tous les vices
qui regnoient à la cour dans le temps de fa jeu-
nelfe. '
Trois mois après que Madame de la Fayette
eut commencé d'apprendre le latin, elle en fut
plus, dit Ségrais, que M. Ménage & le père Ra-
pin , fes maîtres. En la faifant expliquer ils eurent
difpute enfemble fur l'explication d'un paffagej.
Madame de la Fayette leur fit voir qu’ils n’y en-
tendoient rien ni l’un ni l’autre, & leur donna la
véritable explication de ce paffage.
Madame de la Fayette difoit a Ségrais, que de
toutes les louanges qu’on lui avoit données, rien
ne lui avoit autant p!û que deux chofes qu'il lui
avoit dites 3 qu’eile avoit le jugement au-deffus
de fon efprit, & qu'elle aimoit le vrai en toutes
chofes. C'eft ce qui a fait dire à M. de la Rochefoucault
, qu-’elle étoit vraie j façon de parler donc
il efi fauteur & qui a réuffi.
Madame de la Fayette avoit coutume de dire*
qu'une période retranchée d'un ouvrage valoit un
louis d'or, & un mot vingt fols.
Zaide qui a paru fous le nom de Ségrais j étoit
de Madame de là Fayette, & de M. de la Rochefoucault.
Ils avoient part à la princejfe de Cteves,
où Ségrais travailla auffi.
FEMMES. Prefque toutes les femmes ont reçu
l'éducation la plus négligée. Auffi-tot qu’elles font
leurs maîtreffes elles ne lifent que de mauvaifes
brochures, & ' des drames qui achèvent de leur
gâter le goût. Elles mènent la vie la plus diffipée,
& prétendent à la feiençe univerfelle 5 elles fe
connoiffem en tableaux, en architecture 3 elles
font gîukittes & piccinifies fans favoir un mot de
compofition 3 elles font des cours, montent à
cheval, jouent au billard, vont à la chaffe, con- -
duifent des calèches, pafîènt des nuits au bal, an
pharaon , écrivent au moins dix billets par jour,
reçoivent cent vifîtes, & fe montrent partout. On
les voit fin ceffivement, dans l’efpace ^de douze
heures , a Verfailles, à Paris , chez un marchand,
à une audience du miriiftrê, aux promenades, dans
un attelier de fculpteur, à la frire, à l’académie,
à l'opéra, aux danfiurs de corde, appluu-
diffant & goûtant également Préville &; Jeannot,
d’Auberval 8c le petit Diable. Pour leur fenfibi-
lité, il efi vrai] qu'elles ont des galeries de
portraits, des autels à l'amitié, des hymnes
a l'amitié 31 elles ne brodent plus que des chiffres
, ne parlent plus que' de fendaient, de bieri-
faifance, & des charmes de la folitude, &
font toutes des efprits forts. Les femmes font
par effence légères, indiferettes , aiment à
parler, à fe vanter de la confiance qu’on leur
témoigne. Celles mêmes qui ont du courage &
des principes ne méritent pas plus de confiance>
parce qu’elles trahiront involontairement. La foi-
bteffe delà conftruéfciondes femmes, la mobilité
de leurs traits, l'expreffion de leurs yeux, la rou"
geur involontaire que la moindre furprife excite
en elles, fa délicateffe même de leur teint qui
rend cetté rougeur plus vifible & plus marquée,
tout enfin concourt à rendre leuis premiers mou-
vemens indiferets.
II y a une efpèce de femmes qui commencent
par fe faire juftice à elles-mêmes, & puis qui la
Font aux autres ; qui étant dans le monde, y vivent
conformément à leur qualité, fans fcrupule & fans
libertinage : le fpeétacle eft pour elles un fimple
divertiffement & jamais un rendez-vous. Ces
femmes vont dans les compagnies, jouent, quand
l'occafîon s'en préfente. A la vérité on ne les
rencontre pas dans les hôpitaux j mais elle payent
leurs dettes."La porte de leurs maifons n'eft pas
régulièrement fermée à, une certaine heure* mais
leurs gens vivent dans l'exa&itude 3 elles reçoivent
les vifîtes des hommes : mais elles rie connoiffent
aucun amant.Elles font gaies, agréables, fans
être libres ni diffipées3 les plaifanteries ne les
épouvantent pas, parce qu’elles n’y comprennent
que ce qu'une honnête femme doit y comprendre.
Leurs qualités , il efi vrai, n'ont pas encore atteint
la perfection des vertus, chrétiennes 5 mais
il y a plus à parier pour I3 fageflè de ces fortes
de femmes, que pour celles de plufieurs dévotes
de profeffion.
Une évêque ayant foutenu, dans le concile de
Mâcon, qu’on ne pouvoit ni qu'on ne devoit
qualifier les femmes de créatures humaines, la
queftion fut agitée pendant plufieurs féances. Les
avis fembloient partagés 5 mais enfin les partifans
du beau fexe l'emportèrent : on prononça par
grâce qu’il faifoit partie du genre humain.
La princeffe Sabine, époufe du duc Ulric de
.Wirtemberg, voulant lui donner des confeils à
1 occafion de la guerre que ce prince avoit avec
la ligue de Suabe 3 il lui dit fièrement : Madame,
nous vous avons prife pour avoir des enfans &
non pour nous donner des avis.
Unt femme devoit fe marier, les parties fe con-
venoient, & on étoit à la veille du jouroù<Jevoit
fe télébrer le mariage. Les parens des deux
futurs vont avec eux chez un notaire pour les
aecordailles ; avant de faire figner le contrat de
mariage aux parties, le notaire leur en fit la leéture,
& quand il vint à ces mots : « & en cas que la
*> future époufe furvive au futur époux, ladite future
» époufe remportera fes bagues, joyaux, & ce-
» ter a »». Cette femme croyant que cet & cetera.
vouloit dire & fe taira, protefta qu'elle ne figne-
roit jamais un contrat qui l'obligeroit à fe taire,
& refufa de fe marier.
Un homme demandoit au philofophe Arifiippe,
quelle forte de femme il devoit prendre ? « Je
» n'en fais rien, répondit-il: belle, elle vous
« trahira 3 laide, elle vous déplaira 3 pauvre, elle
» vous ruinera5 riche, elle Vous dominera. Mon
35 ami, eonfeihez-vous vous même ».
/ Les Egyptiens avoient de grands égards pour
les femmes. On rendoit plus de refpeél & d’obéif-
fance aux reines qu’aux rois. Parmi les particuliers
mêmes, les hommespromettoientdans le contrat
de mariage, qu’ils léroient en tout fournis à
leurs femmes. Cette coutume devoit fon origine
au refpe<&. & à la vénération qu'Ifis s'étoit attiré,
par la manière dont elle avoit gouverné l'Egypte,
après la mort d’Ofîris fon frere. C e fut encore
l'exemple heureux de fon mariage avec ce prince,
qui donna lieu à l'établiffement de la loi qui auto-
rifoit le mariage des freres avec les foeurs.
Plufieurs femmes étant chez M. le chancelier,
& ce chef de la magiftrature , plein de fel &
d’enjouement en fociété, malgré fes importantes
occupations, plaifantoit les dames fur l’acharnement
avec lequel elles' déclamoient contre fon
nouveau fyftême. Il leur reprochoit d'embarraffer
fes occupations, de retarder, par leurs criaille-
ries, par l’afeendant quelles prenoient fur leurs
maris , &c. Il ajoutoit qu’il trouroit cela d'autant
plus étrange, qu’elles n'étoient point au fait de
la politique, que cette matière leur étoit interdite
par leur fexe, leur éducation & leurs organes5
qu'en un mot elles n'y entendoient pas plus que des
oies....... « Eh! ne favez-vous pas, Monfîeur le
» chancelier, lui répondit avec vivacité Madame
» Pelletier de Beaupré, que ce font les oies qui
»» ont fauvé le capitole » i
On connoît cette allégorie fatyrique de Chrif-
tien de Troy e s, auteur qui vivoit dans le douzième
fiècle. Gauvain, preux chevalier de la cour
du roi Artus, époufa, dans fes voyages, une fort
belle dame. La noce faite, il veut préfenter fa
femme à la cour, & la conduit en croupe der-
j rière lu i, félon la coutume de fon temps. Un
inconnu armé de toutes pièces les rencontre,
& veut enlever la belle. Gauvain lui repréfente
qu'elle efi à lui 3 l'inconnu lui répond : « fi efig