
Jérufalem ; vendredi fa mort, hier fa réfurre&ion, &
aujourd'hui je dois prêcher fon pèlerinage à Emaüs,
avec deux de fes difciples. J'ai vu , monfeigneur,
votre alteffe royale dans le même état. Je vous ai
vu triomphant, dans cette ville avec la reine ,
Marie de Médicis , votre mère : je vous ai vu
mort par des arrêts , fous un miniftre : je vous
ai vu relfufciter par la bonté du roi , votre frère , &
je vous vois aujourd'hui en pèlerinage. D'où vient 3
monfeigneur, que les grands princes fe trouvent
fujets à ces changemens ? Ah ! monfeigneur , c'eft
qu'ils n’écoutent que les flatteurs , & que la vérité
n'entre ordinairement dans leurs oreilles 3 que
comme l'argent entre dans les coffres du roi 3
un pour cent. "
• Un jour que M. Camus prêchoit devant l'archevêque
. . . . dont les manières étoient bifarres :
monfeigneur, lui difoit-il, quand je m'imagine
votre tê te , je crois voir une bibliothèque. D'un
côté , je vois les livres de faint Auguftin & de
faint Jérôme} de l'autre, ceux de faint Cyprien
& de faint Çhryfoftôme & quantité de places
pour en mettre d'autres.
Dans un fermon que M. de Bellay faifoit aux
Cordeliers , le jour de faint François} mes pères ,
leur difoit-il, admirez la grandeur de votre faint:
fes miracles paffent ceux du fils de Dieu , Jefus-
Chrift, avec cinq pains & trois poiflonsne nourrit
que cinq mille hommes , une fois en fa vie }
8c faint François avec une aune de toile, nourrit
tous les jo u r s p a r un miracle perpétuel, quarante
mille fainéans.
M. de Bellay prêchant dans l'affemblée des
trois états du royaume , un fermon qu'il a fait
imprimer , il parla ainfi : Qu'euffent dit nos pères
, de voir paffer les offices de judicature à des
femmes & à des enfans au berceau? Que refte-
t-Ü plus, linon comme cet empereur ancien ,
d'admettre des chevaux au lénat ? Et pourquoi
non ? puifque tant d’ânes y ont entré.
M. Camus n'aimoit pas les faints nouveaux,
& il difoit un jour, en chaire , fur ce fujet : Je
donnerois cent de nos faints nouveaux pour un
ancien. Il n'efî chaffe que de vieux chiens j il
n’eft châffe que de vieux faints.
M . de Bellay fe plaifoit à faire des affiliions,
quelque mauvaifes qu'elles fuffent. Prononçant
un jour le panégyrique de faint Marcel, fon texte
fut le nom latin ae ce faint., Marcdlus , qu'il coupa
en trois pour les trois parties de fon difcours.
Il dit qu'il' trouvoit trois choies cachées dans le
nom de ce grand faint., i° que Afarvouloit dire
qu’il avrok été une mer de c h a r i t é d 'àm o ur envers
fon prochain > 2° que cet3 montroit qu'il
avoir eu , aufouverain degré, Je fel de la fageffe
des. enfans de dieu j 3? que lus prou-voît a lle z,
connue 31 avoit porté la lumière de l'évangile à :
tout un grand peuple, 8c comme lui-méme avoit
été une lumière de l'églife , 8c la lampe ardente1
qui brûloit du feu de l'amour divin.
Ce que M. Camus dit un jour à Notre-Dame,
avant de commencer fon fermon, eft plus fpîri-
i tuel r Meilleurs, on recommande à vos charités
une jeune demoifelle, qui n'a pas affez de bien
pour faire voeu de pauvreté.
; ^ Saint François de Sales s’étant plaint un jour
à M. Camus de fon peu de mémoire, il lui ré-
pondit : Vous n'avez pas à vous plaindre de votre
partage , puifque vous avez la très - bonne part
qui eft le jugement, dont je vous allure que je
fuis fort court 5 à ce mot, faint François de Sales ,
fe mit à rire , &l'embraffant tendrement* lui dit:
, Je connois maintenant que vous' y allez tout à
la bonne foi. Je n’ai jamais trouve qu'un homme
avec vous , qui m'ait dit qu il n'avoit guère de
jugement. Mais ayez bon courage , l'âge vous en
apportera affez : c'eft un des fruits de l'expérience
& de la vieilleffe.
Le cardinal de Richelieu demanda un jour à M .
Camus, fon fentiment fur deux livres nouveaux ,
dont l'un étoit le Prince de Balzac , & l’autre ,
, le miniftre d'état de Sichon. Monfeigneur, répondit
il, l'un ne vaut guère l'autre, rien du
tout.
M. de Bellay, définifloît la politique, ars non
tam regendi , quam fallendi homines.
M. de Bellay difoït qu'il étoit furpris de deux
chofes} l'une que les catholiques qui difent que
l'écriture eft un livre fort obfcur , l'expliquent
néanmoins fi rarememt dans leurs fermons }.
& l'autre que les proteftans qui difent qu'elle eft
claire comme le jour , fe tuent cependant à l'expliquer
dans leurs livres.
C AN D EU R . La candeur naît d'un grand amour
de la vérité 5 elle eft la marque d'une belle ame.
La candeur eft d'ordinaire l'apanage de l'enfance ,
mais 3 eft rare de ne pas la perdre par le commerce
du monde.
Dès l'âge de trerîte ans, Fontenefle follîcka une
place à l'académie} ©n lui préféra l'abbé T ê tu ,
dont le plus grand mérite étoit d’avoir été l'inf-
tituteur des prînceffes , filles de Moniteur , frère
du roi. C ’eft cette confidération qui engagea ce
prince à ne pas refufer à l’abbé Têtu une démarche
auprès de l'académie j un gentilhomme fut
envoyé yers cette compagnie pour lui témoigner
que Monfleur prenoit intérêt à la nomination de
l'abbé Tétü. L'académie répondît qu'elle auroit
à la recommandation dit prince, les égards qu'elle
méritoit. Monfieur, furpris d’une déference à laquelle
il ne s'attend©«: pas , dk auffi-tôt, avec
candeur : Eft-ce: qu'ils ie recevront i
Jamais perfonne n'eut plus de candeur d’ame,
que Nicole } fimple, timide, enfant, à bien des
égards, fans le moindre ufage du monde : ce célèbre
auteur , amufoit fouvent par fes naïvetés ,
les illuftres folitaires de Port-Royal. Une demoifelle
étoit venue le confulter fur un cas de confidence
: au milieu de l'entretien , arrive le père
Fouquet de l'Oratoire, fils du fur-intendant. Nicole
, du plus loin qu'il l'apperçoit , s'écrie :
« V oici , mademoifelle , quelqu’un qui décidera
» fur là chofe »} 8c fur le champ , il conte au
père Fouquet, toute l'hiftoire. La demoifelle rougit
beaucoup. L'aventuré courut le monde. Lorf-
qu'on faifoit des reproches à Nicole, fur une pareille
imprudence, il difoit pour s'excufer : » Cet
» oratorien- étoit mon confeffeur } puifque je n’a-
» voisrien de caché pour ce père, cette demoi-
» felle ne devoit pas être réfervée pour lui »5.
Un célèbre do&eur mufulman , nommé Abube-
cre Çobbatki , étant monté en chaire , avoua fon ;
ignorance fur quelques difficultés. Àuffi-tôt quel- j
qu'un lui cria qüe, puifqu'il ne favoit rien , il
devoit quitter une place qui n'étoit faite que pour ;
les perfonnes inftruites. « J'y fuis monté , répon- ,
dit l'humble doéteur, félon la portée de ma fcien-
*> c e } mais fi je m'étois élevé à proportion de i
» mon ignorance, je ferois arrivé jufqu'au ciel ». ‘
11 falloit être bien phîlofophe pour faire un pa- j
reil aveu : il en eft plus d'un dans ce fiècle , qui 1
rougiroit d'une femblable candeur.
On rapporte que le vicomte de Turenne s'étoit :
laiffé furprendre par les charmes d'une jeune marquife
qu'il avoit vue chez la ducheffe d'Orléans.
Bientôt il pouffa la foibleffe pour elle jufqu'à lui dé- •
couvrir un fecret important que Louis X IV lui avoit
confié. La marquife , auffi indifcrette que le vicomte
, en fit confidence à une autre perfonne } :
& le fecret fut ainfi divulgué. Le fo i , qui ne s'étoit
ouvert qu’au maréchal de Turenne & au
marquis de Louvois, affuré de la difcrétion du
vicomte de Turenne , tourna fes foupçons fur
Louvois , & l'accüfa d'avoir révélé fon fecret.
Turenne, toujours vrai, toujours généreux, même
au milieu de fes foibleffes , juftifia Louvois, en
avouant fa faute. Cette noble candeur charma le .
monarques, 8c redoubla fa confiance pour un
homme qui n'avoit pas voulu cacher fa honte,
en perdant un miniftre qu'il avoit droit de ne
pas aimer. Turenne renonça à tout commerce
avec la marquife, 8c , tout le refte de fa vie ,
rougit de cette aventure. On raconte que le chevalier
de Lorraine ayant voulu lui en parler, quelques
années après : « Commençons donc,lui ré-
m pliqua le vicomte , par éteindre les btiugies ».
Louis X IV ayant'pris connoîffance des affaires
, après la mort du cardinal- Mazarin , dit à
M. de Colbert & aux autres miniftres: « Je vous
*> avoue frâncherrient que j'ai un fort grand pen-
» chant pour les plaifîrs ; mais fi vous vous ap-
« percevez qu'ils me faffent négliger mes affaires ,
90 je vous ordonne de m'en avertir 95.
C AP ITO LE . Le Capitole étoit une fortereffè
de l’ancienne Rome bâtie fur le roc Tarpeien,
où il y avoit un temple de Jupiter , qui étoit à
caufe du lieu nommé Jupiter Capitolus. On prétend
que le nom de Capitole vient d'une tête d homme
, encore fraîche, qui fut trouvée dans la terre ,
lorfqu'on creufa les fondations de cette fortereffe ,
l'an 139 de Rome. On ajoute que cette tête étoit
celle d’un nommé Tolus, d'où vient le nom de
Capitole , qudfi a Capite Toli.
C'eft à l'imitation de Rome, que plufieurs
grandes villes voulurent avoir leur Capitole 3 on
affure même que c'eft d'un pareil édifice que les
capitouls deTouloufe, ont pris ce nom.
CA PO N I . Charles V III, roi de France , paf-
fant par la Tofcahe, demanda aux florentins de
lui fournir de l'argent pour fon expédition de Naples
& exigeoit qu'on lui donnât une certaine
autorité dans la république. Caponi , magiftrat
de Florence, fut un des députés vers Charles ,
qui marchoit avec une armée formidable. Un fe-
crétaire du prince, lifoit fes conditions humiliantes
, & Charles prétendoit être obéi : les députés
florentins étoient dans -la plus grande crife. Caponi
, d'un air fier 8c menaçant, arrache brufque-
ment le papier des makis au fecrétaire, le déchire
avec fureur, en difant à Charles : Eh bien !
faites battre le tambour, 8c nous allons fonner
nos cloches, voila ma raifon. Il fort : Charles 8c
fa cour ne doutèrent pas que l'audace de Caponi
ne fût foutenue 8c autorifée par des troupes toutes
prêtes. On le rappelle, & on le laiffe le maître
des conditions.
C A R A C AL LA C Marc-Aurèle-Antonin ) , né
à L yon, enh88, fut proclamé empereur, avec
fon frère Géta, le jour même de la mort de fon
père. L'inimitié des deux princes fe manifefta
dans toute fa force. Caracalla fit poignarder
Géta , dans les bras même de fa mère , qui fut
inondée de fon fang. Il chercha par - tout des
apologifies de ce meûrtre , & Papinien perdit
la vie, pour lui avoir répondu , qu'il étoit moins
difficile de commettre un fratricide que de l'ex-
eufer. Il dit un jour à fa mère , qui lui reprochoit
fes énormes profufions : Sachez que tant
que je porterai cela ( mettant la main fur fon
épée ) , j'aurai tout ce que je voudrai. Après une
vie trop longue pour l'honneur de l’humanité &
le repos des peuples , ce monftre fut tué par
un centenier des prétoriens, l'an 117. Le jour de
fa mort fut un jour de réjouiffance.
C A R A C T E R E . Un des-plus surs moyens de