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dôme , ayant fuivi fon maître en Italie, fe fouvinf
de fon bienfaiteur ; il en parla au prince, à qui
Albéroni trouva occafion de fe rendre agréable. Il
revint à Paris avec le duc de Vendôme., & repartit
avec lui pour l'Efpagne. Il devint agent du
duc de Parme à la cour de Madrid. Il donna à
madame des Urfins ridée d'engager Philippe V à
époufer Elifabeth Farnèze, héritière de Parme,
de Plaifance & de Tofcane. Le roi ayant accepté
cette union , Albéroni fut chargé de cette négociation
, dont il s'acquitta avec tout le fuccès pof-
fible. Bientôt après Albéroni fut nommé cardinal,
grand d'Efpagne & premier minière, & cette époque
fut la fin de fes profpérités. Il conçut des pro-?
jets qui allumèrent la guerre entre .l'Efpagne &
plufîeurs autres couronnes, qui ne firent la paix
qu'à condition que le cardinal feroit renvoyé. Il
le -fut en effet, & fe retira à Gênes. Mais par
une nouvelle bifarrerie de la fortune, le pape le
fit arrêter comme coupable d'intelligence avec le
Turc. Il fut jugé à Rome par des commiffaires du
facré collège, & condamne à fubir un an de prifon,
.qu'il paffa chez les jéfuites. Enfin, Albéroni mourut
en 17 52, âgé de quatre-vingt-fept ans.
ALBERT (le Grand), Albert, plus connu fous
le nom de Grand Albert, , portoic ce nom, parce
qu'il s’appelloitGroot, qui veut dire grand. Il étoit
né en Souabe en 1205’ , d'une famille illuftre. Il
entra chez les dominicains, &: devint provincial
de cet ordre , il devint enfuite-évêque de Ratif-
■ bonnt, & retourna dans fa cellule en qualité de
•fimple religieux. Albert eft'bien plus recommandable
comme évêque & comme religieux, que comme
auteur. On a raconté , & des auteurs crédules ont
écrit de lui des chofes merveilleufes ; on lui attribue
des recueils ridicules de fecrets, auxquels il n'a
pas eu la moindre part. Il mourut à Cologne en
12 8 2 , âgé de foixante-dix-fept ans.
A L B IN O S , peuple d'Afrique, qui ont les cheveux
blonds , les yeux bleus & le corps dont la
blanchéur refiemble à celle d’un lépreux ou d'un
mort. Leurs yeux font foibles '& très - languiiTans
& brillent beaucoup à la clarté de la lune. Les nègres
regardent ces Albinos comme des monftres ,
& ne leur permettent pas de fe multiplier.
ALBORNOS ( Gilles Alvarez Carillo ) archevêque
de Tolède, mort en 1367.
Le pape Clément VI l'ayant fait cardinal, il
fe démit de fon archevêché, difant qu'i/ feroit
blâmable de garder une époufe qu’il ne pouyoit pas
feryirI
On doit admirer la manière noble dont le cardinal
Albornos rendit compte à Urbain V de l'argent
qu'on lui avoit donné. Ce. cardinal ayant défait
fept tyrans qui trou blant l'Italie, rétablit fau~
a l c
torité des papes 5 peu de temps après fes envieux
portant Urbain à lui faire rendre compte de fon
adminiftration ; Albornos fit charger un cnariot des
clefs de toutes les villes. & de toutes les places
qu'il avoit fôumifes au faint fiège 5 & l'ayant fait
tirer jufqu'au Vatican par des boeufs couronnés de
laurier, il alla aux pieds du pape le fupplier de S
•recevoir le compte qu'il lui avoit demandé : Urbain
furpris de- ce qu'il voyoit , & honteux de fa défiance,
l'embraua, lui difant devant tout le monde,
que lui & fes fucceffeurs lui devroient toujours le
rétahliffement de Téglife.
ALBUQUERQUE ( Alphonfe duc d’) mort à !
Goa en ic i y. Ce général portugais s’étant rendu
maître d'ôrmus dans lë Golfe Perfique , le roi
de Perle envoya demander un tribut au vainqueur ,
qui fit apporter, devant les ambaffadeurs, des boulets,
des grenades & des fabres : Voila, leur dit-il,
la monnoie des tributs que paie mon maître.
Il affiégeoit Malaca, un des principaux marchés!
de l'Inde; mais les afïiégés ayant fait prifonnierj
Aranjo, fon ami, menaçoient de lë faire périr1
s’il continuoit le fiège. Il reçût ce billet de fon
ami : Ne p en fe qu’a la gloire & à l’avantage du Portugal
; f i j e ne puis être un infi fument de ta viêloire,
que j e n’y fo is pas au moins un oh fi acte. La place
fut emportée, & Aranjo facrifié.
Les Portugais, forcés dans la citadelle de Goa,
fe réfugient fur leurs vaiffeaux. Comme ils ne peuvent
pas fortir du port, & que les vivres leur manquent,
ils fe voient expofés à ce que la famine
a de plus affreux. Trois d’entt eux , qui n'oni'ipas
un courage fiiffifant pour Emporter l'horreur de
cette fîtuation, paffent dans le camp Indien, & y!
rendent compte de l'état miférable où il fe font
trouvés. Le chef de ces infidèles, qui a autant de
politeffe que de bravoure, envoie fur le champ une
. fuite pleine de vivres & de rafraîchilfemeris, eu \
faifant dire : que c'eft par les armes, & non par la.
faim, qu'il veut vaincre fes ennemis. Le grand |
Albuquerque , qui croit qu'on cherche à favoir juf-
qu'où peut aller l'extrémité où il fe trouve, ufs
de feinte. Il fait expofer fur ie tillac une barrique
de vin ,* avec le peu dé bifeuit qui eft réfervé!
poür les malades, comme fi chacun pouvoit en
prendre à diferétion ; 8c renvoyant le préfent, il 3
dit à l’officier qui eft chargé de le lui offrir : « dites.
» à votre maître, que je lui fuis obligé, mais que
» je ne recevrai fes. dons que lorfque nous ferons
» amis ».
ALCEIYMIE. XJalchymie eft cette partie émi-J
nente delà chymie qui s'occupe à perfectionner, à S
améliorer ou a tranfmuer les métaux. Cet art |ay(-
térieux , s’appelle auffr feiençe ou philofophie hcr-1
métique.
\Jalchymie eft , félon l'étimologie du mot, h
chymie par excellence. Ceux qui s'v font appliqués ;
ont j
A L C
ont £u diffërens buts , qui paroiüent tous également
chimériques.
' Zozime, qui vivoit au commencement du cinquième
fîècle, eft le premier auteur qui parle de
taire de l’or. Son manuferit grec, qui a pour titre :
l'art de faire de l’or & de l ’argent, eft confervé
à la bibliothèque du roi.
Le fecret chimérique „de la pierre philofophale
a été en vogue parmi ies chinois, long-temps avant
qu'on en eut les premières notions en Europe. Ils
Î>arlent dans leurs livres,en termes magnifiques, de.
afemence d'or, & de la poudre de projediion. Ils
promettent de tirer de leurs creufets non-feulement
de l'o r , mais encore un remède fpécifique
8c uriiverfel, qui procure à ceux qui le prennent
une efpèce d'immortalité.
On peut comparer les alchymifies aux marchands
de billets de loterie, qui offrent d'enrichir les autres
, & vivent fouvent dans la plus grande misère.
Tous ces meffieurs. devroient profiter de la
leçon fuivante.
“Un alchymifte qui fe vantoit d’avoir trouvé le
ïèeret de faire de l*or , demandoit une récompenfe
à Léon X. Ce pape, le prote&eur des arts, parut
acquiefeer à cette demande , & le charlatan fe
flattoit déjà de la plus grande fortune. Lorfqu'ii
revint folliciter fa recompenfe, Léon lui fit donner
une grande bourfe vuide, en lui difant : que puif-
u il favoit faire de l'or , il n'avoit befoin que
'une bourfè pour le contenir.
Un des meilleurs tours qu’on ait jamais fait en
alchymie, fut celui d'un rofe-croix, qui alla trouver
Henri I, duc de Bouillon de la maifon de Turenne,
prince fouverain de Sedan, vers l’an 1620. * Vous
» n’avez pas, lui dit-il, une fouveraineté propor-
» donnée à votre grand courage. Je veux vous
rendre plus riche que l'empereur. Je pe puis ref-
» ter que deux jours dans vos états; il faut que
» faille tenir, à Venife, la grande affemblée des
?’ frères. Gardez feulement le fecret ; envoyez cher-
** cher de la litharge chez le premier apothicaire
®» de votre ville. Jettez-y un grain feul de la-poudre
» rouge que je vous donne ;. mettez le tout dans
*» uncreufet, & en moins d'un quart d’heure vous
»• aurez de J'or ».
Le prince fit l'opération, & la réitéra trois fois
®n prefence du virtuofe. Cet homme avoit fait
acheter auparavant toute la litharge qui étoit chez
*es apothicaires^ de Sedan, & l'avoit fait enfuite
Revendre chargée de quelques onces d'or.
L adepte.en partant fit préfent de toute fà poudre
jranfmutante au duc de Bouillon.
Le prince ne douta point qu'ayant fait trois
^pces d or avec trois grains, il ne fit trois cents
mille onces avec trois cents mille grains, & que
pax eonfequent il ne f t t bientôt poflêfleur, dans la
iênçyçlQpciiQna,
A L C * 3î
femaine, de trente-fept mille cinq cëfits marcs,
fans compter ce qu’il fèroit dans la fuite : il falloit
trois mois au moins pour faire cette poudre. Le
philofophe étoit prené de partir; il ne lui reftoit
plus rien ^ il av<Mt tout donné au prince ; il lui
falloit de la monnoie courante, pour tenir à Vë-
nife les états de la philofophie hermétique. C'étoit
un homme très-modéré dans fes defirs & dans fa
dépenfe, il ne demandoit que vingt mille écus pçur
fon voyage. Le duc de Bouillon, honteux du peu,
lui en donna quarante mille. Quand il eut épuife
toute la litharge de Sedan, il ne fit plus de l'or,
il ne revit plus fort philofophe, & en fut pour fes
quarante mille écus.
L'hiftoire fuivante eft une nouvelle preuve que
l'art des alchymiftes n'eft fouvent que l’art de
tromper.
Noël Picard, furnommé Dubois, qui dans fou
contrat de mariage pafle par-devant M c Capitin ,
notaire, fe faifoit nommer Jean de Mailly, fieut
de la Maillerie & Dubois, étoit natif de Colom-
miers-ën-Brie, & fils d'un chirurgien. Ayant en
fa jeunefle appris un peu de latin, il commença
l'étude de la chirurgie pour exercer la profefïîon
de fon père ; mais comme il avoit naturellement
l’efprit changeant, il s’ennuya bientôt de cet état,
& fe mit au fervicé d’un homme de qualité nommé
Dufay , qui le prit pour fon valet - de - chambre
chirurgien, & l'emmena avec lui dans le Levant,
où il fut trois à quatre ans à voyager. Dubois ne
tarda point à fe faire connoître pour un efprit inquiet
& avide de s'inftruire dans les fciences occultes
de la chyromancie, la magie, l'aftrologie & \’ al~
chymie. Etant de retour de fes voyages , il vint
demeurer à Paris , & rechercha la connoiffance
des adeptes de la philofophie hermétique. Il pafli
fix ans dans leur fociété & dans la débauche. Il eut
des remords, & dans un accès de dévotion, ou
peut-être n'ayant plus de moyens de fubfifter, il
entra chez les capucins de la rue Saint-Honoré}
mais au bout de fept à huit mois il s'ennuya de ce
nouveau genre de v ie , il jetta le fro c , & s'enfuit
par-defliis.les murs des tuileries. Comme il n’ avoit
point encore fait de profeffion , on le laiflfa trac*
quille. Trois ans après fon efprit inquiet le ramena
dans l’ordre féraphique ; il prononça fes voeux
après le temps de^ Ion noviciat. Il fut admis aux
ordres facrés , même de prêtrife. Il fe fit appeller
le père Simon ; dix ans s'écoulèrent dans ceç
état. U avoit confervé des habitudes avec fes' anciens
compagnons de plaifir ; fon goût pour la
diflipation fe réveilla ; il quitta encore l'habit dç
capucin, & s'alla promener en Allemagne. U fut
reconnu, embrafla la religion luthérienne , &
s'adonna tout entier à l'étude du grand-oeuvre : il
n’apprit point à faire de l'or ; mais le fecret d'en
impofer aux ignorans qui cherchent la pierre philofophale.
Avec ce beau fecret, il revint à Paris, ou
il çomptoit bien pouvoir faire des dupes. Il crut que