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reconnoîffance. eft un devoir, & que le devoir
m’eil infupportable ».
J, J. Roujfeau renverfé en 177(3, fur le chemin
de Mefnil-Montant, par un énorme chien danois
qui precédoit un équipage, relia fur la place,
tandis que le maître de la bèrline le regardoit
avec indifférence. Il fut relevé par des payfans &
reconduit chez lu i, boiteux & fouffrant beaucoup.
Le poffefTeur de 1^ voiture ayant appris le
lendemain quel étoit l’homme que Ion chien avoit
culbuté, envoya un domeilique pour demander
au bleffê ce qu'il pourroit faire pour lui : ««Tenir
déformais fon chien à l'attache » , reprit le philo-
fophe. »
Un homme de lettres prétendoit que M. de
RufFon avoit dit & prouvé avant J. J.' Roujfeau,
que les mères^ dévoient nourrir leurs enfans :
«« Oui , nous l ’avons tous d it, répondit M. de
ËufFon j mais M. Roujfeau feul le commande &
fe fait obéir.
R O Y , (Pierre-Charles) poète françois, né
èn 160$, mort en 1764.
Roy avoit de la littérature, poflfédoit bien la
mythologie, & n'étoit pas dépourvu de goût j
mas.il falloit que fa verve, pour enfanter quelques
faillies, fût excitée par la fatyre à laquelle
il e'toit porté naturellement. Ce malheureux penchant
pour répigramme l’exclut de l'académie, lui
attira l’rnimirié des gens de lettres, & p!.ufieurs
fcènes fâcheufes de la part de quelques bourus qui
n’entendoient pas raillerie.
Un ami de Roy ne voulut pas un foir s’en retour- ’
ner avec lui à rninut, parce que, difoit-il, c'étoit
l ’heure des coups de bâton..
- L opéra d1 Achille & Deidamie fut compofé par
Danchet & Campra dans un âge. fort avancé. Lors-
de la première, repréfentation, quelqu'un demanda j
à Roy e t qu’il en penfoit? <« Pelle, dit-il, ce ne
font pas là des jeux d’enfans ».
Le ballet des Elémensy celui des Sens, & la
tragédie de Callirkoê, font les trois opéra qui ont
le plus contribué à faire conncître le nom du
poète Roy fut la fcène lyrique. On fe rappelle en- :
core avec plaifir ce morceau de poéfie majeftueufe ;
par lequel commence le prologue du ballet des !
Ëlémefts. . *
Les temps font arrivés. CefTez, trille cahos,
Parodiez, élémens; Dieux, allez leur preferire
Le mouvement & le* repos :
Tenëz-les renfermés chacun dans fon empire.
Coulez, ondes, coulez. Volez , rapides feux.
Voiie azuré des airs, embraflëz la nature. :
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Terre enfante des fru its, couvre-toi de verdure,
Naifièz, mortels, pour obéir aux-Dieux.
Le célèbre Hameau préféroit aux poèmes de
Roy ceux de Cahuzac, dont les talens étoient inférieurs,
mais qui avoit peut-être plus de docilité [
pour fe prêter aux caprices du muficien. Cette
préférence anima la verve du poète Roy contre
Rameau, & lui fit compofer cette allégorie fan-
glante, où l’Orphée de notre mufique eft défigné
fous le nom de Marfyas. Roy n'épargnoit pas
davantage le poète protégé. Le lendemain de la
première repréfentation des Fêtes de Polymnie t
opéra de Cahuzac qui ne réuflît point, Roy étoit
a la méfié .aux Petits-Pères j un enfant de trois I
ans fiffloit entre les bras de fa b o n n e le poète fe
tourne & dit d’un, grand fang-froid : «« Empêchtz
cet enfant de crier 5 ce n'efl pas Cahuzac qui dit
la meffe ».
\ R°y , pour fatisfaire fes petites ânimbfités,
avoit compofé un grand nombre de ces brevets de
Cabotes j dont il ex.Ile une colleélion qu’en ne lit
plus. Ce poète, non content d’avoir pincé plu-
fieurs membres de l’académie françoife en particulier
, attaqua le corps entier par une allégorie
fatyrique, connue fous le nom du Coche. Cette
fatyre lui ferma pour toujours les portes de l’académie
; mais il s ’en confola avec le cordon de
1 faint Michel, diflinélion que la faveur accorde
; quelquefois au mérite.
Comme Roy n'épargnoit perfonne, on fe pki-
foit auffi à répandre fur lui le fel de l’épigramme.
Lorfqu’il eut publié fon poème fur la maladie du
roi à Metz , il courut dans le temps cette épi-
gramme :
Notre monarque, après fa maladie,
Etoit à Mets, attaqué d’infomnie ;
Ah ! que de gens l ’aüroient guéri d’abord î
Le poëté Roy dans Paris verfifie,
La pièce arrive, on la li t , le roi dort î
De faint Michel la mufe foit bénie.
Le poète Rouffeau avoit autrefois marqué cette
mufe au front par ce couplet :
Qu’cntends-j'jî C’eft le roitelet
Qui fait plus de bruit qu’une p ie ;
Mais, plus il force fon fifflet,
Plus il femble avoir la pépie.
Ce poète fortant un jour de la com.édie françoife,
fir une chute, parce qu’il s’étoit embarraffé
dansla robe d’une dame. Comme celle-ci lui fit des
exeufes : « Il n’y a pas de mal, lui dit Roy, les auteurs
font accoutumés à tomber, ici *>.
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Roy avoit fait une épigramme contre un homme
de robe tout contrefait. Celui-ci rencontra fe
poète , & lui dit : «« Coquin } je te ferai mourir
fous Je bâton ». Roy répondit : » Monfieur, vous
voulez donc me cafter la cheville du pied ».
Le poète Roy paffoit pour avoir reçu plus d’une
fois des coups de bâton pour fes vers faiyriques.
On lui demandoit à l'opéra s’il ne donneroit pas
b entôt quelque ouvrage nouveau à ce fpeélacle.
«« Vraiment oui, dit il, je travaille à un ballet»,
(c ’étoit l’année galante) Une voix s’écria derrière
lui : «« Un balai, monfieur ! prenez garde, au.man-f
' ‘çhe ». V o y e i Moncrif.
RUBENS , ( Pierre-Paul ) peintre célèbre,
né à Cologne en 1577, mort à Anvers en 164b.
Rubens encore enfant & au milieu des exercices
de la jeune nobleffe, fe, fentit échauffé du génie
de la peinture. Les leçons d’Otto Venius ache- 1
vèrent de développer en lui fes heureufes difpo-
/ fitions.Rubens avoit un efprit élevé, facile & plein
de feu j il pofledoit parfaitement l’hifloire & les
belles lettres. Ses compofîtions font favantes, &
fes allégories rendues avec beaucoup d’imagination.
Quel artifle a porté plus loin l’intelligence
du ckir-obfcur , & a mis dans fes tableaux plus
d’éclat & en même-temps plus de force, plus de
vérité, plus d'harmonie ! Il avoit pour maxime
de ne point trop agiter fes teintes par le mélange,
afin de conferver dans fes plus grands tableaux le
caractère des objets & la fraîcheur des carnations.
Son goût de deffin tient plutôt du naturel flamand
que de la beauté de l'antique. Rubens confultoit
principalement la nature $ c’ell à cette fource féconde
des arts qu’il a puifé cette variété furpre-
nante de caraélères que l’on remarque dans fes
ouvrages. Cet homihe illullre joignoit^ux talens
pour la peinture les qualités effentielles du coeur
& de l’efprit, on recherchoit, on ambirionnoit
même fon amitié. Sa figure étoit noble, fes ma-
i nières affables, fes procédés généreux. La maifon,
ou plutôt le palais qu’il occupoit à Anvers,
étoit enrichi des plus belles productions de la peinture,
de la fculpture & de la gravure. C'étoit un
temple confacré aux beaux-arts, dont Rubens, par
fes talens & par fon caractère bienfaifanc, étoit le
génie tutélaire.
A l’imitation de Raphaël, Rubens entretenoit
des jeunes gens à Rome & dans la Lombardie, qui-
lui deffinoient les monumens les plus remarquables,
foit en peinture, foit dans les autres arts
relatifs au deffin.
Rubens s’étoit formé d'habiles élèves, tels que
Vandick, Jordans, V an -U d en , Snyders, qui
î ai-ioient- beaucoup dans fes ouvrages. Les rivaux
de;fa gloire en prirent occafion pour dimi- ;
puer fa; réputation.. Us répandirent qu’il ne pou- 1
Voir fe palier de fes élèves pour les payfages: & les j
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animaux. Rubens quelque temps après expofa- en
public plufieurs payfages & différentes chafles de
la plus grande force, & peints entièrement de fa
main.
Ses ennemis.n'ayant pas réuffi de ce côté, osèrent
critiquer fes différens carâCtères de tête.
Rubens peignit alors fa defeente de croix que l’on
voit dans la cathédrale d'Anvers, & où l’on remarque
tout ce que la trifleffe & la douleur ont
de plus touchant exprimé fur le vifage de Marie.
Cette tendre mère, remplie de l’inquiétude la plus
vive , femble craindre encore que l’on ne blelle
fon fils mort que l'on defeend de la croix : c’efl ainfî
que Rubens répondoit à fes ennemis. «« Fais bien ,
dit un proverbe efpagnol, tu auras des envieux ,
fais mieux , tu les confondras ».
Corneille Schut s’étoit toujours déclaré contre
les productions de ce maître. Rubens apprend que
fon ennemi manque d'ouvrage, il lui en prçcure
auffi tôt.
Marie de Méd’cis.choifit Rubens pour peindre,
dans une des galeries du palais du Luxembourg ,
à Paris, les principaux evene-nens de fa vie. Cette
galerie contient vingt - quatre tableaux que l'on
regarde avec raifon comme un pcëme épique en
peinture, compofé avecVitant de génie- que de
fageffè. Ce grand ouvrage fut exécuté à.Anvers,
excepte deux tableaux que Rubens peignit à Ikris.
La reine , qui prenôit beaucoup, de piaifir à la
converfation de cet artifle ,,ne le quitta point tout
le temps qu’il employa à finir ces deux tableaux.
Ce. fut dans ces memens que Rubens fit plufùurs
portraits de cette princefle. On a écrit que Rubens
devoi peindre dans la galerie parallèle l'hiiïoire
de Henri IV , & qu’il en avoit déjà fa t plufieuis
efquiffes j mais, on ignore, jufqu’à' préfont fi cts
efquiffes. exiflent quelque part.
Rubens fut marié deux fois 5 il avoit époufé en
fécondés noces Hélène Forment, femme d'une
rare beauté, qui lur a quelquefois fervi de modèle
pour peindre la vertu & les grâces. Il étoit logé à
Amers dans une maifon fuperbe dont il orna ù
façade de peintures à frefque. Entre -la cour & le
jardin de cette maifon, ■ il avoit fait élever un
fallon en rotonde qu’il enrichit de ilatues, de
bulles & de vafes antiques, de tableaux des plus
grands mjitres & d’un médailler précieux. 1! reçut
chez lui la vifite de plufieurs princes fouverâins j
& tous les étrangers venoient lui rendre hommage
comme au gén:e des beaux arts. Rubens fe prêtoit
d’autant plus volontiers à ces vifites, qu’elles ne
le dérangeoient en rien de fes occupations. Il tra-
yailloit même avec une telle facilité, qu’il avoir
l’habitude, pendant qu'il peignoir, de fe faire lire
les ouvrages des plus célèbres écri vains des poètes
fur-tout. C e génie fécond étoit d’ailkurs fi
perfuadé des fecours que la plus riche imagination
p<.ut drtr.de la poçfie, qu il s etoit fait un re-cu&ij