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eue enfin de l'ouvrage, & reçut de fa famille une
petite fomme, qu'il courut offrir à fon bienfaiteur.—
« N o n , mon ami , s’écria l’honnête ré-
plaideur, je n'ai befoin de-rien ; -gardez ce fè-
cours pour .quelque malheureux ': j’ai acquitté
envers vous la dette de l'humanité, que j’aurois
payée à toute autre ; acquittez-vous de la même
obligation, quand vous rencontrerez un infortuné
qui méritera d’être fécouru ».
R É P A R T IE , forte de bon mot qui confifte à
faire répartir le trait qui nous eft adreffé, contre
celui même qui l'a lancé« La répartie, comme
Ton voit , demande un efpritvif & préfent, pour
àppercevoir d'un coup-d'oeil l’endroit foible de
Taggreflêur, ou du moins découvrir en lui, un
côté plaifant qu’il l’expofe lui-même au ridicule
qu'il voulôit répandre/ ‘
Quelqu'un demandant un jour à Thémiftoçles
lequel il aimeroit le, mieux être,* ou Achille eu
HomèVe ; celui-ci lui répartit : « Mais toi, lequel
aimerois-tu mieux être ', où celui qui gagne le
prix aux jeuxolympiqués, où le erreur qui, à fon
de trompe , le proclame victorieux » ?
Charles-Quint trouve , à fon retour d'Afrique,
les françois maîtres du Piémont, & prêts
à envahir le Milanès. Son armée marche à eux,
& les afliège dans Foflano. Montpefat montre,
dans la défenfe de cette place ; un courage
héroïque & une capacité extraordinaire. A la
fin , cependant,. comme il manque de tout, il
s'engage à fe rendre, fi dans quinze jours iln’eft pas
fécouru.
Dans çet intervalle, l'empereur arrive au camp,
où Antoine de Lève , fon général, lui .préfente
la Roche du Maine, un des otages que les affîégés
ont donnés. Le prince , qui connôît beaucoup
de réputation cet officier, fait devant ldilarevue.
de fon armée , & veut favbir ce qu’il en pénfe.
« Je la trouve» dit-il, plus belle que je ne voudrais
j mais fi votre majeftépaffe entre les monts,
elle en verra une plus lefte encore ». L'empereur
lui dit enfuite qu’il va vifiter les provençaux, qui
font fes fujets : « Je vous affure, reprend-il, que
vous les trouverez fort defobéiffans ». L ’entretien
s'échauffant infenfiblement , Charles demande.
combien il y a de journées du lieu où ils font
jufqu'à Paris:« Si par journées vous entendez
des batailles, il y en a douze , répond le gentilhomme
françois ; à moins que vous ne foyez battu
dès la première.
Comme un jour Alcibiade encore jeune enfant
combattoit avec un fien compagnon, fe fentant
prefTé de fon adverfaire & en danger d'aller par
terre, le mordit par les bras pour lui faire quitter
prife, ce qu'il fit ên lui difant par reproche: tu
imords comme. une femme : tu te trompes, rer
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partit Alcibiade » ftache que je mords comme m
lyon.
Un jeune homme fut amené par fon père au
maréchal de Belle-IIle , pour obtenir une compagnie.
Le père s'étendit fur,le mérite de fon fils.:
« Il fait le latin , dit-il, au miniftre:, il fait le grec.
— A quoi bon du grec, dit le maréchal? — A
quoi bon, reprit fur le champ le jeune homme
plein d'efprit. Quand ce ne feroit que pour corn*
parer la retraite des dix mille & celle de Prague ».
Des prélats font dans l’ ufage de faire porrer la
queue de leurs habits dans les cérémonies, &
choififfent volontiers.., pour la porter, un militaire
décoré & peu avantagé des biens de la
fortune. Monfieur le cardinal de . . . fe trouvant
un jour chez madame la duchefle de . . . . . un
homme de condition, qui s'y rencontra, lui dit
dans la converfation, qu'il etoit toujours furpris
qu'il fe fît porter la queue dans les cérémonies
par un chevalier de Saint-Louis. «« C'eft un ufage,
répondit le cardinal : j'ai eu même un caudataire
qùi avoit les armes de votre maifon. — Je fais,
répartit le gentilhomme , qu'il y a toujours eu de
pauvres hères dans ma famillç, qui ont tiré le
diable par la queue ».
Un feigneur d’un poil roux étant d'ans une^înai-
fon de campagne , où Henri IV , roi de Frarvce,
étoit venu pour une partie de. chafle, demanda,
enxpréfence dü roi, au jardinier, qu’il favoit être
eunuque, pourquoi il n’aVoit point de barbe ? Le
jardinier lui répondit, que le bon Dreu faifant là
diftribution des barbes, il étoit venu lorfqu'il
n’en reftoit plus que des roufifes à donner, & qu’il
aimoit mieux n’en point avoir du tout que d’en
porter une de cette couleur.
Une dame qui , par goût pour lé vin & les îr-
queursy avoit le teint échauffé & le nc% rouge,
fe difoit '. maïs ou ai-je donc pris ce neç-lâ? Quelqu'un
lui d it, au buffet.
Louis X IV nomma à l’abbaye de Chelles une
foeur de mademoifelle de Fontanges. Au facre de
cette abbeffe, les tentures de la couronne, les
diamans, la mufique, les parfums, le nombre des
évêques qui officioient, furprirent tellement une
femme de province, qu'elle s'écria r c'eft ici le
paradis! N o n , madame, lui répôadit-on, il n'y
auroit pas tant d'évêques, heures de madame de
Sévi gué.
Le cardinal de Fleury avoit près de 90 ans lorf-
qu'un prélat très-agé aufti vint lui recommander
fes neveux. Le cardinal lui dit : « Soyez tranquille,
s'ils ont le malheur de vous,perdre, je
ferai leur oncle >?. Le prélat lui répondit : « Mon-
feigneur, je le recommande donc à votre éternité ».
Dans le temps de la vogue des bouffons italiens
for le théâtre de Fopéra de Paris , l’abbé de Voè»
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Jenoîi, qui étoit au parterre, ennuyé d’un intermède
ita'ien, prit le parti de fprtir. Un partifan
des bouffons, qui^s’ étoit reculé pour le laiffer
pafîlr, crut faire une bonne plaifanterie,. en di-
fanc affez haut : « On voit bien- qu’il ne faut que
du foin à M. l’abbé) je ne veux point, monfieur,
vous l’ôter de la bouche, répondit celui-ci ».
Un aide-de-canap du maréchal de Saxe venoit
rendre compte à. Louis X V du fuccès d'une bataille,
& finit fon difeours par dire au monarque
que le général J’avoit chargé d’affurer fa majefté
de fon tendre refpeét. « Tendre, dit d’un ton
„ironique un feigneur de la cour! — O u i, Moniteur,
Dieu ordonne qu’on l'aime, & les rois le
permettent ».
Un jeune prince ayant froid à la chafle, dit au!
gouverneur qui l'accompagnoit : « Donnez-moi
mon manteau. — Mon prince, les hommes de
votre naiffance ne doivent point s’exprimer à la
première perfonne comme ceux d'un rang infé
rieur. Lorfqu'ils parlent d’eux-mêmes, ils fe fervent
toujours du pluriel. En conféquence, il.fal-
loit dire : donnez-nous notre manteau ». Quelques
jours après , dans un violent accès de mal de;
dents, il fe plaignit avec vivacité j mais fe fou-
venant de la leçon qu’il avoit reçue précédem-,
ment, il s'écrioit : « Ah ! notre dent ! notrerdent 1
— La mienne certainement, dit le gouverneur, ne
me fa t point fouffrir. — Je vois bien, reprit le
prince,d’affez mauvaife humeur, que le manteau
eft à nous , & le mal pour moi feul ».
L’abbé de B r .... . , agent du clergé, fe vâatoït
un jour en compagnie que par fes étourderies il
s’étoit fa t cinquante mille livres de rente. Quelqu’un
répondit d’un grand fang-froid : « Elles ne
vous.ont pas été allez payées »,
Un jeune feigneur ayant trouvé dans une cqrq-;
pagnie fa maîtrefiTe qui venoit de lui fairex un‘e m-j
fidélité d’éclat, voulut la déshonorer*, en montrant
des lettres paffionnées que la dame. lui avoit
écrites;: comme il fe préparait à en lire une des*
plus emportées j la dame, fans fe déconcerter,
lui dît : h fez feulement, je n'en„j-o,ugirai.point, .
il n’y a que le defîus de la lettre qui me.fafle. honte.
Cette injure déiicate , & néanmoins très vive ,
étourdit tellement l'amant difgracié, qu'il' foçtit
fur le champ fans pouvoir répliquer.
L ’auteur de la bibliothèque des Amans eut pour
çpfifeur l'auteur du Sopha. M. de Crébillon étoit;
d'avis de retrancher le mot boudoir par-tout où il
fe tronveroit dans le manuferit des odes croti-'
ques. M. le maréchal crut devoir en appeller à la
loi du tallion , .& dit à fon cenfeur : « Où placerai
je, monfieur, votre fopha, fi vous m’otez
le bqudpir » ? '
Une jeune payfanne des environs d'Apt en Provence,
étoit occupée à veiller,dans un champ au
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:fpio. de fon troupeau..Le marquis de M . . . . , qui
chaffoit dans ce même lieu , crut pouvoir s’amufer
de l’ignorance .qu'il fuppofoit à cette bergère :
«Combien de fois par jour, lut dit-il, défends-tu
tes agneaux du loup ? Hélas ! monfieur, lui répondit
elle en feignant un air très-humble, je ne
l’ai jamais vu qu'aujourd'hui ».
L ’abbé Duperron ayant vaincu Duplèflfts Mornaî,
qu'on appelloit le pape 4es huguenots, Henri IV die
au duc de Sully : « Votre pape a été terraffé. Sire,
répondit le duc, vous l'appeliez pape en riant.. .
Preuve qu'il l’eft, c'eft qu’il fera l'abbé Duperron
cardinal ». Én effet, la viétoire qu'il remporta lui
valut le chapeau »•
Un vieux libertin voulant reprocher à un jeune
homme qu’il étoit trop adonifé, lui dit par déri-
fion : « Quand viendras-tu, me voir, ;ma petite
mignone ? — Je ne faurois vous le dire, lui répondit
le jeune homme, car ma mère m'a défendu
de vôir des gens de mauvaife vie ».
Un petit-maître, d’une figure.agréable & d’une
taille avantageufe, s’étant propofé d humilier une
, femme charmante;, qui ne faifoit pas attention,là
fes mines,, lui dit un jour en fe pavanant, que la
petitefîe de fa taille déparait fes attraits : pour
yous, monfieur,, répondit la dame choquée de
cet impertinent propos, vous rclTemblez aux maî-
fons à plufieurs étages, dont l’appartement le
plus haut eft toujours le plus mal meublé.
Un prince étranger, jeune & plein d’efprit >
mais difgracié de la nattire, entendoit dire derrière
lui, dans un jardin public I: regardez-donc,
c'eft un.Efop'e. Se tournant auûï- tô t, il répondit :
«c Vous avez raifon , car je fais' parler les
bêtes
Une dame voyant dans une compagnie un homme
qui éclatoit de rireiàitout propos, & fans patioître
même.èn avoir aucune envie, dit à quelqu’un qui
étoit à .côté d'elle* Cet homme .rit .toujours de
toutes Xes forces & jamais de tout fon! coe u r ..
Une'femme dé qualité avancée en âge , & qüiî
aimoit un homme de la coiir, lui donna une terré
confidérable > cette.donation lui fut difpntée par
uûe‘ dame jeune, belle , qui étoit héritière de la
donatrice, cependant le. don fut confirmé par
arrêt- L a jeune dame en l’abordant lui dit d’un
ton railleur. « Il faut avouer, monfieur, que vous
ayez acquis cette terre-rlà.à bon marché ». Il eft:
yrai, madame, mais puifqüe vous favez ce qu’elle
me coûte , je vous l’offre au même prix.
'Un fat difoit, dans une compagnie nombreufe,
qu’il donrieroit volontiers dix pilîoles pour chaque
pycelle qu’on lui montrerait. Une demoifelle qùi
çonnoiffoit la forfanterie du peifonnage, lui dit
qu’elle pourroit lui en montrer une pour rien.
Que je ferois' curieux, dit il, de la connoîtrel