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repréfentation de Callifthène en 1730, le poignard
q u ’ o n préfentoit à C a l l i f t h è n e &: dont il
devait le percer le fein, fe trouva en fi mauvais
état , qu’en paflànt de la main de Lyfîmaque -dans
la fîenne, le m a n c h e , la p o i g n é e , la garde & la
lame, tout fe d é j o i g n i t & fe fépara de façon que
1 aéteur reçut l’arme pièce à pièce, & fut obligé de
tenir tous ces morceaux le mieux qu’il pur, à pleine
main, tandis que gehicuiant de cette main, il dé-
clamoit p o m p e u f è m e n r nombre de vers qui précé-
doieat la cataftrophe.
Les plaifants du parterre tirèrent bon parti
du contretemps rifible de ce poignard en
bloc , en - fermé dans la main du d é c i a m a t c i i r .
Les ricannemens firent éclore par degrés la ri-
fée générale , au f a t a l , inftant où le comédien
fe poignarda d’un coup de poing, & jetta
au loin l ’ a r m e meurtrière en quatre ou cinq
morceaux.
La tragédie de Fernand-Cortés ayant paru trop
longue à la première repréfentation, les cornér
diens prièrent Piron de faire quelques corrections
à fa pièce. L’auteur oftenfé du propos fe
gendarma contre les aéteurs ; mais ceux-ci in liftèrent
& apportèrent l’exemple de M. de Voltaire
qui corrigoit fes pièces au gré du public : « Cela
eft différent, répondit Piron; Voltaire travaille en
marqueterie, & moi je jette en bronze ».
Un ami. de Piron rencontra un jour- ce poète
fe promenant aux thuileries. Il fit remarquer aux
perfhnnes de fa compagnie fa haute taille, l’air
vénérable de l’auteur de la Métromanie & fur-
tout le grand bâton qu’il a voit en main. « Voyez
Piron y dit-il en riant-, ne lui trouvez-vous-pas
comme moi, l’air d’un prélat ! » Sur le champ
il va au devant de jui, fe met à- genoux fur fon
pafLge comme pour recevoir la bénédiction. ;
Piron qui n’avoit pu entendre le projet de cette
plaifanterie, le devine fur le champ; il lève ma-
jeftueufement fa canne, &r avant be'ni fon ami
en digne prélat : ce lève-toi, dit-il, ou je te confirme
».
Piron ayant plaifanté allez vivement un homme
qui n’entendoit pas raillerie; celui-ci fe facha bc
lui demanda raifon de fes farcafmes. A la bonne
heure, dit Piron. Les champions partent pour
al'et fe battre hors Paris. Piron, à demi-chemin,
s’arrête (.la foif le preffoit) il entre dans le premier
endroit & y boit abondamment de la bierre ;
fon camarade, toujours marchant, s’excède de
fatigue, & tout en f u e u r , - f e retourna enfin pour
voir fi fon .adverfaire le fuit. Point dé Piron.
L ’homme court de plus belle , vole à la découverte
: mais c’eft inutilement. Harraffé, il rentre
chez lui, & meure en deux jours d’une flu- ,
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xicn de poitrine; Piron en fut inftruit. Quelque
temps-après pluueurs perfonnes lui demandèrent
malignement des nouveljes de fon affaire. i< comment
vous êtes vous tiré avec un tel , lui
dirent-elles ? — Fort bien, répondit Piron, je
l’ai enrhumé ».
Piron pour une fcène de nuit, fut conduit avec
deux de fes amis chez un commiflaire. «Voilà
bien du bruit, dit l’officier public! alors s’a-
drelfant à Piron : — qui êtes-vous? votre nom?
— Piron.-----quel eft votre état poète. Oui,
monfieur, poète, eh ! où viv-ez vous donc pour
ne pas connoître le poète Piron , auteur , des
Fils Ingrats , applaudi fi'juftement dans tout
Paris; de Callifthène qui a été fi injuftement fifflé,
comme je viens de le prouver ad public par des
vers qui valent uïie- demonftration.— Que parlez
vous de pièces de théâtre,.reprit le commiflaire?
Savez-vous que la Fofie eft mon frère, qu’il en
à fait d’excellentes, & qu’ il eft l’auteur de la belle
tragédie de Manlius? Comment la trouvez-vous?
hem? oh! mon frère eft un homme de beaucoup
d’cfprit. — Je le crois, monfieur, car le mien n’eft
qu’une bête; quoique maître apothicaire & que
je faffe des tragédies ». Le commiflaire renvoya
Piron & fes amis, & les pria poliment de venir
chez-lui le famedi fuivànt dîner & manger des
huîtres. Ah! mes amis, dit Piron en fortant,
tien ne manque plus à ma gloire, j’ai fait rire le
guet ».
U11 évêque de Bayonne vint tin jour rendre une
vifite à Piron. Ce poète lui dit avec fa gaieté ordinaire
: « Monfeigneur, j’ai en grande vénération
les jambons de votre diccèfe ».
A la première repréfentation d’AriecuînDeu-
calion, opéra comique de Piron, ce poète fut
complimenté par la marquife de Mimeure & la
mirquife de Golan dre. Il alloit leur répondre, lcr.r-
qu’il apperçut par de flu s la tête de ces deux dames,
M. de Voltaire élevant fubitement la fienne &
qui l’apoftropha ainfi : « Jé me félicite, moniteur,
d’ être pour quelque chofe dans votre chef-
d’oeuvre. — Vous , monfieur,’ lui répondit Piron,
& qu’elle part, s’il vous p laît,y pouyez-vous avoir?
— Quelle part! qu’eft-ce que ces deux vers
que vous faites dire à votre arlequin lorfque vous
le faites tomber de defîus Pègaze:-
( 1 ) Oui, tous ces conquérans raftemblés fur ce bord,
Soldats fous Alexandre, & rois après fa mort.
» Je l’ignore, dit Piron, féroient ils malheu-
fement de vous ? — Quittons le farcafme, mon-
fieur, interrompit M. de Voltaire en colère, &
( 1 ) Vers d’Artemire, tragédie de M. de Voltaire.
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dites-moi ce que je vous ai fait pour me tourner
ainfi en ridicule ? — Pasylus répondit Piron , que
Lamothe à l ’auteur du Bourbier. (1.' A cette re
plique M. de Voltaire baiff-i la tête & d fparut, en
difant : je fuis embourbé ».
Un des amis de Piron vint lui annoncer la faufile
nouvelle de la mort de M. de Voltaire ; il fut
témoin de l’agitation qu’elle lui eau fa ; il le vit fe
lever avec vivacité de fon fauteuil,- s’ écrier à
plufîeurs fois : « Ah ! le pauvre homme ! qu’elle
perte ! c’étoit le plus bel elpritde la France ». Puis
il ajouta par réflexion : «c Au moins, monfieur,
pondez de votre nouvelle ».
Piron envoya fa tragédie de Guftave à-la reine
de Suède, & accompagna cecenvot, de vers de
fa* façon. Cette princeflè en répondant à fon am-
bafladeur, écrivit ces mots par apoftille, de fa
propre main. « J’ai reçu la tragédie de Guftave,
& je l’ai lue avec un vrai plaifir. Témoignez-en
ma fatisfaélion à fauteur, & faites lui de ma
part un préfent tel qu’il convient que je lui fafie.
Je m’en remets à’ vous là deflus »• L’ambafladeur
montra la lettre à Verfaîlles au fouper. M. Je
comte de Livri qui s’intereflbit à Piron, vint
chercher le lendemain notre poète pour le pré-
fenter à fon excellence ». Notifiez, di-t-il, à l’auteur,
le préfent que vous fouhlitez qu’on vous
fa fie ». On étoit en guerre dans ce temps-là
& la cour de France négocioit avec la Suède pour
en obtenir du fecours. « Monfieur I’ambafladcur,
dit gaîment Piron, je ne demande pour tout plaifir
à la reine, que d’envoyer dix mille hommes au
roi Staniilas ».
Piron (e repofant fur un banc tenant à un des
piliers de la porte de la conférence ; une vieille
femme furvient, qui Ce jette à fes genoux les
mains jointes. Le poète l'urpiis^.& ne façhant-ce
qu’elle veut :« Relevez-vous, lui dit-il, bonne
femme; vous me traitez en faifèur de poèmes
épiques ou de tragédie ; vous vous trompez , je
n’ai pas encore cet honneur-là ; je ne fais parler
jufqu’à préfent que les marionnettes ». La vieille
reftoit toujours à genoux fans l’écouter ; Piron
croit s’appercevoir qu’elle remue les lèvres ; il
s’approche, prête l’oreille, entend en effet qu’elle
marmote un ave, adreflfé à.une image de la vierge
poféëdirectement au deifus dubanc. « Voilà bien
les poètes , dit Piron en s’en allant; ils croyent
que toute la terre les contemple, & qu’ elle eft à
leurs pieds, quand on ne fonge pas feulement s'ils
exiftent ».
Piron fe trouvant en loge à. l’opéra, à coté
(a ) Pièce fatyrique de M. de Voltaire contre Lamothe.
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d’une femme de la réputation la plus fufpcéte
& qu’il connoifloit bien, ne cefl'oit de jetter des
yeux malins fur elle. Celle-ci enfin s’en impatiente
& dit au poète avec humeur : « M’ayez-vous de
vos gros yeux aflez confidérée?— Je vous regarde,
madame, reprit gaîment Piron, mais je ne vous
confidère pas ».
Piron entré au fpe&acle à Beaune, ne fa voit
pas quelle pièce on alloit jouer ; il s’adreffa à quelqu’un
qui faifoit l’important : « On d ;nne les
Fureurs de Scapin, lui dit gravement le jeune
beaunois. — Ah ! monfieur, répondit Piron en le
remerciant, je croyois que c’ étoient les Fourberies
d’Orefte ».
A cette repréfentation, une perfonne apoftropha
tout à coup le parte.re qui étoit fort tranquille
d’un pa x-la, meffieurs, on n’entend pas. « Ce n’eft
pas-faute d’oreilles , cria Piron ».
Piron jouoit au piquet avec une femme dont
'la mauvaife odeur révoltoit fon odorat ; elle Je fit
capot. Oh! s'écria le poète en éclatant de rire,
depuis long temps je fentois ce coup- là ».
Il fit ainfi lui même fon épitaphe :
Ci gît Piron qui ne fut rien ,
Pas même académicien.
P L A C À R T . On a vu à Londres une affiche
conçue en ces termes : celui qui a eu l’année
paflée l’honneur de manger un chien en commençant
par la queue, en préfence de toute la
cour, aura cette année l’honneur de manger
un chat, en commençant par la tête.
Autre affiche. Le ' fieur un tel , connu
par l’adreffe fingulière avec laquelle il exécute
les tours de goblets de fon invention, avertit
le curieux , qivun tel jour fur le théâtre de la
comédie, il entrera.dans une bouteille de pinte,
on prendra. . • & c . ..
L’aflemblée fut très nombreufe, mais au moment
que l’aéteur devoit commencer, on vint
dire qu’il étoit malade & que pour dédommager
le public, il entreroit la femaine d’après dans
une bouteille de chopine. On fut qu’ il étoit décampé
avec tout l’argent des fpeélateurs. Le
théâtre &_Ja falle furent renvcrfës de fond en
comble. Un autre fripon fit le même tour après
avoir annoncé la comédie de la paffion. J. C .
parut en difant Pierre, Jacques & Jean, paf-
fez en Galilée, ils pafférent & on ne les revît
plus.
A l’expulfîon des jéfuites qui a été conforti*