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Il joignoit aux tâleris de l ’homme de lettres les
dgrémens de l’homme aimable. 11 fut petfécuté
pat S. Bernard , dont il avoit l’ambition d’ être le
rival ; mais le plus, grand de tous fes malheurs fut
d’abufer de la confiance du chanoine Fulbert, qui
lui avoit confié l’éducation d’Héloïfe fa nièce, à
peine fortie de l’enfance. L’innocente écolière prit
également de l’amour pour l’ étude & pour le
martre qui la lui -faifoit chérir.
Nuîlâ reparabtlts arte
Lee fa pudicité a ejl.
Abailard propofa d’époufer celle fur laquelle il
avoir ufurpe les droits a un époux légitime ; mais
il exigeoit que le mariage fût tenu fecret, & que
l'enfant déjà né fut élevé fous 1-ombre du myftère.
Le mariage fut célébré ; mais Fulbert croyant qu'il
étoit de l'honneur de fa nièce , d'être connue pour
«poufe à*Abailard, publia leur union. Abailard
détermina la tendre Héloïfe à fe retirer pour quelque
temps au couvent d'Argenteuil. Fulbert alors ,
croyant qu’il vouloit la forcer d'être religieuses
pour s'en débarraflèr , conçut le projet d’une horrible
vengeance. Il apofta dès hommes armés qui
dégradèrent Abailard de la dignité d’homme. Ce
malheureux doâeur alla cacher fa honte dans le
monaftère de Saint-Denis en France , où il fe fît
religieux. Son amante défefpérée prit le voile à
Argenteuil , d'où elle fortit pour aller au Paraclet,
rès Nogent-fur-Seine 3 où fon amant avoit fait
âtir un oratoire. Après bien des traverfes ,
Abailard mourut au monaftère Saint-Marcel, âgé
de foixante-trois ans. Ses cendres furent dépofées
au Paraclet , où Héloïfe les avoit fait tranf-
porter.
A B A N D O N Qdans le ftylej. « Quand un eforit
*> jufte & plein de chaleur 3 dit Voltaires poflede
«bien fa penfée, elle fort de fon cerveau tout
« ornée des expreflions convenables , comme Mi-
«nervé fortit tout armée du cerveau de Ju-
» piter ». ^
Après cette heüreufe définition 3 le pere de la
Henriade fournira un des plus beaux exemples
qu’on pniffe; choifir de Xabandon dans le ftyle.
ïo u r les coeurs corrompus l'amitié n’eft point faite ;
O tranquille amitié, félicité parfaite,
Seul mouvement de L’ame où-l’excès foit permis.
Corrige les défauts qu’en m oi le ciel a mis; y ,
Compagne de mes pas dans toutes mes demeures ,
E t dans tous les états, & dans toutes lesheiires.
Sans toi tout l’homme eft feu l, il peut par ton appui
Multiplier fon être & vivre dans aütruï.
Amitié, don du c ie l, & paffion du fage;
Amitié, que ton nom couronne cet ouvrage^,
Qu’il préfide en mes vers comme ilr ègn e en mon coeur.
A B B
Qu'on fe rappelle encore ce beau trait de
\ abandon dans le ftyle , tiré de l’oraifon funèbre
de M. le Tellier* chancelier de France, par
Bofîuet.
cc Ne dites pas à ce zélé magiftrat qu'il travaille
« plus que fon grand âge ne le peut fouffrir ; vous
« irriteriez le plus patient des hommes. Eft-on 3
« difôit-il 3 dans les places pour fe repofer &
«pour vivre? Ne doit-on pas fa vie à Dieu, ait
« prince & à l'état ? Sacrés autels 3 vous m'êtek
» témoins que ce n'eft pas aujourd'hui par ces ar-
« tificieufes fiétions de l'éloquence 3.que je lui mets
« en la bouche ces fortes paroles ! Sache la pofté-
« rite j fi le nom d'un fi grand miniftre fait aller
«mon difcâürs jufqu'à elle , que j'ai moi-même
« entendu ces faintes répohfes «.
ABB A U G AS 3 philofophe ancien, qui, au rapr
port de Lucien 3 laiffa périr dans les flammes fa
femme & les deux enfâns pour fauver fon ami : on
lui demanda la raifon de cette préférence 3 c e fty
dit-il , qu'il eft plus difficile d'avoir- un ami qu une
femme 6* des enfans.
ABBAYES. Un plaifant. ra'ifonrfôit àinfl :« Au-
53 trefois l’églifo ne connoifloit que le vâcatîf'T
« c’étoit la vocation pure & fîncère qui en oüvr’oit
« la porte : mais à-préfent on décline tous les cas.
» Les nominations attachées à certaines abbayes
« royales , ou accordées par les concordats & les
« induits , font le nominatif ,■ les réfignations ou
« collations, qui n’ont en vue que l’intérêt du fang
« & l’ avancement de fes proches, fontle.génitifj
«la fimonie a le datif pour elle : comme Y accafatif
« eft .le partage du dévolut; & l’ablatif, c’eft quand
« pat violence, par procès injuftes * ou par féducr
« tions, on arrache un bénéfice au véritable titu-
« laire «.
Le père deHugues-Capet n’étoit riche que par
fes,dfibayefs 3 onYwpçéYoit Hugues l'ablf.
$ Ogine , mère de Louis-d’Outremer , pofledoit
Y abbaye de Saintè-Marie dé Laon , que le-Roi
donna enfuite à fa femme Gerbérge. -
Laprincefle de Côriti, fous le règne de Louis X IV ,
avoit pofîëdé Y abbaye de Saint-Denis.
ABBE. C ’eft, dansle fon s propre', le pofleflèur
d’une* a b b a y e& dans un fonS général tout homnîe
qui porté un habit eccléfiàftique.
On l'attend comme les'moines font l'abbé y façoïl
de parler proverbiale pour dire qu’on dîne toujours
.en attendant.
Faute d'un moine, on ne laiffepas de faire un abbé j
autre expreflion proverbiale qui. fîgnifie qu’çn lie
laifte pas de délibérer, ou; de çonchjre une affaire
en l ’abfence, ou malgré , l’oppofition. de quel-
qu’un» '
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t e moine répond comme l’abbé chante, ce qui
lignifie que les inférieurs ne font pas toujours du
même avis que leurs fuperieurs.
Abbé de Sainu-tfpérance , fe dit d’un abbé qui
attend un bénéfice.
Jouer a l a b b é c’eft s’amufer d’une forte de jeu
où l’on doit imiter tout ce que fait celui qu on
nomme Y abbé.
I - Un jeune abbé eft , dans le ton du monde , un
? jeune homme oui fait s'adoucir les yeux, montrer
fes dents , rendre fa bouche petite , avoir la main
douce & potelée, marcher légèrement, faire un
petit conte, agréablement : joignez à cela une certaine
idée de volupté & de délicatefle, de la gaieté
, de l'efprit, de la galanterie, & vous aurez fon
portrait.
L * abbé de Cofnâc ayant été nommé à l’évêçhé
de Valence, vint trouver l'archevêque de Paris,
afin de prendre jour pour fon facre. « Êtes-vous
«prêtre, lui demanda l'archevêque? N o n , dit
« Y abbé . . . . Vous êtes donc diacre?. . . Encore
« moins. C'eft-à-dire , continua l'archevêque ,
« que vous n'êtes que fous-diacre. Point du tout,
«répliqua Y abbé. . . . Je nofe pas vous interroger
33 davantage j j'appréhende que vous ne foyez pas
< « baptifé «. Ce qu’il y avoit de certain, c’eft que
Y abbé de Cofnac n’avoit pas même la tonfure.
j On demandoit à un jeune abbé s’il n'avoit point
de bénéfice , il répondit que non : j’en avois un ,
dit-il, que mon pere avoit acheté, on lui a dit que
c’étoit une fimonie, il l'a revendu.
Un abbé qui afïîftoit à la première repréfenta-
tion de la tragédie de Brutus, s’étoit placé fur le
devant d'une loge, quoiqu'il y eût des dames derrière
lui. Il fut apoftrophé par le parterre, qui lui
cria à plufieurs -reprifes place aux dames , a bas la
>. calotte. Uabbé impatient de ces clameurs, prend
fa calotte & là jette au parterre : tiens , la voilà,
parterre, tu la mérites bien. Ce mot fut trouvé
.heureux & applaudi. On laifia Y abbé tranquille.
Un jeune abbé qui avoit toutes les grâces de fon
âg e , figure agréable , propos galans, l’air confiant
avec les femmes , & qui pofledoit fur-tout
l’art de chanter divinement, folliçitoit un bénéfice
chez l’évêque de Mirepoix , chargé de la diftri-
bution^ des grâces. C ’étoit un jour d’audience.
Le prélat expédia tout le monde avant lui. Sur le
point de rentrer dans fon cabinet, il dit: e?Mon-
* fleur Y abbé, des bénéfices, n’eft-ce pas« ? Celui-
ci baiflant les yeux avec la timidité d’un fémina-
rîfte, marmottoit un oui. . . Alors l'Evêque qui
le. connoifloit bien , fe met à lui chanter ou à lui
dire pour toute réponfe :
Quand on fait aimer & plaire
A-p-pn befpin d’autre bien ? Ççç,
A B B 3
U n ablê le Sueur fïit vifiter Voltaire à titre
d'homme de lettres. « Monfieur Y abbé 3 lui dit
« l’auteur delà Henriade : vous avez un beau;
« nom en peinture «,
Un abbé , appellé Mouton, fit aflignér différentes
perfonnes pour reconnoître les redevance*
dues à fon abbaye. Un villageois vint le trouver ,
& lui demanda pourquoi il en agifloit ainfi ? C’eft,
dit Y abbé x pour me défendre du loup. Cette réponfe
offenfa le payfart, qui répartit : plût a Dieu que le
loup vous eût mange étant agneau , 6? que vous ne
fuffie^ jamais venu mouton dans, notre pays.
Un abbé qui jouifloit de plufieurs bénéfices, dif-
putoit contre un légat du pape , & lui foutenoit
l'autorité du concile au-deflus du fouverain pontife.
Ou n’ayez qu’un bénéfice , lui répondit fpL
rituellement le légat, ou croyez à l'autorité du
pape.
Un eccléfiàftique qui n'avoit pas toujours tenu
une conduite exemplaire, folliçitoit le régent de
lui accorder une abbaye. Le duc d'Orléans , fatigué
enfin des demandes ae cet abbé, lui dit un jour ,
pour s'en défaire : « Je vous confeille, Monfieur *
« puifque vous voulez abfolument une abbaye,
«d'en fonder une, ce n'eft qu'à ce titre que vous
« pourrez être fatisfait 3».
Un abbé de qualité fe préfenta avec des cheveux
un peu longs devant fon évêque , qui étoit fils d'un
, chirurgien du roi; le prélat lui fit une mercuriale
très-vive fur l'indécence de tels cheveux dans un
eccléfiàftiqùe. B "abbé piqué fortit une paire de ci-
feaux de fà poche, & la préfentant à fon évêque:’
Monfeigiieur, lui d it- il, je ne fais point précisément
la forme que doivent avoir mes cheveux,
comme vous êtes fils de maître, voudriez-vous
bien me la marquer. Cette faillie étoit déplacée;
Y'abbé- ne devoit point manquer de refpeét à fon
évêque ; aufii fut-il relégué dans un féminaire:
pour quelque temps.
Un jeune; abbé à qui on pouvoit reprocher ùné
prononciation afleétée , & des geftes maniérés ,
prêchoit dans une ville de province; s'étant trouvé
le lendemain chez le préndént de la jurifdiciion ,
il fe plaignit de ce que les officiers de cette jurif-
diélion avoient quitté foç. fermon pour aller à là,
comédie. Ces gens rép ond it le préfident, font
de mauvais goût, de vous quitter pour des comédiens
de campagne,
Un auteur tout plein d’ efprit, connu par des
couplets charmans, mais d'un càra&ère fans doute
trop infouciant, en un mot}\'abbé de l'At... vivoit
aujourd'hui dans la compagnie la plus choifie, &
fe trouvoit demain dans la plus mauvaife. Une
femme aimable, qui vouloit le corriger de cethu-
tniliant abandon, prit fur elle de lui dire un jour :
H Mon cher abbé, j’ai le plus grand plaifir à vous
I r recevoir, mais quelquefois , je fuis fâchée dq