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abdiqua la diâature. Le jour même de Ton abdication
, après avoir renvoyé fes liéleurs & fes
gardes , il fe promena tranquillement fur la place ,
accompagné a un petit nombre d'amis. Il n’y eut
qu’un jeune homme, qui, lorfque.Sy/Za fe retiroit,
l’attaqua par des difcoürs injurieux. Celui qui
tant de fois avoir accablé du poids de fa colère les
plus grands perfonnages , & les villes les plus puif-
i an tes, foiifrr.it avec là plus grande tranquil'icé
les . emportemens de ce jeune audacieux 5 & fe.
contenta de dire feulement en entrant chez lui :
» Vo ià un jeune-homme qui- empêchera qu’m
autre qui fe trouvera dans une place femblable à
la mienne, ne fonge à la quitter
SylLa paflfa le re.fte de fes jours dans fa miifon de
campagne de Cumes , où il cherchoit à fe diftraire
de fes cruautés pàifées, par le divertiflemenÉ de
la thalle & de la pêche , & par des repas apprêtés
par la diffoiution & la débauche. Au milieu de
fes pi a firs , une maladie cruelle qu’on nomme pédiculaire
> vint terminer fès jours à l’âge de
foixante ans. Sylla avoit pris foiemnellement le fur-
nom d Heureux Ç r1 lix ) titre quil eut porté plus
juftement, dit Vcl'eïus , s'il eut cejfé de vivre le jour
quil ceffa de combattre les ennemis de la patrie.
S YD N E Y , ( Algernon ) , républicain Anglois,
mort en 1683 , à l’âge d’environ 66 ans. Il étoit
fils cadet de Robert.
Rome n’a peut-être jamais enfanté de républicain
plus ardent, plus fier, qu’Algernon Sydney.
Il fit la guerre à Charles ; il fe ligua fans être d’aucune
feéle, ni même d’aucune religion avec les
enthoufiaftes féroces qui fe faillirent du glaive de
la juftice , pour égorger ce prince infortuné j mais
lorfque Cromwel fe fut emparé du gouvernement
, Sydney fe retira, & ne voulut point autoriser
par fa préfence la tyrannie de cet ufurpateur.
Son courage étoit ferme, intrépide ; fon cara&ère
francr, mais violent, emporté & incapable de
fouffrir la contradiction.
Au mois de juin 1 9 rl avoit été chargé fpécia-
lement par le confeil d’état d’Angleterre, de négocier
la paix entre les rois de Suède & de Dane-
marek. Pendant le féjour que le colonel Sydney
fit à la cour de Danemarck, Terlon, ambaf-
fadeur de France, arracha d’un livre de la bibliothèque
du roi, ces deux vers, que le colonel y
avoit écrit :
— Manu s k&c inimica tyrannis
Enfe petit placidam fub libertate quietem.
Terlon n’entendoit pas un mot de latin , s’ étant
fait expliquer le fens de ces paroles, il les regarda
avec rai fon comme une fatyre du gouvernement
établi en Danemarck parle fecours des Français.
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; J-es difcoürs àt Sydnèy fur le gouvernement ont
ete traduits en françois par Samfon. C ’elt de tous
les ouvrages politiques , celui où les principes des
gouvernemens libres font foutenus avec le plus
de force & de chaleur. Le gouvernement, dit
Sydney, n’eft pas établi pour l’avantage de celui
qui gouverne , mais pour le bien de ceux qui font
gouvernés , & la puilfance n’ eft pas un avantage,
mais une charge.
» La liberté eft h mere des vertus , de l’ordre
de la durée d’un état j au ILu que l’efclavage
ne produit que des vices, de la lâcheté & de la
misère.
» Les malheurs & les cruautés qui procèdent de
lattyrannie, font plus grands que tous maux qui
peuvent procéder d’un gouvernement populaire
ou mixte.
« Ce qui n eft pas jufte, ne peut avoir force de
loi , & ce qui n’eft pas lo i, n’engage à aucune
obéiluncç..
” Un pouvoir au deffus des loix'ne peut fubfif-
ter avec le bien du peuple j & celui qui ne reçoit
point fon autorité de la loi , ne peut être légitime
fou ver a in.
” Toutes les nations libres ont droit de s’af-
fembler, quand & où elles veulent, à moins
qu elles ne fe foient volontairement dépouillées
de ce droit.
M Le foulèvement général de toute une nation,
ne mérite point le nom de rébellion.
” BjpW Je peuple pour qui & par qui le fou-
verain eft établi a qui peut feul juger s’il remplit
bien fes devoirs ou non ».
Après la mort du prote&eur Cromwel, Sydney
eut l’imprudence de retourner en Angleterre à la
follicitation de fes amis. Il avoit obtenu un pardon
particulier } mais la haine ardente & inflexible
qu’il avoit voué à la monarchie > le rendit fufped
& redoutable à Charles II. On voulut le perdre ,
& on l’aceufa d’avoir trempé dans une conspiration
contre la perfonne du roi. Et comme on
manquoit de preuves contre lu i, en fe faifit de fes
difcoürs, qui n’avoient jamais été publiés, & on
les dénonça comme feditieux. Des juges corrompus
le déclarèrent coupable de haute trahifon. Les
conféquences qu’ils avoient tirées de fes écrits
pour le perdre, n’étoient point des conféquences qui
réfultaffent des faits , puifque ces écrits n’avoient
point été publiés, ni même communiqués à perfonne.
D ’ailleurs comme ils étoient compofés depuis
plufieurs années, ils ne pouvoient fervir à
.prouver une confpiration préfente. On avança cependant
que Sydney étoit non-feulement coupable
des crimes dont on le chargeoit, mais qu’il
devoit néceflairement l’être, parce que fes principes
l’y conduisent ; on auroit pu conclure avte
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autant de fondement, qu’il étoit né traître. Il fut
condamné à être pendu & écartelé. Jeffreys fon
juge & fon ennemi perfonnel, en lui annonçant
cette horrible fentence, l'exhortait d’un ton de
mépris à fubir fon. fort avec réfignation > Sydney
en avançant la main , lui dit : Tâte mon pouls, &
vois f i mon fang eft agité. Le fupplice fut cependant
adouci, & l’on fe contenta de trancha- la
tête à Sydney. Il avoit défendu fa caufe avec no-
blefTe} il envifagea la mort avec toute l ’intrépidité
d’un homme qui s’étoic propofé Brutus pour
modèle j il ne demeura que quelques minutes fur
l’échafaut ; car il y parla peu , ne fit que de très-
courtes dévotions, & du premier coup la tête lui
fut emportée.
SYMPATHIE. François le Port de la Porte ,
chevalier baron de Véfins, la Tour-Landry & le
Pordic, étoit fils pofthume du baron de Véfins.
Son pere, étant décédé, fa mère le perdit peu de
jours après l ’avoir mis au monde. Il fut ravi d’entre
les bras de fa nourrice, & , par on ne fait quelle
aventure, tranfporté en Hoüande, où il apprit le
métier de cordonnier. S’étant rendu habile dans fa
profeflion , il pafla en Angleterre, & il travaiiloit
à Londres dans le temps que monfieur de la Tour-
Landrygentilhomme François, fon allié, voifin
& ami de Feu fon père, fe trouvant auâî à Londres,
entra dans une boutique pour prendre la mefure
d’une paire de bottes. Le jeune cordonnier igno-
roit la nobleffe de fon extraïh'on , & le lieu de fa
naiflance, il ne lui reftoit que le nom de Véfins,
qui lui avoit été confervé par une providence fin-
gulière.
Le maître cordonnier lui ayant d it, Véfins,
prenez la mefure de monfieur, le gentilhomme rappelle
en fon efprit la cataftrophe de Véfins, con-
fidère attentivement ce jeune homme, admire fon
port, fa phyfionoinie, fa taille avantageufe, fon
air aifé , fes manières nobles. Cependant Véfins
fe met en devoir de prendre la mefure des bottes,
& alors quelques gouttes de fang lui tombent du
nez. Monfieur de la Tour Landry l ’obferve de
plus près, & lui demande d’où il eft. Le jeune
homme répond qu’on lui avoit dit qu’ il étoit François
de nation, & d’une famille diftinguée, mais :
qu’il n’ en favoit pas davantage. Le gentilhomme
répliqua, que dès que les bottes fe-roient faites,
il fouhaitoit que ce fut Véfins qui les apportât : il
le fit, & en les chauffant, il coula de fon nez
quelques gouttes de fang, comme à la première
fois. Monfieurde la Jour-Landry en fut frappé,
& il fe fouvint que meflïeurs de Véfins naToierc
avec un feing entre les deux épaules •; il fit dépouiller
le jeune cordonnier , & ayant vu cette marque,
il n’héfira plus à le reconnoitre pour le baron fon
parent, & le vrai héritier de la ma;fon de Véfins.
Il lefie habiller feionTa qualité , & lui ayafit don-
ne un équipage convenable j il le ramena à Vélins,
où il fut reconnu par fa nourrice f i l le fit rentre?
• .dans tous-fes biens, & lui donna fa fille en mariage.
Le baron fe voyant comblé.d’honneur & de r>
chefies, &r voulant en marquer fa gratitude à la divine
providence, il fonda dans fon bourg de
Véfins en. Anjou, au diocèfe de la Rochellei il
fonda dis je .un hôpital, fous le titré; de S'aint-
François, fon patron, & il en'donna 1è foin à fix
frères de la charité, qui y doivent entretenir vingt
malades. L'aéle de fondation eli du fept feptembre
1654, & elle a été confirmée par les lettres-patentes'
du roi Louis X I I I , en 1637 rtgifirées au
parlemenc-de Paris, la même année.
Un ami de monfieur de l’abbé de Langea c , de
la maifon de la Rçchefoucault, comte de S. Julien
de Brioude, & doyen de S. Gai de Langeac , fut
un jour lui demander à dîner. Cet ami étoit abfent
depuis plus de quinze ans. Après qu’on eut fe rv i,
la gouvernante vint demander à M. le doye,n s’il
fouhaitoit autre chofe. L’ étranger ne la vit pas
parce qu’ elle étoit derrière la chaire , mais le coeur
lui manqua, & en même-temps à la gouvernante.
Elle fottit pour prendre l ’air, & dès le moment
1 etranger revint à lui, & recommença à manger.
Dès qu’on eût fervi le defièrt, M- le doyen ap-
’ pella la gouvernante, & lui demanda la 'clef de
fon cabinet, pour aller chercher quelq. es liqueurs.
Le coeur palpita à l’étranger, & la gouvernante
changea de couleur, fans que ni l’ un ni l'autre
puffent en découvrir la caufe. Le doyen accourut
vers fon ami, & un laquais.prit foin de faire revenir
la gouvernante, qui ayant eu la curiofité de demander
lé nom de l’étranger qu'elle n'avoit point
encore envifagé , fut fe jerter à fon eau, & l’em-
braffa tendrement. Cétoit la nourrice de l’ami du
doyen, & il y avoit trente ans qu’ il ne s’ étoient-
rencontrés.
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