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nn genou en terre, couverts de leurs boucliers,
& etendant en avant leurs piques : cette attitude
empêcha qu ils ne fuflent enfoncés. Les athéniens
erigerent une ftatue à Chabrias , dans la pofture
ou if avoit combattu.
Je prefererois , difoit Chabrias , une armée de
cerfs commandés par un lion , a une armée de lions
commandés par ‘un cerf.
CHAG R IN . Qui eft-ce qui n’a pas mille lu jets
oe chagrin ? 1
Et qui s non eau fus mille do loris habet ?
. Puifqueles loix de notre humanité la foumettent
à tant d'infortunes , n’eft - il pas raifonnable que
nous nous y accommodions doucement, & que
nous raflions nos efforts, pour foqftrir patiemment
ce que nous ne pouvons éviter ?
Cedamus , leve fit quod bené fertur onus.
Cependant., lorfque le chagrin prend le deflus.
* elt un tyran qui va jufqu'à troubler l’ordre de
la natijre.
Un fou rempli d'erreurs, que le trouble accompagne,
Eft malade 3 la ville ainfi qu’à la campagne,
En vain monte à cheval pour tromper fou ennui,
t e chagrin monte en croupe & galoppe avec lui.
Si le chagrin a cet empire fur les aines foibles,
il n en eft pas ainiî avec l’homme fage qui le
fupporte avec fermeté.
Laurent Samuet devint.tout gris après quatre
heures de prifon, pour le relie de fes jours, à
caufe du chagrin dont il fut pénétté, fe voyant
entre les mains des françois.
Nous avons mille exemples de gens trop fen-
fibles, morts fubitement par l ’effet d’un violent
çhagrin.
CHAMBRE des comptes. Les Officiers dé cette
chambre portoient anciennement de grands eifeaux
a leur ceinture, pour marquer Je pouvoir qu’ils
ont de rogner 8c de retrancher les mauvais emplois
dans les comptes qu’on leur préfonte.
GM AM L A Y } etoit le plus habile homme de
France pour la caftramétation. M: de Turenne
difoit qu’il ne pou voit camper fans M. de Chamlay,
$C que Chamlay pouvoir camper fans lui. *
En effet, il avoit un talent unique pour-Ies dlL
pofitions & les marches des troupes 5 il connoif-
foit la pofition des moindres dieux, & iufqu’aux
moindres ruifleaux.
Après la mort dç Louvoîs, Louis X IV youlut
lui donner le_ département de la guerre 5' mais
Chamlay refufa J cette place avec perfévérance ,
allant qu il ^avoit trop d’obligations à Louvois ,
P°?.r *e. reyetir des dépouilles de ce miniftre, au
préjudice de Barbefieux fon fils , qui avoit la fur-
vivance de fa charge.
CH AM IL L A R T , contrôleur-général des finances
& miniftre de la guerre, mort en 1721.
Chamillart étoit un grand homme qui marchoit
mal, dont la phyfionomie ouverte n’annonçoit
que la douceur & la bonté. Sa fortune fut d’exceller
au billard. Louis X I V , qui s’amufoit fort
de ce jeu , l’admit dans fa partie : il fe comporta
h modeftement 8c fi bien, dit le Duc de Saint-
çjnnon, quil plut au roi & aux cûurtifans, donf
il fe trouva protégé à l’envi, au lieu d’en être
moque, comme il arrive à un nouveau venu, inconnu
& de la ville.
Du tems que Chamillart étoit confeiller au
parlement, & qu il jouoit au billard avec le roi
trois fois la femaine, fans coucher à Verfailles,
il eut a rapporter un procès. Celui qui le perdit,
lin vint crier miféricorde, en infiftant fort fur une
ÇJe?,ev § 8 dit-il, le gain de fon procès.
Voila 1 homme a fe défoler, & Chamillanl lire
a pièce. Vous avez raifon, lui dit le rapporteur,
cette pièce m’étoit inconnue, & je ne comprends
pas comment elle a" pu m’échapper : elle décide
en votre faveur. Vous demandez 20^000 livres,
vous en avez été débouté par ma faute ; c’ eft à
moi de vous les paver : revenez' après demain.
Cet homme revint^ le furlendemain, fort furpris
de ce qu il entendoit, 8c fort incertain de ce qui
lui arriverait. Chamillart, cependant, avoit battu
monnoie de tout ce qu’il avoit, & emprunté le
relte : il lui compta les 20,000 liv ., lui demanda
le fecret & le congédia.
.. Ç H AM IL L Y , maréchal de France en 1703 :
il s appelloit Bouton d’une race noble de Bourgogne.
C étoit ( dit le duc de Saint Simon ) , un
gios & grand homme,'le meilleur, le plus brave -
8c le plus-rempli d’honneur, mais fi bête & fi
lourd, qu’ on ne comprenoit pas qu’il pût avoir
quelque talent pour la guerre. Cependant il avoit
forvi avec réputation en Portugal & en Candie.
A le voir & a 1 entendre, on n’auroit jamais pu
*e /Perhm.der qu il eut infpiré un amour auffi dé-
mefuré que celui qui eft l’amç de ces fameufès
Lettres portugaifes 3 ni qu’il eût écrit les réponfes
qu on y voit à cette religieufe.
CHAMGUSSE T C Charles Humbert Piarron
de) 3 maître des c om p te sn é en 1707, mort en
1*773* B foc %rds de l’humanité, par le bien qu’il \
fit 8c qu il projettoit de faire aux malheureux. Il v
etoit fur le point de contracter un mariage, lorf-
qu il âdrefia ces paroles à la cbmoifjsile qu’on lui
deftinoit : « S’il eft doux d’exifter pour ce qu’ on
» aime, il l’eft prefqii autant de confacrer une
ot partie de fon exiftence à ceux qu’on plaint. Mon
» deffein eft de me retirer dans-ma terre, 8c d’y
» fonder un hôpital. Quelle fera ma joie, lorfque
» nos vaffaux vous verront partager ma charité,
« 8c vous loueront comme un ange defeendu
s> du ciel » l
Cette effufion de coeur déplut à la jeune de-
wioifelle, qui avoit l ’idée d’ un autre bonheur : le
mariage ne fe fit point.
4 CHAM PAG N E ( Philippe ) , né à Bruxelles,
l ’an 1602, mort en 1674. Cet artifte joignoit à
fes talens une piété exemplaire ; 8c fon attachement
à la religion le lia d’une manière intime avec
les fameux folitaires de Port-Royal.
Il pouffoit la modeftie 8c la délicateffe jufqu’au
point de ne faire aucuns tableaux dont les figures
ruffent entièrement nues. Par un autre, fcrupule,
il refufa de peindre le portrait d’une demoifelle qui
entroit au couvent des carmélites , parce qu’il aurait
fallu travailler le dimanche.
Champagne ne perdoit pas un moment de la
journée, 8c fe levoit dès quatre heures du matin.
Il difoit à fes- élèves: « Vous devez déjeûner
» fans quitter l’ouvrage 5 & la récréation qu’il faut
» prendre après le dîner, c’eft le tems de defeendre
» î’efcalier , pour aller à l’endroit du travail ».
Il peignoit fi facilement , que, s’étant trouvé en
concurrence avec plufieurs peintres, pour un tableau
de Saint Nicolas, il fit le tableau, 8c le plaça
dans la chapelle qui lui étoit deftinée, pendant que
fes confrères n’en traçoient encore que le plan.
Chacun en fut très-furpris 5 8c comme l’ouvrage fe
reffentoit un peu de l’extrême diligence avec laquelle
il venoit d’être fait, quelque critique écrivit
à Champagne s .^om lui demander combien il ven-
doit un cent de Saint Nicolas.
Les talens de cet artifte lui procurèrent en France
î’accueil le plus diftingué. La reine, mère de Louis
XIII j avoit pour-lui une eftime particulière. Le cardinal
de Richelieu, jaloux degroffir le nombre de fes
partifans, s’efforça d’enlever à la reine unferviteur
auffi fidèle. Champagne fut inébranlable, 8c répondit,
en refufant les offres brillantes d’une grande fortune
: « Je borne toute mon ambition à devenir le
» premier dans mon art : ainfi , je n’ai rien a de-
» iirer de fo.n éminence, puifqu’il lui eft impoffible
» de me rendre le plus habile peintre ».
Un jour que Champagne peignoit la reine, fa
protectrice , quelques dames de la cour prétendirent
qu’il ne faififfort point la reffemblance de fon
modèle. Champagne prit auffvtôt fa palette $ 8c
feignant de fe fervir de couleurs , il pâffa pla-
fieurs fois fon pinceau fur la tête du portrait de la
reine. Les dames s’applaudirent alors de leur difçer-
nement, louèrent le peintre, 8c convinrent que
portrait retouché étoit devenu très-reffemblant.
( Anecdotes des B. A. )
CHAMPMÊLÉ ( Marie Defmarets, femme de
Charles Chevillet, fleur de ) ; naquit à Rouen, en
1644. Cette actrice mourut en 169:8, âgée de cinquante
quatre ans.
Marie Champmêlé, élève de Racine, dont elle
étoit la maîtreffe, fuivant quelques mémoires,
rempliffoit les premiers rôles tragiques avec un
applaudiffement général. Racine la forma à la .dé*
clamation, en la faifant entrer dans le fens des vers
qu’elle avoit à réciter, en lui montrant les geftes ,
en lui dictant les tons, 8c en les.lui notant même
quelquefois. Elle profita fi bien de fes leçons,>
qu’elle effaça toutes fes rivales. Son époux réuf-
fiflfoit mieux- qu’ elle dans le comique : il jouoit aflfez-
bien le rôle des rois dans la tragédie. ‘
Mademoifelle Champmêlé fi’étoit pas douée d’un
efprit fupérieur ; mais un grand ufagè du monde ,
beaucoup de douceur dans la converfation , 8c
une certaine naïveté aimable dans fa façon de
s’exprimer , lui tenoient lieu d’un génie plus brillant.
Sa maifon étoit le rendez-vous de' plufieur£
perfonnes de- diftinClion de la cour 8c de la ville,
auffi-bién que celui des plus célèbres auteurs de
fon tems, tels que Defpréaux, Racine, la Chapelle,
Valincour ,. 8cc\ La Fontaine , admirateur
- des talens de cette aCtrice, 8c peut-être auflî des
grâces de. fa perfonne , lui adreffa le conte de
Belpkégor.
Il n’étoit pas néceffaire de dire à Mademor-
feile Champmêlé, avec Defpréaux :
Il fau t, dans la douleur, que vous vous abaiffiez ;
Pour m’arracher dès pleurs, il faut que vous pleuriez*
Elle s’en aequittoit fi bien, qu’on étoit forcé
de verfer des larmes , quelque force d’efprit qu’on-
eût, 8c quelque violence qu’on fé fît fur foi-même.
C ’étoit un plaifîr de voiries femmes foupirer & s’ ef--
fuyer les yeux, 8c les hommes s’en moquer, tandis
qu’eux-mêmes faifoient tous leurs efforts pour
ne point pleurer.
Mademoifelle Champmêlé avoit la voix belle
des plus fenores , lorfqu’ell'e déclamoir , fi j’ oir
avoit ouvert la loge du fond de la falle, fa voix aurait
été entendue dans le café de Procope.
Racine aima la: Champmêlé-, qui lui fut infidelfeÿ
8c il s’en vengea par un bon mot.
La. Champmêlé facrifia Racine au comte de Cler