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Amura-t 1V3 cet empereur envoya l’afïîéger dans
Erzerum , par le grand-vifir Khofrou , qui prit la
ville , & fe faifit de la perfonne du chef des rébelles.
Le vifir 3 quoique naturellement févère 3 accorda
le pardon aux habitans , 8c reprit en triomphe
la route de Conftantinople.. Comme il approcnoit
de cette capitale 3 tout le peuple fortit en foule à
fa rencontre 3 attiré par la réputation d’Abaza.
Chacun s’emprefloit de voir cet illuftre captif 3 qui
avoir été 3 pendant plufieurs années 3 la terreur de
l’empire Ottoman. Amurat lui-même impatient de
fatisfàire fa curiofité, quitta le férail 3 8c s’avança
à cheval hors de la ville 3 environné d’une troupe
de jeunes gens de fon âge. Qn lui préfente Abaza
chargé de chaînes, il arrête quelque temps fur lui
des regards de furprife 8c d’admiration 3 puis 3
rompant tout-à-coup le filence : Je te pardonne 3
ai Abaza, dit-il 5 tes exploits m’ont fait oublier ta
trahifon ; 8c, pour mieux t’ engager à la réparer3
“ je te fais bacha de Bofnie ». Aufli-tôt miÛe cris
de joie applaudiffent à la générolité du jeune fultan,
tandis qu’Abaza lui jure 3 à fes pieds 3 une fidélité
inviolable.
A N (jour de 1’ ).
De trois cents foixante-cïnq jours
Qui de Yan compofent le cours,
C?ell le premier de tous où l’on ment davantage ,
Nul autre ne fait voir tant de duplicité*
Combien , dans ce jour fi fê té,
Voit-on , par un fatal ufage ,
- De faux baifers & donnés & rendus!
Combien de l’amitié tiennent le doux langage,
Qui voudroiént voir périr ceux qu’ils flattent le plus J
D e là certainement vient lé double vifage
Que la fable donne à Janus.
A N A . On appelle ana des recueils 3 des
penfées’ 3 des difcours familiers 3 & quelques
petits opufcules d’un homme qui s’eft fait un
110m.
On nomme encore ana des ■ traits détachés &
piquants3 qui, fans avoir l’appareil de l’érudition
ni même de la fcience, excitent pourtant un inté-
jê t alfez vif.
La petite pièce qui fuît offre- une lifte critique
ides ana les plus connus.
Fortunius un jour dîna
Chez un grand , où l’on raifonna
Bien fort fur Perroniana,
Thuana, Valefiana,
Après quoi l’on examina
Lequel de Patiniana
Vaut moins ou de Naudoeana !
S’il falloit à Chevroeana
A N A
P r é f é r e r P a r rh a fia n a !
E t p r i f e r M é n a g ia n a
P lu s q u e le s S c a lig e r a n a ?
E n l ib e r t é ch a cu n p r ô n a ,
O u fu iv a n t fo n g o û t co n d am n a
L ’u n S a in t -E v r em o n ia n a ,
L ’a u t r e F u r e te r ia n â . ,
U n t ie r s l ’a v a n ta g e d o n n a
S u r e u x à S o r b é r ia n a .
T e l c o n t r e A n o n ym ia n a ,
C o n t r e l e V a f c o n i a n a ,
E t c o n t r e A r le q u in i a n a ,
T in t b o n p o u r S a n to îia n a .
A u d e f l è r t , o n q u e ft io n a
S i l e n om B o u r fa u t ia n a ,
C e lu i d ’A n c i l lo n ia n a ,
D e V ig n e u l-M a r v i l li a n a ,
E t d e C o lom é f ia n a ,
J am a is d e s a u te u r s ém an a .
S i l’ o n v e r r o i t P i th oe a n a ,
E t d’ a u t r e s q u e promis~on a .
T e l s qu e fo n t B a lu z ia n a ,
D e S e ld e n , S e ld e n ia n a ,
D e D a um iu s , D a um ia n a ,
D e C a l v in , C a lv in ia n a ,
D e B o u r b o n , B o r b o n ia n a ,
D e G r o t iu s , G r o t ia n à ,
D e B i g n o n , B ig n o n ia n a ,
D e S a l lo t , S a l lo t ia n a ,
D e S é g r a i s , S é g r a if ia n a ,
C om m i r e , C om m ir ia n a ,
E n fin C a u fa u b o n ian a ,
E t l e B o u r d e lo t ia n a ,
M êm e F u r ftem b e rg ia n a ?
F o r tu n iu s lo r s o p in a ,
E t d’un to n q u i p r é d om in a *
L a d ifp u t e a in fi te rm in a :
M e i l le u r s , , n u l d e to u s ceS ana
N e v a u t l ’y p é c a c u a n h a ,
N i l’ e n c y c lo p é d ia n a .
A N A CH A R S IS , mort vers l’an 5-y 6 avant J. C ,
Le fameux philofophe Anacharfis étoit Scythe, &
un grec qui n’avoit d’autre mérite que d’être né
en Grèce, le regardant avec envie, lui reprochoit
la barbarie de fon pays : j’avoue, lui répliqua A n a charfis
, que mon pays me fait honte 3 mais tu fais
honte à ton pays. Ce mot peut être fort bien appliqué
à ces petits efprits qui méprifent les étrangers
3 feulement parce qu’ils font étrangers, fans
confidérer que le favoir, l’efprit, & je mérite font
de tous pays.
Le peuple d’Athènes étoit le maître de rejetter
le décret du fénat ou d’en ordonner l’exécution
après l’avoir examiné. Cjeft à ce fujet qu3Ana-
cnarjîs difoit à Solon ; « j ’admire que chez; vous
A N A
„ les fages n’aient que le droit de délibérer, 8c
„ que celui de décider Toit referve aux fous. «
R vaut mieux , difoit Anacharfis , n avoir qu un
feul ami qui foit utile, qu’une foule d intimes qui
ne fervent à rien. ‘
La vue d’un ivrogne étoit g? félon Anacharfis ,
la meilleure leçon de la fobriete.
Il comparoit les loix aux toiles d’ araignées , qui
ire prennent que les mouches, 8c qui ne peuvent
arrêter des êtres puiffans. -
Il demanda à un pilote de quelle épaiffeur étoit
le vaifleau 5 comme on lui dit de tant de pouces.
Quoi ! nous fournies, répond it-il, fi près de la
mort.
Un honnête homme , difoit Anacharfis, eft fobre
dans le parler , dans le manger , dans les plaifirs.
Il eft bien étonnant, difoit-il encore, que dans
les jeux publics de la Grèce, les artiftes combattent
, 8e ne foient pas jugés pat' des artiftes.
ANA CR ÉO N. Anacréon, pcrëte lyrique grec,
naquit à Théos, vers l’ an 532 avant J. C . Il partagea
fon temps entre l’amour 8e le vin, 8e chanta
l’un 8e l’autre.1 -
Un préfent de quatre talens qu Anacréon reçut
de Polycrate, tyran de Samos , l’ayant empêché
de dormir pendant deux nuits, il renvoya ce tré-
fo r , 8e fit dire à fon bienfaiteur : « Que quelque
» confidérable que fût la fomme, le fommeil valoit
» encore mieux ».
C e poète vécut quatre-vingt-quatre ans, il ne
fe nourrifloit, dans les denières années, que de
raifins fëcs : mais un pépin qui s’ arrêta à fon gofîer
l’étouffa.
AN A G R AM M E , Tranfpofition, ou dérangement
des lettres d’un nom ou autre mot, pour en
faire une nouvelle combinàifon, d’où il réfulte
un fens quelconque.
Il y a plufieurs fortes d‘anagramme 3 on peut en
juger par celles que nous allons citer.
, ' anagramme de logica eft caligo.
Calvin à la tête de fes inftitutions, mit Y anagramme
fon nom de Calvinus qui eft Alcuinus.
Tout le monde fait.qu’Alcuinus eft un anglois qui
s’eft illuftre en France par fa doétrine, fous le
règne de Charlesmagne.
\_ï anagrame, de Verfàilles eft ville fera.
On peut citer comme une anagrame heureufe
celle qu’on a, trouvée fur le meurtrier de Henri
III, frère Jaccjües ' Clément. Les lettres de ces
mots- combinées portent : c’eft l’enfer qui m’a
crééi
À N A
Louis quatorzième roi de France 8c de N a varre.
V a , Dieu confondra l’armée qui ofera te ré-/
fifter.
Le père Prouft, & le père d’Orléans, tous d'eux
jéfuites , s’amufoient à tirer mutuellement de leurs
noms des anagrammes fatyriques. Le père Prouft
ayant trouvé afne d ’or dans le ngm de fon confrère,
le défia de lui rendre le change, vu la brièveté
de fon nom 5 le père d’Orléans en vint cependant
à b out, 8c lui fit voir que p u r fo t fe trou-
voit en entier dans Proufi.
Marie Touchet, maîtrefle de Charles I X , etoit
fille de Jean Touchet , lieutenant particulier au
préfidial d’Orléans. Elle eut de ce roi un fils,
qui fut comte d’Auvergne 8c duc d Angouleme?
Elle fe maria avec François de Balzac , feigneur
d’Entragues, de Marcouflfi 8c de Malzérbes 3 dont
elle eut deux filles : Henriette qui fut maîtrefle de
Henri I V , 8c marquife de Verneuil, 8cMarie,
maîtrefle du maréchal de Baflbmpière. Les auteurs
qui ont parlé de Ma r ie T ou che t, conviennent tous
que c’ étoit la plus agréable dame de la cour. Bran-
f tome qui s’y connoifloit bien, en dit des merveilles;
; §£ .jamais anagramme ne fut plus véritable que la
fîenne , qui difoit : je charme tout.
U anagramme que nous allons rapporter femble
mériter d’être confervée comme un exemple heureux
de ces pénibles bagatelles : en voici 1 occa-
fîon.
Toute l’illuftre maifon de Lefcinski s’étoit raf-
femblée à Sefla pour complimenter, fur fon heu-’
reux retour , 1e jeune Staniflas, depuis roi.de Poj
logne. On exécuta plufieurs ballets dans lefquels
les danfeurs , au nombre-de treize, repréfentoient
autant de héros. Chaque danfeur tenoit un bouclier
fur lequel étoit gravé en cara&ère d’o r , l’une
des treize lettres des deux mots , domus lefeinia,
8c à ta fin de chaque ballet, les danfeurs fe trou*
voient rangés de manière que leurs boucliers for-
moient autant & anagrammes différentes.
P r em ie r b a l l e t . . . Domus lefeinia.
D e u x ièm e . . . . . . Ades incolumis.
■ T r o i f ièm e . . . . . . Omnis es lacida.
Q u a t r ièm e ..............- Mane fidus loci.
C in q u ièm e . . . . . . Sic columna dei.
S i x i è m e ....................... I feande folium.
Les juifs cabaliftes ont fait ,de l’art des ana-*
grammes la troifième partie de leur cabale. Leur
but eft de trouver dans la tranfpofition des lettres
ou des mots, des fens cachés 8c. myftérieux.
Céfar Coupé, célèbre anagrammatifte, & fertile en
j bons mots fur les maris qui avoient des femmes
coquettes, en eut une qui fit parler d’elle. Il fut
obligé de s’en réparer. Quelqu’un qui avoir une