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affe&é un foir du malheur continuel qui le pour-
fuivoît; & voulant exprimer énergiquement Ton
déferpoir, prit le parti de jetter fur la table une
poïgnee de louis, 8c jura pour lors tout à fon
aife.
La fureur du gros jeu eft pouflée au plus haut
pomt. Voici un moyen de luppléer à Tincenvë-
nient de porter fur' foi une maffe d'or , dont le
poids fatigue. On a imaginé des boîtes très-
élégantes , dans lefquelles. font des fiches très-
légères , timbrées , dix , vingt , cent louis. Ces
fiches tiennent lieu de billets de banque-payables
au porteur. Une dame , dont le mari jouoit beaucoup,
a fait faire une de ces boîtes, & la lui
a envoyée. Notre époux, au lieu de fiches, y a
trouvé le portrait de fa femme en migniature » avec
fes deux petits enfans, &r ces mots au bas ifongc%
à nous.
Un homme de finances jouoit mille piftoles au
piquet, en une partie, avec un feigneur de la
cour. Celui-ci jugea qu'il pohvoit le faire capot
& le gagner, s'il lui perfuadoit qu'il avoic trois
yàlets, dont cependant il en avoit écarté un. 11
compte le point & le refte de fon jeu jufqu'à
vingt ; & > de après avoir rêvé un moment, il jette
la première carte, 8c compte vingt-trois. Son
adverfaire lui demande comment il les compte. Le
courtifan recommence à compter fon jeu , & y
ajoute trois valets. Le financier dit qu'il ne les
avoit point nommés avant de jouer fa première
carre. Le feigneur foutient le contraire, & offre'
de parier cent piftoles. La propofition eft acceptée
: les fpe&ateurs condamnent le feigneur, q u i,.
affe&arit une forte de dépit, & continuant à jouer
les cartes, fit capot le financier, parce qu'il garda
l ’as du valet que {bn adtfêrfaire, plus fin que lui,
avoit écartée. <
On rapporte une fùbtiljté à-peu-près femblable.
d'un gafeon vis-à-vis d’un autre financier. Celui ci
couroit rifque d’être capot j il avoit deux as qui
lui reftoient, & qu'il montroit à découvert ; il ne
favoit lequel garder. Le gafeon voyant qu’il levoit
le bras pour jetter l’as dont il falloit fe défaire, '
avança adroitement un de fes pieds fous la table,
8c preffa un des pieds, du financier. Celui ci, qui
étoit environné de plufieurs de fes amis, cruuque
c'étoit un d'entr'eux qui l'ayertîffort de jetter
l ’autre as ; ce.qu’il fit : &.comme il fe vit capot,
il demanda tout haut, avec dépit, quel.étoit le
prefTeur de pied. Le-gafeon, après lui avoir reproché
en riant d'attendre qu'on l'avertît, lui dit :
« C'eft moi, qui ne crois pas être obligé de vous
» donner un bon avis ».
Un grée jouoit au piquet avec un vieux capitaine
de cavalerie» dans une ville de province,
■ & le filoutoit fans ufer de beaucoup d'adreffe.
Toutes les fois qu’il vouloit avoir beau je u , il
tçouchoit d'une main la chandelle, 8c de l'autre
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efeamotoit le talon. L'ancien militaire, quin'e’tolt
pas dtrpe, s’étant apperçu deux ou trois fois
de cecte njanoeuvre, lui dit, en s'arrêtant 8c
pofant fes cartes fur la table : « Monfieur, je
» remarque que toutes les fois que vous mouchez
ȣ la chandelle , je n'ai point d'as. Je vous ferois
^ » obligé de vouloir bien vous difpenfer de prendre1
->> tant de peine j car j'aime encore mieux n’y voir
'» pas fi clair, & avoir des jeux moins louches».
Sur ce premier avis, le grec fe retint quelques
momensj mais une heure après, étant quefiion de
la fin d’une partie décifive, & ayant ce coup-là
un jeu fi mauvais, qu’il ne lui falloit pas moins
que les huit cartes du talon pour le raccommoder,,
il prit de nouveau les mouchettes, & dit au capitaine
:««Je vous demande bien pardon , monfieur ;
*» mais c'eft une vieille habitude que j'ai prife au
» piqaet de moucher». Et moi, dit le militaire
en l’arrêtant fur le fait, comme il efeamotoit le
■ talon : « O e ft aulfi un ufage que j'ai de moucher
» ceux qui me volent au jeu ». En même-temps
il tira de fa poche un piftoiet, 8c lui brûla U
cervelle.
Un g rec, qui en vouloit à un financier, apprît
que ce dernier avoit été obligé de fe loger chez
un chirurgien , pour réparer fa fanté , que fon
libertinage avoit altérée. Bon, dit le grec, qui?
fut cette anecdote, voilà mon affaire} je ne puis,
plus manquer mon homme} je n'ai qu'à paffer
auffi par les remèdes. Je ne rifque rien en cela,;,
il n’y a au contraire qu'à gagner pour moi à ce
marché ; car il eft incertain fi je n'ai pas la même
maladie , & il eft fur que je lui gagnerai fon
argent. Tous les médecins difent qu'il faut s'a-
mufer pendant le cours de ces remèdes > je me
chargerai donc de l’amufer : ce qu'il fit en effet
d’une maniéré fi intéreffante, que pendant Je
cours des remèdes., le financier perdit qqatre-vinge
mille livres, & fortit de ce lieu, après foixante
jours, radicalement guéri 8c des femmes 8c du
jeu.
Un préfident, grand joueur 8c fort avare, dit
un jour, après avoir fait une grande perte, du
moins j ’ai perdu fans dire un feul mot. C'eft ,
monfieur, lui répondit une dame, que les grandes
, douleurs font muettes.
Une jeune femme, la mort dans les yeux,
vint dans une académie àtjeu chercherpifon mari
qui y perdoit beaucoqp d’argent depuis deux jours.
« Laiffez-moi, s'écria-t-il , laiflez-moi encore ua
» inftant, je vous reverrai peut-être . . . . . après
» demain ». Le malheureux arriva plutôt qu'il ne
l'avoit promis. Sa femme étoit couchée tenant à
fa mamelle ]e dernier de fes fils. ««Levez-vous,
» madame, levez-vous’ , lui dit-il, le lit ou vous
» êtes né vous appartient plus».
U n h o m m e c o n n u t e n a n t la m a in d a n s u n e
a c a d é m i e d e je u , & a y a n t l a i f f é t o m b e r u n d o u b l e
louis
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louis, Voulut fur le champ le ramaffer. « Que
» craignez - vous, lui dit-on ? Il n'y a ici que
» d’honnêtes gens. — Je le crois ; mais de ces
» honnêtes gens-Jà, on en pend un par femaine,
» quand la juftice fait fon devoir ».
Une dévote fe confefifoit du trop grand attachement
qu'elle avoit pour le jeu; fon confefleur
lui repréfqnta qu'elle devoit d'abord confidérer
la perte du temps. — Hélas! ou i, mon père »
on perd tant de temps à mêler les cartes.
Cafimir , toi de Pologne , fut vivement outragé
par un officier qui venoit de perdre tout
fon bien contre lui. L’officier prend la fuite ; on
le ramène. Le roi l’attendoit en filénee au milieu
de fes.courtifans. «« Mes amis, leur dit-il en le
» voyafft paroître, cet homme eft moins cou-
» pable que moi : j'ai compromis mon rang} je
» fuis la caufe de fa violence,'8c le premier
» mouvement ne dépend pas de nous. Puis,
» s'adreïïant au criminel : tu te repends^ il fuffit}
» reprends tes biens, & ne jouons plus ».
Deux habiles joueurs de dez jouèrent une fois
cent écus à deux dez au premier coup, étant
convenus que celui qui auroit le moins de points
gagneroit. Le premier ayant fait deux as vouloit
fe jetter fur l'argent} mais le fécond l'arrêta, &
ayant jette les deux dèz , de forte que l'un étant
monté fur l'autre ne découvroit qu'un feul as ,
prétendit que les cent écus lui appartenoient, de
quoi il fallut que. l'autre, en dépit qu’il en eût,
demeurât d'accord.
Voici un miracle, mais un vrai miracle, tout
oppofé, dont la repréfentation, à ce qu'on aflure,
a été long-temps expofée dans l'églife de l'abbaye
.de faint Guilain , en Hainaut.
Aftârot & Guilain , l’un diable, l’autre moine,
Difputoient un jour fortement.
Ce'cas arrive rarement;
Car il n’eft plus de faint Antoine
Qu’un démon tentoit vainement.
Le fujet du procès étoit une macette,
Une vieille darioiette,
Gîfante fur un méchant lit,
Toute prête'à rendre l’efprit.
Le diable prêtendoit qu’on lui livrât cette ame,
Digne, fe d ifo it-il, d’une éternelle flamme.
Il alléguoit mille forfaits.
PuGélages vendus, revendus, puis refaits.
Cent & cent femmes débauchées,
Autant avant terme'accouchées.
Guilain répondoit jà-deffus : .
La vieille a dit fon in manus,
Et meurt en bonne, pénitente.
Partant, je la maintiens de tes griffes exempte.
£ ncyclopédiana,
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A p r è s a v o i r b ie n d ifp u t é
E t lo n g - t em p s e n v a in x o n t e f t é ,
L e d ia b le fe fian t e n fo n ad r e f fe e x t r êm e ,
R a f lo n s , d i t - i l , à q u i l 'a u r a ;
L a fo r tu n e en d éc id e ra .
P o u r q u o i to u s le s p la id eu r s n ’en f o n t - i l s pa s d e m êm e ?
G u ila in d i t , je l e v e u x ; t i r o n s la p r im a u té .
C h a cu n t ir a d e fo n c ô té .
P a r m a lh eu r e lle é c h u t au d ia b le ,
Q u i j e t t e t ro is f i x fu r l a t a b l e ,
E t d i t d 'u n to n r a i l l e u r , G u ila in ', j’en a i b e a u c o u p }
M a lg r é fo n in manus, l a v ie i l le fe r a n ô t r e .
G u ila in lu i r é p o n d i t , i l fa u t fin ir l e c o u p .
P e u t - ê t r e q u ’à c e jeu, j’ en fa is a u ta n t q u ’ un a u t r e .
I l r am a flè le s d e z , le s m e t d an s le c o r n e t } '
I l t i r e , & f a i t ra fle d e fe p t .
C e t t e rafle a d e q u o i fu rp r e n d re .
M a is r ie n n ’e ft im p o fîib le a u x é lu s d u fe ig n e u r .
D a n s le fom b r e m a n o i r la v ie i l le a l lo i t d e fe e n d r e ,
Sans un m i r a c le en fa fa v e u r .
G u ila in l ’ o b t in t . L e r e f te e f t f a c i le à c om p r e n d r e .
D e p u is c e tem p s G u ila in fu t f o r t p r i f é
P en d a n t l e c o u r s d’ une â f le z lo n g u e v ie ,
A p r è s fa m o r t , i l fu t c a n o n if é ;
E t l’ o n d o n n a fo n n om à l ’a b b ^ y e . .
L à fe v o i t un t a b le a u d’ un g o th iq u e d e f le in ,
R e p r é f e n ta n t le d ia b le a p p u y é fu r fa m a in j
Q u i r e g a rd e t r o i s f e p t a v e c u n e lu n e t t e .
E n h a b i t m o n a c a l o n a p e in t fa in t G u i la in ,
E t l a v ie i l le en fa le c o rn e t te .
Dés grecs, dédaignant dés moyens ordinaires ;
voulurent tromper le public par un ilratagême
nouveau. Ils s’affocièrent, à cet effet, une grecque
qui tenoit affemblée dans Paris. Ils la mirent dans
un earroffe brillant, fuivi de deux autres &
voyagèrent en Allemagne, publiant par-tout qu'ils
conduifoient une princeffe grecque .dépouillée de
fes états par le grand-feigneur. Chacun de ces
grecs jouoit _ un rôle dans cette comédie. L'un
étoit le fecrétaire d'état de fon alteffe ; l'autre ,
fon maître-d’hôtel ; celui-ci étoit fon gentilhomme ;
un quatrième, fon écuyer, &c. Ils avoient pris
des habits orientaux, &ne parloient que la langue
franque, efpèce d'italien corrompu dont fe fervent
les_ lévantins. On alloit au-deyant de la prétendue
princeffe i on cherchoit à la récréer par différentes
fêtes : mais rien ne l'amufoit plus que le jeu.
Ellecommençoit à faire fortune, lorfque dans une
petite ville il fe trouva un auteur qui venoit de
donner tout nouvellement, en langue allemande,
une hiftoire générale des différentes révolutions
de l'empire Ottoman , & qui n'avoit pas dit un
mot de fon alteffe. On accufa ,1’biftôrien d'igno-
fançe. Son honneur l'engageoit à éclaircir le fait.
Il s-en acquitta avec tant de fuccès, qu'il défabufa
■ les allemands fur cette prétendue fouveraineté &
prouva très - clairement que la princeffe &.tous
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