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empereur , qu i l f e jetta fur lui 8c le frappa tout
furieux j alors le jeune homme S'écria , C éfar,
vous avez fait une loi.- Augufie > à ce mot , re-
connoiffant fon emportemenr, fe retint, & ref-
fentit tant de déplaifir qu'il ne voulut rien manger
de tout ce jour-là.
On peut dire à la louange ôXAugùfie3 qu'on
ne favoit s'il aimoic plus Tes fujets qu'il n'en
4toit aimé, puisqu'on voyoit tous les jours à
Rome des teftateurs ordonner par teftament à
leurs héritiers d'aller au capitole offrir des victimes
pour remercier les dieux de ce que l'empereur
leur furvivoit. Voilà peut-être le trait
niftorique qui fait le plus d'honneur à la mémoire
à'Augufie,
Un homme -à qui l'on venoit d'ôter -un emploi
dont il s'étoit mal acquité, demandoit une
tomme d'argent à -Augufie; « Ce n-’eft pas l’interet
-qui me fait parler , -difoit-il} mais fi je reçois
de vous cette fomme, le ;public croira que
c eft en échange de Remploi -que vous m'ôtez,
& mon. honneur fera fauve. ■— S'il ne s'agit que
de votre honneur, répondit le prince , voas n'avez
qu’à dir-e,par-tout que vous avez reçu cette'
fomme; je ne vous démentirai jamais »>
Etant -à -Milan, Augufie remarqua une-ftatùe
de Bru m s , monument de4 a reconnoiflance des
peuples de la Gaule ■ Gifalpide, envers le plus
doux-8c le .plus -équitable des -gouverneurs. ïî
palfa outre j puis,:s’ariêtant , ;& prenant un. air
& un ton févere, il reprocha vivement aux,prin-
-cipaUx de brvillequi l'envirorinoient, qu'ils’avôient
au milieu d'eux un ‘de fes -ennemis. Les gaulois ?
'effrayes 'veulent fe juftifier, 8c nient le fait.-
«« Eh quoi5! .leur dit Augufie, en leur montrant
de la. rriâin la ftattie -du pro’cdnfiil^ ir'êfb-Ce pas-:
-là l'ennemi-de ma famille 8c de mon nom » ?!
Alors , les voyant eonfternés, réduits à garder
la filence , il fourit, 8c d'un vilage ; gracieux , -ib
loua leur .'attachement fidèle à leur ami., même
malheureux , 8c laiffa fitblifter la ftatue.
Augufie eût l'imprudence de fe plaindre au
fériat des débauches’de fa fille Julie, p3r Un më-
mbife q u 'il-y ’fit lire à 'c e fujet j il s'en repentir
bientôt apres, il dîfoit , 'dansTon chagrin,
%u'il n'atfroit pas fait cette- faute , fi Agrippa ou
Mécènes euffent été vivans.
L'empereur Augufie *ne portoit point d'aütres
habits que ceux qu'avoient’filés fa femme ,Ta'fille
©u Tes nièces-.
Le dernier jour de fa v ie , Augufie s'informa
d’abord fi le danger où il fe trouvoit ne çaüfoit
aucun tumult.e au dehors j enfuite il demanda un
miroir , fit ajiifter fa éhevelute, rémédia 'à la
difformité de fes joues pendantes; 8c"voyant fés j
amis raffeïnblés 'aütOttr de Ton lit : « N'ai-je pas ]
bien joué mon rôle Hans je drame 'de 1a vie !hü-1
A U L
maine,-leur dit-il j 8c fans attendre leur réporifc
il ajouta la formule qui terminoit les pièces de
théâtre: « Eh bien, battez des mains 8c applau-
diffez l'aéleur ».
•Un inftant avant de mourir , Augufie ayant
Congédié’toutes les perfonnes. qui-étoi'ent autour
de -lui-, Terra tout-à-coup Livie dans fes bras 8c
lui dit : » Conferve la mémoire d'un époux qui
t a tendrement aimée : adieu pour jamais ». 11
expira en Lembrafiànt. -
A uguste I. roi de Pologne.
Les poftillons d'Augufie I. roi de Pologne,
pour éviter un mauvais chemin, entrèrent dans
un champ labouré} le payfan à qui il apparte-
noit faifit d'une main les rênes des chevaux,.8c
tenant de l'autre une groffe hache , menaçoit de
brifer les roues du carroffe. Deux pages s'avancèrent
8c commençoient -à le maltraiter lorfque
le prince, entendant du bruit ’8c en ayant demandé
le fujet, fit donner quelqu'argent à ce
payfan, 8c ordonna à fon portillon de reprendre
le grand chemin, en difant : « Ce pauvre
homme n'a-t-il pas raifpn de défendre fon bien,
8c fi quelqu'un de mes fujets lui avoit fait tort
ne ferais-je pas obligé de le punir ».
AULAIRE (Saint)Lorfqu'iî fut quèftion de recevoir
à l'académie , le marquis de Saint-Aulaire,
Defpreaux s'y qppofa vivement, 8c répondit à
ceux-qui lui reprefentoient qu'il falloir avoir des
égards pour un homme de cètte condition: Je ne
luidfputz.pasfes lettres de -nohlefifie y mais je lui dif-
pute fies j iires du Parnajfe. -Un-académicien ayant
répliqué que M. ôt Saint-Aulaire Tes titres
du Parnaffe,puifqifil avoit fait de.fort jolis
vers : Eh bién3 monsieur, lui dit Boileau, puifi-
que vous éfil me£ fies vers , faites-moi l'honneur de
méprfier lés miens.
Le marquisde Saint-Aulaire répondant à M. Je
duc de la Trimouilie ,qui remplaçoit le maréchal
d'Efrces , dit ingéiiieufementtil me convient
d'arrofer de larmes la refpeéhble cendre que vous
venez de couvrir de fleurs. La différence des
hommages que mous lui r-e-ndons, eft affortié à
•celle -de nos âges.
Madame la duéheÏÏedu Maine, goûtoit extrêmement
le mzrquk de Saint-Aulaire j 8c Xzyoît attiré
à h cour. On sJy amufoit quelquefois à ces petits,
jeux dpfprit, où on fe fait les uns aux autres des
queftions auxquelles il faut répondre d'une manière
irigénieufe. Un jour la princeffe propofa -celui où
chacun eft obligé de dire fon fecret en particulie
r , à la perfonne qui • eft ' prépdfée pour le 'demander
î'èlle voulut bien elle-même sfen charger.
Le marquis de Saint-Aulaire, 'qui étoit des derniers
de la compagnie, auquel Ton aîtéffe devoit
s’adreffer , fut affezTieureux pour mettre le fien
«n
A V I
en quatre vers, qu'il crut qu'un homme de 90
ans, pou voit dire à la princeffe fans lui manquer
de refpeét} aufli fut-il bien reçu , 8c il méritoit de
l'être par le tour délicat 8c fin de fa penfee j
le voici :
La divinité qui s’amufe
A me demander un fecret,
Si j’étoïs Apollon , ne feroit pas ma mufe}
Elle fèroit Thétis, & le jour finirait.
Saint - Aulaire mourut en 1741.
AULUGELLE. Il faut avouer qu'il y a des
gens qui fe font des amufemens bien finguliers.
Aulugelle parle d'un certain Lucius Vera-
tius , romain, fort riche, qui ne marchoit jamais
par la ville, qu'il ne fut fuivi d’un efclave
qui portoit Une bourfe pleine d'argent. D'abord
qu'il rencontrait quelqu un qui n'etoit pas d'un
rang à lui faire craindre fa vengeance 3 il ne man-
quoit pas de lui donner un foufflet, 8c prenoit
enfuite 2 y fols dans fa bourfe , qui étoit la fomme
ordonnée par les loix des douze tables, pour la
réparation de cet affront.
A y I D I T É. :
L’homme eft ainfi b â ti, quand un fujet fenflamme,
L’impoffibilité difparoit à fon ame.
Combien fait-il de voeux ! combien fait-il de pas 1
S’outrant pour acquérir des biens ou de la gloire.
Si j’arrondiflois tries états »
Si-je ppuvois remplir mes coffres de ducats,
Si j’apprenois l’hébréu , les fciencesÿffhiftoire ,
Tout ce la, c ’eft la mer à boire : I
Mais rien à l’homme ne fulfit.
. Les gens qui méritent le plus font foiivent les
plus modérés dans leurs defirs, Xavidité eft le
partage de ceux , qui n'ont pas d'autres moyens
d'être heureux ou d’acquérir de la considération;
- {
• Euripide favori d'Archéîaus avoit pouffé la
modération 8c le defintéreffement jufqu'a ne faire
au prince aucune demande. Un jour, étant à.
la fable d' Archélaus, un courfifan aufii avide
qu'effronté demanda au roL un vafe d’or fuperbe
qui orrioit Te. buffet j Ajfchélaùs auffi-tot dit à un
efçlâve,: prenèz ce vafe & portez-le à , Euripide j
lui fëul peut-être ne l'a'point defiré, 8ç cependant
lui feu! éft digne dé le recevoir de moi.
• Si l'on veut concevoir combien Xavidité eft
un vice ridicule , il fufïit de réfléchir combien il
éft difficile de.: la fatisfaire.
Uti jour que Ca.ligula,,, après’ ,Jes, expeditipns
dans la Gaule, jôuôit avec quelques gaulois, il
les vit fe difputer fur une fomme affez modique :
Encyclopédiana.
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Vous vous échauffez beaucoup , leur dit - i l ,
pour quelques dragmes, tandis que je viens de
gagner fix millions d’écus d’or.
AUM O NE . L ’Aumône eft un don qu'on fait
aux pauvres par compaffion ou par charité.
Les eccléfiaftiques ne fubfiftoient autrefois que
d'aumône. Aujourd'hui les aumônes faites aux églî-
fes retournent aux pauvres, 8c les eccléfiaftiques
n'en doivent être que les économes 8c les dif-v
penfateurs.
Demander Xaumône eft aujourd'hui une pro-
feffion à laquelle fè livrent bien des gens qui
fiourroient fubfifter avec d'autres reffources, mais
e peu' de mal qu'ils ont à amaffer des fommes
quelquefois affez confidérables détermine le plus
grand nombre.
Marivaux voyant un homme qui lui deman-
doit Xaumône 8c qui paroiffoit jouir d'une fanté
brillante lui en fit l'obfèrvation : pourquoi ne
travaillez-vous, pas ? vous avez l’air frais 8c vigoureux;
ah! monfieur, répondit le mendiant,
fi vous faviez comme je fuis pareffeux ! Marivaux
fe laiffa toucher 8c lui fit Xaumône pour ré-
compenfer, non pas fa pareffe, mais Ta fran-
chife.
Un homme refpeélable , après avoir joué un
grand rôle à Paris, y vivoit dans un réduit obf-
cu r , viéfime de l’infortune, 8c fi indigent qu'il
ne fubfiftoit que des aumônes de la paroiffe: on
lui remettoit chaque femaine la quantité de pain
fuffifante pour fa nourriture ; il en fit demander
davantage. Le curé lui écrit pour l’engager à
paffer chez lui ; il vient. Le curé s'informe s'il
I vit feul. Et avec q u i, monfieur , répond-il,
voudriez-vous que > je vécuffe ? je fuis rnalheu-
’ reux , vous le voyez, puifque j’ ai recours à la
charité 8c tout le- -monde m'a abandonné,
tout le monde ! . . .M a is , monfieur, continua le
| curé, fi vous êtes feul, pourquoi demandez-vous
i plus de pain que ce qui vpùs eft nèceffair.e ! L ’autre
j paraît déconcerté ; il: avoua ayèc peine qu'il a un
chien. Le curé ne lé laiffe pas ppurfuiyré, il lui
. fait obforver qu’il h'eft que fe diftnbutèüf du pain
des pauvres , 8c que l'honnêteté exige abfolùment
; qu'il fe défaffe de fon chien; Eh •! monfieur , s'é-
j cria en pleurant l’infortuné, fi je m’en défais, qui
I eft-ce qiù m’aimera ? Le pafteur attendri jufqu'aux’
larmes, tire fa bourfe, 8c la,lui donne en difant ;
prenez, monfieur, ceci m’appartient.
Guadagni fit fouvent Xaumône à des feigaieurs
ruinés , de cent fequins. à; Ta fois. Un de .ceux-ci
qui avoit reçu la fomme , fier 8c hautain, comme
le font tous les gentilshommes pauvres , lui dit :
i « je vous emprunte cette fomme, 8c je vous la
• » rembourferai. — Ce n'eft pas là mon intention,
j ” répondit Guadagni } ,8c fi je voulois que vous.
» me la' rendiffiez, je ne vous là prêterais pas ».