
été tWfflTeurèux de n'avoir eu que des momens à
fouffrir pour gagner le ciel. Là-deffus, Chapelle
wnagina qu’ils feroient fort bien, l’urr & l'autre ^
d - s en aller en Turquie pour prêcher la religion
chrétienne. On nous prendra, difoit i l , on
bous conduira à quelque bacha. Je lui répondrai
avec fermeté 5 vous ferez comme moi, M.
le maréchal : on m'empalera , on vous empalera
après moi, & nous voilà en paradis. Le maréchal
trouva mauvais que Chapelle fe mît avant lui : Ceft
moi, dit-il, qui fuis maréchal de France , & duc &
pair, à parler au bacha , & à être martyrifé le premier
, & non pas à un petit compagnon comme
vous. Je me moque du maréchal & du duc,
répliqua Chapelle j & fur cela M. de * * , lui
jette fon afliete au vifage. Chapelle fe jette fur
le maréchal, ils renverfent gables, buffets, lièges
j on accourt au bruit. On peut penfer quelle
fcêne ce fut de leur entendre expliquer le fujet
de leur querelle > & conter .chacun leurs raifons.
Un jour Chapelle foupoit chez Ségrais , avec
plulïeurs gens de lettres, Defpréaux y lut quelques
morceaux de fon lutrin. Dans la chaleur
du repas, Chapelle critiqua fortement Defpréaux ;
celui-ci lui d it-:Tais - to i, ChapelleY tu es ivre.
Je.ne fuis pas fi ivre de vin que tu es.ivre de
tes vers , répliqua*Chapelle.
( Anecdotes littéraires').
CHA PE TO N AD E . On*donne ce nom à une
maladie qui attaque fouvent , & plus particuliérement
ceux qui arrivent à Cartagène en terre-
ferme. Ce nom vient du mot Chapeton qu'on
donne aux éuropéens nouvellement arrivés.
Ceux qui font attaqués de cette maladie ,
«prouvent un délire fi furieux , qu'on eft obligé de
les lier, pour les empêcher de fe mettre en pièces 5
ils expirent fouvent au milieu de ces tranfports,
comme dans une efpèce dé rage.
- Les malades ne font pas reçus dans les hôpitaux
, à moins qu'ils ne foient en état de payer.
Ceux qui ne peuvent par cette raifon y entrer,
n'ont d’autre refifource que la nature & la providence.
Mais c'eft à ce point que le peuple les
attend.
Une négreffe libre, un mulâtre ou une indienne
, touchée de leur état , les retire chez elle
& les traite avec autant de foin que d'affeCtion.
S’ils meurent entre fes mains , elle les enterre
& fon zèle va jitfqu'à leur faire dire des méfiés.
Il eft vrai que la fuite ordinaire de Cette maladie
, eft que le malade, s’il guérit, époufe fa
bienfaitrice. '
\ CHAPPE D ’AU TER C CH K . L’abbé Chappe
d’Auteroche avoir toujours envifàgé la mort avec
une force d’ajne fingulière. La veille de fon départ,
il étoit à fouper chez M . le comte de
M ercy , ambafîadeur de l ’Empire : plufieurs de
fes amis lui repréfentèreht qu'il ne devoit pas entreprendre
ce voyage^ qu'il y avoità parier qu’il
n en reviendroit pas. Il leur répondit : « Que
” la certitude de mourir le lendemain de fon ob-
» fervation ne feroit pas un motif aflez puiffant
f Pour l’en détourner ». Effectivement, quatre
jours avant fa mort il dit à ceux qui l’enviror.-
noient : « Il faut finir j je fens que je n'ai plus
” que huit jours à vivre, j'ai rempli mon objet
» & je meurs content a».
CHARBONNIER. Lorfque l'opéra, au fuu
jet des couches de la reine, donna gratis l'un
des chefs-d’oeuvres de oe théâtre, intitulé, Caf-
tor & Polluxj un Charbonnier arriva.à la porte,
dans une charrette à charbon ;. avant d'en def*
cendre , il voulut finger quelques-uns de nos fei-»
gneurs j il tira fa montre-,- & s’adreflant au fa-
voyard craffeux qui lui fervoit de cocher : «Revenez
» a fix heures, lui dit-il, & vous me ramené-
** rez chez ma petite ravaudeufe.
CH A R D IN , peintre dé l’école françoife y
mort à Paris, en 1779. Il excelloit dans une
imitation fidelle de la nature, & des, fcènes naïves
5 il étoit aufli bon colorifte.
Un particulier demandoit à M. Chardin un
tableau, il vouloit fur - tout que les couleurs en
fuflent très-vives de très-brillantes. « Eh ! qui vous
a dit., s’écria l'artifte avec vivacité, qu'on fait
des tableaux avec des couleurs ? v
CHARGE. Une perfonne demandoit a un particulier
s'il avoit une charge ? « oui, répondit-fl,
j’ai une femme & dix enfans ».
CHARITÉ. La charité eft l’amour des hommes
& 1 aétion par laquelle nous foulageons leurs
maux;
La charité eft un devoir de juftice plutôt qu’une
oeuvre de miféricorde.
Un fage difoit, après avoir paffé du faîte des
grandeurs au^ comble de la mifère : J ’ai perdu
ce que j ai depenfe, & il ne me refte de toutes
mes richeffes que ce que j'ai donné aux pauvres.
On vint annoncer à Charlemagne, la mort
d un eveque. Il demanda combien il avoit lègue
aux pauvres ; on lui dit qu'il n'avoit légué que
deux livres d'argent : « C'eft un bien petit via-
» tique pour un fi grand voyagé : dit un jeune
» clerc qui etoit préfent ». Le prince fàtisfait
de cette reponfe, donna l'évêché à celui qui l ’a-
voit faite, en lui difant : n'oubliez jamais ce
que vous venez de.dire, & donnez aux pauvres
plus que celui dont vous venez de blâmer
la conduite.
Charles II roi d’Efpagne 3 étant fort jeune
encore, trouva un pauvre fur fon paflage , en
allant à l ’églife. Il laiffa tomber tout doucement
une croix de diamans , qifi fut auffi-tôt ramaf-
fée. A peine les feigneurs qui l’accompagno:ent
s’en furent apperçus, qu’ils dirent qu’elle avoit
été volée j non, dit le pauvre en la montrant:
La voilà , mais c’eft le roi. qui me l’a donnée.
Charles II ne le démentit pas, & lui racheta .
la croix douze raille écus.
. Jacques Evillon , chanoine & grand - vicaire
d’Angers, avoit une fi grande charité pour les
pauvres , qu’il n’avoit point de tapifleries :
« Quand , en hiver, j’entre dans ma maifon,
j» répondit-il, les murs ne me difent pas qu'ils
» ont froid 5 mais les pauvres qui fe trouvent
» à ma porte , tout. tremblans , me difent qii ils
» ont befoin de vêtemens »; •
M. Brayer, l'un des plus habiles & des plus
célèbres médecins qu'ait eu la faculté de Paris ,
chaque premier jour du mois, portoit un fac de
mille francs à fon curé, pour les pauvres honteux
de fa paroiffe ; & n'y a point manqué pendant
quinze ans : de forte qu'il a donné aux pauvres
, cent quatre-vingt mille livres d’ argënt mon-
noyé, fans les charités dont peut-être il n'a voulu
d'autre témoins que lui-même. On n'en a rien
fçu qu'après fa mort, que-M. le curé de Saint-
Euftache a trouvé jufte de rendre ce témoignage
à la mémoire d’un homme fi charitable.
CH A R L A T A N S . C'eft le nom qu’on donne
à ceux qui, fous prétexte de prétendus fecrets, 1
qu’eux fêuls pofiédènt, &. qu’ils appliquent partout,
exercent la médecine. Mais leur plus grand
fecret eft d'avoir beaucoup de fuffifance d’effronterie,
moyen toujours sûr de faire des dupes;
On les reconnoît parfaitement à ce propos
du poète comique : « Rien n’eft plus aifé que de
*> tirer ce malade d'affaire ; il guérira , c’ eft moi
» qui vous en donne ma parole d’honneur».
Qn donne aufli ce nom,à tous ceux qui annoncent
ou promettent des çhofes extraordinaires
auxquelles eux-mêmes ne croient pas.
Une dame de Londres , fort riche, abandonnée
de tous les médecins , fut guérie par un
charlatan 3 d une tympanite ou hydropifie défef-
pérée j cet homme ayant appris fon état, eut
î ’audace de l’aller trouver -, & lui promit de
la guérir immanquablement., moyennant une
fournie , dont il exigea moitié d’avance , &
moitié après la guérifon. Un malade eft confiant
; la dame fe remit entre les mains de.ee
fourbe, qui fe difoit médecin. 11 commença par
lui faire avaler une araignée, ne doutant pas
qu’il ne l’eût empoifonnée ; & craignant d’être
pourfuivi par la juftice , il quitta la ville avec
la plus grande promptitude. Quelques mois
après , fe perfuadant que le bruit que devoit
faire cet aflaflinat, feroit paffé, notre fourbe revint
à Londres , fecrètement, & s'informa de
quell.e manière fa malade étoit. morte j il ne fut
pas peu furpris d’apprendre qu’elle fe portoit
très-bien. Il fut lui rendre vifite, & après s’être
exeufé fur fon départ précipité, il reçut l'argent
qui lui revenoit, & des remerciemens que cer-
, tainement il ne mér-itoit pas. Le. fameux Decr
ham rapporte ce fait dans fa théologie phyfique.
Un charlatan étoit à la place de Louis X V ,
cherchant à vendre des petits livres oh il ea-
feignoit des fecrets de tours de cartes : « En
» voici un, difoit-il, meflieurs, que j’ai appris à
» Ferney, de ce grand homne qui fait tant de
» bruit ic i, de ce fameux Voltaire, notre maî-
» tre à tous ». Quelques gens fenfés, qui par
hafard entendoient le charlatan, trouvèrent l’éloge
très^épigramatique/&'-fe mirent beaucoup a
; rire.
Un feigneur anglois étoit dans fon li t , cruellement
tourmenté dé la goutte , lorfqu’on lui
annonça un prétendu médecin qui avoit un re-
1 méde contre ce mal. Le do&eur eft-il venu en
çarrofle, ou à pied, demanda le lord ? A pied,
’ lui répondit le domeftique. « Eh .bien, répliqua le
.» malade, vas dire à ce fripon de s’en retour-
» nerj car s’il avoit le remede dont il fe vante ,
» il rouleroit çarrofle à fix chevaux ; & j’aurois
» été le chercher moi-même & lui offrir la moi-
» tié de mon bien pour être délivré de mon
» mal ».
Un homme inftruit, prend confiance dans ce
qu’il fait , & ignore l’ art d’éblouir par un discours
apprêté. On peut le comparer à cet habile
architecte dont il eft parlé dans l ’hiftoire
des athéniens. C e peuple vouloit élever un fu-
perbe édifice, & confultoit deux architectes. Le
premier qui avoit peu d’expérience -, chercha à
gagner les fuffrages par les plus belles promefles,
& par la defeription d’un projet dont il exagéra
la grandeur & la magnificence. Le fécond, qui
étoit très-habile & Très expérimenté, fe contenta
de dire : « Ce que mon confrère a promis , je
. » l’executerai ». Il fut préféré.
Eçoutez un charlatan , il eft le premier médecin
du mondé, & le patriote Je plus zélé de la
nation. L ’auteur du fpeCtateur ,( M. Adiffon) ,
rapporte avoir vu à Hammerfmith un,de ces
patriotes , qui difoit un jour à fon auditoire.:
« Je dois ma naiflance & mon éducation à cet
» endroit j je l ’aime tendrement & en recon-
» noiffance des bienfaits que j’y ai reçus, je fais
» préfent d’un écu à tous ceux qui voudront
» l ’accepter ». Chaque auditeur, la bouche béante
& lés bras immobiles , s’ attendoit à recevoir la
pièce de cinq fchelings. Le dcCteur met la
* main dans un long fa c , en tire une poignée de