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obtint la promefle d'ürie fomme conlîdt:nib!c, d’un
particulier fort riche qui abufa de fon malheur;
mais ce corrupteur eut l'infamie de lui donner une
bourre pleine de terre au lieu d'argent. Il fut traduit
devant Acmdynus jj qui le condamna non-
leulement a .payer ce qui itoit dû au fifc par le
mari, mais encore de donner à la femme le champ
d ou avoit ete tirée la terre dont, la bourfe étoit
remplie.
A C TEU R S. On comprend fous le nom général
aaStcurs les hommes & les femmes qui jouent un
rôle dans une pièce de théâtre.
La profefliond a Sieur é toit très-honorée en G rèce,
rien au contraire n'égale le mépris qu'elle infpiroit
aux Romains. r
Thefpis fut le premier qui ait introduit fur la
icene un declamateur; avant lui, toutes les pièces
etoient chantées. Efchyle en introduifit un fécond,
Sophocles un troilième , & les auteurs grecs fe
.bornèrent à ce nombre.
La conlideration qu on doit accorder aux comédiens,
a fait le fujet d’une grande conteftation
entre Jean Jacques RoulTeau & d’Alembert ; chacun
lait a quoi s en tenir. Les anecdotes que nous allons
rapporter prouventque dans cette carnereles grands
talens ne fuflïfent point pour garantir des défagrétableSj
& ^ 13 médiocrité eft bien rarement fuppor-
. %.ure. dans un auteur fait la moitié de fon
)eu ; celui qui repréfente un premier perfonnage dans
une tragédie, avec une figure ignoble , ou même
commune , paraîtra moins jouer fon rôle que le
parodier. On peut ic fe rappeller faventure d’un
de° utcdt au théâtre françois par le rôle de
Mithndate , dans la tragédie de ce nom. Il n'étoit
point dépourvu de talens, il avoit même beaucoup
d mtelligence & de feu ; mais fon extérieur n'étoit
rien moins qu’héroïque. Dans la fcène où Monime
dit a Mithndate : Seigneur, vous changer de vil'ape !
Un plaifant cria à l’aûrice : laiffer- le faire. Le
parterre perdit de vue aufli-tôt les talens du nouvel
aBeur , pour ne penfer qu'au peu de convenance
qui fe trouvoit entre fon rôle & fa perfonnc. ,
. Le fleur le Grand, qui avoit la taille & la figure
ingrate, ayant un jour joué un tôle tragique, où
ù navoit pas plu, vint haranguer le parterre,&
finit par dire : «Au relie, meilleurs, il vous eft plus
” j, e “ e vous accoutumer à ma figure, qu’à moi
” d ,e? changer ». Cette franchife le rendit dans
la fuite plus fupportable.
Un aüeur qui venoit de Flandre , débutoit à
I ans dans le rôle d’Andronic , avec fort peu de
lucces * lorfqu'il vint à dire *
Majs pour ma fu ite , ami, quel parti dois-je prendre ?
Un plaifant répondit :
P am i, prenez la pofte & retournez en Flandre.
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XJn afleur en commençant le rôle d'HypoCte
dans Phedre, au heu de ce vers ci :
Le ùeflein en eft pris, je pars, cher Théramêne.
Fit voir qu’il étoit aufti habile que qui que ce
foit a eflropier les ver%, & dit :
Le deflein en eft pris, je pars & te ramène. '
On en a vu qui ont pouffé l’ineptie jufqu’ à in-
ferer & réciter dans leurs rôles les petites notes
d une piece, comme dans le Tartuffe, o ù ily a-
c eft un fcelérat qui parlé. . '
Le fameux Chaffe, afteur de l’opéra, fèfaîfoit
un jour décrotter. La befogne achevée, le petit
favoyard ne voulut point d’argent. Pourquoi donc,
lui dit Chaffe? Entre confrères, répondit-il il
ne faut rien prendre; je fais les monftres à l’opéra,
comme vous y faites les rois.
Le cocher & .le laquais du comédien Baron
furent outrageufément battus par ceux du marquis
de Biran,. avec lequel Baron vivoit dans une grande,
familiarité. « Monfieur le marquis, lui dit Baron
» vos gens ont maltraité les miens, je vous en
»demande juftice». Il revint plufieurs fois à la
charge , fe fervant toujours des mêmes termes :
vos gens & les miens. M. de Biran , choqué du
parallèle, lui répondit : « Que diable veux-tu que:
» j y faflè, mon pauvre Baron ? pourquoi as-tu
des gens ?
Un poftulant au théâtre, qui, dans toute une
tragédie , n’étoit chargé que de cet hémiftiche.
d i t . . . .
C’en eft fait, il eft mort.
C’en eft mort; il eft fait.
Un autre dont le rôle fè réduifoit à ces deux
mots,:
Sonnez, trompettes,
s'en vint dire :
Trompez, fonnettes.
Un antre encore au lieu de dire : madame * voilà
une lettre qui preffe * s'écria : Ah! mon dieu, que
de chandelles ! -
Un autre deyoit dire : arrête., lâche * arrête; il
prononça fi brièvement que tout le monde entendit
arrête la charette,
A la mort de Baron, fon emploi.fut donné à
^arazin. Cet afleur ne fuivoit que de bien loin les
traces de fon prédéceffeur. Voltaire le chargea du
rôle de Brutus dans la tragédie de ce même nom.
On répéta la pièce au théâtre ; la moleflfe de Sa-
razin dans une invopation au dieu Mars * le peu
de fermeté , de grandeur & de majefté qu'il met-
toit dans fon premier a été impatienta Voltaire :
» Songez donc * lui dit-il. que vous êtes Brutus *
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» le plus ferme de tous les confuls de Rome* 8c
j qu'il ne faut pas parler au dieu Mars comme
.fl vous difiez: Ah! bonne vierge, faites-moi
1 gagner à la loterie un lot de cent francs ».
\J n acteur3 q u i | à l'exception de l'organe 8c de
la prononciation * ne manquoit pâs d ailleurs de
talens .3 fi l'on en p eut fuppofer avec deux pareils
défaut^ venoit de débuter à Paris 5 quelqu un ayant
; demandé à un autre ce qu’il en p enfoit : fort bon*
fdit-il * il ne lui manque que la parole-
Quelques-uns prétendent que pour bien jouer
la comédie* il faut fe pevfuader qu'on,eft ex c e llen t,
& dire aux fpe&ateurs : regardez-moi, confiderez
■ mes grâces.* je vais vous enchanter par ma voix *
ma taille * ma figure * mon efprit * 8c tou s mes
talens. C e principe eft fa u x ; l'heureufe effron-
' refie qui eft fi mal nommée eft malheureufement
un titre de médiocrité. L e public apperçoit^bientôt
le trop d'afliirance, elle le révolte * & d ailleurs
e lle fait tomber bien plus a acteurs par la n ég ligence
qu'elle fuppofe* qu'elle n'en fjïit réulfir avec
des talens ; Dufrefne * quelque certain qu'il fut
d'être applaudi * avouoit qu'il ne jouoit jamais
mieux que lorfqu'il trembloit : on lent que cela
fdevoit ê tr e , mais l'appréhenfion d'un grand afleur
n'eft pas l'épouvante d’un mauvais comédien qui
, fe • rend ' juftice.
: Un afleur * ayant débuté à Paris dans le rôle de
.Mithridate* avec quelques petites difgraces de la
part du public* s'avança pour haranguer le parterre
* & lui dit qu'il travaifloit depuis quinze ans
à ramener le bon goût 8c le naturel au théâtre,
pur quoi un plaifant lui répartit par ces deux vers
du rôle qu'il venoit de jouer :
Prince, quelques raifons ^ue vous nous puiffiez dire,
Votre devoir ici n’a pas dû vous conduire.
.. Pareille aventure étoit déjà arrivée à un aéteur
après la, tragédie d'Andronic : car ayant fini aufti
•fon difcours d’excufes* quelqu'un lui cria ce vers-
ci de la même pièce :
Prince, n’avez-vous rien à nous dire de plus?
A quoi l'a&eur répliqua fièrement :
N o n , d’en avoir tant d it, je fuis même confus.
-■ On applique aufti cette anecdote à la repréfen-
tation du Gentilhomme Guépin par Vifé. Les ju-
gemens pour & contre s'étant partagés entre le
parterre d'un côté* les loges 8c le théâtre de l'autre;
un ami de l'auteur* au moment des fi filets 8c
des brouhaha* s'avança fur le bord de la fcène &
dit : Mejfîeurs 3 f i vous nêtes pas contens 3 on,vous
rendra votre argent *• fur quoi quelqu'un lui cria :
Prince, n’avez vous rien à nous dire de plus ?
Un autre ajouta :
N o n , d’en avoir tant d it, il eft même confus.
Un premier a fleur de l'opéra étant tombé ma-,
lade au moment d'tme nouvelle repréfentation * on
choifit * pour le remplacer * un acteur fubalterne.
Celui-ci* chanta & fut fifflé; mais fans fe déconcerter
* il regarda fixement le parterre & lui dit s
Je ne vous conçois pas, & deveç-vous imaginer que
pour fix cents livres que je reçois par année , j ‘irai
vous donner une voix de mille écus? Le public oublia
le peu de talent de Y a fleur, & l’applaudit pendant
le refte de fon rôle.
Un afleur de l'opéra chantant d'une voix mal
aftiirée un monologue qui commençoit par/f viens ,
un plaifant ajouta : du cabarets Ma^ fo i 3 oui 3 dit
l'afleur * & l'on applaudit cette plaifanterie.
Il n'y a pas long-temps qu'en province plus d'un
comédien repréfentoient Mahomet en robe de
chambre d'homme * & Joad en jupon de femme *
on voyoit Orofmàne doubler Lungnan. C'qft au
bon goût d’une aélrice célèbre ; qui s'eft trop tôt
retirée du théâtre* que l'on doit le retour ducôftume
exaél.
Beauchâteau*. comédien de l'hôtel de Bourgogne*
étant un jour dans l'églife de Notre-Dame *
vit une femme toute en pleurs auprès d'un pilliet
de l'églife. Il s'approche d'elle , & lui demande le
fujet de fon chagrin ; elle lui apprend qu'elle étoit
venue à Paris pour un procès qui duroit depuis
fi long-temps * qu'il ne lui reftoit plus aucune ref-
fource, & qu'elle n'ofoit même retourner dans fa
chambre dont elle devoit le loyer. Beauchâteau
touché de ce récit* la retire dans--fa maifon* lui
donne le logement * la table * & un honnête entretien.
Cette femme acquérant de la confiance avec
fon bienfaiteur lui^conta entr'autres chofes qu'elle
avoit eu une foeur qui étoit morte dans un couvent
où elle avoit expie par une pénitence auftère le
malheur de s'être rendue à la paflion d’un préfi-
fident* oc qu'elle avoit laiffé une fille dont elle étoit
fort inquiète* ne fachant ce qu'elle étoit devenue.
L'époufe de Beauchâteau fe fentit toute émue
à ce difcours; & cédant tout-à-coup aïixmouve-
mens de fa tendrefie * elle fe précipite aux pieds
de cette perfonne * & l'appelle cent fois fa chère
tante. En effet * elle fe reconnut cette fille* le
fruit de la féduétion du préfident * 8c la nièce de
cette dame que fon mari avoit recueillie avec tant
de générofité.
Dufrefne * célèbre afleur françois * jouant dans
une tragédie * d'un ton de voix trop foible * un des
t fpe&ateurs cria plus haut : Y afleur répondit avec
fierté : 8c vous * plus bas.
Le parterre indigné repartit par des huées qui
firent cefiet le fpettacle.