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avec le comte de Grignan. Lorfqu’ elle comptais
dot qui étoit confidérable : « Quoi ! s'écria-t-elle,
faut il tant d’argent pour obliger M. de Grignan
de coucher avec ma fille • » Après avoir un peu
réfléchi, elle fe reprit, en difant : « Il y couchera
demain, après demain , toutes les nuits, ce n’eft
pas trop d'argent pour cela».
Cette dame s’informant à Ménage de fa fanté,
il lui dit : Madame, je fuis enrhumé. — Je la fuis
aufii, lui dit-elle. — Il me femble, reprit Ménage,
que, félon les règles .de notre langue, il*
faudroit dire, je le fuis. — Vous direz comme il
vous plaira, ajouta-t-elle j tnais pour moi je croi-
rois avoir de la barbe fi je difois autrement.
Madame de Sêvignê difoit : « L’ ingratitude attire
les reproches, comme la reconnoifiance attire
de nouveaux bienfaits ».
Je tenois un jour, dit Ménage, une des mains
de madame de Sévigné avec les deux miennes.
Lorfqu’eile l’eut retirée, M. Pelletier me dit-: Voilà
le plus bel ouvrage qui foie jamais forti de vos
mains.
Je ne puis fouffrir, difoit madame de Sévigné y
que les vieilles gens difent : Je fuis trop vieux
pour me corriger} je pardonnerois plutôt à une
jeune perfonne de tenir ce difeours. La jeunefle
efi fi aimable, qu’il faudroit l’adorer, fi l’ame &
l ’efprit étaient aufii parfaits que le corps }' mais
quand on n’eft plus jeune, c’eft alors qu’il faut fe
perfectionner, & tâcher de regagner par les bonnes
qualités ce qu’ on perd du côté des agréables.
Madame de Sévigné étoit, depuis long-temps,
auprès d’une tante fort malade. Elle difoit : Ce
qui me feroit fouhaiter d’être loin d’ici, ce feroit
afin d’être fincèrement affligée de la perte d’une ’
perfonne qui m’a toujours été fi chère : & je fens
que fi je fuis ic i, la liberté qu’elle me donnera,
m’ôtera une partie de ma tendreffe & de mon bon .
naturel. \
Madame de Sévigné difoit au comte de Bufli : i
Sauvons nous avec notre bon parent Saint-François
de Sales, il conduit les gens en paradis par de
beaux chemins.
SFORCE ( Jacques ) né en mort en
MM*,
Paul J o v e , en la vie du grand Sforce , dit que ce i
fut le hafard, ou plutôt la providence, qui fit
Sforce le maître de l’ Italie : il n’étoit quefimple î
laboureur. Un jour, qu’il revenoit des champs, :
il entendit battre le tambour pour enrôler des fol- ;
dats: incertain du parti qu’il prendroit, il d it, en
jettant fa coignée dans un arbre, fi elle tombe
je continuerai mon métier, finon je fervirai. I!
jeta fa coignée qui refta dans l’arbre. Pour lors !
il s'enrôla , & devint par la fuite un des plus heureux
guerriers d'Italie, fur une partie de laquelle
S H A’
lui & fes fucceffeurs , ont dominé long temps.
SHAKESPEARE, (Guillaume) poète tragique
anglois , né en 1 564, mort en 161 '6.
Le père de Shakefpeare, qui étoit à la tête d’une
manufacture de laine, & chargé d’une nombeeufe
famille , vouioit fe procurer, dans Guillaume,
l’aîné de fes enfans, un ferviteur utile; c’ett pourquoi
il préféra de lui apprendre fa profeflion au
lieu de le faire étudier; mais la jeunefle fougueufe
de Shakefpeare le déroba bientôt aux foins paternels
& à la tendreffe d’une femme, fille d’un
riche fermier , qu’ il avoit époufée à l’âge de dix-
fept ans. Il fe lia d’abord avec quelque jeunes
libertins qui complotèrent, entr’eux, de voler
les daims d’un parc voifin de Stratfort. Le propriétaire
du parc les pourfuivit en juftice avec
chaleur , & Shakefpeare , pour fe venger, eompofa
contre lui une balade remplie de traits piquans. On
croit que .ee futfon effai poétique. Cette pièce fa-
t.yrique aigrit tellement celui qui le pourfuivoic,
que, pour éviter fon reffentiment, le jeune pcëte
tut obligé de fe retirer à Londres. Une troupe
de comédiens, qui reconnut dansShakespearehew*
coup de feu & de vivacité, chercha à fe l’affocier,
& bientôt il fe diftingua parmi eux, comme un
génie du premier ordre : mais les talens de l’acteur
furent toujours inférieurs à ceux du poeté.
Le rôle où il brilloit le plus étoit celui de fpeCtre.
On a pu aufli remarquer que dans notre Molière
l’auteur.effaçoit Fadeur. 11 ne réùffifioit même
que dans certains rôles à manteau.
Plufîeurs des pièces de Shakefpeare furent repré-
fentées devant la ireine Elifabeth , qui honora le
poète des marques de fa faveur. Le xomte de
Soupthampton, célèbre dans l’hiftoire de ce temps
par fon amitié pour le malheureux comte d’Éflfex,
envoya un jour k Shakefpeare un préfent de mille
gumées, pour lui faciliter Facquifition d’une terre
qu’il defiroit. Ce trait de générofité feroit regardé
comme une fable dans tout autre pays qu’en
Angleterre.
Shakespeare paffa les dernières années de fa vie
dans le lieu de fa naiffance. Son qarâctèrephilo-
fophique lui fit trouver plus de douceur dans cette
foluude , & dans le commerce d’un petit nombre
d’amis choifis , qu’il n’en avoit goûté dans la
capitale au milieu des applaudiflemens publics. Il
avoit fait une connoifiance particulière avec un
vieux gentilhomme nommé Combe, très connu
par fes richelfes & par fon caractère ufurier. Un
jour qu’ils étoient en compagnie d’amis , Çombe
dit en riant à Shakefpeare , qu’il s’imaginoit qu’il
avoit deffein de faire fon épitaphe, en cas qu’il
vînt à mourir; & que, comme il ne fauroit point
ce qu’on diroit de lui quand il feroit mort, il le
prioit de faire cette épitaphe à préfent. Shakefpeare
eompofa auflîtôt quatre vers dont voici le fens :
s 1 L
»Ci gît dix pour cent î il y a cent à parier contre
dix quo fon ame eft fauvée. Si quelqu’un demande
qui repofe dans cette tombe ? Ho ! ho ! répond
le diable , c’eft mon Jean de Combe ». C e petit
trait malin piqua tellement le bon-homme, qu'il
ne le pardonna jamais au poète.
On trouve dans les pièces de Shakefpeare de ces
traits qui font voir que ce poënc favoit joindre à
l'élévation du génie, la délicatefle & même la
finefie d’efprit. Dans la tragédie de Céfar, Decius,
en parlant du dictateurf dit : » Il fé plaît à entendre
dire, qu’on futprend les lions avec des filets,
& les hommes avec des flatteries, & c } mais quand
je lui dis qu’il haie les flatteurs, il m’approuve, &
ne s’apperçoit pas que c'eft en cela que je le flatte
le plus ».
Dans Timon'y k perfonnage qui c ft. en fcène
avec ce mifantrope , fe répand , pour lui plaire,
en inventives contre l’ingratitude des hommes. Il
s’écrie d’un ton courroucé: » Je fuis trihfporté de
fureur, je ne puis couvrir cette monfirueuie ingratitude
d^ucune façon ce. Timon répond :*» Laijfes-
la toute nue, on ne la verra que mieux»
Garricîc, le plus célèbre aôteur anglois, reçut
la lettre fuîvante :
» Monfîeur, la ville de Stratford-fur-Avon, qui a
eu la gloire d’avoir vu naître, dans fon fein , l'immortel
Shakefpeare , aurôit voulu joindre celle de
compter au nombre de fes citoyens , celui qui
honore fi parfaitement la mémoire de ce grand
homme, par la fupériorité avec laquelle il rend
fes chefs d’oeuvres. Les maire, échevins & bourgeois
de cette communauté, s’empreflent de joindre
un foible témoignage de leurs feritimens ,
aux applaud flemens queJe public accorde depuis
long temps à vos rares talens : ils vous prient
de recevoir des lettres d’aflociation à leur communauté
y qu’ils vous envoient dans une boîte faite
de bois de mûrier que Shakefpeare a planté de fa
propre main } ils fe flattent que vous leur ferez
1 honneur de les accepter. Signé, W. Hunt,
fecrétaire de la ville , par ordre des maire, échevins
& bourgeois «.
La même ville, a établi une fête en l’honneur
de Shakefpeare, laquelle fut célébrée dans le mois
dé fëptembre, & aura lieu tous les fept ans.
M. Garrick en a accepté l ’intendance, à la prière
particulière de la communauté. L'année de l’ouverture
de la fê te , en 1741, on a dédié , à la
inémoire de Shakefpeare, un édifice élégant, auquel
on a donné le nom de Shakefpeare* s'hall. C ’eft
une foufeription qui en a fourni les frais.
SILENCE. L’art de parler., dit Plutarque, ell
la première connoifiance que Fon donne aux en-
fans : il vaudroit mieux, félon moi, commencer
par leur apprendre àfô taire. On fe repent fquvent
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d'avoir parlé, on ne s’eft jamais repenti d’avoir
gardé le filencc.
Au milieu d’un cercle d'amis, le philofophe Cléan-
the gardoit un profond filence : » Pourquoi vous
taifez-vous, lui dit quelqu'un ? Y a-t-il rien de
plus agréable, que de s’entretenir avec fes amis ?
— Et c’eft pour cela même, reprit Cléanrhe, que
jelaifle mes amis goûter un fi doux plaifir ».
SINGES. L’adreffe du finge eft. connue de tout
le monde. Il eft d i t , dans 1 hiftoiré générale des
Voyageurs, que ceux qui vont à la chafle des finges ÿ
fur les côtes de l'Afrique, ne réufliffent jamais
à leur tendre le même piège. Ces animaux ne
connoiffent pas moins leurs ennemis. S’ils voient
un finge de leur troupe blêfle d’un coup de flèche,
ils s'empreffent de le fecourir. La flèche eft-elle
barbue, ils la diftinguent fort bien à Sa d fficulté
qu’ils trouvent à la tirer} & pour donner au moins
à leur compagnon la facilité de fuir, ils en brifent
le bois avec les dents. Un autre eft-il blefle d’un
coup de balle, ils reconnoiflent la plaie au fang
qui coule, & mâchent des feuilles pour la panfer-
Lorfqu’ils fe Tentent les plus forts, les chafteurs
courent grand rifque d’avoir la tête écrafée à coups
de pierres, ou d’être déchirés en pièces. Les nègres
s’imaginent que les finges, qu’ils croient fi
induftrieux, ont la faculté de parler, & s’ils n’ü-
fent pas de cette faculté, difent-ils, c ’eft de pçu^
qu’on ne les fafle travailler.
Proche d’Amadabad, ville du*royaume de Gu-
zarate, dans l’empire du grand Mogol , on voie
une très-grande quantité de finges y pour qui les
Banjanes ou idolâtres ont tant de refpcél & de
confédération, qu’ils leur ont fait bâtir des hôpitaux
, où l’on porte & où Fon traite avec grand
foin ceux de ces animaux qui font malades ou ef-
tropiés.
Un jeune payfan apportant de la part de fon
maître, un panier de poires à fon feigneur, trouva
deux gros finges fur Fefcalier, qui avoient des
habits bleus brodés d’or, & une épée à leur côté;
ils fe jettèrent fur fon panier pour avoir du fruit.
Le payfan , qui n’avoi.t jamais vu de tels animaux,
leur ôta fon chapeau civilement, & les laiffa faire
ce qu’ils voulurent. Quand il eut fait fon préfent,
le maître de la maifon lui demanda, pourquoi ne
nFas-tu pas apporté le panier plein? Monfieur,
dit le payfan, il étoit tout plein; mais meflieurs
vos enfans m’en ont pris la moitié. Les domefti-
ques, qui avoient été témoins de la fcène, découvrirent
fa naïveté, & apprêtèrent à rire à toute
Faffemblée.
Le P. Cabaflon, Jacobin, qui demeirroit aux
ifles de l’Amérique, avoit élevé un petit finge,
qui s'affeétionna tellement à lui , qu’il ne le quit-
toit jamais, de forte qu’il falloit l’enfermer avec
foin toutes les fois que le père alloit à l’égüfe. Il
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