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Un foldat 3 dans un régiment décimé, tire au
fort le pénultième avec le dernier de ceux qui de-'
voient être pendus} i\ tire le fatal, billet : & le
dernier foldat, qui étoit un écoflois, compofa à
cent écus pour être pendu à fa place , difant
qu'il étoit tous les jours expofé à la mort depuis
dix-huit ans , fans avoir rien acquis } qu'il vouloit
au moins affiirer cent écus à fa famille. Le prince
d'Orange lui fit donner les cent écus & la vie.
- Rodolphe, comte d'Ausbourg, ayant été élu
empereur , vint à Aix-la-Chapelle pour la cérémonie
de fôn couronnement. Les Electeurs y
formèrent une difficulté, parce. que le feeptre y
manquoit. Mais Rodolphe la leva habilement , il
fe faifît d'un crucifix qui étoit fur l'autçl, & dit :
voici le feeptre d'un prince catholique. Cet expédient
fut généralement adopté. Les éle&eurs lui firent
tous leur ferment fur le crucifix.
Milton , devenu aveugle , fe maria en troifiè-
mes noces à une femme très-belle, mais d'un caractère
violent 8c d'une humeur aigre .& difficile.
Le lord Buckingham ayant dit un jour à fon mari , x
en plaifantant, qu’elle étoit une ~rofe: : j e n en
puis juger par les couleurs, répondit triftement Milton
, niais j'e n juge pa r tes épines.
Une joueufe de mauvaife humeur , femme d'un
âge avance, mais qui, à force d'art étoit venue à
f>out de démentir la natufe, verioit de perdre tout
fon argent : furieufe , elle fe lève , 8c oubliant
que les dents font poftiches, en voulant les faire
grincer , elle ébranle le malheureux râtelier , qui
tombe fur la table. Un plaifant aflis vis-à-vis
d'elle le ramafîe , 8c le lui préfente en difant gravement
: ce madame , eft-ce là votre enjeu » è
- Milton étant, devenu . prefqu’en même-temps
veuf 8c aveugle ,, Ce dernier malheur ne l'empêcha
pas de fe remarier. Un de fes amis s'étonnoit
qu étant aveugle il eut pu trouver une compagne.
lc Vous vous^trompez , lui dit-il, il ne me manque
w plus que d'être fourd, pour être lé premier parti
?> d'Angleterre ».
Chapelle ayant fait une épigramme très-piquante
fur un petit-maître-: celui-ci le trouva dans
jine compagnie, & parla des vers affommans
qu on avoit fait contre lui, il dit hautement qu'il
^'en vengeroit aux dépens du dos du poète : il
parloit fans ceffe de fa vengeance. Chapelle , fatigué
de toutes fes fanfaronades, lui dit :« hé bien,
» voilà mon dos, donne vîte une douzaine de
*>. coups de bâton , 8e va-t-en ». Le petit-maître
étourdi de cette faillie, s'en fut fans accomplir fa
promeffe.
M. d'Argenfon. étant miniftre de la guerre,-
reçut des plaintes de l'abus que fes commis fai-
foientdu contre-feing. L'un d’eux ayant envoyé à.
un ami qu'il avoir a Strasbourg, une paire de pan-
$oyffles fous enveloppe contre-lignée, les commis ;
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j de la pofte., charmés de trouver une preuve fl
forte de l'abus dont ils s’étoient-plaints, députèrent
l'un des principaux d'entre eux chez le-miniftre,
pour lufremettre le paquet. M. d’Argen-
fon voyant que les commis s'étoient permis delç
décacheter. » Vous vous êtes expofé, dit-il au dé-
» puté, à pourrir dans un cachot : favez-vous ce
» que ces pantoufles lignifient ? elles font le fecret
» de l'etat, faites-Ies partir- fur-le-champ , vous
» me répondrez du retard qu'elles éprouveront ».
Le commis confondu obéit, Sc le miniftre réprimanda
en particulier celui qui avoir donné lieu à
cette fcène.
Une femme alla trouver un religieux, & lui
dit qu'elle avoir volé un paquet qui chargeoit fa
conscience : il faut le reftituer, lui répartit le moine.
— Mais, mon père , on ne me foupçonne pas, &
■ fi jereftitue , me voilà déshonorée... -.- Hé bien,
reprit le religieux, apportez-moi ce v o l , je ferai
moi-meme la reftitution. La femme trouva cet
expédient merveilleux, 8c peu de temps après’ elle,
remit èntre les mains du religieux une corbeille
bien couverte d'un linge^qùi l'enveloppe, avec une
adrefle fur une carte. Le religieux prend la corbeille
, 8c la femme fe retire avec précipitation.
Le moine porte en triomphe le dépôt au couvent,
& dit en entrant à fes confrères , voila de mes
oeuvres. En même temps on entendit lés cris d'un
enfant. C 'é to it, en effet,un nouveau-né renfermé
dans la corbeille , que la femme maligné .avoit remis
aux bons religieux , comme un paquet qui
chargeoitrfàconfcience.
Un doéleur étant, dans fon cabinet, occupé à
travailler, il entra une jeune fille qui lui demanda
du feu : mais vous n'avez rien, lui dit-il, pour le
mettre. — N'importe, répondit la petite, qui prit
un peu de cendres froides dans fa main , f i par-
deffus quelques charbons allumés. Le do&eur,
furpris, • jetta fes livres par terre, en difant : ce avec
» toute ma fcience , je n'aurois pas fu en faire
» autant ». •
Danchet avoit l'art de déclamer', il récîtpit une
tragédie de. fa façon aux comédiens, & l'ornoit
de la déclamation. Ponteuil, charmé, I'interro.m-
-pit pour lui dire : Ah! monfieur, que ne vous
faites-vous comédien ! Danchet le regardant avec
mépris, déclama ces deux vers.dé Corneille :
L e m a ît r e q u i p r i t fo in d’in ft ru ir e m a jeu n e ffe
Ne m’a jamais ap p r is à fa i r e d e b a fle f lè .
Le Chevalier de * * * ,, qui annonçoit beaucoup
plus d'efprit que de-conduite, ayant perdu au-jeu
une fomme; allez confidérable , propofa de jouer
le double. Le fort lui fut contraire, il perdit!
Alors feignant d'être au défefpoir, il’ jetta les
cartes en difant : parbleu ! voilà un coup impaya^
hlç. AufL-tot il fe leva, s'en fu t, 8c ne paya pas.
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I Un Iaqtuîs trop officieux vint, avertir Je comte
d e __ qu’un homme faifoit 1-amour a la comtefle
fon époufe. Le mari parut furieux, il
s'arme d’un piftolet, monte précipitamment a
l'appartement de la comteffe, 8c commande a Ion
Valet de garder exactement la porte. Il entre , fur-
prend , en effet , fa perfide époufe. Mais , fans fe
Idéconcerter, il ordonne à 1 amant de fauter fur-
le-champ par la fenêtre, en le menaçant de lui
brûler la cervelle. L'amant s'échappe par la croifee
qui n'étoit que de la hauteur d’un- entrefol. Le
inari fort aufll-tôt, biffant les portes ouvertes ,
en grondant beaucoup fon laquais d'avoir calomnié
fa femme, 8c le chaffe de fa snaifon. Le comte
fauva aiafi fon honneur 8c celui de fon epoufe.
Il y a quelques années que , dans le.carrefour
appelle la pointe Saint-Eujlache à Paris , on voyoit
une grande pierre pofée fur un égout en forme de
petit pont, 8c que l'on appelloit le Pont .Âlais,
du nom de Jean Alais. Cet homme, pour fe rern-
bourfer. d'une fomme qu’il prétoit au roi , fut l'inventeur
8c le fermier d'un impôt d'un denier fur
chaque panier de poiffoiï qu'on apporteit aux
halles. Il en eut tant de jregret, qu'il voulut, en
expirant, être enterré fous cette pierre, dans cet
, égout des ruiffeaux des halles.
On a détruit ce petit monument qui embârraf-
foit le paffage.
Tite-Live rapporte que les troupes de M. Fabius
Amburtus furent mifes en déroute par les
Falifques 8c les Xarquiniens, qui avoient garni
leurs premiers rangs de leurs prêtres , ayant à la
main, 8c faifant flamboyer, au lieu d’épées,, de
groffes couleuvres.
Dans le douzième fiècle, un moine de faint-
Médard de Soiflbns, nommé Guernon , fe voyant
à l'heure de la mort ,s'accufa publiquement d'avoir
parcouru plufîeurs monaftères , 8c d'y avoir fabriqué
de fauffes Chartres en leur faveur.
ANGE POLITIEN. Ange Politien, l'un des
plus do&es 8c des plus .polis écrivains du quinzième
fiècle , compofa, dans les premières années
de fon adolefcefîce , un poëme latin fur le tournoi
de Julien de Médicis , ouvrage qui lui fit donner
place parmi les plus grands poçtes. Quelque temps
après, le prince qu'il avoit célébré dans fesvers,
, ayant été affaffiné dans la conjuration dePazzi/,
rolipien publia qne relation hiftorique de cet événement
: elle parut fi belle aux do6te$ de fon
temps, qu'ils la jugèrent digne des honneurs que
J'on rend aux ouvrages dçs bons fiècles.
ANG E LUS, prière que récitent les catholiques
tonjiins p ,8c dont l'objet eft d'implorer la protection
de b fajnte vierge : elle eft eompofée de trois
yerfets » d'autant à’Ave Maria d'un oremus. On
l'appelle Angélus, parce que le prçmier vejfçt
Encyclopédiana,
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commence par ces mots : Angélus dotnini nuntia-
vit Marie, , Scc. Louis XI établit en France l’ufage
de cette prière , qui n’eft point d’obligation , 8c il
ordonna que, dans chaque égiife, on fonneroit
une cloche trois fois par jour , le matin , à midi
8c le foir, pour avertn: de la réciter. On croit que
la terreur des armes de Mahomet II engagea le
pape Calixte III à inftituer cette prière dans tonte
l’étendue du monde chrétien.
Dcuxfrançois fe cherchant l'un l'autte à Florence
, dans la place du vieux palais, fans pouvoir
fe trouver, à caufe de la foule qui reg.rdoit un.
baladin, dn vint à fonner Y angélus , 8c tous les
italiens s'étant mis à genoux , les deux françois fe
virent feuls debout, & ainfi fe retrouvèrent.
Un pauvre curé de village faifoit la controverfe :
un miniftre, dans fon égiife, lui repondoit a
chaque paffage allégué, cela n'eft point dans le
texte hebreu : comme il vit que cela faifoit im-
preffion fur l'efprit des auditeurs, il s avifa de dire:
ie parie que cet homme fi favant en hébreu ne fait
pas feulement fon angélus. Le miniftre qui ne s atr
tendoit pas à cette apoftrophe, paroiffant étonné,
fut hué de toute i'afiemblee.
ANGLOIS. Uanglois , féparé par les mers da
refte du monde, diffère de tous les autres peuples
par fes moeurs, fon caractère , fon tour d éforit :
fes traits qui le caraélérifent font en partie l’effet du
gouvernement, 8c en partie celui du climat 8c du
fol. Comme le gouvernement eft chargé des plus
grands intérêts de l'Europe , chaque citoyen ayant
une part dans le gouvernement , fe pénètre de fa
propre importance , 8c prend cet intérieur fom-
bre qui tient au fentiment d’un bonheur folide ,
8c que le s , étrangers ont, pris mal à propos pour
de là trifteffe 8c de la mélancolie. Le fol eft fertile ,
8c cet avantage faVorife le luxe ; mais comme le
pays produit abondamment des alimens de toute
efpèce , 8c qu'il n'y croît point de v in, les habi-
tans font plus fujets à tomber dans Jes excès de
la gourmandife que dans ceux de l'ivrognerie ,
8c cette particularité produit un effet mécanique
fur leur tempérâmment. Elle augmente leur fe-
vérité apparente } de forte qu'ils font graves fans
être phlegmatiques, 8c ont l'extérieur dur, avec
des coeurs très-compâtiffans. Us font diftingués
des autres peuples de l'Europe par leur exaôlitude
dans le raifonnement, 8c leurs voifins même les
appellent affçz généralement la nation des philo-
fophes.
Cette fupériorité de raifon eft l’ouvrage de la
liberté j ils pourfuivent la vérité par-tout où elle
les conduit, fans être effrayés des réfultats ; &
comme ils ne redoutent point le pouvoir , ils donnent
i’effor aux plus feçrets mouvemens de la
penfée. Toutes les fois que la philofophie prendra
racine dans une nation libre 8c grave, elle y-fleurit*