
leurs meurtriers des médians & des traîtres. Cetté
converfation fut courte* comme on le penfe bien,
& Henri n'eut rien de plus prefle que de fe
retire r.
Henri vécut en Pologne comme dans une efpèce
de lieu d'exil. Il n'afpiroit qu'au moment de
quitter cette terre qu'il regardoit toujours comme
étrangère pour lui. Lorfqu'il apprit que Charles
IX , fon frère, roi de France, çonfumé depuis
long-temps par une maladie de langueur, avoit
enfin fuccombé à fon mal > il s'échappa dans le
moment de fon royaume comme un prifonnier
qui rompt fes fers. Les foins qu'il prit pour dérober
fa fuite aux p^Jonois n'empêchèrent pas
que ce peuple quiTaimoit ne répandît des larmes.
" -Ah! lire, lui difoit le comte de Tenézin, fon
» grand chambellan, fi c’eft vraiment régner que
** de poiféder les coeurs de tous fes fpjets, où
30 régnerez-vous jamais plus abfolument qu'en
39 Pologne, où vous les poffédez ? Efpérez-
39 vous trouver en France, dans la fituation actuelle
des chofes, ce que vous abandonnez
* parmi nous ».
Les évènemens ne juftifièrent que trop le dif-
cours de ce feigneur.
Henri écrivant de Pologne à un. prince qu'il
aimoit, tiroit du fang de fon doigt, &—Sauvray
ïouyroit & fermoit la piqûre,, à mefure qu'il
fallait remplir la plume.
Arrive en France au. milieu des troubles de la
guerre civile , Henri alla, fè faire facrer- à Reims.
Quand on lui mit la couronne fur la tê te , il
dit affez haut qu'elle le bleffoit, & elle lui
roula par deux fois ;■ ce qui fut remarqué &
interprété à mauvais préfage. (Journal de Henri
Les catholiques ligués- pour faire la guerre aux
proreftans, avoient remporté fur eux quelques
avantages ; mais ce dernier parti s'étant rendu
redoutable, on fut obligé de lui accorder la
gaix en 157©. Le royaume plus tranquille n'en fut
cependant pas plus heureux: la licence „ le luxe,
la diffolution , y causèrent bien des maux. Henri
vîvoit dans la molleffe & dans l'afféterie d'une
■ femme coquette il couchoit avec des gants d'une
peau, particulière, pour conferver la beauté de
üs- mains , qu'il avoit effe&ivement plus belles
que toutes les femmes de fa cour ; il mettait fur
fbn vifage une.pâte préparée, & une efpèce de
mafque par-deflhs c'eft ainfi qu’en parle le livre
dfes hermaphrodites, qui circonftancie les moindres
détails fur fon .coucher , fur fon lever & fur
fes-Jïabillemens. Il avoit une exa&itude fcrupu-
&ü£e fur la propreté dans fa parure:.il étoit fi
attaché àces petiteffes^qu'il chafla un jour le duc
d(i®ej:aQS; de. là gxéfence^parce qu'il, s'étoit pri.-
fente devant lui fans efcarpins blancs & avec un
habit mal boutonné. ( Notes fur la Henriade ).
Quélus, Maugiron, Saint-Mégrin étoient les
principaux favoris, ou, comme on les appeloit,
les mignons de Henri. Ils s'enfermoient fouvent
enfemble, & après avoir outragé la nature en fe-
cret, ils donqoient en public des comédies ridicules.
Ils faifoient des pèlerinages, des procédions.
Henri avoit infiitué la confrérie des pénitens
blancs de l'Annonciation de Notre - Dame aux
Auguftins de Paris, 8c alloit à la --p ro ce fil on avec
le fac* 8c le fouet à la ceinture. Ce^prince avoit
fait conftruire de petites cellules près les. Capucins,
où certain jour fa cour alloit faire des
exercices fpirituels. Chacun étoit portier à fon
tour, & fi, pour quelqu'affaire importante, on
avoit befoin de parler au f o i , il falloit, pendant
tout le temps qu'il étoit dans ce conclave., demander
frère Henri.
Guillaume Rofe, évêque de Senlis,. connu par
fes écarts & fes emportemens, avoit fans refpeét
pour fon prince déclamé en chaire contre le s.
plaifirs que Henri s'étoit permis pendant les deux
derniers jours du carnaval. Le roi l'envoya chercher
„ 8c lui dit fans émotion 8c même en riant
« En vérité , Tnonfiéur Rofe, vous n'épargnez
» guères vos amis ! Vous feroit-on plaifir,. fi l'on
» en ufoit ainfi avec vous? Il y a dix ans que je
» vous laiffe courir les rues fans rien dire, 8c
» pour une fois que cela m'arrive, vous me diffa-
» mez dans un lieu feint, où l'on- ne doit prê-
i » cher que la parole de Dieu. N ’y retournez pas,
» je. vous prie- Il eft encore plus temps pour vous
» que pour moi que vous deveniez fage ». Rofe
étoit fujet à une efpèce de pituite. Le roi l'ayantr
fait venir une fécondé fois au Louvre, fui donna-
de là main cinq cens écus d 'or, en lü idifantf
« Voilà de quoi acheter du fucre 8c du miel „
» pour vous aider àpaffer votre carême, & pour
» adoucir l’aigreur de votre ton»
Le pape Sixe V , qui n'îgnôroit pas toutes les.
momeries pieufes de Henri, ne put s'empêcher de.
dire un jpur :- « J'ai fait tout ce que j'ai pu pour
m me tirer de la condition de moine, & ce prince.
» fait-tout ce.qu'il peut pour y tomber».
Ce prince avoit une pafilon extraordinaire pour
les petits chiens,' & on rapporte qu’il dépenfoit
par an plus de trois cens mille livres ,vpour en faire
élever de tous les cotés;. Sully trouva un joue
Henri très-occupé à confidérer ces petits animaux..
C e feigneur. avoit été dépêché par le roi de Navarre
„ pour avoir une conférence avec Henri III.,
« J'arrivai , dit. Sully dans fes mémoires, à Saint-
» Mau r, ou étoit pour lors la cour , & j'allai6
» defeendre chez.Villeroi, avec lequel je dînai 8ç
» paffai le refte dé la journée- Le lendemain, il
»• me préfenta. au. roi- Je me. fouviendrai toujours
» de l’attitude & de l’attirail bifarre où je trouvai
® ». ce prince dans fon cabinet. Il avoit l’épée au
» côte, une cape fur ies épaules, une petite toqué
» fur la tête, un panier plein de petits chiens
» pendu à fon cou par un large ruban , 8c il
» fe renoit fi immobile, qu'en nous parlant, il ne
» remua ni pieds ni mains. ( Mémoire* de Sully ).
Le fujet des conférences de Sully, avec cet
indolent monarque, étoit de le rappeler à fa.
propre gloire, & de le faire agir conjointement
avec le roi de Navarre,, fon préfomptif héritier,,
contre les protellans & les Guifes. Ceux-ci, à la
tête des ligueurs, & fous prétexte de vouloir
maintenir la religion catholique, cherchaient à
mettre le roi en tutele ; & tel étoit le malheur
de ces temps, que Henri ne put venir à bout de
fe défaire de deux fujets rebèles que par l in affafli-
nat. L e d u c de Guife & le cardinal fon frère,
après avoir chaffé leur .foriverain de la capitale,
ofèrent venir lé braver, à Blois en préfence des
éta;s-généraux, 8c du corps même qui repréfen-
tôit la nation, 8c que le monarque avoit convoqué;
Un.e profonde diflimularion régnoit entr'eux ;
iis parurent fe réconcilier fo!emnellem,ent, Se peut-
être dans le même temps le roi projettoit de faire
mourir Guife , & Guife de faire détrôner le roi.
Henri le prévint. Le duc de Guife n'auroît pas
cru le. roi capable de tant de difiimulîtion Se de
tant de fermeté. Quelques jours avant fa mort,
ayant trouvé fous faférvîe.tte'Un billet avec cesmots:
On veut vous ôter la,vie) il demanda une plume*
8e écrivit au bas , on n oferoit, 8e jetta enfuite le
billet fous la table, le laifiant lire à qui voulut.
D ’Efpïnac, archevêque de Lyon, empêcha d’ailleurs
le duc de Guife de fe retirer des états, en
lui difant : Qui quitte la partie , la perd.
Le. duc reçut fix coups de poignard; le lendemain
, fon frère le cardinal fut tué à. coups de
hallebarde» Il avoit fur-tout irrité le roi par une
épigramme qu'il fécitoit à tout propos, foie qu’il
en fut l'auteur ou non. Elle étoit faite fur la de-'
vife du roi, dont le corps étoit trois couronnes ,
avec ces mots : Manet ultima coelo ,* la troifième
m’attend dans le ciel : les deux premières repré-
fentoient celles de Pologne 8c de France. L’épi-
gramme étoit compofée de ce diiîique :.
Qui dederat binas, unam abjîulit, altéra nutat.
Ténia tonforïs nune factenda manu.
_-cc De ces trois couronnes , Dieu lui en a déjà
» ôté une ( celle de Pologne ) ; la féconde chan-
» celle ; la troifième fera l’ouvragé du barbier ».
Le cardinal ajoutoit qu’il auroit beaucoup de joie
de tenir la tête du roi,, fi. on lui raifo.it cette troifième
couronne chez les capucins.
Henri IIL avoit conçu utiprojet bien fingulier :
«'étoit d e percer d a n s . le bois de Boulogne différentes
allées qui auroieht abouti au même centre.
Il auroit fait élever, dans ce centre , un
magnifique maufolée., pour y dépofer fon coeur 8c
ceux des rois fes fuccelfeurs; chaque chevalier det
l'ordre du Saint-Efprit fe feroit fait bâtir un tombeau
de marbre avec fa ftatue ; 8ç ces tombeaux,
le long des 'allées, auroient été fcparés par un
petit efpace planté d’ifs taillés de différentes manières.
Dans cent,ans 3 difoit il , ce fera une promenade
bien amufaute ,* il y aura au moins quatre cens
tombeaux dïns ce bois.
L'auteur de la première Savoifienne ( Antoine
Arnauld, avocat), rapporte que lorfqu‘Henri I I I
revint de-Pologne en France, & pafia par la Savoie
, on lui demanda, en récompenfe d’une collation
, la-ville de Pignerol 8c celle de Savillan,
8c que ce prince ne fit pas la moindre difficulté de
les accorder au duc de Savoie.
Henri I I I fut affafliné par un moine jacobin ,
nommé Jacques Clément, d’un^coup de couteau
dans le bas-ventre, que ce monftre lui porta le
premier août 1 589 : fi le fer n’avoit pas été em-
poifonné, ia guérifon auroit pu fe faire ; mais ce
prince’ expira le lendemain z août, après de violentes
convulfions : c étoit un bon roi, dit l'Etoile,
s 'il eût rencontré un meilleur fiecle.
HENRI I V , ( furnommé i b Gr a n d ) roi
de France 8c de Navarre, né en 15:y 5■ , more
le 14 mai 16 10, âgé de 57' ans.
La France n’a point eu de meilleur ni de plus
grand roi c\\x Henri I V : il étoit fon général &
fon miniftre. Il unit à une extrême franchife „
la plus,droite politique; aux fentimens les plus
élèves , une fimplieitéde moeurs charmante, 8c
à un courage de foldat un fond d'humanité iné-
puifable. Il rencontra ce qui forme 8c déclare
les grands hommes , des obftacles à vaincre ,
des périls à efluyer , 8c fur-tout des adverfaires
dignes de lui. Enfin , comme l’a dit un de nos.
pkis grands poètes :
Il fut de fes fujets le vainqueur & le père;.
Lorfque Jeanne d’Albret étoit grofie de- ce
Prince,. Henri d'Aibret, fon. grand-père ,. fis:
promettre à fa fille que dans l'enfantement elle
lui ehanteroit ufie chanfon ,. afin , lui d it-il, que-
tu ne me fafîes pas un enfant pleureux 8c rechigné.
La prineefîe le lui promit, 8c eut tant
de courage , q ue , malgré l'es grandes douleurs
quelle fouffroit, elle lui tint parole'& lui chanta-
une chanfon en fon langage béàrnois „ auffi-tôîr
qu'elle l'entendit entrer dans fa chambre. L'enfant
vint au monde fans pleurer ni crier. Som
grand-père l'emporta dans fa chambre : il- lut
frotta fes petites lèvres d'une gouffe d’ail , & lui;
fit facec une goutte.' de: vin dans U coupe d’o* „