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s'oppofa avec beaucoup de vigueur à une foule
dédits burfaux, portant création de -mille petits
droits qui auroient infailliblement defféché différentes
branches de commerce. Ces édits d’ailleurs
n'étoient fouvent que des gratifications que
l'importunité des courtifans arrachoit à la bonté
du roi. Ç e prince envoya un jour à fon miniftre
jufqu’à vingt-cinq édits pareils. Sully ■ n'enapprouva
aucun , & fortit pour aller lui faire des repréfen-
tations à ce fujet. Il rencontra lamarquife de Ver-
neuil j qui lui fit des reproches de ce qu'il s’oppo-
foit ainfi à la bonne volonté du roi : « Tout ce que
vous ditesj madame, lui répondit Sully, Teroit
bon, fi fa majefté prenoit-l'argent dans la buurfe.
Mais, lever cela de nouveau fur les marchands,
artifans, laboureurs & palleurs, il n'y a aucune
apparence. Ce font eux qui nourriffent le roi &
nous tous. Us ont bien affez d'un maure, fans
avoir encore tant de gens à entretenir ».
Ces paroles fuffiroient feules pour peindre le
cara&ere & la politique de Sully. Une de fes maximes
étoit, que U labour & le pâturage font les deux
■ mammelles de t état.
Il regardoit avec raifon les grandes villes comme
les tombeaux des états, parce qu’elles ne fe
fo rment jamais qu’aux dépens des campagnes. 11
defiroit fur-tout que la nobleffe habitât dans fes
Terres.
Il penfoit encore que la multitude effrénée des
offices ejl la marque affurée de la décadence prochaine
des états.
Il avoit eu fouvent lieu pendant fon adminiftra-
tion de fe convaincre que tout ce qui porte un caractère
de nouveauté effarouche en général les
compagnies toujours attachées à leurs anciens ufa-
ges, à leurs anciennes formalités s aulli il dit dans
fes mémoires; « Que fi la fageffe defcendoit, elle
aimeroit mieux fe loger dans une feule tête que
dans celles d’une compagnie ».
C e grand homme , né au milieu des guerres de
religion, eut plufieurs fois lieu de déplorer les
mauxqueproduifoitlefanaiifme. Ilrépétoitfouvent
que la compaffion & la douceur étoient les feuls
moyens qui fervoient véritablement la religion , &
les feuls qu’elle enfeignoit. Le zèle n'étoit, félon
lui, qu’ un entêtement ou un emportement déguifé
fous un beau nom.
Il vécut & mourut dans-la religion proteftante.
Le pape lui avoit adréffé un bref rempli de louanges
fur la fageffe de fon miniftère, & finiflbit fa
lettre, comme un bon palteur, par prier Dieu
qu’il ramenât fa brebis égarée, fe-conjuroit le duc
de Sullyde fe fervir de fes lumières pour entrer-
dàns ja'bonne voie. L e duc lui répondit fur le
même ton. -Il aflura le faint 'Père, qu;il prioit
Dieu tous les jours pour la converfion de fa fain-
teté, ou, ce qui revient au-même, qu’il adreffoit
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fes très-ardentes prières au Dieu tout-puiffant.
afin qu’il lui plaife, étant le père des lumières,
d'afiilfer & d'illuminer fa béatitude, & lui donner
de plus en plus entière connoiffance de la vérité.
Après la mort tragique de Henri IV, Sully s’é-
toit retiré du miniitère, & vivcit dans la retraite.
Comme il rt’avoitpu, à caufede fa religion, être
reçu d aucun ordre, il s’en étoit fait un pour lui-
meme. On a trouvé^, lors de l’inventaire.de fes
effets, plufieurs chaînes d’or fervant à cet ufage.
Il portoit à fon cou, fur-tout depuis la monde
Henri, uné chaîne de diamans, où pendoit une
grande médaille d’o r , fur laquelle étoit empreinte
l'image de ce grand prince. De temps en temps
il la prenoit, s’atrêtoit à la contempler, & la bai-
foit 3 il ne la quittoit jamais.
SUPERSTITION . Depuis que le régné de la
fuperjlition eft paffé, il eft plus difficile de conduire
les hommes en frappant leur imagination, &
en leur en impofant.
L expérience cependant prouve encore qu'on
peut fe fervir avec fuccès de la religion pour
échauffer les efprits : on fait quel parti en tirent
lesruffes. Les allemands mêmes, malgré les progrès
qu'ils ont faits dans la philofophie, font encore
très-fufceptibles d'être animés par l ’efprït de
parti, & allez enclins à la fuperjlition, Le peuple
ell par-tout fuperftitieux : qui dit peuple, ne dit
qu'une multitude d'infenfés, qu’un mélange confus
de toutes fortes d'âges, de fexcs, d'humeurs
& de conditions ; il ne faut donc pas être fur-
pris fi fes décifions ne font pas conformes à la
vérité, ou plutôt fi elles font monftrueufes. De-là
eft venu que les [âges, dans tous les temps, n’ont
point héfité à préférer leur jugement part culier à
celui de la populace, & que les plus modérés
l'ont accufé d'extravagance & de fureur.
I On a vu le peuple dans tous les fiècles la dupe
de tous les impofteurs & de toutes les pro.feffions}
il fuffit de lui préfenter le faux avec quelque
adreffe pour qu'il le faififfe Se: l’adopte.
Mariuf menoit avec lui une femme fcythe, &
feignoit d’apprendre d’elle, quel devoit être le
fuccès de fes entreprifes.
Le fameux Cavalier., chef des camifards, avoit
une femme dont les paroles étoient écoutées
comme des oracles.
Sertorius avoit une biche dreffée à s'approcher
de fon orei.Ie. Néron portoit une petite ftatue,
voulant perfuader qu’elle lui prédifoit l’avenir 5 -&
le di&ateur Sylja avoit toujours f e lui un petit
Apollon, à qui il adreffoit des prières en public,
comme fi cette divinité ne pouvoit lui manquer au
befoin.
La caufe de l ’erreur du peuple eft le peu de
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’jugement, ce qui l’empêche de faifir le vrai, &
par conféquent Texpofc à croire tout. A l’ infidélité
des fens que le peuple-a coutume de conful-
ter, il faut ajouter la force des paffions qui le
dominent, & qui éteignent prefqu'cn lui les étincelles
de raifon qu’Adam lui a biffées : d’où vient
que non-feulement ils font remplis d’erreurs , mais
qu'ils font encore infcétés des vices que ces erreurs
produiftnp.
L efprit-de fuperjlition avoit fait imaginer qu'il;
y avoit dans l’homme un os d’une nature toute
particulière, qui n’avoit aucun poids, qui étoit
incorruptible & incombufiib’e , quelque violent
que fu: le feu auquel on l’exposât. C ’était par’
cet os que la refurreétjon, lors du jugement dernier,
devoit s’opérer, & un tel ufage le faifoit
refpe&er. Mais quel étoit cet os .privilégié.? c’eft
ce que perfonne n’avoit encore pu découvrir. Chaque
anatômifte avoit cherché en vam à le trouver.
Le célèbre Vefalé, plus fage & plus inftruît, fe
contenta de dire qu’il laiffoit fur l’exiftence de cet
os la queftjon à décider aux théologiens , offrant
de leur faiie un cours d’oftéologie, pour les mettre
a portée de parvenir à cette belle découverte.
Cette conduite, très - louable, étoit en outre
txes-prudente. D’un côté, le bruit des chaînes
des cachots, ou 1 inqu.fition avoit fait languir
* llTJI^ortel Galilée, pour avoir réformé le fyftême
de Copernic fur la terre,, retemifïoit encore à fes
oreilles y dun autre cote, en adoptant le préjugé
qui regnoit, il fentoit que c ’étoit donner une
preuve de fa fbibleffe & de fon ignorar.ee. Il prit
donc le parti le plus fage, en biffant la fufée à
devider aux théologiens.
Pourquoi Riolan, venu long-temps après lui,
& dans un fiecle plus éclairé, dans un temps &
dans,un pays où il eue pu s'expliquer librement & ’
n5-rif t tîe.^u r 'e r^ùicule de ce préjugé, fe con-
r-ui b- j len d,ffércmment ? Pourquoi eut-il la
ioiblene de confulter le bourreau, pour favoir de
lui, fi quand un criminel étoit brûlé, iine reftoit
pas quelque partie de fon corps fans être confu-
niee par le L u l La reponfe fut affirmative, comme
on s'en doute bien, & Riolan n'eut rien à
répliquer. Au furplus, en lifantles ouvrages anatomiques
de te Médecin , on vo:t qu'il étoit en
general fort crédule, & , par une conféquence
neceffaire, fort fuperftitieux j caria fuperjlition eft
une fuite naturelle de la trop grande crédffué.
Le roi de Portugal s'étant joint-aux -ennemis de
Philippe V , Berwick eft c h a r g é e défendre l?Ef!
pagne de ce coté-là. U campe avec un corps de
troupes fur la riviere de Sabugal, que les portugais,
les anglois & les hollandois veulent paffer
avec des forces-confidérables. A peine fe font-ils
mis en mouvement, qu'on démêle dans leur con-
tenance m aîr d'effroi qui eft fu?vi d'une retraite
laite avec beaucoup, de précipitation. Us font pour*
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fuivisj & on apprend avec étonnement des pri-
fonniers la iaifoum’uiié conduite .fi extraordinaire.
Voici les propres exprefiions du feul hillorien^ui
ait recueilli ce fait merveilleux.
« Saint Antoine de Padoue eft le ’ patron du
royaume de Portugal, & les portugais ont une
grande dévotion à ce faint, à qui ils fe croient
redevables du gain de plufLurs batailles. Ils prétendent
que ^ lorfqu'iJs fecoüèrent le joug de la
domination efpagnole pour fe foumettre à la mai-
ion de Bra^ance, ils eurent des preuves certaines
que ce faint les protégeoit & les favorifoit. Us
demandèrent alors^ â leur roi que faint Antoine de
Padoue fut déclaré pour toujours.généraliffime de
Lurs arméesj & le roi fe vit comme forcé de fa-
tisfaire leurs defîrs. Il fit affembler Ton confeil,
auquel furent appellésc tous les grands du royaume
: on propofa la demandé de la nation.
a II T en eut.qui repréfentèrent queTaint Antoine
n ayant jamais fervi dans les armées pendant fa
vie, on ne pouvoit lui donner ce grade après fa
mort j qu’il fuffifoit qii’ il fût le- patron & le protecteur
du Portugal pour l'être auffi des troupes.
Cette raifon ne contenta pas la nation : elle per-
fifta dans fa demande. Le roi, pour contenter
tout ’le monde, Te détermina à faire pafler faint
Antoine par tous les grades militaires, pour le
faire arriver enfin à celui de généraliffime.
Pour cet effet, il fit une;promotion d'officiers
generaux, dans.laquelle faim; Antoine fut fait brigadier
des armées ; enfuite, à une fécondé, il fut
fait maréchal de camp j & , à une troifîème,'liei.-
tenant^général. Après,quoi, ùl fut déclaréi. perpétuité
généraliffime des armées poreugaifes. On
compofa fa maifon, on nomma Tes officiers, &
il fut ordonné qu’on porteroit à l ’armée le bufte
de ce faint, pour être toujours à côté du général,
& que l'ordre feroit donné en fon nom. La chofe
s eft toujours pratiquée depuis..
Lors donc que les ennemis étoient ffir le-bord
de la rivière, prêts a^paffer, un boulet de canon
emporta le bufte duTaint. Les portugais >confter-
nes, comme des .troupes qui perdent un^général
en quf elles ont mis toute leur confiance, prirent
lallarme., &:ne longèrent, plus quaTe bu ver. Le
roi de Portugal eut beau faire, il ne put jamais
les raffiner mdes.rallier. ill fallut.Te biffer entraîner
au torrent : mais, chagrin de cette efpèce de
déroute. Je roi quitta mne arnie'e dont il étoit
mécontent, & retournai Lisbonne».
Avant que d’élire les magiftrats, ou de livrer
une b a ta ille il falloir, chez les romains, confulter
l’appétit des poulets;facrés.
Augufte, cet empereur qui gouverna avec tant
de fageffe, & dont le régné fut fi floriffant, ref-
toit immobile & conllerné lorfqu’ il lui arrivoit par