
temps, la mît à fa droite dans fon carroffe, lui
préfenta Monfcigneur & Monjîeur , qui furent aüffi
dans le carroffe, & la'mena à Saint-Germain,
oû elle fe trouva toute fervie, comme la reine,
de toutes fortes de hardes, parmi lefquelles'étoit
une caflette très-riche , avec fix mille louis d’or.
Le lendemain, il fut queftion de ■ 'l’arrivée du roi
d'Angleterre à Saint-Germain , où le roi l’atten-
doit j il arriva tard j fa majefté alla au bout de
la falle des gardes au-devant de lui 5 le. roi d’Angleterre
fe baiffa fo r t , comme s’il eût voulu
embrafier fes genoux ; le roi l’en empêcha, &
l ’embraflà à trois ou quatre reprifes fort cordialement.
Ils fe parlèrent bas un quart-d’heure; le
roi lui préfenta Monfeigneur, Monjîeur, les princes
du fang & le cardinal de Bonzi 5 il le conduifit
à l’appartement de la-reine, qui eut peine à retenir
fes larmes. Après une convention de quelques
inftans, fa. majefte' les mena chez le prince
de Gai les, où ils furent encore quelque temps à
caufér & les y laiffa, ne voulant point être reconduit
, 8c difant au roi : Voici votre maifon,
quand j’y viendrai, vous m’en ferez les honneurs,
& je vous les ferai quand vous viendrez à Ver-
fiiüe.s- Le lendemain, madame la dauphine y alla
& toute la. cour. Le roi envoya dix mille louis
d’or au roi d'Angleterre j ce dernier, continue
madame de Sévigné, paroît vieilli & fatigué j la
reine maigre, & des yeux qui ont pleuré, mais
beaux & noirsf un beau teint, un peu pâ'ej la
bouche grande, de belles dents , une belle taille
& bien de l’efpritj tout cela compofe une perforine
qui plaît fort »,
I roman ne faifoient rien de plus galant. Que né
'fera point, rajoute madame de Sevigné, ce héros
; brave malheureux avec ces xarmes toujours
■ viélorieufes,? On ne préfumoit point alors que
>ce.prince,, qui avoit toujours montré beaucoup
■ de courage, abandonnèroit le premier le champ
de bataille à fes ennemis à la journée de la Boine j
en 1690.
Ce roi fugitif revint en France, & paffa le refte-
de fes jours à Saint-Germain-en-Laye touchant
fes écroueiles & converfanlf avec les jéfuites. Il
leur avoua un jour qu’il étoit jéfuite lui-même ;
& il étoit vrai qu’il s’éroit fait affocier à cet ordre
i Pàr quatre jéfuites anglois, n’étant encore que duc
-dTorck.
■ Cette pufillanimité dans un prince-, jointe à la
manière dont il avoit perdu fa couronne , l’avilit
: au point que les courtifans s’égayoient tous les
, jours à faire des chanfons fur lui. On r.e lui favoit
t nul gré d’être catholique. L’archevêque de Rheims,
_ frère de Louvois , dit tout haut à Saint-Germain ,
dans fon anti-chambre : « Voilà un bon homme,
, cc qui a quitté trois royaumes pour une meffe ».
( Ejfai fur l‘hifoire générale ).
Quelques jéfuires Jrlandois ont publié que ce
prince après fa mort a fait des miracles; il eft
certain du moins qu’il n’en fit point pendant fa
vie. Il dit en mourant à fon fils aîné le prince de
Galles, depuis Jacques U l 3 connu en Europe fous
1« nom de Prétendant ': « Quelque belle que foie
, >? une couronne, il vient un temps où elle eft
1 » fort indifférente : refpeôlez votre mère ; aimez
b> le roi de France comme votre bienfaiteur, &
i» préférez votre religion à toutes les grandeurs
» humaines Les Stuard? ont toujours' été
fidèles à fes dernières volontés , & ils ont, con?
, tinué da profeffer le catholicifmç qui les exclut
du trône.
Cette princeffe avoir beaucoup de fenfibilité,
Louis X IV faifant un jojir mille careffes au prince
de Galles, qui étoit encore très-jeune j la reine
lui dit : « Je béniffois le fort de mon fils qui ne
» fent point fes, malheurs ; maïs à préfent je Je
» plains de ne point fentir vos bontés. » A l’ égard
de Jacques 71, il mon trabien du courage, mais
lin efprit commun, qui contoit tout cequrs’étôit
paffé en Angleterre avec une infenfibilité qui en
donnoit pour lui.
Il obtint de la générofité de Louis X IV une
flotte & une armée pour aller reconquérir fon -
royaume, Madame de. Sevigné nous apprend ce ■
que Louis dit au roi d’Angletçrre en lui faifant
fes*âdieux : « Monfieur, je vous vois partir avec
» douleur, cependant je fùuhaite de ne jamais
vous revoir ; mais li vous revenez, foyez pér-
» fuadé que vous me trouverez tel que vous me '
>> laiffez ».
Le roi lui avoit donné des armes pour armer \
dix mille hommes ; comipe fa majefté angloife j
lui faifoit des remercîmens, elle finit par lui dire ;
qn riant, que des armes pour fa perfonne etoient :
la feule chôfe qui avoit été oubliée, Lou'S X IV !
fni préfenta auffitôc les fiennès. Nos héros de
Le prétendant a choifi Rome pour le lieu de fa
réfidence. Son fils aîné, Je prince Charles Edouard,
fixa fur lui les yeux de l’Europe en 1745’. Ce prince,
; dit l’-auteur âeVEjfai fur Phi foire générale, tenta,
de remonter fur le trône de la Grande-Bretagne,"
i par une dé ces entteprifes dont on ne voit guère
d’exemples que chez les anglois, ou dans des
. temps fabuleux. Il s’embarqua le iz juin 174y
: dans une petite frégate de dix-huit canons, fans
avoir inftruit de fon defféin la cour de France,-
& n’ayant, pour conquérir trois royaumes, que
1 fept officiers , dix-huit cents fabres,' douze cent§
fufils, deux mille Ic-uis d’ or empruntés, & pas
lin foldat. Il aborda , à travers des périls fans
nombre, au fud oueft de l’Eçoffe. Quelques habi->
tans-du Moÿdaeft auxquels il fe découvr itfe-
ÿettèrent à fes genoux. «' Que pouvôn^rtous faîîe#
; » lui dirent-ils 5 nôus-'n’ âtfbhs point d’arm.es j nous
» fpmnies pauvres j noy? vivons dè!pâin d’ayoine>*
■ •* 1 S r
» en cultivant une terre ingrate »’ • J* cultiverai
cttte terre avec vous 3 leut répondit le prince^ %je
mangerai de ce pain ; je partagerai votre pauvreté , O*
je vous apporte des armes.
. Ces payfafts attend ris & encouragés, s’armèrent
en fa faveur. Les tribus voifines fe joignirent à
eux. Un morceau de taffetas, qu’ il avoit apport^,
lui fervit d’étendart royal. Dès qu’il fe vit,à la
tête de quinze cents hommes,il fe mit en marche.
Alors quelques lords écoffois fe rangèrent fous fes
drapeaux. Il battit trois fois les anglois, 8c fut
compîettement battu la quatrième à Culloden,
pires d’Inverneff, par le duc de Cumberland. Après
fa défaite & la difperfion de fa petite armée, il
effuya les mêmes aventures qu’avoit éprouvées
Charles I I , après fa défaite à Worcefter. Il erra,
comme lui, fans fecours,tantôt avec deux compagnons
de fon infortune, tantôt avec un, & quelquefois
réduit à lui-même, pourfuivi fans relâche
par ceux qui vouloicnt gagner le prix mis à fa
tête. Ayant un jour fait dix lieues à.pied , & fe
trouvant épuifé de faim & de îaffitude, il entra
dans la maifon d’un homme qu’il favoit bien n’être
pas dans fes intérêts.' « Le fils de votre roi, lui.
dit-il, vient vous demander du pain & un habit.
» Je fais que vous êtes mon ennemi r mais je vous
» crois affez d’honneur pour ne pas abufef de
»* ma confiance & de mon malheur. Prenez,les
» lambeaux qui me couvrent ; gardez-les; vous
» pourrez me les rapporter un jour dans le pa|ats
>> des rois de la Grande - Bretagne »». ( Ejfai fur
rhifoire générale ).
Le gentilhomme fut touché, comme il le devoit
être , donna tous les fecours. que fa fituation
permettoit, & garda un fecret inviolable. Quelque
temps après, ce gentilhomme fut accufé d’avoir
donné un afyle dans fa maifon au prince Edouard,
& cité devant les juges» Il fe préfenta à eux avec
cette fermeté que la vertu feule peut donner, &
leur dit ; « Souffrez qu’avant de fubir l’interroga-
»» toire, je vous demande lequel d’entre; vous,
» fi le fils du prétendant fe fût réfugié dans fa
» maifon , eût été aifez v il.& affez lâche pour
»> le livrer». Le tribunal à cette queftion fo leva
& renvoya l’accufé. .
JALOUSIE. 'Lzjaloufe dè la femme ne contribue
j le plus fouvent , qu’à rendre lè mari
inconftant. Quiconque eft foupçonneux, a dit un
poëte moderne, invite à le trahir. Auffi une femme
fienfée , à qui on rapporeoit que fon mari faifoit
la cour à plufieurs jolies femmes, répondit : « 11
» m’importe peu que.mon mari promène fon coeur
» toute la journée > pourvu que le foir il me le
» rapporte». .
Un homme de Bafle, nommé Chriftophe Bour-
ga-tner , s’imagina que fa femme lur étoit infidelle j
voulant s’en éclaircir, il la prit à part, & lui
E ncycbpédiana.
demanda fi elle n’avoit point eu de commerce
avec un de fes domeftiques qu’ il foupçonnoit-,
promettapt de lui pardonner fi elle le confeffoit,
& menaçant de la tuer fi elle le nioir. Cette
femme intimidée confeffa ce qu’elle n’avoit point
fait, & fe retira incontinent après chez une de
fes foeurs. Mais des amis communs l’ayant réconciliée
avec fon mari, elle retourna avec lui. Le
Iendemàin le mari, après avoir fait fortir du logis
la fervante, & deux enfans qu’ il avoir eus d’une
première femme, tua fa femme qui étoit groffe,
& enfuite une fille âgée de quatre ans qu’il avoit
eue d’elle. Ayant après écrit une lettre au fénar,
pour lui rendre raifen de fa conduite, il fe jetta
du haut de la maifon en bas , oc fe tua.
Il arriva une aventure affez plaifante à certaîa
peintre européen, qui voyageoit dans les Indes >
cette aventure pourra prouver jufqu’à quel po:nc
les orientaux pouffent la jaloufie. Un gouverneur
de Surate avoir une femme charmante, pour laquelle
il. négligeoit toutes les beautés renfermées
dans fon. ferrail. Ayant entendu dire qu’ il y avoir
dans la ville un étranger qui favoit parfaitement
bien peindre, & rendoit au naturel- la- reffem-
blance de tous les objets, il réfolut de faifir cette
occafion pour fe procurer le portrait de celle
dont il étoit fi paflïonné-,. fe nattant que cette
image adouciroit fes chagrins , lorfqu’ il feroic
forcé de s'éloigner de fa bien-aimée. Il manda le
peintre, qui fe rendit avec empreffement à fes
ordres, & auquel il fit part de fon deffein, .en lui
promettant une récompenfe digne du fervice qu’ il
en attendoit. L’ artifte répondit qu’il s’eftimeroir
trop heureux & trop bien payé, s’il avoit le bonheur
que fon ouvrage fût tel qu’on le défiroit. —
» Travaillez donc, reprît le gouverneur, travail-
» lez avec toute la diligence poflible ; 8c quand
» vous aurez achevé le portrait, apportez le-
» moi fans perdre un feul inftant. — Vous n’avez ,
» reprit i’artifte, qu’ à faire venir la perfonne donc
» vous fouhaitez le portrait. — Eh quoi ! inter-
.» rompit brufquemént le feigneur indien, vous
» avez prétendu que je vous faffe voir ma femme l
» — Comment voulez-vous donc que je puiffe
» peindre une perfonne que je n’ai jamais vue?
» ;— Retire-toi promptement, s’écria Je gou-
» verneur indien hors de lui ; fi je ne 'puis avoir
» le portrait de ma femme qu’en l ’offrant à tés
» yeux , j’aime mieux renoncer pour toujours au
» plaifir que je m’ étois promis ». Le peintre ne
put parvenir à faire entendre raifon au jaloux
indien , 8c faillit même à perdre la vie.
Le voyageur Carré eft témoin du fait fuivant
arrivé en -1672, tandis qu’il étoit à Donguery.t
Abdelkam', un des principaux feigneurs de Vifa-r
pour , 8c général des troupes du royaume, s’étant
laffé du métier des armes, avoit pris le parti de fe
retirer dans fon ferrail, où fes grandes richeffes
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