
*> & de femmçs époufées, le mieux ôft de fe
*o tenir comme on eft, de peur de pis »• Rabelais.
Eccléjiafiique dupe de fa charité.
Un eccléfiaftique , furpris par la nuit au milieu
de la campagne , rencontre un voleur, qui, content
de lui dérober un manteau , le Jaiflè pour-
fuivre fon chemin. Mais le bon eccléfiaftique,
moins touché de cette perte que de celle de 1'ame
du voleur , penfe que le feul moyen de lui fauver
ce dernier péché, eft de lui remettre Ton vol. Il
revient 3 en conféquence, fur fes pas , 8c dit au
voleur, « Mon ami, je vous fais préfent duman-
9» teau que vous m'avez pris ». Comme vous
êtes dans votre quart d'heure de libéralité, lui dit
le voleur, je vais eh profiter : il lui ôtâ aufli-tôt
fon habit. L'eccléfiaftique, quifentit le froid, fen-
tit auili refroidir fa charité; il dit au voleur, que
pour fon jufte-au-corps, il ne lui donnoit pas, &
qu'il le lui fetoît rendre en l'autre monde. — j
Puifque vous me faites crédit jufques-là , reprit
le voleur, je vais encore vous ôter le refte de vos
habits.; 8c il le dépouilla jufqu'à la chemife.
Mari a bon marché.
Une jeune villageoife, nommée Nicole, ayant '
bonne .envie de fe marier, avoitreçu de la dame
du lieu dix écus pour fe former une dot. La dame"
voulut voir le prétendu ; Nicole le lui préfente :
c'étoit un Limofin/petit 8c fort laid. Ah ! ma fille,
lui dit cette dame en le voyant, quel amoureux
as tu-choifi là? Hélas! madame, lui répondit la
naïve Nicole, que peut-on avoir pour dix écus?
Doit-on juger des gens h la mine ?
Un évêque témoignoit du mépr.s a un pauvre
curé, qu'il regardoit comme un ignorant a caufe
de fon air fimple. Je fuis perfuàdé, lui dit-il un
-jour , que vous ignorez les premieis élemens du
catéchifme. Combien y a-t-il de péchés capitaux?
Il y en a huit, répondit le curé. Je ne me fuis
pas trompé, reprit le prélat, dans le jugement
que j'ai fait de votre fcience. Dites-moi , je vous
prie , quel eft l'âne d'évêque qui vous a fait
prêtre, & quels font ces huit péchés capitaux ?
C'eftvous.» monfeigneur, répondit le curé, qui
m'avez conféré les ordres j a l egard des péchés
capitaux, outre les fept que tout le monde confiait
, on doit y ajouter un huitième, qui eft le
mépris qu'on fait des pauvres prêtres.
'L ’ingrat puni.
cc Mathieu Gras perdit une bourfe de velours, ■
dans laquelle il y avoit cent ducats. Elle fut
trouvée par un pauvre compagnon, qui prmt un
d'iceux, 8c acheta un bonnet. Ce que venu a la
notice du perdant, vint à celui qui l’avoit trouvée,
le priant de la rendre ; ce qu'il fit foudainement,
difant voilà votre bourfe, il.ne s'en faut que d'ufl
ducat. Gras commence grandement à fe courroucer
, & difant avec colère, tu m'as volé msn
argent, je ne prendrai pas la bourfe que tout n'y_
foit ; & à la fin le fit citer pardevant le juge ,
lequel, après avoir ouï l'une 8c l'autre partie ,
'dit à Mathieu Gras: Tu as perdu ta bourfe où
il y avoit cent ducats ? Oui, dit Mathieu . Oh
bien, celle-ci n'eft pas la tienne, car il n’y en
a que nonante-neuf 5 difant aulïi à celui qui l'avoit
trouvée : Tiens , garde la , ce n'eft pas la fienne >
qu'il ia voife chercher s’il veut ». Voye-^un recueil
de facéties , mots fubt\(s , imprimé en 1582.
Soupe au caillou.
Deux moines paffant dans un village de Normandie,
entrèrent, à l’heure du dîner, dans la
maffon d’un payLn. Ils n'y trouvèrent point de
cuifine. Le pere 8c la mère étoient aux champs ;
& les enfans qui étoient de garde au logis rie
pouvoient être d'un grand fecours à ces religieux.
Ils leur allumèrent pourtant du feu & leur pré-
fentèrent du cidre ; mais ce n'étoit pas affez pour
des gens qui avoient envie de dîner. Dé peur d'effrayer
les petits payfans , les moines n'ofèrent pas
demander tout d un coup ce dont i’s avoient
befoin ;-mais, pour commencer par quelquecho.'e,
ils propofèrent d'abord unefoupe. On leur répondit'
qu il n'y avoit rien pour la faire. — Quoi ! dirent
les moines , vous ne favez donc pas "que 'nous
faifons nos loupes avec un caillou? — Un caillou,
répondirent ces pauvres enfans ; cela doit êtte
curieux. —■ Vraiment fans doute, dirent les reli-
g'eux, 8c très-curieux. Si vous voulez, nous vous
enfeignerons notre fecret; vous n'avez, pour cela,
qu’à nous donner de l'eau &.un caillou bien propre.
Ce qui fut dit, fut fait.
On leur porta des cailloux à choifir ; & après
qu'on en eut bien lavé un, 8c mis dans une.
marmite pleine d'eau, 8c que là marmite,eut été
pofée fur le feu, on s’afîit pour attendre qu'il fût
cuit. La marmite bouilloit à force, & le caillou
ne cuifoit point. Ces enfans y regardoient à tous
momens de la meilleure foi du monde. Enfin nos
; religieux, que la faim preffoit, commencèrent à
| s'impatienter. Ils accuferent l'eau de ce retardè-
[ ment, 8t dirent qu'il falloit qu'elle ne_ fut pas
bonne , /8c qu'on ne pourroit y remédier qu’en
jettaht du fel dedans. On leur .en donna ; mais
comme l’effet n'en fut pas affez prompt, ils crurent
qu'il feroit à propos d'y joindre auflï du
beurre.
Ces enfans, attentifs à cette nouvelle façon de
; faire de la foupe , don noient fout ce qu’on leur
demandoit ; fi bien que les moines, après avoir
obtenu fc fel, le beurre, les envoyèrent-au jardin
■ r
^cueillir des choux, des oignons, 8c toutes fortes
;de légumes, qui furent-plutôt cuirs que le caillou,
jp'eft aifez, dirent-ils alors , il n’y a qu'à dreflèr
le potage. On leur apporta^ du pain, ils firent
une foupe excellente ; le caillou lut fervi deffus
en guife de chapon, qn peu dur à la vérité;
aufîi n'y toùcha-t-on point. Les moines dirent
qu'il falloit l ’enfermer bien proprement, 8c qu'on
pouvait encore en faire une autre foupe. Cependant
celle-là fut trouvée bonne , au grand cton-v
nement des pauvres enfans , qui ne faifoient point
attention au fel, au beurre, ni aux choux qu'ils
avoient apportés pour faire cuire le caillou. Plu-
fieurs perfonnes riront de la fimplicité de ces
enfans, St , comme eux , fe bifferont attraper
par le premier aigrefin qui connoîtra la tournure
de leur efprit. " ; k
Tempête de Rabelais.
« En notre nauf étions avec Pentagruel le bon,
joyeufement tranquilles , & étoit la mer tranquillement
trifte ; car Neptune, en fon naturel, eft
mélancolique & fonge-creux, pour ce qu'il eft
plus flegmatique que fanguin. Bonaffe traîtreufë,
nous invitoit à molle oifiveté, 8c oifiveté nous
invitoit à boire: or à • bolffon vineufe mêlions
fauciffes f poutargue & jambons putrement falés,
pour plus faire fentir 8c contrafter fuavîté nectarine
, douce , non comme, mais plus que lait.
O h ! que feriez mieux, nous cria le pilote,"au
lieu d’icelles falines, manger viandes douces,
pour ce qu’incontinent, ne boirez peut-être que
-tropfalé, ce que difoit le pilote par pronoftica-
tion ; car pilotes, ainfi que chats en goutieres ,
fleurent par inftinâ: pluies & orages. Et de fait,
le. beau & clair jour qui luifoit, perdant peu-à-v
peu fa tranfparence lumineufe, devint d’ abord
comme entre chien & loup , puis brun obfcur ,
puis prefque noir , puis fi noir, fi noir , que
fumes faifîs de malpeur ; car autre lumière n'éclaira
plus nos faces blêmes & effrayées, que lueurs
d’éclairs fulminans par qrévemens de flambantes
nuées, avec mif.ions de tonneres tonigrondans
fur tous les tons & intonnations des orgues de
Jupin j les pédales, pou, dou, doit; ici cromornes,
ton , ron , ron , ron, 8c c ia , c ia , cia, cia, cia;
miféricorde, difoit Panurge , détournez l’orage,
onnez les cloches ; mais cloches ne Tonnèrent,
car en pleine mer cloches n'y avoit pour lors :
voilà tout en feu, vpilà tout en eau , bourafques
de vents, fifflemens horrifiques ; cela fait trois
élémens , dont de chacun trop avions ; n'y avoit
que> terre qui nous manquoit, firion pourtant que
fondrières marines furent fl profondes, qu'en
fin fond d’abîmes ouverts, eut-on pu voir harengs
fur fable, & morues engravées : or du fond d'iceux
abîmes, vagues montoient aux nues , & d'icelles
nues fe précipitoîent comme torrens, montagnes
d’eau, foi-difànt vagues j defqueües aucunes
tombant fur la nauf, Panurge, qui de frayeur ex-
travaguoit, difoit: Ho , ho , ho , quelle pluie*
eft ceci? vit-on jamais pleuvoir vagues toutes brandies
? Hélas ! be , b e , b e , be , je nage 5 bou ,
bou , bou.: ah ! maudit cordonnier, mes fou’iei s
prennent l'eau par ie collet de mon pourpoint.
Ah ! que cette boiffon eft amère. Hola , hola ;
je n’ai plus foif. T e tairas-tu, crioit frère Jean;
& viens plutôt nous aider à manoeuvrer. Où font
nos boulingues? Notre trinquet eft à vau-l’eau. -
Amis! à ces rambades > enfans! n'abandonnons
le tirados. A moi! à moi ! par ici , par là-haut,
par là-bas. Viens donc, Panurge ; viens, ventre de
fo! ; viens donc. Hé ! ne jurons point, difoit
piteufement Panurge ; rie jurons aujourd’hui, mais
demain, tant que tu voudras 5 il eft maintenant
heure de fairë des voeux & promettre pèlerinage.
H a , ha, h a , ha; ho, ho, h o , h o , je nage-;
boubi, boubous; fommes nous au fond? Ah! je
me meurs* Mais viens donc ici nous aider, crioit
frère jean; au lieu de moribonder, mets la main
à l'eftaranfol; gare la pane ; haut amure, amure
bas. Pefte. foit du pleurard, qui nous eft nuifîblé
au lieu de nous aider. Ha! oui, oui, oui, repre-
ncit Panurge, vous fuis nuîfible ; mettez - moi
donc à terre, afin que puiffiez à l'aife manoeuvrer
-tout votre faoul. Or icelle tempête, ou tourmente,
comme voudrez, commença à prendre fin à force
de durer, comme toutes chofes mondaines. Terre !
terre! cria le pilote : & jugez bien quelle jubilation
s'enfuivit, à quoi prit la plus forte part le
craintif Panurge , -qui , defeendant le premier fur
l'arêne, difoit : O trois 8c quatre fois heureux
jardinier, qui plante choux! car au moins' a-til
| un, 8c l'autre n'en eft éloigné que du fer de la
bêche »•
I.es jeunes mariés.
Le 18 o&obre 1609, la fille du comte de
Créqui, âgée de neuf à dix ans, avoit été accordée
en mariage au marquis de Rofni, fiis du
duc de Sulli. Le miniftre Dumoulin voyant approcher
la mariée , dit : Préfenteç-vous cet enfant
pour être baptifé ? La mariée, d’ailleurs , étoit catholique
8c voilée à la romaine.
Le curé & fa jument.
Un cu*c, monté fur fa jument, s’en alloit au
marché. Il apperçoit, dans fon chemin, un mûrier
chargé de très-belles mûres. Il fut tenté d'en
manger , & pour atteindre à l'arbre il fe mit debout
fur la Telle. C e mûrier étoit planté au milieu
d*un buiffon d’épines & de ronces. Le bon curé,
admirant la tranquillité de fa jument: « J e ferois
» dans un grand embarras, dit-il, fi quelqu'un
» alloit lui crier, he% ». Il prononça ce mot fi
haut, que la jument partit, 8c voilà notre cavalier
dans le buiffon. La femme au curé, dit le conte.
T t i