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ans que les moufquctad.es & moi nous nous c»ti-
noijfons j ne vous en met te^ pas en peine. Un autre
général voulant partager avec Lefdiguieres la gloire
de cette intrépidité, feignit de vouloir établir une
batterie dans un endroit fort découvert, le pria
d'y aller avec lui, & de l'aider de fes lumières.
Lefdiguieres prit fon homme par la main ; &
pouffant la témérité jufqu'à fon dernier période ,
lui dit : Nous ne voyons pas ajfc% bien d’ic i,
C lions plus avant ; je m’en vais vous montrer le
chemin. Alors celui qui le confultoit, le retint &
lui dit fans diflimulation : Ce ferait une folie d’aller
fi loin. Ils retournèrent fur leurs pas, après avoir,
par une efpèce de bravade qui étoit du goût du
fiècle , couru les plus grands dangers.
Le maréchal de Lefdiguieres abjura le calvi-
îiifme à Grenoble en 1 6 u . Dans le moment qu'il
fortoit de l’églife de Saint-André de cette ville
où il avoit fait abjuration , le maréchal de Créqui,
fon gendre, lui préfenta les.lettres par lefquelles
le roi le faifoit connétable. Ges lettres, entr’au-
tres éloges, en contenoient un bien rare, d’avoir
toujours été vainqueur, & de navoir jamais
été vaincu.
La reine Elifabeth avoit dit autrefois de cet
illuftre guerrier , qu’el'e eflimoir beaucoup, que
s'il y avoit deux Ltfdiguiéres zn France* elle en
demanderont un au roi.
LE T TR E S . Orez à l'homme le fecours des
lettres, ce n’elt plus qu'un être ifoléj il n'eft lié
qu'à ceux que le hafard a fait naître près de lui.
L e littérateur embralfe le monde encier dans fa
bienveillance; les lettres en étendant fon efprit
ont aggrandi fon coeur. Aux lieux ou naît l’au-
irore , comme dans ceux où finit le jour , par-tout
il trouve des êtres qui lui refiemblent, & par-tout
îl eft l'ami de fes femblabies.
Lorfque les foins de la guerre donnoîent au
célèbre Scipion l'africain quelques momens de
relâche, les lettres étoient fon unique déhflement:
il s’y l.vroit avec tant d'ardeur, qu'il difoit fouvent
qu':l n'étoit jamais plus occupé, que lorfqu'il étoit
de loifîr.
Le commerce du monde, difoit un homme de
beaucoup d'efprit, a fait fur les gens dt lettres,
ce que le cardinal de Richelieu fît fur les feigne
urs de château. Ceux-ci ont beaucoup perdu
en for tant de leurs terres, & ceux-là en fortant
de leurs retraites.
Un prince de l’empire, amateur des lettres,
demandoic à l’illuftre Leibnitz/qui revenoit d’une
cour étiàngère, s'J avoit eu de fréquentes converfa-
tions avec le f.-uverain? « Il ne m’a jamais parlé,
» répondit le philofophe. — A qui parloit-il donc,
» répartit le prince » ?
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Lorfque la paix eut enfin ceuronn? les voeux
de Henri I V , c'eft alors qu'il chercha à remettre
les lettres en honneur. Pendant les horreurs dç
la ligue, & depuis le meurtre.de l’illuftre Ramus,
elles avoient fui loin d’un féjour fouillé du fan g
de fes plus chers «ourriffons. Le collège Royal,
déferté depuis plus de vingt ans, étoit abandonné
aux plus vils ufages par les tyrans. L'un des premiers
foins de Henri fut d'y rappeller les fciences
fugitives. Peu de jours après fon entrée dans la
capitale, Paflerat, l’un des plus beaux efprits de
ce fiècle, ouvrit les écoles publiques par un discours
éloquent, mêlé de plaintes fur les malheurs
pafies-, & d'éloges touchans du fécond
reftaurateur des lettres. Les profefleurs furent
tous rappelés. Admis à l'audience du monarque,
ce prince les entretint avec cette aimable familiarité,
cette popularité charmante qui lui gagnoît
les coeurs. Henri donna les ordres les plus précis
pour qu'ils fufient exa&ement payés de ce. qui
leur étoit d û , leur annonça qu'il augmentoit leurs
honoraires de moitié ; puis fe tournant vers les
courtifans : «c O u i, d i t - i l , j’aime mieux qu'on
» diminue ma dépenfe, & qu’on ôte de ma table
» pour payer mes leéleurs ; je veux les conten-
*» te r ; M . de Rofni les paiera — Meilleurs ,
» ajouta Rofni, les autres vous ont donné du
» papier, du parchemin, de la cire ; le roi vous
» a donné fa parole, & moi je vous donnerai de
» l’argent »•
Les lettres anonymes aux maris ne font que trop
fréquentes. Un homme en avoit reçu plufieurs
fur le compte de fafemme, qui étoit très-galante*
Il en avoit aufli intercepté d’elle à fes amans.
Il jugea à propos de ne lui en rien dire; connoif*
fant apparemment l’inutilité de cette démarche *
il la trairoit fort bien , & lui laifloit même efpérer
une partie fort confîdérable dans fa fucceflion.
li étoit vieux , & dans un pays ou les lotx permettent
de donner à fa femme. Il tomba malade ;
elle ne le quitta pas un moment, & fe défefpé-
roit, comme elle favoit bien faire. Auflitôt qu’il
fut mort, un ami de fon mari lui remit un paquet
cacheté, & dont l ’adrefie étoit pour elle
feule; c’ étoient les lettres d’ avis qu’il avoit reçues,
& celles qu’il avoit interceptées, avec ces
mots au-deffus : T u vois, ma chère femme, que
je n’ai pu faire davantage pour toi.
L etTR es hier 06LYPHIQUES. Sous le règne de
Charles V I , la plupart des chevaliers qui allbient
aux tournois, p^rtoient dts . lettres brodées fur
leurs habits & fur leurs cotres d’armes ; l’un de-s
O & des A, pour dire fidelta, fidélité. Un autre,
dont la maitrefle avo t nom Diane, déefîe qui
s’appelle aufli Hecate.3 avoit femé fes caparaflons
d’E , de K & de T .
LIBELLE. Voltaire a dit, à propos de l’auteur
d’un libelle qui a eu quelqu’efpèce de vogue :
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* Il vaudront beaucoup mieux être le laquais d’un
» bel efprit, que le bel efprit d’un laquais ».
LIBERTÉ. La liberté confifte à n’obéir qu’ aux
Ioix. Il en eft de la liberté, a dit un fage, comme
de l’innocence & de la vertu, dont on ne fent
le prix qu’autant qu’on en jouit foi-même, &
dont le goût fe perd lïtôt qu’on les a perdues.
Je connois les délices de ton pays, difoit Brafidas
à un fatrape, qui comparoit la vie de Sparte à
celle de Perfépolis ; mais tu ne peux connoître les
plaifirs du mien.
Fête de la liberté a Philadelphie.
Dans la grande falle où le corps légiflatif étoit
affemblé, on avoit placé un fauteuil élevé fur
une eftrade, & furmonté d’un dais. On y vovoit le
livre de la loi ou les conftitutions de l’Amérique. ;
Une couronne garnie de joyaux couvroit ce livre
refpe&able. Ce fut dans cette féance que le général
Washington fe démit folemnellement du
commandement dont il avoit été honoré, commandement
qu’il fit fervrr avec tant de gloire au bonheur
de fes compatriotes. Lorfque cette cérémonie
fut terminée , le Fabius de l ’Amérique
feptentrionale fut prendre la couronne fur- le
livre de la lo i, & montant fur un balcon, au
bas duquel une foule prodigieufe étoit raflemblée,
il la montra au peuple, la brifa devant fcsyëux,
& lui en jetta toutes les pièces. L’hiftoire des
anciennes républiques n’ offre rien de femblable à
la grandeur de cette fcène.
L ’hiftoîre ancienne eft remplie d’a&ions les plus
courageufes produites par un v if amour de la
liberté. L’hiftoire moderne nous en offre quelques-
unes qui peuvent leur être comparées. Philippe II
avoit en 1 574 fait inveftir la ville de Leyde, pour
la foumettre au joug efpagnol. Les afliégeans,
inftruits qu’il n’y avoit point de garnifon dans la
Ville, y jettèrent des lettres pour engager les ,
habitans à fe rendre. On leur répondit, du haut
des murailles, qu'on favoit que le deflein des
efpagnols étoit de réduire la place par la famine ;
mais qu’ils n’y dévoient pas compter', tout le
temps qu’ils entendront les chiens aboyer; que,
lorfque ce fecours 8c tout autre efpèce d’alimens
manqueront, on mangera le bras gauche, tandis
qu’on fe fervira du droit pour fe défendre; que
privé enfin de to u t , on fe réfoudra. plutôt à
mourir de faim qu’à tomber entre les mains
d’un ennemi barbare. Après cette déclaration ,
on fit une monnoie de papier avec cette inf-
cription : Pour la liberté. C e papier fu t , après
le fiège, fidèlement converti en monnoie d’argent.
( De Thou ).
Un lacédémonien interrogé fur ce qu’il favoit :
être libre, dit-il.
On fait que pour la proclamation d’un roi de
Pologne, il faut un confentement général. Lors
du couronnement de Ladiflas, frère 2Îné ‘du roi
Cafimir, le primat ayant demandé à la noblefle
fi elle agréoit ce prince, un fimple gentilhomme
répondit que non. On lui demanda quel reproche
il.avoit à faire à Lidiflas : aucun, répondit-il;
mais je ne veux point qu’ il foit roi. 11 tint ce
langage pendant plus d’une heure, & fufpendit
la proclamation. Enfin, il fe jetta aux pieds du:
ro i, & dit qu’il vouloit voir fi fa nation étoit encore
libre ; qu'il étoit content, & qu’il donnoit
fa voix à fa majefté.
Quelqu’un confeilloit au célèbre Hippocrate
d’aller à la cour d’Artaxerxès, roi de Peife, lui
difant que c’étoit un bon maître : « Je ne veux
» point de maître , quelque bon qu’il foit » , répondit
Hippocrate.
LIVRE UN IQ UE . L’empereur Rodolphe
offrit onze mille ducats pour un livre qu’on a vu
en 1640 dans le cabinet du prince Lingen :
c ’étoit le livre de la paflîon de Notre-Seigneur ,
avec des figures & des cara&ères qui ne font
d’aucune matière.
Les feuilles de ce livre étoient des parchemins^
fur lefquels on avoit découpé avec un canif tous
les traits des lettres qu’on a coutume d’imprimer
fur le papier ; de forte qu’en mettant entre les
feuilles un papier noir, ou bien en les regardant
par le revers au grand jour , tous les mots pou-
voient être clairement lus.
L O C K E , (Jean) né en 1632, mort en 1704«
Locke, s’eft principalement rendu recommandable
par fon EJfai philofophique fur C entendement
humain. Dans cet efiai il recherche l’origine , l’étendue
Sc la certitude des connoifîances dont
l’homme eft capable. Il lui montre fes forces -, il
l’empêche de s’abandonner à une lâche oifiveté
ou d’embrafier un dangereux pirrhonifme. Cet
illuftre métaphyficien s’étoit concilié l’ cftime de
ceux avec qui il vivoît, par fa probité, par fa
droiture, par le vrai qu’ il mettoit dans fes actions,
dans fes difeours , dans fes démarches.
Il avoit été d’abord aflez porté, comme il l ’a-
vouoit lui-même, à donner à fi.s amis les con*
feils * qui pouvoient leur être néceflaires ; ma;s
ayant éprouvé que la plupart des hommes, ai*
lieu de tendre les bras aux confeils , y ten-
doient les griffes, il devint plus refervé fur cet
article.
Locke fouffroit impatiemment que des hommes
éclairés fe raflemblaflent pour s’occuper de jeux,
la reffource ordinaire des efprics oififs de vuides
de connoiflances. Le duc de Buckingham ,
myioid Halifax, & d’autres feigneurs qui avoient