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cèdent * & Warwick oblige Edouard à quitter
lsAngleterre. Aufli-tôt il va à la tour de Londres ,
8s replace fur le trône le prince qu'il en avoit fait
defcendre. Edouard eft déclaré ufurpateur par un
parlement j lâche, organe de. la volonté du plus
îort. Cependant Edouard IV, après fept mois
d'exil 3 rentre dans Londres , & Henri VI eft replongé
dans fa prîfon. Marguerite arrivoit alors
avec fon fils 3 le prince de Galles : elle apprend
fon nouveau malheur $ mais il lui refte Warwick 3 & rien n'eft encore défefpéré. La fortune, dans
un moment, peut changer. Cette reine fe nour-
riffoit de cet efpoir, lorfqu'on lui apprît que
Warwick , fa dernière reffource, venoit d'être
. tué, 8c qu'Edouard IV étoit vainqueur.
Qui croiroit que l'infortunée Marguerite pût
encore fe relever de tant de défaftres ? Elle raf-
femble une nouvelle armée, & livre bataille à
Edouard ,près des bords de la Saverne,. dans le
parc de Teuksbury. Ce fut la dernière : le génie
d'Yorck l'emporta cette fois. Le jeune prince de
Galles , fait prifonnier, fut préfenté à Edouard,
qui lui demanda , « qui l'avok rendu fi hardi que
*> d'entrer dans fes états? Je fuis venu dans les
» états de mon père, répondit le prince , pour le
» venger > ,8c pour fauver de vos mains mon héri-
M tage ». Edouard, irrité , le £ appa de fon gantelet
au vifage J 8c les hiftoriens rapportent que
les frères du Roi fe jettèrent fur lui comme des
bêtes féroces, 8c l’anaifinèrent. L'infortuné Henri
VI , qui jufques-là avoit été épargné , fut maffia
cré dans la prifon , & Marguerite ne dut fa vie
qu'à l'efpoir qu'Edouard conçut que les françoîs
paieroient fa rançon. Cette reine fut racheté pour
cinquante mille écus. Elle foütint les droits de fon
mari & de fon fils dans douze batailles , 8c mourut
en 14S2. Elle fut la mère 8c l'époufe la plus mal-
heureufe, & fans doute la plus refpeétable, fans
le meurtre de l'oncle de fon mari.,
A njou (René d')» René à* Anjou, Roi de
Naples 8c de Sicile , & comte de Provence , avoit
un goût extraordinaire pour tous les beaux arts 3 ‘
il aimoit éperduement la poéfie 8c la peinture 5. il
fit une quantité prodigieufe de vers 8c de tableaux.
Il ornoit des uns 8c des autres les appartemens
de fes palais, & les chapelles des égîifes : mais fa
grande paffion étoit de faire repréfenter quelques-
uns de nos myftères, pendant les procédions des
Fêtes folemnelles : il n'épargnoit pour cela ni dé-
penfes, ni foins : il s'en faifoît une occupation fi
L'rieufe , qu'étant en Provence, & ayant reçu des
lettres du Prince de Calabre fon fils, qui lui de-
mandoît un prompt fecours , il écrivît pour toute
’ rêponfe, qu il avoit bien autre chofe à faire , 8c
qu'il travaîîloit actuellement à régler la marche
d'une proceflîon..
ANNE D'AUTRICHE, mère de Louis XIV.
Cette Reine donna toute là confiance au cardinal
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Mazarin : mais apprenant que fon fils Vouloit
époufer fa nièce. « Si le R o i, dit-elle à Ma-
» zarin, étoit capable de cette indignité, je me
» mettrois, avec mon fécond fils, à la tête de
» toute la nation contre le roi & contre vous »,
La reine avoir plus que perfonne que j'aie vue,
dit le cardinal de R e tz , cette forte d'efprit qui
lui étoit nécelfaire pour ne pas paroître fotte à
ceux qui ne la connoiffoient pas. Elle avoit plus
d’aigreur que de hauteur, plus de hauteur que
de grandeur, plus de manières que de fonds,
plus d'application à l'argent que de libéralité,
plus d’intérêt que de défintérenement, plus d'attachement
què de paflion , plus de dureté que
de fierté, plus de mémoire des injures que de^
bienfaits, plus d’intention de piété que de pîété ,
plus d'opiniâtreté que de fermeté , plus d'incapacité
que tout ce que deftus.
Anne d'Autriche, avoit la peau fi délicate, qu’on
ne^ pouvoit trouver de batifte afiez fine pour lui
faire des chemifes & des draps. Le cardinal Ma-
zarin lui difoit, « que fi elle alioît en enfer, elle
» n'auroit d'autre fupplice que celui de coucher
» dans des draps de toile de Hollande.
A n n e , Rçine d'Angleterre, morte 601714;
La duchefife de Malborough avoit pris un tel
afcendant fur l'efprit de cette princeffe , qu'elle
ofa lui écrire, après un petit différend : « Rendez-*
» moi juftiee , 8c ne me faites point de répenfe.
Du temps de la reine Anne d'Angleterre, le
capitaine Hardy, dont le vaifteau étoit dans ld
parage de la baie de Lagos , reçut un avis certain
que les gallions d'Efpagne étoient arrivés dans le
port de V ig o , fous l’efcortede dix-fept vailfeaux
de guerre , il mit auffi-tôt à la voile fans attendre
d'ordre, 8c alla porter cet avis à l’amiral Georges
Rook,. qui en profita, & prit les gallions , après
avoir détruit 8c diflipé la flotte. Lorfque la victoire
fe fut déclarée pour lui, l'amiral ordonna
qu'on amenât le capitaine Hardy fur fon bord*
Dès qu'il l'apperçut, il lui dit <Tun air févère î,
£* vous venez de rendre un fervice important à la
» i^ine 3- votre diligence a ajouté à ta gloire & aux
» richeffe de votre pays : vous êtes en même-temps
» coupable 3 ignoriez-vous que vous expofiez votre
»vieen quittant votre pofte fans ordre ? --Celui
» qui fongeroit à fa vie , lorfque la gloire 8c Vin-
» térêt de fa fouveraine & de fon pays exigent
» qu'il la hafarde , reprit le capitaine ne méri-
» teroit pas de remplir une commiffion de capî-
l? tafne à fon fervice ». L'amiral, frappé de cette
réponfe, l'enyoya porter la première nouvelle db
la victoire à la reine Anne -, qui fur-le-champ le
créa chevalier, 8c le fit contre-amiral.
AN N EAU . On appelle anneau un petit corps,
circulaire ^uc l'on met au doigt,, foit pou#
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fervir d’ornement, foit pour quelque cérémonie.
L'évêque porte un anneau , comme le gage du
mariage fpirituel qu'il a cofttra&é arec fon
églife.
L'ufage de Vanneau pour fceller les lettres eft
de la plus haute antiquité. Chez les grecs, les
anneaux étoient quelquefois de différens métaux
mêlés., comme d'or 8c d'argent, &c. Les romains
fe contentèrent long-temps èV anneaux de fer.
Pline aflure.que Marius fut le premier qui en porta
un d-'or. Lorfque les romains eurent adopté
l’ufage de joindre aux anneaux des pierres gravées,,
ils les portèrent à la main gauche, 8c
c'étoit un ridicule de k s porter à la main droite.
Le luxe des anneaux, fe multiplia tellement qu'on
én porta à tous les doigts , 8c même à toutes les
jointures. On en eut pour toutes les faifons, en-
fuite pour toutes les femaines. Enfin l'empereur
Héliogabale finit par ne jamais mettre un anneau
deux fois.
Il n'y a prefque aucune partie du corps qui,
chez différens peuples , n'ait été ornee d'un anneau,
Beaucoup de nations en portent encore aux
oreilles.
. Dans les Indes orientales, les naturels du pays
portoient des anneaux au nez, aux joues , aux
lèvres & au menton. Les habitans de Guzarate
ont porté des anneaux aux pieds. Lorfque Pierre ^
Alvara eut la première audience du roi de Calicut,
il le' trouva tout couvert de pierres précieufes en-
chaflees dans des anneaux,
L ’anneau., chez les anciens , n’étoit pas feulement
un ornement, mais fervoit encore à diftin-
guer les états & les conditions.
• L3anneau d’or n'étoit porté que par les chevaliers
romains 8c les fénateurs qui avoient été chargés
de quelque ambaflade. Le peuple portoit Vanneau
d'argent , & les efclaves Vanneau de fer.
• L'anneau du mariage qu'on donne encore parmi
nous étoit en ufage chez les hébreiuç.
DeBréville, dans fes antiquités de Paris, dit que
c'étoit autrefois une coutume de Te fervir d * anneau
de jonc dans le mariage, lorfqu'on avoit eu avec la
future un commerce illicite.
Les anciens germains portoient un anneau de
fer pour marque d'efclavage, jufqu'à ce qu’ils
eufient tué un ennemi de la nation.
ANNÉE P LA TO N IQ U E . Deux allemands
étant au cabaret, & parlant de cette grande année
platonique 3 où toutes les chofes doivent retourner
à leur premier é t a tvoulur ent , faire accroire
au maître du logis qui les écoutoit attentivement,
qu'il n'y avoit rien de fi vrai que cette révolu-
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tison ? de forte, difoient-ils, que dans fefee mille
ans d'ici : nous ferons à boire chez vous à pareil
jour , à pareille heure, dans la même maifon , & c .
8c là-deuiis ils le prièrent de leur faire crédit juf-
quçs-là. Le cabaretier leur répondit qu'il le vouloit
bien 5 mais, dit-il, parce qu'il y a feize mille
ans , jour pour -jour , heure pour heure , que vous
étiez à boire, ici comme vous faites, & que vous
vous en allâtes fans payer, acquittez le paffé ,
8c je vous ferai crédit.
ANNIBAL . Annibar fembloit né pour mettre
dans les mains des carthaginois le fceptre du
monde que Rome a long-temps confervé. Sonr
pafifage en Italie, par les Alpes,fufïïfoit feul pour
rendre fon nom immortel. Il remporta fur les romains
les célèbres victoires de Téfin , de Trébie ,
celle du lac de Thrafîmène, 8c ceHe de Cannes,
après laquelle il envoya à Carthage trois boiffeaux
d'anneaux d’or de ^30 chevaliers romains qui
périrent dans cette journée.
Après la ruine de Carthage , Annibal s’étant réfugie
chez Prufias, & . ne s’y trouvant point en
sûreté contre la haine des romains, prit un poi-
fon fubtil qu'il portoit depuis long-temps dans fa
bague. Ce fut l’ an 183 avant J. C . Il avoit foixante-
quatre ans.
C ’eft à ce même Prufias qu 'Annibal confeilloit
de livrer bataille à l'ennemi. « Je n'ofe, répon-
». dit le prince, les entrailles de la victime ne
» m'annoncent rien dé bon. — Eh quoi ! repriç.
» vivement A n n ib a l, eir croyez-vous plutôt unç
» miférabîe charogne qu'un vieux général » ?
: Annibal étoit né foldat, & l'exercice continuel
des armes en fit un grand capitaine. C e fut dans
la fécondé guerre punique qu'il fit éclater ces ta-
lens fupérieurs qui lui donnèrent tant d'avantages
fur les généraux romains : toujours jufte dans fes
projets, clés vues immenfes, le génie admirable
pour distribuer : dans le temps l'exécution de fes'
deffeins , toute l’adreffe pour, agir , fans fe laïffer-
appercevoir , infini dans les expédiens, auflt habile
à fe tirer du péril qu'à y jetter les autres 5 du
refte, fans foi, fans religion, fans humanité', 8c
cependant ayant fu fe donner tous les dehors de
ces vertus.,: au tant qu’il conyenoît à fes intérêts.
Annibal étoit fils du carthaginois Amilcaf , fè
plus‘implacable ennemi de Rofrie. Lorfqu'il n'a?»
voit encore que - neuf ârisT fohi;pèrè lui fit juret'
fur^ les autels une haine éternelle .-contre les romains
y 8c l'on peut dire que jamais ferment a'*
été mieux obfervé.
: Maharbaî, général de la cavalerie çarthagînoîfe,'
: avoit confeîllé à. Annibal de ne-pas perdre un mo-‘
ment après la viéfoire remportée a Cannes , 8i
de marcher droit.à Roinq. , Annibal lui répondis *
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