
de refprît & de la le&ure, s’étoient donné rendez
vous, chez mylord Ashlcy, plutôt pour s’entretenir
enlemble que pour affaires. Locke étoit
de cette affemblée. Après quelques compiimens,
on apporta des cartes pour jouer, fans que l’on
eut entamé aucune con ver fanon. Notre philo-
fophe regarda ces meilleurs jouer pendant quelque
temps j après quoi ayant tité fes tablettes de fa
poche, il fe mit à éciire avec beaucoup d’attention.
Un de ces feigneurs s’en étant apperçu,
lui demanda ce qu'il écrivoit. « mylord, dit-il,
M je tâche de profiter autant que je puis en votre
39 compagnie} car, ayant attendu avec impa-
» tience l’honneur d’être préfent à une affemblée
30 des hommes les plus fages & les plus éclairés
» de notre fîècle, & ayant enfin ce bonheur, j’ai
» cru que je ne pouvois mieux faire que d’écrire
•» votre converfation, & j’ai déjà écrit ce qui s’ell
°* dit depuis une heure ou deux ». Il ne fut pas
néceffaire que Locke lût beaucoup de ces dialogues
, ces feigneurs en fentirent aifément le ridicule.
Ils quittèrent auflitôt le jeu, & s’entretinrent
fur des objets plus dignes d’eux & du philofophe
anglois.
Locke prédit en quelque forte le moment de
fa mort, & fon pronoftic étoit fondé fur ce qu’il
fentit au commencement d’un été un nouveau
degré de vigueur dans fon tempérament.
Il demanda quelque liqueur, & but à la fanté
de ceux qui fe trouvoient auprès de lui, en leur
difant ; Je vous fouhaite à tous du bonheur. Il les
exhorta à regarder ce monde feulement comme
un état de préparation à un meilleur. Il ajouta
qu’ il avoit vécu affez long-temps, & qu’il re-
mercioit Dieu de lui avoir fait paffer des jours
tranquilles 3 mais que cette vie ne lui pafoiffoit
qu’une pure vanité. Pendant qu’on achevoit de
l ’habiller, il pria la perfonne qui le gouvernoit,
& qui lifoit tout bas dans un pfeautier, déliré
haut: elle le fit, & il parut très-attentif jufqu’à
ce que les approches de la mort l’en empêchèrent.
Il pria alors cette même perfonne de ne plus lire,
& peu de minutes après il expira.
L O C KM A N , philofophe renommé chez les
orientaux. Les auteurs arabes le font naître en
N u b ie , vendre comme efclave chez les Ifraéiites
fous David & Salomon , 3e rapportent de lui
plufieurs particularités affez femblables à celles
dont on a pris plaifir d’embellir la vie d’Efope.
On a publié à Paris en 17 14, une tradu&ion fran-
çoife des fables de Lockman & de Pilpay, philofophe
indien.
Le maître de Lockman , füi ayant donné à
manger un melon amer, il le mangea tout entier.
Son maître, éeonné de cette aftion d’obéiffance,
Jui dit : a Comment avez-vous pu manger un fi
9 mauvais fruit ? J'ai reçu, lui répondit Lock-
| M fnan3 fi fourent de votre part des doucébrs;
» qu’il n’ eft pas étrange que j’aie mangé, un®
» feule fois en ma v ie , un fruit amer que vous
» m’avez préfenté ». Cette réponfe généreufe de
l’efclave, toucha fi fort fon maître, qu’il lui accorda
auflitôt la liberté.
Des folitaires avoient volé une caravane j les
marchands les conjuroienr, les larmes aux yeux,
de leur laiffer du moins quelques provifîons pour
continuer le voyage ; les folitaires furent inexorables.
Le fage Lockman étoit alors parmi eux»
& un des marchands lui dit : » Eft ce 'ainfi que
» vous inftruifez ces hommes per-vers ? » Je ne les
inftruis pas , dit Lockman, que ƒ'croient - ils de la
fagejfe ? » Et que faites-vous donc avec les mé-
» chaos? » Je cherche, dit Lockman, a découvrir
comment ils le font devenus.
On demandoit à ce fage de qui il avoit appris
la fageffe : «. Des aveugles, dit-il, qui ne pofene
» point le pied fans s’être affurés de la folidité du
» terrein ».
LOIX. Deux loïx gouvernent le monde, difoîfi
un jour un célèbre avocat, à M. Trudaine : «La
» loi du plus fort & celle du plus fin ».
Quelqu’un ayant demandé à Solon, fi lès loi*
qu’il avoit données aux Athéniens., étoient les
meilleures qu’on pût leur preferirej oui, répondit-
i l , les meilleures qu’ils fûffent capables de recevoir.
« Où il y a beaucoup de médecins, il y a
» beaucoup de malades , difoit le philofoph«
» Arcéfilas 3 de même, ou il y a beaucoup de
» loix, il y a beaucoup de vices ».
Parmi les Taprobaniens, il y avoit une loi 9
qui portoit qu’on ne devoit vivre qu’un certain
nombre d’années, après quoi il falloit aller de
gaîté *de coeur, fe coucher fur une herbe vé-
nimeufe qui tuoit, fans caufer aucune douleur,
mais faifant doucement paffer d’un fommeil tranquille
au fommeil de la mort.
Chez les grecs, il n’y avoit point d’ officier
public, chargé par l’état de rechercher les meurtriers
3 les parens du mort avoient feuls le droit
d’en poufuivre la vengeance.
Canut, roi de Dannemark, ayant tué un de
fes gardes dans l’ivreffe, defeendit du trône,
demanda d’être jugé comme un particulier ,
puifqu’il avoit violé les loix, qu’il avoit portées
lui-même. Mais perfonne n’ofant prononcer contre
lu i, il fe condamna à payer le quadruple de la
taxe réglée pour un homicide, fans referve du
quart que la loi lui attribuoit.
La loi qui ordonne de laiffer les enfans entre
les mains des femmes jufqu’ à l’âge de 7 ans, remonte
à l’enapereur Julien.
Une loi d'Athènes crd&nnoit que ceux qui
•auroient été ëitroprés à la guerre, feroient nourris
aux dépens de l’état : la meme grace^ etoit^ accordée
aux pères 6c aux mères, aufîi bien qu aux
enfans de ceux qui étant morts dans les combats,
laiifoient une taraiIk pauvre & hors d’état de
fubfifter. L ’antiquité fait honneur de cette loi
à Pififtrate , qui s’empara du gouvernement
d’Athènes, vers l’an 7^0 avant Jéfus-Chrift.
A Rome, dès qu’un père déclarait ne' pouvoir
nourir fon enfant, l’état en étoit chargé, l’enfant
devoir être nourri & élevé- aux dépens de
la république. Çonftantin voulut que cette loi
fût gravée fur le marbre, afin qu’elle fut eter-
•nelle.,
Les allemands avoient une loi fort finguliere.
'-« Si l’on découvre une femme à la tête, on
as payera une amende de fix fols} autant fi c elt
» à la jambe, jufqu’au genou; le double depuis
» le genou.... ». Il femble ajoute M. de Mon-
tefquieu, que la loi mefuroit les outrages faits a
:1a• perfonne des femmes, comme on mefure une
figure de géométrie : elle ne puniffoit point le
jcrime de l’imagination, mais celui des yeux.
LONDRES. La ville de Londres eft à-peu-
près de la grandeur de Paris. Le nombre de fes
habitans doit être égal. Les anglois difent que
leurs murs, bâtis par Çonftantin, fe font accrus
au point d’avoir trente milles de tour. L incendie
<le 1666, y confuma treize mille maifons de bois,
ifaint Paul & d’autres églifes : la perte fut eftîmée
»deux cents millions de France. En trois années
dix mille maifons furent rebâties, & cent édifices
publics de pierre ou de brique ornèrent
cette grande cité , dont on s’attacha a élargir
îles rues. Les plus riches citoyens voulurent embellir
les quartiers détruits par le feu 5 mais tous
leurs efforts ne fervirent qu’ à prouver le peu de
progrès qu’ils ont faits dans l’architecture & le
goût des ornemens. Nous n’en dirons pas autant^
de l’étendue de leur génie dans les fciences de
calcul, & de tout ce qui peut fervir à l’amélioration
de leur commerce. Cette ville étoit déjà
très-célèbre par fon commerce du temps de Ta-
cïte copia negociatorum ac commeatuum maxime
celebris ; mais Ammien-Marcellin a été plus loin,
il a tiré l’horofeope de fa grandeur future. Lon-
dinium, dit-il, vêtus oppidum , quod Auguftam
pofteritas appellabit. M. de Voltaire la préfente
dans la Henriade, comme le centre des arts, le
magafin du monde & le temple de Mars.
Londres jouit du beau privilège de fe gouverner
elle-même} elle a fes cours de juftiçe ,
dont la principale eft nommée commun -concil,
le confeil-commun : c’eft une efpèçe de parlement
anglois xrompofé de deux ordres. Le lord-
$naire & les échevins, qui forment la chambre
haute, & deux cents trente-un membres, choifis
dans les différens quartiers, repréfentent la chambre
des communes} le confeil commun a feul le droit
d’honorer un étranger du droit de bourgeoifie,
il fait les loix municipales, qui lient les citoyens
entr’ eux } l’évêque de Londres règle les affaires
eccléfiaftiques.
On compte dans Londres cinq mille rues, environ
cent mille maifons Se un million d’habitans.
Cinq cents gros navires y portent journellement
du charbon de terre. Vingt mille mariniers font
employés fur laTamife, qui eft la rivière la plus
avantageufe de l’Europe pour la navigation : fon
courant eft aifé, fes marées font commodes, &
fon eau fe purifiant dans les voyages de long-
cours, devient bonne à boire, quand on en a
le plus de befoin. C ’eft à cette rivière qu’eft due
la grandeur & l’opulence de Londres.
Quelle incomparable puiflance
Fait fleurir fa gloire au-dehors!
Quel amas d’immenfes tréfors
Dans fon fein nourrit l’abondanc» l
La Tamife, reine des eaux,
Voit fes innombrables vaiffeaux
Porter fa lo i dans les deux ondes ,
E t forcer jufqu’au dieu des mers»
D ’enrichir fes rives fécondes,
Des tributs de tout l ’univers.
M. Thompfon parle de laTamife en ces termes
magnifiques. « Belle Tamife, vafte, douce, pro-
» fonde, & majeftueufe reine des fleuves, tu fus
» deftinée à faciliter ton premier reffort , le
» commerce. C 'e ft fur tes bords quon voit s’é-
» lever une foule de mâts, femblable à une-’
” forêt dans l’hiver. Les ancres fe lèvent, les
» voiles fe guindent, le navire s’ébranle j la
» fplendide berge voguant tout autour, étend
» fes rames femblables à des ailes} les cris dut
» départ fe répandent & .font retentir la rive 5
» le vaiffeau fend les ondes, & va porter au.
» loin la globe & le tonnerre britannique ».
Sous le règne de la reine Elifabeth, Gresham,’
marchand de Londres 9 y bâtit à fes dépens la
bourfe, un collège, cinq hôpitaux , & laiffa un
fonds pour nourrir, les prifonniers. Hervée ,
qui, le premier, s’apperçut que le fang circule
dans nos veines, donna fa maifon & fon bien
à la faculté de médecine. Le chevalier Middle-
ton, chagrin de voir un quartier de. la ville privé
d’eau , y fit à frais immenfts, paffer une rivière.
Le chevalier Cotton a légué la bibliothèque de
Weftminfter 5 celle du duc de Norfolk eft à la
fociété royale, fondée par Charles II ; ainfi ,
des citoyens zélés ont concouru à l’embelliffe-
ment de la Capitale.
L e maire de Londres, chef d’une juiïfdiètka