
en pouffant des gémlffemens. Une table qui étoit »
aux pieds du lit fut renverfée , & fes rideaux 1
s’entr'ouvrirent avec bruit. Un inftant après, le j
guéridon qui étoit dans la rue le , fuf culbuté, 8c
le fantôme s'approcha de la dame ; •elle de fon
côté , peu troublée , allongeoitMes deux mains
pour fentir s'il avoit une forme palpable. En
tâtonnant ainfi , elle lui fai lit les deux oreilles ,
fans qu'il y fit aucun obftacle. Ses oreilles étoient
longues & velues ; ce qui lui donnoit beaucoup
à penfer. Elle n'ofoit retirer une de fes mains
pour toucher le relie du corps , de peur qu’il
ne lui échappât ; & pour ne point perdre le
fruit de fes travaux , elle perfifta jufqu'à l'aurore
dans cette pénible attitude. Enfin, au point du
jo u r , elle reconnut l'auteur de tant d'alarmes
pour un gros chien allez pacifique , qui n’ aimant
point à coucher à l'air» avoit coutume de venir
chercher de l'abri dans ce lieu» dont la ferrure ne
fermoit pas.
Madame des Houltéres laiiTa en mourant une
fille , Antoinette des Houlieres , qui hérita de fon
talent pour la poëfie. Les premiers vers de cette
deinoifelle méritèrent le prix de l’académie fran-
çoife j ce qui lui fut d’autant plus glorieux » qu'on
rapporte que Fontanelle avoit travaillé fur le même
fujët. Elle eft morte en 1718.
HUET» (Pierre-Daniel) né à Caen en 1630»
mort, en 1711.
La démonftration évangélique de M. Huet,
fut regardée comme un ouvrage rempli d’érudition
81 vide de preuves 5 ce qui a fait dire à beaucoup
de perfonne-s j qu’il n'y avoit de démontré
que la grande leélure de l'auteur.
Quand M. Huet compofa la cenfure de la
phiiofophie de Defcàrtes, il étoit piqué contre
fes cartëfiens. Il trouvoit mauvais que ces phi-
lofophes pîéféraffent infiniment ceux qui cultivent
leur raifon, à ceux qui ne font que cultiver
leur mémoire. Quoi » dit-il, parce que nous
fommes favans » nous deviendrons le fujet de la
piàifânterie des cartéfiens !
Les favans qui fleuriffoient il y a deux fiècles,
dit M. Huet, me paroiflent, à.raifon du peu de
fecours qu'ils avoient, beaucoup plus eitimables
que ceux d'aujourd'hui. Je trouve entre un favant
d'alors & un d'aujourd’hui » la même d.fférénce
qu'entie Chrillophé Colomb, découvrant le nouveau
monde , & le maître d’un petit bâtiment qui
paflfe journellement de Calais à Douvres.
Je ne lis jamais , dit M. Huet, mes lettres
le foir avant de me mettre au l i t , ,rni fur le
midi avant de me mettre à table. On trouve
ordinairement dans les lettres bien plus de mauvaifes
nouvelles que de bonnes, & en lés lîfant,
on fe donne à foi-même des fujets d'inquié-,
tude, qui troublent le repos & lé repas.
H UM AN IT É . Dans les âmes les plus communes
, on découvre fouvent les plus grands traits
d’héroïfme & de vertu. Un particulier opulent
le tranfporte dans fon équipage à la campagne,
dans le deffein de faire remettre à un fermier une
corbeille contenant un dépôt qu'il defiroit confier
à des mains flires 8c fidelles; A une lieue ou
environ.de l'habitation du fermier, il rencontre.un
payfan qui travailloit à fon champ : il l'appelle ;
lui propofe de porter cette corbeille au fermier
qu'il lui indique, & une fomme de douze livres
pour fa peine. Le payfan, chemin faifant, fent
quelque chofe remuer dans cette corbeille 5 fa
furprife augmente, quand il entend des cris} il
découvre la corbeille, & apperçoit un petit enfant.
Arrivé chez le fermier, il conte fon aventure.
Le fermier & fa femme refufent la corbeille
& l'enfant. Le bon payfan, après avoir repréfenté
l’injuftiçe de leurs procédés & la barbarie de re-
fufer la nourriture à cètce innocente créature ,
ajouta ; « Eh bien, je m’en charge ; ma femme
» Nourrit un de mes enfans » je la prierai de fe
» charger également de celui-ci, & j'ai confiance
» que Dieu nous bénira ». De retour chez lui,
il Tait part à fa femme de fes généreufes intentions,
& l'engage à fe prêter à cette bonne oeuvre.
On ouvre la corbeille, & l’on trouve une bel'e
layette, ur.e bourfe & un billet conçu en ces
; termes : -
« Prenez foin ~de cet enfant; vous trouverez
. » dans le fond de la corbeille une bourfe de
» cent louis pour les frais de fa nourriture & de
» fon entretien. On aura foin de vous faire
» parvenir de l'argent de temps en temps , & à
» la fin, on vous donnera une bonne récom-
» penfe ».
Le bon payfan rendit grâce à Dieu d'avoir
béni fes intentions. Son vil'age fut bientôt inftruiç
de cette aventure intéreflante ; elle parvint juf-
-qu’au fermier qui avoit refufé le dépôt. Il s’en
repentit, & fe crut en droit de le réclamer. Le
ca'vfan refufa-, reprëfentant que la feule vue
d'intérêt le déterminoit à cette-réclamation, tandis
que la feule commifération pour cette innocente
créature l'a-voit porté à s'en charger. Le fermier
intente procès au bon payfan ; celui-ci gagne avec
dépens. Le rnhe;, inftru.it par la vpie publique dq
cette, affaire , fie paffer une -fomme confidërabîe
au'bon payfan, avec promeffe d’une grande ré*
compenfe au terme de la nourriture de Tenfant.,
François Leroi, dit Tourangeau, charpentier,
demeurant à Pont-Sainte-Maxence, a fauvé la vie
à douze hommes. Il en a-retiré dix de.la rivière
& deux des flammes ; car il eft également familia- I
rifé avec le feu & l ’eau.
Il travailloit au pont de Neuilly lors du decin-
trement, 8c plufieurs ouvriers étant tombes du
haut des arches, il fe précipita dans la Seine, &
en retira deux à la vue de tous les fpeélateurs.
Depuis cette époque, il s’ eft établi au Pont-
Sainte - Maxence, où il travaijle au magnifique
pont que l’on y conftruit fur l’Oife; & c’eft lui
qui a fait le modèle en petit de la charpente des
cintres de ce pont; c ’e f t - là , pendant tous ces
travaux, qu’il a fauvé la yie à huit noyés.
En 1781, un charretier paflant à onze:heures
du foir fur l’ancien pont, pendant un orage ter-
fib le , fut jette par le vent de defîus fon cheval
dans la rivière : quelques perfonnes qui en furent
témoins . coururent avertir Tourangeau, qui
étoit déjà couché. Le cri d’ un accident l'eut
bientôt réveillé.. On lui montre l’endroit du
pont d’où cet homme avoit été emporté. Il s'e'-
lance dans le torrent, y. refte près d'un quart
d’heure, tantôt à plonger , à lutter contre le
torrent qui l’entraîne, tantôt à fe débattre contre
“ celui que les convulfions de la mort rendent frénétique,
& dans cette crife de courage & d’effroi,
faifit cet homme & le ramène au rivage.. Il eft
jntéreffant d’efitendre Tourangeau raconter la
manière donc il le cherchoit. « Chaque fois qu'il
» faifoit un éclair, je le voyois ; quand il n'é-
» clairoit pas, je ne voyois plus rien. Puis la
*> grêle, le tonnerre, tout rouloit fur nous ».
Dernièrement, un poftillon de la pofte, en
jmenant boire quatre chevaux qui étoient attachés
j’un à l'autre par le cou, fut entraîné avec eux
jdans un gouffre à plus de vingt-cinq pieds de
profondeur. Mais la providence avoit placé Tourangeau
fur les bords de la rivière. Il jette fon
ichapeau 8c fa vefte, & le voilà au fond de l ’eau;
$ ne tarda pas à revenir avec fon poftillon.
On lui demanda fi le maître de pofte l’avoit
récompenfé pour avoir ainfi fauvé h vie à fon
domeftique ; il répondit : Oh ! je fuis bien content ;
M. Payen ne lui a point fait de peine pour les chevaux
qui ont péri.
C ’eft encore à Pont-Sainte-Maxence que T ou rangeau
a retiré des flammes deux perfonnes.
Les officiers municipaux de Pont-Sainte-Ma-
xence , & la ville entière, font prêts d'attefter
ces faits vraiment héroïques, & toutes ces cir-
confiances.
Tourangeau a trente-fix ans ; 8c , comme Du-
guefclin, .il eft balafié en croix au milieu du
vifage; il eut un pied écrafé par un corps de
pompe qui lui tomba deffus, en travaillant dans
un'puits, à 140 pieds de profondeur, à Chan-
teloup. Mais il ne raconte cçs traits-la que
comme des épifodes auxquels il met fort peu
d’importance.
Il n’en met guères plus à raconter des coups
de main qui feroientfiiuonner le fpeclateur le jalus
intrépide. Lorfqu'on lui parle des dangers ou il
s’expofe , il fe contente de répondre : « Oh ! 1 on
» peut dire que fi le feu eft quelque part, je fuis
« dedans : mais ce qui eft défagréable , c'eft que
« je fuis toujours fur d'y brûler une paiie de
» fouliers ou un gilet ».
Rofs eft un petit bourg de la province d Hé-
reford, fitué fur la W y e , rivière qui fe jette
dans la Saverne : il a donné naiffance à Jean Kyrie,
moins connu fous fon nom véritable , que fous
la dénomination de YHomme de Rofs. ;
C e refpeétable citoyen , mort pr.fqu'ignoré
en 1724, âgé de 90 ans, n'avoit que cinq cenis
guinées de revenu, qu’il a conftamment employées,
pendant fa longue carrière, à foulager les mal-
j heureux. Sa modeftie fut fi grande » qu’il défendit
qu'on gravât fon nom fur fa tombe , & fi 1 immortel
Leur fituation étoit d’autant plus horrible j
qu'elles étoient endormies & enfermées dans la
chambre qui brûloit. Tourangeau fut obligé d'ouvrir
le plafond à coups de hache , & de fe. jetter
au milieu des flammes, tandis que par la mêm; i
iflue on l'inondoit d'eau à plein feau. Il eut la
préfence d’efprit & le courage d'enfoncer la porte
de la chambre, & d'entraîner ces deux infortuné«
avec lui.
Pope n'avoit chanté fes vertus dans une
de fes épîtrés morales , on ignoreroit que ctt ami
de l’humanité eût exiflé. Voici ce qu'en dit le
Père de l'EJfai fur l'homme.
<e Pourquoi nos éloges ne feroient-iîs confacrés
qu'à des grands ? Eptife du limp’e honnête homme »
mùfe , élève tes accens, & chante l'homme de
Rofs. La Wye fe plaît à promener au travers
de fes fînuofités l’écho de fes vertus , & ia rapide
Saverne en fait retentir les applaudiflemens avec
bruit. Qui. couvre la cime de ces montagnes
d’épais feuillages ? Qui fait couler des fopuces
du rocher aride ? Elles n’élèvent peint aux":i.eux
d'inutiles colonnes d’eau , ni ne fe perdent point
avec la magnificence par de fuperbes ch lires ; mais
elles roulent fans arc au travers des plaines leurs
j eaux claires, fources de fanté pour les malades,
r de foulagement & de plaifir pour les bergers.
Qui a fait paver- le chemin qui traverfe cette
vallée.planter ces rangs d'arbres qui lui donnent
de l’ombrage? Qui a fait élever ces b .mes pour
le repos des Voyageurs ? Qui a fait conftruire, ce
rocher dont la pointe fe perd dan^ les cieux ?
T o u t , jufqu'à l’enfant qui ne fait encore q ie
bégayer, répond que c'eft l'homme de Ro.'s.
1 Jettez les yeux fui la place du marché couverte