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voir la ceinture de la vierge , qui eft dans le
château.
II en eût un fils , qui fut un excellent peintre,
nommé comme fon père , Philippe Lippi.
La dame fe trouva fi bien de notre moine , que
quelques efforts que fiffent les parens, elle ne le
voulut jamais quitter.
Le pape Eugène offrit difpenfe à frère Philippe.,
de fe marier avec fa maitreffe 3 mais il n'y voulut
jamais confencir , craignant de perdre dans les
liens du mariage la liberté , ou pour mieux dire ,
le. libertinage dont il jouiffoit.
PE LISSON , (Paul Fontanier ) né l’an 1624,
mort en 1693.
Pelijfon 3 pé avec un efprit avide de connoif-
fances, s’étoit appliqué de bonne heure'à une
■ étude réfléchie des anciens auteurs grecs & . latins.
Il étoit à la vérité poète médiocre, mais grand
orateur, bon hiftorien & jurifconfulte éclairé.
Différens traits de fa vie prouvent qu'il étoit
plein d'honneur & de probité 3 généreux, ami
fi'dèle, ferviteur incorruptible, courtifan droit,
fujet zélé.
Sa fortune changea plufieürs fois 5 mais fon coeur
pour-fes amis & pour les honnêtes gens fut toujours
le même.
La petite vérole l'a voit fi fort maltraité, fur-
tout au vifage, qu'elle l’avoit rendu d'une laideur
affreufe. Aufli madame de Sévigné'difoit
qu’ilabufoitde lapermijfion qu'ont les hommes d’être
laids.
Cetre même dame qui connoifloit l'aimable candeur
& toutes les autres belles qualités de Pelijfon
, dit une autre fois : Si on le trouve f i laid,
quon le dédouble , & on lui verra -une belle ame.
Pelijfon fut le prèmier commis & confident du
fur-intendant Feuquet.
C e miniftre ayant été arrêté, fon premier commis
eut part à fa di fgrace 3 & fut mis à la baftiile.
On s’imagina que, pour découvrir d’importans
fecrets , le meilleur moyen , c'étoit de faire parler
Pelijfon.
Pour cét effet, on apofla un allemand fimple
te groffier en apparence, mais fourbe 8e rufé, qui
feignoit d'être prifonnier à la baftiile, & dont Ja
fonction étoit d'y jouer le rôle d’efpion,
A fon jeu & à fes difeours Pelijfon le pénétra 3
mais ne biffant point appercevoir qu'il connue le
piège, & redoublant au contraire fes politeffes
envers cet allemand, il enchanta tellement fou
efpion , qu'il en fit fon émiffaire1.
Il s’en fervoit pour entretenir au - dehors un
commerce journalier avec différentes perfonnes,
& faire publier différens mémoires qu'il avoit
compofés dans fa prifon en faveur de M. Fou-
quet.
Quand ils parurent , on ne fut pas long-temps
à foupçonner quel en pouvoit être l'auteur.
Pouvoit-oti fa tromper à fon éloquence fimple,
mais touchante , à fa cônnoiffance profonde des
affaires judiciaires & des affaires d'état ? Auffi-tôt
plume & encre lui furent ôtés, & le prifonnier
fut veillé de plus près.
> Pelijfon , privé du plaifîr que donne l'étude, fe
vit obligé de fe contenter de la compagnie d'un
bafqué flupide 8c morne , qui ne favoit que jouer
de la mufette.
Il trouva dans cela même une reffource contre
l’ennui.
Une araignée faifoit fa toile à un foupirail qui
donnait du jour à fa prifon.
Il ^entreprit de l’apprivoifer, & pour cela il
mettoit des mouches fur le bord de ce foupirail,
tandis que fon bafque jouoit de la mufette.
Peu à peu l'araignée s’accoutuma à diftinguer
le fon de cet inftrument, & à fortir de fon trou
pour courir fur la proie qu'on lui préfentoit.
Il continua de l’appeller toujours au même fon,
& éloignant la proie de plus en plus, il parvint
après un exercice de quelques mois, à difeipliner
fi bien cette araignée, qu'elle partoit toujours au
premier lignai, pour aller prendre une mouche
au fond de la chambre, &Jufques fur les genoux
du prifonnier.
Le gouverneur de la baftiile vînt un jour voir
fon prifonnier, & lui demanda avec un fouris
infultant à quoi il s’occupoit.
Pelijfon y d’ un air ferein, lui dit qu’il avoit fu
fe faire un amufement, & donnant aufli-tôt fou
lignai, il fit venir l ’araignée apprivoifée fur fa
main.
Le gouverneur ne l’eut pas plutôt vue, qu’il
la fait tomber à terre, & l'écrale avec fon pied.
« Ah ! monfieur, s’écria Pelijfon , j’aurois mieux
aimé que vous m’eufliez caffe le bras.
L’aélion de ce gouverneur étoit cruelle, &
ne pouvoit venir que d’un homme accoutumé à
voir des malheureux.
Il y >a ce trait de Pelijfon rapporté dans l’Encyclopédie
, qui n’eft pas m;»tns une preuve de
1 honnêteté de cet homme illuftre que de fa grande
pénétration & de fa fermeté.
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U fe'porte accufiteur de M; Fouquet, fon
| maître &' fon bienfaiteur.
On le confronte avec fon accüfé qu’il charge
de quelque malverfation chimérique. L’acctifé lui
: eu demande la preuve. «.La preuve lui répond Pelijfon}
H é , moniteur, elle ne fe peut tirer que
; de vos papiers , & vous favez bien qu’ils font
tous brûlés ». En effet ils l’étoient.
Pelijfon les avoit brûlés lui-même; mais il
| fallait en inftruîre le prifonnier 5 8e il ne balança
F point de recourir à un expédient, sûr à la vérité,
I puifque tout le . monde y fut trompé , mais qui
I expofoit fa liberté, peut-être fa vie , & qui, s’il
I eût été ignoré, comme il pouvoit l’être , attachoit
I à fon nom une infamie éternelle, dont la honte
I pouvoit réjaillir fur la république dés lettres, où
I Pelijfon üccupoit un rang diftingué.
I II avoit été reçu en 16$ 1 à l’académie françoife j dont il avoit écrit l’hiftoire. ,
I Cette compagnie ayant entendu en, pleine affem- I blée la leélure de cette hiftoire qui n’étoit en-
[ core que manuferite , il fut arrêté quelques jours
I après en faveur de l’auteur , que la première place I qui vaqueroit dans le corps , lui feroit deftinée,
1 & que cependant il auroit droit d’affifter aux af-
Ifemblées, & d’y opiner comme académicien , avec
I cette ciaufe que « la même grâce ne pourroit plus
I être faite à perfonne, pour quelque confidération
l que ce fût.
Pelifibn fit pendant quelques années avec deux
! autres académiciens, les frais du prix de poéfie
ique diftribue l’académie françoife.
\ Après fa mort, l’académie fournit à ces frais
Itrois fois de fuite. Depuis M. de Clermont-Tonnerre,
évêque de Noyon, 8e membre de l’aca-
Idémie , fonda ce prix à perpétuité.
| Pelifon abjura le calvînifme , & faifoit tous les
^. ans du jour de fa réunion à l’églife un jour de fêtes \
jil célébroit auffi chaque année fa fortie de la baftiile
|en délivrant quelques prifonniers.
Le miniftre Morus , qui avoit fait un poëme
llatin à l’honneur de la république de Venife,
ï avoit reçu une magnifique chaîne d’or. En mou-
j rant il lalaiffa par fon tellament à Pelijfon 3 comme
au plus honnête homme qu’il eût connu.
PELLEGRIN, (Simon-Jofeph) mort en 1745,
|Sgé de 82 ans.
S _ L abbé Peliegrin n’ étoît pas un auteur fans mé-
iritej mais obligé d’écrire pour avoir du pain, il
Iprodiguoit fa verve à tout venant.
Delà tant de vers plats qui firent croire qu’il
pou incapable d’en faire de. bons.
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Son extérieur négligé & une difficulté de s’énoncer
avoient achevé de jetter fur lui un ridicule
qui réjailliffoit fur. fes ouvrages.
Ses moeurs étoient douces, 8c jamais il ne
fongea à fe venger par la fatyre , des traits envenimés
qu’ on fe plaifoit à lancer contre lui.
Un trait qui fait bien de l’honneur à l’abbé Pel-
legrin, eft d’avoir été^ le premier juge du génie
du célèbre Rameau, '8e d’avoir en quelque forte
prédit fa célébrité.
Ce muficîen, délirant de fe faire connoître fur
la fcène lyrique , & n’ ayant pu obtenir des paroles
de M. de la Morhe, fe détermina à s’adref-
fer â l’abbé Peliegrin qui, moyennant un billet
de cinquante piftoles, lui donna la tragédie d’Hyp-
polite & Aride.
Le premier a&e de cet opéra fut exécuté chez
un fermier général que les richeffes mettoient à
ée de favorifer les arts.
Le poète étoit préfent à cette répétition, &
frappé des beautés fans nombre de la nouvelle
mufique, il courut embraffer l’auteur , 8e déchira
le billet, en s’écriant que ce n’étoit pas avec un
muficien tel que lui qu’ il falloit prendre des sûretés.
Peliegrin avoit commencé à traduire les poéfies
d’Horace, & promettoit d’en donner la fuite 3
mais le public le difpenfa de tenir fa parole.
Comme dans l’eflai qu’ il donna , il avoit ajouté
le texte à fa traduéfcion, la monnoie lui décocha
l ’épigramme fuivante :
Il faudroit , foit dit entre nous,
A deux divinités offrir ces deux Horaces ;
Le latin à Vénus, la déefl'e des grâces,
Et le françois à fon époux*
Dans le temps que parut fur le théâtre la belle
tragédie de Merope de M. de Voltaire , un Dumont,
fpe&ateur habitue* fortant extafié de la
première repréfentation de cette pièce, entra dans
le café de Procope en s’écriant : « En vérité , Voltaire
eft le roi des poètes ». L’abbé Peliegrin qui
y é toit, fe leva aufli-tôt, 8ç d’un air piqué, dit
brufquement: Eh J qui fuis-je donc . moz ?c< Vous !...
vous en êtes le doyen, lui répondit Dumont ».
Peliegrin ayant bien de la peine à vivre, difoit
tous les jours la meffe 3 & la petite rétribution
qu’il en. retiroit, lui donnoit à dîner. -
Le refte de la journée, il s’occupoit à com-
pofer des pièces de théâtre pour avoir à fouper.
C ’eft ce que le nommé Remi, poète fort obf