
fîtes à nous eftimer préférablement aux autres,
que; le plus grand homme dans chaque art elV pareillement
celui que chaque artifte regarde comme
le.prqmier après lui.
Thémiftocle 3 chargé par les athéniens de lever
des fubfides considérables fur les alliés de la république,
s'acquitta facilement de fa commiflion
fur les‘villes riches, parce qu'on pouvoir leur enlever
une contribution plus forte que celle demandée
: mais les habitans d’Andros, réduits à
l'indigence, ne craignirent point de réfîfter à fes
ordres. Le général athénien leur déclara qu'il
venoit accompagné de deux puiffantes divinités ,
le befoin & laforce^ qui, difoit-il, entraînent toujours
la perfuajion a leur fu ite .-----« Thémiftocle ,
lui répondirent les habitans d'Andros, nous nous
foumettrions, comme, les. autres alliés, à tes ordres
, fi nous n'étions auffi protégés par deux divinités
non moins puiffantes que lc-s tiennes, l’indigence
& le défefpoir qui méconnoiffent la5
> force, ».
Thémiftocle, après une célèbre viétoire, marchant
fur les dépouilles des ennemis, die à celui
qui le fuivoit : « Rarnaffe ces dépouilles pour toi,
car tu n'es pas Thémiftocle »,
Ce général .avoit un fils qui avoit beaucoup
d’empire fur fa mère. Ce petit garçon, que vous
vbÿez-là , difoit il un jour eriTiant- à fes amis,
c'eft l'arbitre de la Grèce > car il gouverne fa
mère, fa mère me gouverne, je gouverne les
athéniens , & les athéniens gouvernent les grecs.
Oh ! quels petits condu&eurs , ajoute un auteur
moderne, on trouveroit fouvent aux plus grands
empires, fi du prince oa defeendoit par degrés
jufqu'à la première main qui donne le branle en
fecret !
Le poëte Simonide demandant à Thbxiiftocle
quelque chofe de contraire aux loix ; il le renvoya,
en lui difant : Si dans tes poèmes tu fai-
fois des vers contre la mefure, pafferois-tu pour
un bon poëte ? & fi je, faifois quelque chofe de
contraire à la difpofîtion d es .loix, devroit-on
m’eftimer un bon prince ?
Thémiftocle préféra pour marier fa fille, un citoyen
pauvre, mais inftruit, à un autre qui étoit
riche, mais ignorant. « j'aime mieux pour mon
gendre, ajoutoit-il, un homme qui ait befoin de
bien, que du bien qui ait befoin d'un homme ».
Les athéniens, à qui la fupériorîté des talens de
Thémiftocle portoit ombrage , le bannirent par le
jugement de Loftracifme : il fe retira en A fie. Ar-
taxercos Longue-main, qui eût dû.être fon plus
cruel ennemi, fi le mérite'ir avoit des droits fur
tousjes coeurs, lui avoit, offert Un afyle. Ce prince •
lui donna le gouvernement dç-Magnéfie. La guerre
s'étant élevée entre les perfes & les grecs , le roi
le chargea du commandement général de fes armées
} mais le généreux athénien refufa conftam-
ment déporter les armes contre fon ingrate patrie,
& afin de r.e pas fe rendre plus long-temps coupable
d'un refus envers Artaxercès fon bienfaiteur,
. il fe donna la mort.
THEODOSE le Gr a n d , (Flavius Theodo-
fiiismagnus ) empereur, né dans une ville delà
Galice en Efpagn.e. Il mourut à Milan le 17 janvier
395 âgé de cinquante ans.
Théodofe mérita le furnom de Grand par fes
vi&oires fur les sots, les alains, & l'ufurpateur
Maxime, & p a r fon zèle pour la foi catholique.
Dans les trois premières années de fon règne, il
ne condamna perfonne à mort. Il ne fit ufage de
fon pouvoir que pour rappeller les exilés, relever;
par fes libéralités les. familles ruinées , il fai-
foit grâce aux coupables dont les crimes pouvoîent
; être oubliés. Il avoit rendu une loi par laquelle
■ vil étoit ordonné aux magiftrats de vifiter les pri-
fons à l'approche des fêtes de Pâques, & de
délivrer les prtfonniers qui rie fe feroient pas
' rendus coupables des crimes fpécifiés par cette
même lo i. C e fut en portant cette ordonnance
qu’il dit ces paroles mémorables : Plût à Dieu
qu'il fût en mon pouvoir de rejfufciter les morts»
Il avoit commis des juges à l’examen d'une
confpiration qu’on prétèndoit formée contre fa
perfonne. Comme il lès exhortoit à procéder avec
équité & avec doueeur : « Notre premier foin',
» dit un des commiffaires, doit être de fonger à
» la çonfervation du prince». Songe^ plutôt a fa
réputation, répond Théo .lofe }VeJfentiel pour un
empereur n eft pas de vivre long-temps , mais de
bien vivre,
Théodofe avoit donné pour précepteur à Ar-
cadius fon fils aîné, Arfene, diacre de Léglife
romaine, non moins recommandable par fon
mérite que par fa naiffance. Un jour l'empereur
étant ei tré dans la chambre du prince pour affif-
ter à fes études, il le trouva affis, & Arfene debout.
Il fe fâcha contre Arfene de ce qu'il en
ufoît aînfi, lui dit de s'afTeoir, & ordonna au
jeune prince d'être debout & découvert quand
fon précepteur lui parleroit, ajoutant qu'il le
croiroit indigne du trône Impérial, s 'il ne ren-
doit à chacun ce qui lui eft dû.
Les cruelles guerres que Théodofe èu tà foute-
nîr contre Tufnrpateur Maxime,, l'avoiènt mis
dqns la néceffité cl’ împ.ofer fur fes peuples un
nouveau tribut qui fit foulever les habitans d’Antioche.
Ils renverfèrent les fia tu es de l'empereur,
de l’impératrice Flaccüle , & des princes leurs en-
fans & fe portèrent aux. dernières extrémités,
Théo de fe ne fut pas p'utô.t inftruit de cette révolte,
que n’ écoutant, que fon premier, reffenti-
ment-, il voulut que cette vil!e rebelle fût détruite
, & fes habitaws enfevelis fous fes ruines.
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Les pallions dans ce prince étoient vives & violentes
i mais fes réflexions & fa piété le rame-
pôient auffitôt à la douceur ; il fe contenta d'ôter
à la ville d'Antioche fes privilèges qu'il lui rendit
à la prière du faint évêque Flavien. Si deux années
après Théodofe fe rendit coupable du maffa-
crede Theffal onique qui s'étoit également révoltée
contre fon fouverain, c’eft qu'il eut le malheur
de trouver à fa cour un de ces hommes perfides &
habiles à fe revêtir de toutes Ls apparences des
vertus pour furpréndre la confiance du prince,
Un-conduéteur de chars de ThefLtlonique, coupable
d’ un cr’me infâme, avoit été mis. en pri-
fon par les ordres de Both.eric , gouverneur de
l ’Illyrie. Le temps des cour fes du cirque ap-
prochoit, & le peuple dè Theffalonique paffionné
pcwr les fpedïaclés;, & qui croyôit ce cocher né-
ceftaire à fes plaifirs , s'attroupa pour demander
fon élargiffement. Sur le refus du commandant,
il fè mut.na. La fédition fut violente} plufieurs
magiftratsy perdirent la vie , & Botheric donnant
fes ordres pour contenir cette troupe de mutins ,
fut lui-même maffacré. Theodofe, d’un tempé-
ramment toujours Vu & violent, fut enflammé
de edère à la nouvelle' de cet attentat. Un de fes
favoris & de fes miniftres, nommés Rufin , homme
d’un efprit infinuant, mais pervers & caché, lui
repréfenta qu’il étoit néceffaire de denier un
exemple capable d’arrêter pour toujours les {éditions,
& de maintenir l'autorité du prince dans la
perfonne de fes officiers. Les ordres en confé-
quence furent expédiés pour faire paffer tous les
theffaloniciens au fil de l’épée. C'étoit confondre
l’innocent avec le coupable, & renverfer toutes
les loix^ divines & humaines qui veulent qu.é le
fouverain ne verfe le fang de fes fujets coapables
qu'avec le glaive de la juftice. L'hiftojre ajoute
que Tkéodofe 'revenu à lui-même, & touché de
repentir, avoit envoyé de nouveaux ordres pour
révoquer les premiers; mais la rapidité avecla-
,qu’elle ils furent exécutés, ne: lui laiffa pas le
temps de réparer fa faute. La perfidie;qu’ou apporta
dans leur exécution, femble ajouter encore
-àl atrocité de l’aélion. Les officiers chargés de la
lettre du prince, avoient annoncé pour le lendemain
une courfe de chars. Le peuple qui ne fa voit
pas qu’ il couroitù.l'i mort, fe rendit en foule dans
le cirque. Des foldats placés dans differens poftes
s'approchent apffitôt au fignal qu’on leur donne;
Ils pouffent un grand cri, & fe jettent avec fureur
fur la multitude. On frappe, on égorge,
on tue les enfans fur le fesn de leurs mères. Des
étrangers, des citoyens paifibles qui n'avoient
eu aucune part à la fédition , font enveloppés
dans le maffacré. Au milieu de ces horreurs, on
remarqua une a&ion gé'néreufe que l’hiftoire a
tranfinife. Un efcla-ve voyant fon maître faifi par
les foldats, l’arrache de leurs mains pour lui
donner le temps de s'échapper, il fe livre lui-
meme, & reçoit la mort îivec jôk; Le fnaffacre
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dura trois heures. Sept mille hommes y pénre'nt.
Théodofe avoir imité David dans fon péché , il
Limita également dans Ta pénitenee. Lôrfque le
coeur-déchiré de remords, ce prince religieux fe
préfenta pour entrer dans l’églife de Milan, il
fouffrit qu’Ambroife, archevêque de cette ville,
lui en refufât l’entrée. Rien ne fut comparable à-
ia fermeté héroïque du faint évêque, que la profonde
humilité de l’empereur, qui, fe fentant
coupable, fe fournit à une pénitence publique
comme le moindré de fes fujets.
Théodofe, convaincu par fa propre expérience
que l'innocence n'eft que trop fouvent la vi&ima
des pallions ou des erreurs d'un juge, ordonna
par une loi que les fentences de mort & de con-
fifeation de biens n’ auroient leur exécution que
trente joursaprès qu’ el.es auroient été prononcée?.
Son objet étoit de laiffer à la raifon le temps de
revenir à l'examen, & de réformer les jugemens
dans lefquels elle n'auroit pas été confultée. Au
refte cette loi de Théodofe ne faifoit qu'étèndre
aux jugemens rendus par le prince, ce qui fe pra-
îiquoit à l'égard des fentences prononcées par les
tribunaux. Le fénat romain fous le règne de
Tibère avoir ordonné que les fentences de condamnation
rie feroient mîfes à exécution qu'après
un délai de dix jours.
Si quelque fage réglement peut encore faire
pardonner à Tkéodofe fon crime envers fes fujets
de Theffalonique, c'eft cette loi par laquelle il
défend aux juges de punir les paroles qui n’atta-
quoient que,fa/perfonne. « Si quelqu'un, éçrivoit-
» il au préfet du prétoire, s'échappe jufqu'à diffa-
» mer notre nom, notre gouvernement & notre
I l conduite, nous ne voulons pas qu’ il fort fujet à
» la peine ordinaire portée par les lo ix , ou que
» nos officiers lui faffent fouffrir aucun traite-
» ment rigoureux. C a r , fi c'eft par légèreté qu'il
» a mal parlé de nous , il faut le méprifer} fi c'eft
» par une aveugle folie, il'eft digne de compaf-
» lion} & fi c'eft par malice, il faut lui pardon-
» ner ». On renverfe tout,’ a dit le préfident de
Montefquieu, fi l’on fait des paroles un crime
capital., au lieu de les regarder comme le figue
d'un crime capital.
TH É O PH R A S T E , difcîple d'Ariftore florif-
foit vers Lan 322 avant J. C . ; il eft le premier
qui ait raffemblé une nômbreufe bibliothèque
, fes héritiers en eurent peu de foin &
fachant qu'Eumene 'roi d'Attalie avoit envie
de la faire tranfporter à Pergame , ils l’enterrèrent.
Long-temps après ces mêmes livres furent
vendus à Appellicon, tous longés de vers. C e lui
ci les fit tranferire le mieux qu'il p û t , Lucius
Sylla, s’étant rendu maître d’Athènes, les
fit tranfporter à Rome fuivant Strabon.
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