
» maître m'avoit envoyé ; je fus très-fatisfait d'en
» être quitte pour h peur , 8c je partis en riant
» pour aller à la campagne »,
FRÉDÉRIC II. (Charles) Roi de Pruffe,
mort le 17 août 1786.
Nous ne rapporterons ici que quelques traits
cara&ériftiques de ce prince, dont l’hiÜoire &
la renommée ont d'ailleurs plis foin de vouer à
l'immortalité le génie, la gloire & les avions.
La mort du dernier empereur de la maifon d’Au*
triche, Charles V I , met les armes à la main du
jeune roi de Pruffe. Le marquis de Beauvau,
envoyé, par Louis X V , à Berlin pour complimenter
le nouveau monarque fur fon avènement
au trône, ne fait , quand il voit les premiers moti-
vemens des troupes , fi elles font deftinées contre
la France ou contre l’Autriche. Frédéric le* tire
de doute en difant : je vais 3 je crois, jouer votre
jeu ; f i les as me viennent, nous partagerons. Il
marche tout de fuite en Siléfie , au mois de
décembre. On veut mettre fur fes drapeaux cette
devifc: pro deo & patriâ 5 il efface pro deo3 difant
qu’il ne faut pas mêler le nom de dieu dans les
querelles des hommes, & qu’il s’agit d’une province
8c non de la religion.
Frédéric pafiant dans fa grande falle à fans-
foucî , avec un de fes généraux » général, lui
dit le roi de PrulTe, vous dînerez ici dans deux
jours, avec trois cents chambelans, — S ire, je
ne croyois pas que vous en euffiez autant. — Je ne
parle pas de ces efpèces qui portent la cle f d’or,
mais de ces braves chambellans qui m’ouvriront
les portes de la Siléfie.
Le roi de Pruffe voyant les préparatifs de guerre
de l’empereur & du T u r c , donna les ordres les
plus précis pour que les places de la Siléfie , frontières
de la Hongrie fuffent bien approvifionne'es
de munition de guerre 8c de bouche. On lui demanda
les motifs de ces préparatifs. » Pour avoir
lafpaix, répondit ce grand prince, il faut fè tenir
en état de faire là guerre; je ne demande rien,
& je ne prétends à rien, mais je Veux empêcher
les autres de trop avoir ».
Le plus beau fongeque puifTe faire un fouverain,
a dit le roi dé Pruffe , eft de rêver qu’il eft roi
de France.
Frédéric le grand , roi de Pruffe, écrivit un
jour au célèbre Rollin : « des . hommes tels que
» vous marchent à côté des rois ».
Frédéric foupant avec des gens de lettres leur
demanda l’un après l’autre; fi vous étiez roi de
Prude, que feriez^vous ? Çhacun s’efforça de faire
une réponfe flatteufe. Le tour du marquis d’Ar-
gens étant venu, il répondit r ma f o i , je vendrois
le royaume de Pruffe pour acheter une province de
France.
Pour donner plus de liberté à la joie 8c aux
faillies, Frédéric avoit exigé qu'on oubliât#bfolu-
I ment fon pouvoir 8c fon trône} 8c il avoit mérité
, en effet, qu’on ne vit plus en lui qu'un
homme plein d'efprit & de grâces, qu’un convive
charmant. Mais un françois paffa peut être un peu
la mefure que cette liberté devoir avoir, & tout
le monde apperçut de l'altération dans les traits
du monarque:« paix, dit Voltaire, parlons plus
» bas, je crains que le roi ne nous ait enten-
» dus ».
A la bataille de Rosbac, Frédéric vît un grenadier
françois qui fedéfendoit en défefpéré contre
un houfard pruffien;&qui malgré l’efpoir qu'il avoit
d’être fecouru refufoit dè fe rendre &'préféroit
la mort. Le roi s’approche des combattans 8c dit
au françois: brave grenadier,es-tu invincible? Oui,
fire, répondit le françois, fi vous me cpmmandie
Frédéric aimoit beaucoup les enfans, 8c per-
mettoit que les fils du prince royal, actuellement
régnant, entraffent chez lui à toute heure. Un
jour qu’il travailloit dans fon cabinet, l’aîné de
ces princes jouoit au volant autour de lui. Le
volant tomba fur la table du ro i, qui le prit, le
jetta à l’enfant, 8c continua d’écrire. Le petit
prince continue fon jeu, 8c le volant tombe encore
fur la table; le roi le rejette encore, regarde
d’un air févère le petit joueur, qui promet que
cela n'arrivera plus. Enfin, pour la troifième fois,
le volant vient tomber jufques fur le papier fur
lequel Frédéric écrivoit; alors le roi prit le volant
8c le mit dans fa poche. Le petit prince demande
humblement pardon, 8c prie qu’on lui rende fon
volant. Le roi le refufe : il redouble fes prières.;
on ne les écoute point. Enfin, las de prier, le
petit prince s’avance fièrement vers le roi, met fes
deux poings fur fes côtés, 8c dit d’un air menaçant
: Je demande a votre majefié fi elle veut mè
rendre mon volant, oui , ou non ? Le roi fe mit a
rire, 8c tirant le volant de fa poche, il le lui rendit,
en difant : Tu es un brave garçon , ils ne te.reprendront
pas la Siléfie. ^
Un françois nouvellement venu de Paris, pour
être leéleur de Frédéric > parut furpris de voir,'
dans les appartenons de ce prince , plufieurs portraits
de l’empereur Jofeph II. Le roi s’apperce?-
varit de fon étonnement, dit : Cefi un jeune homme
quil ne faut pas perdre de vue.
Quelqu’un dit un jour à Frédéric qu’un homme
le haïfToic mortellement, 8c qu’ il ne ceffoit de dire
du mal de lui : A -t-il deux cents mille hommes
répondit
répondit le roi, fa n s cela, que voulez-vous que je
lui fajfe l
On lui adrefla un. jour un manuferit qui étoit
fort injurieux contre lui , Frédéric envoya chercher
un libraire, 8c lui donna cette fatyre, en
difant : F rends ce libelle & imprime-U ƒ i l y a un
bon coup à faire.
Un jour le roi vit de fa fenêtre une quantité de
monde qui lifoit une affiche; Va 1)oir ce que c e fi,
dit-il à un de fes pages : on vient lui dire que
c’étoit un écrit fatyrique contre fa perfonne : I l
efi trop, haut, dit ce prince; va le détacher, &
mets-le plus bas , afin qu'ils le lifént mieux.
Un jour Frédéric paffant à Poftdam devant la
porte d'un boulanger, le voit difbuter avec un
payfan, il demande ce que c’eft? On lui dit que
le boulanger veut payer en fîx fenins ( monnoie de
mauvais àioi ) du bled qu’il a acheté du payfan,
& que ce dernier refufe de prendre ces fix fenins.
Frédéric s’avance, 8c dit au payfan : pourquoi ne
veux-tu pas prendre cette monnoie? Le payfan
regarde fe roi, 8c lui répond avec humeur : les
prends-tu, coi ? L e roi qui les faifoit refufer dans
fes cailles, fentit fon tort, ne répondit pas un mot
8c paffa fon chemin. ,
A la fin d’une bataille fangîante, Frédéric de-
mandoît à fes officiers qui, à leur gré, s’étoic
montré le plus brave dans cette journée : Votre
majefié 3 fire , répondit-on généralement. Vous
Vous trompez, répliqua le roi : « C’eft un fifre
» auprès duquel j'ai bien paffé vingt fois pendant
» le combat, 8c qui, depuis la première charge
» jufqu’à la dernière , n'a ceffé de fouffler dans
-»» fon turlututu ».
Un caporal des gardes-du-corps, qui paffoit
pour avoir beaucoup de vanité, mais qui avoit
auffi, beaucoup de bravoure, portoît une chaîne ,
à laquelle, faute de montre, il avoit attaché
une balle de moufquet : le roi, voulant un jour
le plaifanter , lui dit, «« à propos, caporal, il faut
P que tu fois bien économe pour avoir pu acheter
» une montre j dis-moi un peu l’heure qu’il ell » ? Le
caporal tire auffi-tôt fa balle de fon gouffet, en
difjint : —— «« fire, voilà une montre qui m’avertit,
» à chaque inftant, qu’il faut que je meure pour
» votre majefté » . . . . Tiens, mon arri, lui dit
le roi attendri , prends aujfi cette montre, afin que
tu puiffe voir ƒ heure oh tu mourras pour moi , &
il lui donna fa montre qui étoit garnie de brillans.
Lorfqu’on publia le fexe du chevalier d’Eon,
le roi dit en riant à l’envoyé de France î Voila,
ce qui arrive avec vous autres françois ; on croit
fvoir^ affaire a un homme , & i l Je trouve a la fin
jque cefi une femme.
Fncyclopédianoà
Dans la première guerre de Siléfie, Frédéric
voulant faire, pendant la nuit, quelque changement
dans le camp, défendit, fous peine de la
v ie , de garder , à une certaine heure, du feu ou
de la lumière dans les tentes. Il fit lui-même la
ronde. En paffant devant la tente du capitaine de
Zietern, il y apperçut de la lumière. Il entre, 8c
trouve le capitaine occupé à cacheter une lettre.
Il venoit d’écrire à fa femme qu’il aimoit tendrement.
Que faites-vous là , lui dit le roi; ne
fave^-vous pas l'ordre ? Zietern fe jette à fes genoux
, & demande grâce ; mais iî ne peut ni ne
veut,nier fa faute. « Affeyez vous, lui dit le roi»
» & ajoutez à votre lettre quelques mots que je
» vais vous diéler ». L ’officier ob éit, & le roi
diéle : Demain je périrai fur un échafaud. Zieter»
écrivit, & le lendemain il fut exécuté.
A la journée de Molwitz , le roi qui, au commencement
, croyoic la bataille perdue, s’étoit
fauvé jufqu'à Oppeln. Un houfard autrichien le.
pourfuit & étoit près de l ’atteindre , lorfque tout-
à-coup Frédéric tourne fon cheval, laiffe approcher
le houfard , & lui dit : Latffe-moi houfard *
je t’en tiendrai compte. Le houfard , reconnoiffant
le roi, d’après des portraits, eft faifi de refpeét 8c
de furprife, il laiffe tomber fon fabre 3 & répond :
Tope ; après la guerre. —— A revoir, dit le roi.
C e houfard fut dans la fuite lieutenant-général au
fervice de Pruffe, chef d'un régiment de hou-
fards, 8c chevalier du grand ordre du roi de Pruffe*
Il fe nomme Paul Werner.
Une chanteufe italienne que le roi aimoit beaucoup
, prit la fuite; Frédéric fit courir après elle ;
on la joignit fur les frontières du Tyrol : des
houfards la ramenèrent à Poftdam. On la con-
duifit dans la chambre du roi, qui lui dit : Madame
, pourquoi m’avez-vous quitté ? La pauvre
femme, à demi-morte de frayeur, re put répondre
une feule parole, & fe jetta aux g noux
du roi : Ne craignez rien , lui dit Frédéric } je
voulois feulement vous dire adietf.. Maintenant vous
pouvez aller oh vous voudrez•
FRIPON. Un italien, qui étoit venu il y a
quelques années à Paris, avoit imaginé une rubrique
fort fimple, dont cependant on ne s’ap-
perçut que quand il eut fait bien des dupes. C e t
italien avoit une tabatière d’or unie fur les bords.
Lorfqu’il étoit au jeik, & qu’il fe préfentoic
quelque coup décifîf, il prenoit une prife, &
pofoit fa boëte affez négligemm ent fur la table j
le moindre reflet de la tabatière lu; fuffi^/t pour
connoître les cartes qu’il diftiibuoit ; & il j >uo;t
par ce moyen à coup fur- Toutes ces p; tires rufes
font le fecret des fripons, 8c ne peuvent, par
conféquent, être trop divulguées.
Un'jour que le comte de Soiffons étoit an
je u , il apperçut dmière fa chaife. dans une.
tjl a u