
Ar'fiide qui avoit rempli les charges les plus
eminentes de la république , mourut néanmoins fî
pauvre, qu'Athènes fut obligée de faire les frais de
fes funérailles, de doter fes filles, & d'avoir.foin
de fon fils Lyfimachus , à qui il nelaiflbit pour tout
héritage que le poids de fa gloire & l'exemple de
fts vertus.
ARISTIP PE , de Cyrène, florifibit vers l'an
4°.P. avant J. C . Il quitta la Lybie dont il étoit
originaire, pour aller entendre Socrate à Athènes 5
mai i il ne fui vit pas le plan de fageffe de ce grand
philofophe.
On rail!oit Ariftippp fur le commerce qu'il avoit
avec la courtifane Lais : «« il eft vrai, dit-il, je
» poflede Lais 5 mais Lais ne me poflede pas »..
Arifiippe interrogé pourquoi les hommes don-
noient p!u$ volontiers aux pauvres qu'aux philo-
fophes : c eft, repondit-il, parce qu'ils croient devenir
plutôt l'un que l'autre.
On demandoit à Arifiippe la différence qu'il y
avoit entre un homme éclairé & un ignorant :
qu'on les envoie , dit-il, hors de leur pays , & on le
verrai
Arifiippe s'étant embarqué, & ayant reconnu
que le vaiffeau appartenoit à des pirates, fe mit à
, compter'fon argent , :& le laifla tomber exprès
dans la mer, faifant croire, par de feints gémif-
fem en sq u 'il lui étoit échappé des mains fans y
penfer. Il évita , par ce tour adroit, le danger où
fa vie étoit expofée : ce qui lui fît dire à voix baffe
en le jettant: i l vaut mieux que je te perde que f i tu
et ois caufe de ma perte.
Diogène lavant des choux, & voyant Arifiippe,
lui dit : « Si tu fa vois vivre de choux, tune fe-
» rois point la cour à un tyran ». Arifiippe lui
répondit : ce Si tu favois vivre avec des rois, tune .
» laverois point des choux ».
Arifiippe demandoit.au roi Denis une grâce pour
un de fes amis, & ne pouvant l’obtenir , il fe jetta
à fes pieds, & les embrafla, pour le prier en la
manière qu'il vouloir être prié. Quelqu'un lui reprochant
cette action comme indigne d'un fage , il
répondit plaifamment : « la faute ne m’en doit pas
» être imputée, mais au roi Denis ,. qui met fes
*> oreilles à fes pieds ».
Denis lui avoit un jour donné le choix de trois
belles femmes , il les garda toutes trois en difant :
qu’il en avoit malpris à Paris , d’avoir donne la
préférence a une des trois déejfes. Mais les ayant
conduites jufques hors de chez lui, il les renvoya ,
pour faire voir qu'il favoit également jouir &
s'abftenir.
Comme on lui demandoit ce que la philofophie
lui avoit appris ? A bien vivre avec tout le
monde,
En qtioi les philofophes font-ils au-deffus des
autres hommes ? | C 'e ft , difoit-il, que quand il
» n'y auroit point de loix , ils vivroient comme ils
» font».
On le railloit, & il fe retiroit tout doucement :
celui qui l'attaquoit le fuivit, ,& lui demanda
pourquoi il s'en alloit ? ce c'eft, lui répondit-il, que
» comme vous êtes le maître de fairë des T'aille-
» ries, il dépend aufli de^ moi de ne pas les
»écouter».
Ayant fait naufrage. fur les côtes de l'ifïe de
Rhodes , & appercevant furie rivage des figures
de mathématique : Courage, mes amis , s'écria-t-il,
je vois des traces d’hommes.
Ayant perdu une terre confidérable, il dit à
quelqu'un , qui lui témoignoit prendre beaucoup
de part à fa perte : « vous n'avez qu'une métairie ,
» & il me refte encore trois terres 3 pourquoi ne
» m'affiigerois-je pas plutôt avec vous »?
Il comparoit ceux qui laiffoient l'étude de la' fageffe
pour cultiver les autres fciences, aux amans
de Pénélope qui, au lieu de s'attacher à la maî-
treffe, s'amufoient avec les fuivantes.
Un homme fort riche defïrant qu Ariftippe donnât
des leçons à fon' fils , il demanda cinquante drach-?
mes. Eh comment, dit l'avare , avec ce prixj'ache—
ter ois un efclave. — Achete-le , répartit le philofo-
phe, tu en auras deux , lui & ton fils ?
On s'étonnoit devant Arifiippe de ce que les
philofophes alloient trouver les princes, & jamais
les princes les philofophes. Il dit r ne font-ce pas lès
médecins qui doivent aller che% leurs malades.
A R ISTON , roi de*Lacédemone, mort vers
l'an 540 avant J. C . Un courtifan l'engageok à
faire du bien à fes,amis, & du mal à fes ennemis
, il lui répondit : « Qu'il convenoit.bien plus
» à un roi de conferver fes anciens amis,. & de
» favoir s'en faire de nouveaux de fes plus grands
; » ennemis. »,
Apprenant que les athéniens faifoient un éloge
funèbre , de leurs citoyens tués dans un combat,
entre les lacêdémoniens , s'ils honorent, dit-il ,
ainfi les vaincus1 quels honneurs méritent donc les
vainqueurs ?
ARISTOPHANE. Arifiophane} poète comique
grec, florifibit vers l'an 446 avant J. C .
Les premiers magiftrats, les généraux les plus
célèbres, les dieux même furent expofés à la
riféé du peuple par ce fatyrique outré, qui1 en
les montrant par leur côté foible (, Fes couvroit d'abord
de ridicule & les expofoit bientôt au mépris.
Arifiophane fit jouer fa première comédie, qui
eft perdue 3 fans fe faire connoître, parce qu il
étoit trop jeune félon les lo ix , qui derendoient
aux poètes de donner au theatre des comédies
avant l'âge de trente ou quarante ans.
C lé o n , fils de corroyeur & corroyeur lui-mêm
e , étoit d'une infolence extrême. Il avoit une
voix terrible & impofante, avec un art merveilleux
de gagner le peuple, & de le mettre dans fes :
intérêts. Enflé d'un fuccès extraordinaire q u e ,
lui procura la fortun e, plutôt que la b ravoure, il
devint prefque le maître de l'état. Arifiophane 3
pour démafquer cet homme v il, eut la hardieffe
d'en faire fa comédie des Chevaliers /fans redouter
fon crédit 5 mais il fut obligé de joue^ lui-même le
rôle de Cléon. , & il monta fur le th éâtre, pour la
première fo is , aucun des comédiens n'ayant ofé
faire ce perfonnage, ni s'expofer à la vengeance
d'un homme fi redouté. Il fe barbouilla le vifage
de lie , faute de mafque, n'ayant trouve aucun
ouvrier aflez hardi pour faire un mafque reflem-
blant à C lé o n , comme on en faifoit pour ceux
qu'on vouloir jouer en public.
C lé o n , pour fe venger des railleries àlArifio-,
pkane, l'avoit accufé devant le peuple , & lui
.avoir mêmedifputé fon droit de citoyen d Attique.
Arifiophane fe tira d'affaire par un bon mot qui
réjouit fes juges. Il confiftoit en une citation fort
heureufe de deux vers de Télémaque dans H o mère
, qu'il s'appliqua fort,plaifamment.
Je fuis fils de Philippe,, à ce que dit ma mère.
Pour moi, je n’en fais rien. Qui fait quel eft fon père?
Il n’eft pas certain qu 'Arifiophane ait été caufe
de la mort de Socrate. I l n ’en fut pas moins coupable
de l'avoir accufé publiquement d'impiété
dans les Nuées.
A R I S T O T E , furnommé le prince des philofophes
/ fu t le c h e f de la fe&e des péripatéticiens.
Il étoit né en Macédoine, l'an 3 84 avant J. C .
Arifiote fe mit dans fa jeunefle au rang des dif-
eiples de Platon. Mais fes talents naturels,, fon
ardeur infatiable de tout favoir , fes ledures im-
menfes, le firent de bonne heure regarder comme
un génie du premier ordre. C eu x qui etudioient
avec lui ne l’appelaient que Yefprit ou Y intelligence.
Strabon dit de lui qu'il fut le premier qui
penfa à fe former une bibliothèque , & il y a lieu
de croire qx Ariftote profita habilement des découvertes
de ceux qui l'avoient précédé.
Arifiote employa beaucoup de temps à v o y a g e r ,
dans le deffein de s’ inftruire. fc
Philippe, roi de Macédoine , ayant dêflein de
le charger de l ’éducation d’Alexandre fon 'fils.
.« Je rends moins grâces aux dieux, lui écrivoit-i),
dg me l'avpir çiop.né » que de l’^yoij fait naître
»pendant votre vie» je compte q u e , par vos
» confeils, il deviendra digne de vous & de
» moi ” *
Arifiote reçut toutes fortes d’honneurs ,à la cour
de Macédoin e} mais la récompenfe la plus flat-
teufe fans doute que ce philofophe obtint ppnr
tous fes foins , fut d'entendre Alexandre-le-
Grand répéter fouvent : je dois a mon père le
bonkeur de vivre , & a Ariftote , de bien vivre.
U n témoignage encore plus flatteur du mérite
fupérieur d'Ariftote, eft la lettre que ce même
prince , maître de la te r r e , lui écrivit fur les débris
même des trônes,qu'il venoit de renverfer :
« J'apprends que tu publies teS traités acroatiques.
» Quelle fupériorite me refte-t-il maintenant fur
» les autres hommes ? Lés hautes fciences que tu
» m'as enfèignéés vont devenir communes} & tu
oTavois cependant que j’ aime encore mieux fur-
» pafîer les hommes par la fcience des chofes fu-
» blimes que par la puiflance. Adieu ».
Ariftote enfeignoit alors la philofophie à A thé-
nés. Les athéniens lui avoient donné Je I y c é e •
pour y fonder fa nouve-llê école. L e concours des
auditeurs étoit prodigieux. L e marin il enfeignoit
la'philofqphie ,'Sr le foir la rhétorique 5 & comme
il donnoit ordinairement fes leçons en fe promenant
, fes difciples furent appelles Péripatéti-
dens.
Ariftote avoit bien des rivaux jaloux de/a gloi-
jre. Ils tinrent leur haine fecrette pendant la vie
d'Alexandre, que l ’on favoit aimer tendrement
fon précepteur. Mais après la mort de ce conquérant
, ils ofèrent fe montrer plus à découvert. Ils
cherchèrent à lui porter des coups plus fûrs , en
fe fervant du miniftère d'un prêtre de Cé rè s , qui
l’accufa d'impiété devant le juge. Comme cette
accufation pouvoit avoir des fuites fâçheufes , &
que l'exemple de Socrate étoit encore r é c en t , le
philofophe ne crut pas devoir attendre le fuccès'
du jugement , & ilfe retira fecrettement à C h a lc is,
dans h i le d’Eubée. Ses amis firent de vains efforts
pour l'arrêter : Empêchons , leur dit-il en partant ,
qu'on ne fajfe une nouvelle injure a la philofophie }
paroles qui faifoient allufîon à la mort de Socrate.
Arifiote étoit d'une activité fi infatigable pour
; l'é tu d e , q u e , « lorfqu'il fe mettoit en devoir de
» fe repofer, il tenoit dans la main une boule d’ ai-
» rain appuyée fur les bords d ’un baflin, afin qiiê
» le bruit qu'elle feroit en tombant dans le baflin
» pût le réveiller ».
U n bavard lui demandoit s'il ne l'a voit pas ennuyé
: nqn , dit-il , car je'ne t’écoutois pas.
Le fameux Arifiote , étant près de mourir, fut
prié par fes difciples de fe nommer un fucceffeur.
Théophrafte dç Lesbos , & M énédème de Rhodes-
O 2t