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C LOCHE S. Voici l'infcription d'une des
greffes cloches de Notre-Dame de Paris.
J'ai Louis, pour parrein, Therese pour marreinè.
Le plus grand roi du inonde & la plus grande reine :
L’un remporte le prix fur cent héros divers; .
L’autre par fes vertus a furpaffé les anges.
Que ne puis-je égaler le bruit de leurs louanges ,
Je me ferois entendre au bout de l’uni vèrs.
Les habitans d'une paroiffe de village fe plaignant
à un fondeur de ce que la cloche qu'il leur
avoit fondue ne fe faifoit prefque pas entendre ,
il les confola en leur difant , qu'ils n'avoient toujours
qu'à la faire monter * 8c qu'elle parleroit avec
l'âge.
_ CLOPINE L 3 ou Jean de Meun | poëte , continuateur
du roman de la R o fe , mort vers l'an 1
1364. Quelques dames voulurent 3 pour fe venger
de fes médifances poétiques , le fuftiger. Il fe
retira d'embarras en leur demandant , que les premiers
coups lui fuffent. portés par celle qui donnoit
le plus de prife a la Jatyre•
C LO V IS 1 3 fondateur de la monarchie franolfe
3 mort en 511. Il fut cruel envers les princes
e fa famille. Ranacaire, roi de Cambrai ÿ vaincu
& trahi par fes fujets 3 ayant été conduit en fa
préfence les mains liées , avec Ricaire fon frere :
« Lâche 3 lui dit Clovis , pourquoi te laiffer char-
» ger de chaînes ? ne valoit-il pas mieux périr que
« de fouffrir qu'on te traitât en efclave & désho-
» norer ta race ? 33 Aufli-tôt il lui fendit la tête
de fa hache-d'armes. Puis, fe tournant du côté de
Ricaire: « E t to i, lui dit-il, fi tu avois fecouru
*» ton frere, il n'eût pas été en cet état ; » en
même terns , d'un autre coup il lui ôta là vie.
Après le pillage de Soiffons, Clovis demanda
pour fa part un grand calice, qu'il vouloit rendre
à l'évêque ; mais un foldat d it, en donnant un
coup de hache fur le vafe, que Clovis l'àuroit
s 'il tombait dans fon lot. Clovis diffimula cette irai
fuite ; mais il s'en vengea quelque tems après en
le frappant de la'hache qu'il lui avoit arrachée :
Ce f i ainfi , dit-il , que tu as frappé le calice que je
demandois à Soiffons.
CO CH EM AR . On appelle ainfi un embarras
dans la poitrine & une difficulté de refpirer qui
attaquent ceux qui dorment, fur-tout pendant la
nuit, & leur caufent des rêves fatigans.
Dans les fiecles d'ignorance, le peuple croyoit
qu'Incube, démon familier , s'emparoit du corps
d'une femme pour^joffr avec elle des plaifirs de :
l'amour. On a depuis reconnu que l'incube des
anciens n'étoit rien autre chofe que le cochemar.
P^ns la parodie de Médée & Jafon, jouée
c o c
aux Italiens le 28 Mai 17 2 7, Créufe apprend à
Cleone fa confidente, qu'elle eft toute épouvantée
d'un rêve qu'elle a la it, &, elle chante fur cet
air : ma mere , marie^-moi , &c.
J’ai rêvé, toute la nuit
i Qu’on faifoit trembler mon lit.
J’ai vu luire des flambeaux.
Médée en fureur tirôit mes rideaux,
Tenant en main un poignard.
Cléone lui répond.-— Bon , c'étoit le cochemar»
C O C H IN ( Henry ) , avocat au parlement de
Paris , né en cette ville le 10 Juin 1687, mort le
24 Février 1747.
Cochin 3 le difciple zélé dans fa jeuneffe de quiconque
pouvoit l'inftruire, devint dans un âge
plus avancé, la gloire & l'ornement du Barreau.
Nourri de la le&ure des anciens auteurs , 8c con-
noiffant à fond le droit romain & les loix du
royame,, il parut au commencement de fa carrière
armé d'une éloquence vraie, fublime & pleine de
chofes, mais toujours propre, à la caufe qu'il dé-
fendoit. Il fîmplifioit autant qu'il étoit poffible les
queftions les plus compliquées , perfuadé qu'on
ne peut trop ménager l’attention de fes auditeurs.
Les maîtres d'éloquence donnent pour réglé de
choifir dans une caufe les deux moyens les plus
conduans, l'un pour ouvrir, l'autre pour fermer
la marche, & de placer au ceçtre ceux qui font
moins capables de réfifter à l'ennemi ; mais Cochin
cherchoit à fixer d'abord l'incertitude des juges
en débutant par le moyen le plus décifif ; il le
faifoit paroître fous dlftérens jours dans toute la
fuite de fon plaidoyer, & dans la difeuflion des
autres moyens. Par cette fage précaution , fon
moyen vidlorieux communiquant partout fa vigueur
8c fa force , tous les endroits^de fon dif-
cours paroiffoierit également convaincants. Il avoit
uh talent fingulier pour, la réplique. Maisun fpeo
tacle digne de la curiofité d'un homme d'efprit,
dit l’éditeur des oeuvres de Cochin, étoit cer oxz-
teur plaidant. Il ne prévenoir point par des dehors
bien pompeux ; au contraire, fon maintien timide
, fa tête inclinée 8c fes yeux à demi ouverts ,
annonçoient tout au plus un homme de réflexion.
Une voix claire & mâle, une articulation pleine
& déliée , une poitrine ferme & libre faifoient
qu’il ne peinoit pas plus à la fin du difeours qu'au
commencement. Il avoit même dans fes derniers
plaidoyers le timbre auffi n e t, & l'organe aufli
facile que quand il étoit venu au palais. A l'égard,
des régies du gefte, il n'avoit jamajs cru devoir
fréquenter le théâtre pour les apprendre. Il ne
»s'y écoit exercé qu'en plaidant. Loin d'être comédien
, fon aétion étoit toujours égale , foit que
l'auditoire fût nombreux ou non. Dans le flylç
fimple, il n'avoit d'aétion qu’autant qu'il en faut
pour foutenir l'attention. Dans les grandes caufçs,
c o c
il paroiffoit d'abord un peu déconcerté, 8c cela
ne fervoit qu'à lui concilier d'autant mieux les
juges. Mais il fe raffuroit en prenant les conclu-
fions. Il ne prononçoit l'exorde ni trop haut ni
trop bas , & il ne commençait à varier fes tons
que dans le récit des c.rcoraftances , qu'il animoit
aufiî d'un peu degefte. Parvenu à l’explicat:on
de fon premier moyen-, fa méthode étoit de fe
débarraffer 8c de pièces 8c d'extraits, afin de pouvoir
enfuite s'énoncer avec moins de contrainte;
8c alors un doux mouvement du bras , fécondé de
temps en temps de quelques lignes de tête & de
changemens de la pofitiondu p:ed, fuivoit le fens
& non le nombre de fa- phrafe. En entrant.dans
une preuve un peu abftraite, il s’appuyoit à deux
mains fur le barreau , ou s'il étoit dedans, il
avançoit un pas, ou bien il avoit recours à quel-
qu'autre ligne pour inviter à une attention plus
particulière : & il ne falloit pas que pèrfonne dît
un mot dans ces endroits raifonnés, linon il im-
pofoit filence de la main , ou en faifant quelqu'au-
tre ligne poliment, mais avec cet empire qui lied
à qui défend fes concitoyens 8c éclaire la juftice.
Çockin plaida fa première caufe au grand con-
fed , à l'âge de Vingt-deux ans. Il lui étoit ordinaire
dans ces commencemens de compofer fes
plaidoyers à l’ombre du cabinet, 8c de les écrire
avec toute .la. précifion 8c la pureté de ftyle poffible
avant de les prononcer. 11 étoit perfuadé , &
l ’expérience le prouve affez, que ceux qui fe ha-
fardent à parler en public , fans s’être rompu à un
ftyle châtié, la plume à la main, obtiennent une
élocution facile fi l'on v eut, mais fouvent incorrecte
8c prefque toujours verbeufe.
Cet oràteur ne put fe refufer un jour de citer
à l’audience un paffage d'Horace ; mais c'étoit
dans un endroit de la caufe qui fouffroit un ftyle
ironique. Il s'agiffoit de voir l'expédition d’un aéte
de célébration de mariage., dont on parloit depuis
l'origine de la.conteftation fans le .rapporter. «Il
33 y a longtems ,. dit-il, qu'on nous flatte de l'ef-
« péranée.de voir cetté pièce; mais'elle n'arrive
33 point. Et fi quelqu'un attend qu'elle paroiffe:
33 Rufiicus expeEtat durri defiuat admis. » Avant
l ’audience fuivante, où M. Aubry, l’avocat ad- .
verfe , devoit répondre, l'expédition fut commu- i
niquée! On juge quel trophée ce fut pour cet ôra- \
teur ! Aurifque de piquer un peu M. Cochin 3 j 1
ne put s’empêcher de dire qu'on auroit bien fait
de garder le paffage d'Horace pour une meilleure
occâfion , parce que fupprimit orator que rufiicus
edit i/zeprè.—L'expédition avoit été délivrée par
le .greffier du fiége royal de Laval ; mais il y avoit
marqué que la minute n'étoit que fur une feuille
Volante, qui non-feulement ne tenoit point au
regiftre, mais qui n'en.avoit jamais fait partie-; 8c
c'étoit d’ailleurs un fait confiant que cette feuille
n’ étoit point dans le regiftre , quand il avoit été
apporte dans le dépôt du greffe. M e. Aubry préc
o C 3 2 ?
tendoit que malgré cela, cette expédition devoit
faire foi de la célébration du mariage, tant que
l'on ne pafferoit point à l’infcription de faux,
parce que c’étoit un aéte autentique. « Quoi, dit
« M c. Cochin dans fa répliqué , " un greffier aura
m. ce pouvoir ! Il tombera dans fen dépôt un pa-
»-pier volant, fans qu’ il fâche d’où il vient ; &
» nous dirons que le greffier fera l’arbitre du fort
38 de cette, pièce 1 Maître de la réduire à la con-
•33 dition des chiforis inutiles, s'il lui plaît de la
m jetterai* rebut, ou de l’ériger-en acte auten-
33 tique 8c digne de fo i, s’il lui prend, en gré de
33 l 'inférer dans un regiftre 8c d'en délivrer une
33 'expédition ! L’autenticité des adtes ne dépend-
”33 elle donc que du caprice des officiers , 8c puif-
» qu’il faut c=ter Horace, ce greffier a-t-il pu
33 régler la deftinée du papier donc il s'agit,
33 comme l’ouvrier , dont parle ce poète avoit ré-
| 33 glé celle d’un morceau de bois inutile ? Incertus
33 feamnum faceret-ne Priapum 3 maluit effs Deurn ».
On rapporte une preuve non équivoque de
i cette heureufe fécondité qui rendoit l ’illuftre
I. Cochin fi fupérieur à fes rivaux. Confeil 8c dé-
: fenfeur. ord naire de l'ordre de Clairvaux, il étoit
. - chargé de l'appel comme d'abus que deux abbefles
du diocèfe de Saint-Omer avoient interjette d'une
ordonnance de leur évêque. La caufe vint à tour
de. rôle un jour de réception de ducs. Les princes
8c pairs honorent de leur préfence l'audience qui
s'ouvre quelques mômens après la cérémonie.
Dans l'intervalle, ils ne manquent pas de de- >
mander fur quoi roulera la queftion. Celle-là inté-
refloit le corps épifcopal 8c fa jurifdiciion fur les
raonaftères exempts. Les pairs eccléfiaftiques re-
préfentèrent que l’affaire étoit en termes de fe .
concilier avant la fécondé journée de la plaidoirie
,, qui ne devoit venir que huit jours après,
8c qu'il étoit à craindre que ce qu'on alloit dire
du côté des re lig ie u fe sn e rallumât entre le
clergé féculier & le régulier une guerre prête à
s'éteindre. Il n’étoit pas féant de faire manquer
l’audience, 8c nul autre que M. Cochin ne s’étoit
attendu à y porter la parole. M. le premier pré-
fîdeat Portail ne fut point embarraffé ; il le fit
venir , & le pria de ne prendre de fon fujet que des
principes généraux , fans defeendre au particulier
de l'efpéce , & cependant de remplir le temps ordinaire
3 qui eft d’une heure. Les princes^ les pairs
ne s ’atteqdoient plus qu a des lambeaux recou fus
à la hâte ; ils ignoroient que c ’étoit dans ces mo-
mens où l’éloquent Cochin y animé en quelque
forte par la préfence du péril, paroiffoit le plus
fupérieur aux autres orateurs. Après fon exorde
8c quelques mots du fa it, il dit, que la queftion
étoit de favoir" jufqu'où s'étendok en Artois la
jurifdi&ion de l’ordinaire fur les ordres exempts.
C e point de controverfe, ajouta-t-il , fe fubdi-
vife en deux. Il faut voir fi la difeipline du Concile
de Trente a toujours autorité fur l ’Artois^