
L A DÉ F IANC E dans un gouvernement de
p-ace eft l’effet d’une prudence active & éclairée.
La politeffe, & même l’amitié, ne l’autorifent
pointa hazarder un polie'qui lui eft confié. C ’eft
ce dont étoit perfuadc Céfar Cavaniglia, Caftel-
lan de Livourne en 1646. Le grand duc de Tôf-
canè, François, lui avoit fait dire de rendre les
plus grands honneurs à un vice-roi de Naples, qui
eut la curiofité de voir la citadelle. Don Céfar le
prie d’y venir avec peu de fuite; & , avant de le
recevoir, y fait entrer une compagnie d’infanterie.
Comme il s’apperçoit que ces précautions
bleffent le vice-roi : » Monfeigneur, lui dit-il, j’ai
» o u i àffurer à nos pères, qu'anciennement on
oî couvrait d’une peau d’âne ceux à qui l’on con-
» fioit des places importantes, pour les avertir
» que le devoir de leur charge les exemptoit de
» toute cérémonie, & de toute civilité, afin d’é-
* viter toute furprife«.
Dariu?, Roi de Perfe, affiégeant Babylone qui
ne vouloit point fe rendre, Zopire, un de fes
coürtifans, le coupa le nez & les oreilles , & fe
’ préfenta dans cet état aux Babyloniens, en leur
faifant entendre que Darius lui avoit fait ce mauvais
traitement. Ils crurent que la vëngeance leur avoit
entièrement gagné Zopire: il fit trois fotties, qu’il
avoit concertées avec Darius, où il eut toujours
l ’avantage. Les ^Babyloniens jugèrent qu’ils ne pou-
voient pas choifir un commandant plus fur & plus
' Labile ; ils lui confièrent leur ville donc il ouvrit
les portes à Darius. Voilà des ttratagêmes bien
propres à vaincre la défiance elle-même.
Le fQphifte Antioçkus s’emportoit facilement;
mais la philofophie lui avoit appris à cormcître fon
défaut. Comme il n’étoit pas affez maître de.lui-
même pour parler tranquillement fur les abus de
fon fiecle, il s’abfttnoit de monter à la tribune aux
harangues , & de fe mêler du gouvernement-
Quelqu’un fe moquoit de cette fage défiance, &
Faccufoit d’être à cet égard d’une timidité condamnable:
« C e n’eft pas le peuple, répondit-il,
c’eft Antioçkus que je crains«.
DÉGUISEMENT. On voit fouvent au bal,
' un corps régulier fous un extérieur diforme; &
plus fouvent encore dans la fôcicté, un caraéfcere
di ferme fous un dehors régulier.
Les Sbires ayant trouvé un prélat en habit dc-
givfé dans un endroit fufpeét, l'emmenerent devant
le pape Benoit XIV- Un cardinal qui étoit
préfenr » fit un grand crime au prélat de fon dé-
guifemer.t. Il a bien fait, répondit le pape-, ferait-
il plus féanf qu’il y eut.été fans changer d’habit?
DÉLATEUR.. Accufateur fecret qui craint la
lumière & les preuves. On voit par cette définition
qu’il n’y a qu’ un lâche qui. peut fe charger du
métier de délateur. Audi l’on remarque que les
bons princes les ont toujours écaités du trône:
Antohin le pieux en fit mourir plusieurs; d’autres
Furent battus de verges, envoyés en exil, & mis
au rang des efclaves : ceux qui échappèrent à ces
châtimens, échappèrent rarement àT infamie.
Monfeigneur, difoit un délateur â Louis de
Bourbon frere de Charles V , voilà un mémoire
qui vous inftruira de plufieurs fautes que des per-
fonnes pour qui vous avez trop de bonté ont corn*
mifes contre vous. Avez vpus .aufli tenu un regif-
tre des fervices qu’ elles m’ont rendus, répondit
le prince?
DEMADES , orateur Athénien mort, jz z ans
avant J. C.
Il difoit que la pudeuf dans une femme étoit la
citadelle de la beauté* Philippe après la bataille
dfe Cheronée, voulut célébrer fa Viéfoire par des
danfes. Dénudés, un des prifonniers, indigné de
voir le roi dans cette ivreflé ofa lui dire, Ligueur,
la fortune vous avoit donné à fôutenir le rôle bril-
laht d’Agamemnon ; & vous faites l’indigne per-
fonnage de Therfite.
D EM A R A T E , roi de Sparte, mort vers l’an
4io-avant J. C.
Il fut-chaffé de fon trône, & fe retira en Afie
auprès de Darius fils d’Hyftapes. On lui demanda
comment étant roi, il s’étoit laiffé exiler ? C ’ell:,
répondit-il, qu’a Sparte la loi eft plus puijfante
que les rois•
D É M E.T R IU S, ( Poliorcète||mort l’ an z$6
avant J. C . Ce prince regardoit. l’ina&ion comme
le plus grand vice d’un monarque qui doit
rendre compte aux hommes de tous les inftans de
fa vie. Aufli quand la guerre ou les affaires lui laif-
foient quelques momens-de repos, il les confacroit
à l’utilité publique, en fe livrant à l’étude de cette
partie de la mécanique, qui a pour objet .ta fabrication
des machines de guerre & des vaiiîeaux.
Il cherchoit les moyens de donner aux uns plus de
jeu, aux autres plus de légèreté ; oeft.de ces méditations
favantes qu’on vit fortir /’Hélépole, machine
fameufe dans l’antiquité , remuée par quatre
mille bras , & dont l’effet étoit peut-être plus terrible
que celui de nos canons. Elle lançoit des
quartiers de rochers, des miliiers de flèches, un.è
^rêle de balles de plomb & de fer : elle Tupléoit,
dit-on à une armée de vingt mille hommes; & les
remparts, l.s fortifications les plus foîides nepou-
voient lui oppofer d’invincibles barrières.
D É M O C R I T E , de là ville d’Abdère en
Thrace , mort l’an 322 avant Jéfus-Ghrift. Ce
philofophe avoit compofé un grand nombre d’ouvrages
qui fe font perdus, & d’où Epiçure avoit
tiré fa philofophie.
« Démocrite
» Démocrite & Héraclite, dit Montagne, ont
»* été deux philofophes, defquels le premier trou-
» vant vain & ridicule l'humaine condition, ne
» fortoit en public qu’avec un vifage moqueur &
»» riant. Héraclite ayant compafîion de cette même
il fe creva les yeux, afin que les objets exte'rieurs
ne puffent le diflraire de fes méditations.
On rapporte que Démocrite âgé de cen: neuf ans ,
s’ennuya de vivre. Il retranchoit tous les jours
quelque peu de fa nourriture, & de cette manière
condition notre, en porcoit le vifage continuel-
» ieraent trille, 6c les''yeux chargés de larmes.
m J’aime mieux la première humeur, non parce
» qu’ il eft plus plailànt de rire que de pleurer,
•» mais parce qu'elle eft plus dédaigneufe, & qu’elle
3» nous condamne plus que l’autre : & il me fembie
»> que nous ne pouvons jamais être allez mépriles
»» félon notre mérite. La plainte & la commifera-
» tion font mêlées à quelque eftimation de la chofe
» qu’on plaint : les chofes-de quoi on fe moque <*n 1
»» les eftirne fans prix. Je ne peofe point qu’il y"ait
tant de malheur en nous, comme il y a de v.a-
» nité, ni,taQt de vanité comme de fottife: nous ne
»» fommèi» pas lî pleins de mal comme d’inanité :
»> nous ne fournies pas fi milerables comme nous
•» fommes vils «.
Les Abdéritains qui ne voyoient rien dans leur
conduite qui dût exciter ies ris perpétuels dtD é -
snocrite-i jugèrent qu'il tomboit en enfance, &
envoyèrent chercher Hippocrate, pour qu’il lui
ordonnât un régime ; mais'le célèbre médecin s’étant
rendu auprès du phiiofophe, conçut tant de
véneution pour fon efprit & pour fa vertu, qu’il
ne put s’empêcher de dire aux Abdéritains que
ceux qui s’eftimoient les plus fains, étoient les
plus malades.
Démocrite fe trouvant à la cour de Darius, &
ne pouvant réuflfir à foulager la douleur de ce
Monarque affligé de la mort de. la plus chère de fes
femmes, il lui promit de la rendre à la vie, pourvu
qu’on lui amenât trois perfonnés qui n'euffent jamais
effuyé d’adverfités en ce monde. Cette recherche
qui demandoit du temps, apporta quelque
foulagement au chagrin de Darius ; & lorfqu’après
Ken des foins, on reconnut que la choie était im-
poflible. Démocrite ufa de fon ris ordinaire qu’on
pourrait nommer Abdéritains il remontra au prince
le tort qu’il avoit de fe Iaiffer abattre par les afflictions,
puifque, de tous les hommes qui étoient
fur la terre , il n’y en avoit pas un qui en fût
exempt, & qui n’eût vraifemblablement plus de
rai fon que lui de fe plaindre de la rigueur du
deftin.
» Celui qui fait jouir du peu qu’il a » difoit Dé-
» mocrite, eft toujours affez riche «.
Ce phiiofophe porta fi loin l’amour des fciences,
qu’il abandonna fa patrie & voyagea dans la G u i dée
pour apprendre l’aftronomie: il paffa de là en
Perfe, où il prit une connoiffarvce profonde de la
géométrie. Enfin, il vint à Athènes ; & l’à , animé
plus que jamais du defir infatiable d’apprendre,
EncycLop edi ana.
il etoit enfin parvenu à éteindre prefque
tout à fait ce principe de feu qui vivifie nos corps;
il alloit toucher à fa dernière heure lorfqu’une
nièce qu’il aimoit, vint le fupplier de ne pas fe
laiffer mourir encore, parce que fa mort la priverait
du plaifir de prendre parc à une fête prochaine.
Démocrite daigna, pour l’obliger, fe réfoudre à prolonger
fa vie de quelques inftans; & s’étant fait
apporter du pain chaud, il vécut encore trois jours
en le flairant feulement. ( Anecd. de médecine. )
D ÉM O N A X , Phiiofophe Athénien, mort vers
l’an 12© de J- C .
On lui demandoit ce qu’ il penfoit des enfers ?
Attendez que j’y fois, répondit-il, alors je vous
écrirai ce qui s’y paffe.
Un homme chargé d’un emploi important pria
Démonax de lui donner des principes de conduite.
Parlez peu, lui dit ce phiiofophe, & écoutez
beaucoup.
Les Ioix, fuivant Démonax, ne corrigent pas
les médians, & les bons n’en ont pas befoin.
DÉMONIDES. Le phiiofophe Démonides,
avoit les pieds tortus & tout contrefaits. Ses
chauflures lui ayant été volées, il dit pour toute
vengeance: « Puiffent-elles bien aller aux pieds
de celui qui me les -a prifes !
DÉMOSTHENES, orateur grec, né à Athènes
l’an . 381 , mort l’an 321 avant Jéfus-ChrilL Il
n etoit point fils d’un forgeron, comme Juvenal
veut le faire entendre, mais d’un homme affe£
riche pour faire valoir des forges.
Démoftkenes naquit avec ce qui forme les grands
hommes, l’enthoufiafme de la gloire & l’amoUr
de la liberté ; c’eft peut-être le républicain qui s’eft
montré le plus grand ennemi de toute dépendance
& de toute fervitude, & jamais Philippe, roi de
Macédoine, ne feroit parvenu au degré de puif-
fance qui caufa la perte de la Grèce, fi les Athéniens
euffent voulu fuivre les avis de cet orateur
patriote; mais il adreffoit la voix à l’amour delà
patrie , & cette belle paflion n’échauffoit p'us le
coeur des Athéniens. Il a fixé le plus haut degré
de l’éloquence grecque.
« Ce qui caraétérife Démoftkenes plus que tout
le refte, & en quoi il n’a point d’imitateur, dit
Rollin , eft un oubli fi parfait de lui-même , une
exaûitude fi fcrupuleufe à ne faire jamais parade
d’ efpcit > un foin fi perpétuel de ne rendre l ’au»
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