
sJcn ft'rvoit pour animer fes troupes dans toutes les
oecafions où il les voyoit plier.
La nuit qui précéda la bataille qu'il devoit livrer
à Maxeoce J il fut encore averti en fonge dé faire,
marquer les boucliers de fes foldats du mono-;
gramme du ChrifK II obéit, & dès le point du jour:
ce caractère imprimé par fon ordre, parut fur. les,
boucliers,, fur les cafques , & fit paffer dans le
coeur des foldats une confiance qui contribua à
leur faire remporter la victoire.
L ’armée de Maxénce fut taillée èn pièces fous
les murs de Rome ,• 8c Maxence dui-même obligé
de prendreda fuite, fe noya'en pafiant fur le Tibre.
Conftantin ]■ le lendemain de fa victoire, entra en
triomphateur ’dans Rome;
On a; écrit que lorfque Conftantin quitta l’Italie
pour aller fonder, :une nouvelle .capitale de fon empire,
il fit donation au pape Saint Silve’ftre de la
ville de Rome U de pljifîeurs provinces d’Italie j
, mais l’afte de cette donation , comme il a étéj
' prouvé , n’a. jamais exifté, 8c l’ on peut fe rappeller j
ici la réponfe adroite de Jérôme Donato., ambaf-j
. fadeur de Venife., au pape Jules IL Ce pape luij
; demandoit le titre des droits de la République fur}
le Golfe Adriatique. « Votre fainteté, répondit’
„ l’ambaffadeuf , trouvera la cpnceflion de là mer'
S Adriatique faite aux Vénitiens , au dôs d efori-
: » gin'àl de la donation que Conftantin a faite au
1 4 pape Silveilre de la ville de.Rome , & des auttes
têrrés dè l’ état eccléfiaftique. »
' ' Conftantïn mk4 \ refigiôn chrétienne de l’ état (le:
perfécution & d’ pbfcu‘rite*où elle languiffoit, pour
la faire afleoir avec lui fur ie trône. Pour mieux fa-
v.orifer fon étàblilfement , il donna dans fes nou-
velles Vonftitutions beaucoup d’autorit.e aux évêques
, & diminua' Celle dès pères & mères fur leurs,
enfâns.
Il aflembla plufieqrs ' çon elles dans fa nouvelle'
ville de Conftantinople, où il affilia lui - même.
Pendant les féance.s d’un de egs, conciles , plufiéurs
évêques divifés entr’eux. crurent l’pçcafion favorable
pour porter leurs plaintes à l’èmpereur, &
lui préfentèrent plulîeurs mpmbife.s les uns contre
' Tes autres. L’empereur je’tta' au feu tpus ces libelles.
ce II faut-, difoit-il, fe-donner de garde de révéler
; » .lés famés dés njiniftres du feigneur.', dje peur dé
13* feandalifer lé peuple, 8c de lui prêter de quoi
' k autoriîer fes défordres“. » On dit meme qu’il
. ajouta que s’il furprenoit un évêque en adultère,
il le couvriroit de fa pourpre pour en cacher le
fçandale auxyeui des fidèles.
Conftantin établit qu’on chommefoit le dimanche,
mais il ne fit cette' ordonnance que pour les1 villes",
& non pour les campagnes, parce qu’ilfentoit, dit
l’auteur de YEfprit des loix, que dans les villes
étoient les travaux utiles, & dans les campagnes
les travaux néceffaires.
Ses officiers publics reçurent des ordres de fournir
des alimens & des. vêtemens pour tous les 'enfaris
dont les pères déclaréroient qu’ils étoient hors
d’état de les élevér : ces frais étoient pris indifféremment
fur le tréfor.des villes & fur celui du
prince : « C e feroit, difoit-il, une cruauté tout-à-
fait contraire à.nos moeurs , de laiffer aucun de
»3.nos fujets mourir de faim, ou fe porter par
33 indigence à quelqu’ aétion indigne ». Sentimens
paternels, qui doivent au moins balancer les actions
cruelles dont il a fouillé fa vie.
Le peuple, dans une rumeur, s’étolt oublie
au point de jetter des_ pierres aux ftàtues de Conftantin.
Un courtifan, dans la vue de fe faire un
mérite de fon z è le , difoit à l’ empereur, « qu'il
33 n’y avoit point de fupplice affez rigoureux pour
33 punir des forcenés qui avoient infulté à coups
33 de pierres la face du prince 33. Conftantin, portant
la main à fon vifage , dit en fouriant : P our
moi , je ne me fens pas blejfê.
, . Tout l’empire pleura ce grand prince lorfqu’il
mourut, & fes différens peuples voulant lui marquer
leur reconnoiffance par des hommages, les
uns en firent un . faint , 8c les autres un Dieu.
Conftantin, marquant avec une demi-pique cinq
ou fix pieds de terre à fon fils , lui dit ces mots :
ce. Pourquoi tant fuer & tant travailler ? Au bout
33 dè tout cela j^ni toi ni moi, n’aurons que ce
» peu de terre, encore n’en lommes-nous pas
affurés ».
CO N T E S . Récits plaifans dans lefquels on fe
propofe moins"d’infiruire que de plaire par la fi^
nefie des plaifanteries , la fingularité des événe*-
mens , la, naïveté &« la variété des peintures. C ’ell
principalement Tà-propos qui fait valoir le conte :
s il n’ eft pas heureufement placé, le conte & le conteur
y perdent également.
Le matelot de retour.
La plupart des habitans de G ayète gagnent leur
vie dans le fervice de la marine. Un d’entr’eux,
qui étoit fort pauvre , fe mit en mer pour amaffer
quelque argent, lâiflant à fa femme le foin de
gouverner fon ménage'. Comme elle etoit jeune
;& jolie, elle ne fut pas long-tems fans fe confo-
1er de l’abfence de fon mari. De retour ,’ au bout
de cinq ans, il alla Voir fa femme. Il fut agréablement
furpris de trouver fa maifon toute'réparée
& fort agrandie. Comment, d i t - i l , .ont pu fe
faire ces réparations ? C ’eft 3 répondit - elle , une
grâce que Dieu m’* faite-: le mari en remercia le
ciel. Etant entré plus avant dans la maifon , il
voit des meubles & un lit d’une'propreté au-delà
des facultés' de l’un & de l’autre. Ce lit, ces meubles
, d’où font-ils venus, dit encore le mari -
De la mène grâce, répondit la femme. Pendant
que le mari bénifloit la bonté du ciel envers lu i,
il vint un petit garçon d’environ trois ans', ca-
refiér fa mere. A qui eft cet enfant, demanda le
mari ? — A moi, dit la femme ; lé ciel me l’a aufli
donné. — Ah! pour le coup, repartit le ma*i, le
ciel a pris trop de foin de ma maifon. Poge.
La vraie éloquence.
« Un jour Pentagruel rencontra certain licencié.
»» non autrement l'avant ès IcLnces de fon métier
de doélet.r j mais en récompenfe , fâchant très-
>» foncièrement dan fer & jouer à la paume : lequel
» donc îencontré par Pentagruel , fut interrogé
» d’où il venoit, & lui répondit : Je viens de l'urbe
33 & cité célêbrijftme que vulgairement on vocite Lu-
3> téce — — Qu’eft-ce à-dire, dit Pentagruel à ion
»» truchement ordinaire ? Je fuis tout ébahi de te l,
H jargon.-^C’eft, répondit le truchement, qu’il
» vient de Paris. — H é ! reprit Pentagruel, à quoi
»» paffez-vous le tems à Par s , vous autres lieen-
3,5 clés ? — Nous , répondit le licencié, en occupa--
»> dons épurons & dijpumons la verbocination la-
*3 tine y & en'nos récréations , captons la bénevo-
»3 lencc de Vomni féduifant, & omni mouvant Jexe
M féminin. A quoi Pentagiuel dit ; Quel diable de
•3 langage eft-ceci 1 Ce n’ eft que latin écorché, dit
»3 le truchement 5 8c lui femble qu’il eft éloquent
»3 orateur pour ce qu’il dédaigne l’ ufance com-
»3 mune de parler. Or le licencié croyant que l’é-
•» tonnement 8c ébahilfemenr de Pentagruel ve-
»3 noit pour admirer la haute beauté de cette élo-
39 cution, fe reguinda encore plus haut 8c plus
»3 obfcur, fi que par la longueur de périodes,
v pouffa patience à bout. — Par b1 eu , dit à part
35 foi Pentagruel, je t’apprenderai quelle eft la
91 vraie & naturelle éloquence. Puis demanda lu
»» licencié , de quel pays il étoit? A quoi répondir
os ainfi le licencié : L‘illuftrijjime & honoriférante
» propagation de mes aves & ataves tire fon. origine
33 .primordiale des régions Lémoviciennes. — J’en-
j» tends bien, dit Pentagruel ; tu n’es 'qu’un Li
y» mofin, & tu veux faire le Démoflhène de Grèce.
» O r , viens-çà que je te donne un, tour de peigne.
» Lors le prit à la gorge, difant : tu écorches le
33 latin î moi j’écorcherai le latinifeur. Si fort lui
»> ferroit la gorge, que le pauvre Limofin com-
» mence à crier en Limofin : V^ée, dicou gentil-
.03 latre ; fié J faint Marfau , fecoura-me ; hau ,
». dicta, laijfas a quou, au nom de Diou , & ne me
03 toucas grou. —- Ah ! dit Pentagruel, en le la f-
» fant, voilà comment je te voplois remettre en
»3 droit chemin de vraie éloquence $ car à cette
M heure viens-tu de parler comme natme, & grand
* bien te faffe icelle correélion. Rabelais. 3*
La femme muette.
« Dans .un certa’n pays barbare & non policé ea
»• moeurs, il y avoit aucuns maris boun us, 8c
Lnçyclopédiana^
» à chef mal timbré, cè que ne voyons mie
.» parmi nos parifiens , dont grande partie, o.u
33 tout pour le moins, font mervcilleufement rai«
» fonnans & raifonnables ; auffi onques vit- on
>» arriver à Paris grabuge ni maléfice entre maris
33 & femmes. Or en ce pays-là, tant différent de
» celui-ci nôtre, y avoir Un mari, fi pervers d’en-
>3 rendement, qu’ayant acquis en mariage une
33 femme muette, s’en ennuya \ 8c voulant foi
33 gnérir de cet ennui, 8c elle de fa muetterie, le
» bon inconfidéré mari voulut qu'elle parlât, 8c
» pour ce eut recours à l’art des médecins & chi-
33 rurgiens, q u i, pour la démuettir, lui inciferent
33 & biftouriferent un enciliglote adhérant.au filet ;
33'bref elle recouvra fanté de langue, & icelle
» langue voulant récupérer rbiiîveté p.afîee ^ elle
33 parla tant, tant & tant, que c’étoit bénédiç-
33 tion : fi ne laiffa pourtant le mari bouru de fe
33 lalfer de fi planthereufe parlerie : il- recourut au
33 médecin, le priant & conjurant, qu’autant il
33 avoit mis de fcience en oeuvre pour faire ca-
»3 queter fa femme muette-, autant il en employât
» pour la faire taire. Alors le médecin , confenant
33 que limité eft le favoir médicinal, lui dit qu i r
33 avoit bien pouvoir de faire parler femme , mais
33 que faudroit art bien plus puiflant pour la ia.re
33 taire. Ce nonobftant, le mari fupplia, prelfa,
3a:inlîfta, perfiftaj fi que le favantiftine doéleur
*3 découvrit en un coin des règiftres de fon cer-
33 veau, remède unique 8c fpécifique contre icelui
3» ii termiaable parlement de femme, 8c ce remède,
» c’ eft furdité de mari. Oui-da, fort bien, dit le
>3 mari} mais de ces deux maux, voyons quel fera
»3 le pire, ou entendre fa femme parler, ou ne
33 rien entendre du tout. Le cas eft fufpei.fif, 8z
33 pendant que le mari là'dëffus en fufpens étoit,
33 ’médecin d’opérer, médecin de médicamenter
33 par provifîon , fauf à confuker par api es. Bref,
.33 par certain charme de fortilége médicinal , le
» pauvre mari fe trouva fourd, avant qu’il eût
» achevé de délibérer s’ il confentiroit à furdité.
33 L’y voilà donc, & il s’y tint faute de mieux ; 8c
• c’ eft comme il faudroit agir en opération de mé-
33 decine. Qu’arriva-t il ? Ecoutez , 8c vous le
'33 faurez. Le médecin, à' fin de befogne , deman-
» doit force argent, mars c’eft à quoi ce mari ne
33 peut entendre, car il eft fourd comme voyez 5 le
33 médecin pourtant , par beaux figues & geftes
33 fignificatifs , argent demandoit 8c redeman-
33 d oit, jufqu’ à s’irriter de colère ; mais en pareil
:33- cas , geftes ne font entendus, à peine e:.tend-
33 on paro'es bien articulées, ou écritures atteR
: >3 tées & réitérées par fergens intelligibles Le mé*
» dec:n donc fevit contraint dè rendre l’ouïe au
>3 fourd , afin qu’ il entendît à payement, & le
33 mari de rire, entendant qu’il entendoit ; puis de
33 pleurer par prévoyance de. ce qu’il n’entendroit
33 pas Dieu tonner , dès qu’ il entendr'oit parler
33 fa femme. Or de tout ceci, réfu'te conclufion
, 33 moralement morale, qui dit, qu’ en cas ce maladie
T t