
» mon père, qui m avoit laiffé tous fes biens,
j> ne m'avoit pas tranfmis fa fortune, qui Jes
» lui avoit fait acquérir ».
D EN T S . Un foldat fouffroît d'énormes maux
de dents , il entroit quelquefois en fureur ; les
remèdes- les plus appropriés ne diminuoient rien
de la violence de fes douleurs ; un coup du ha-
fard lui procura un relâche, qui fut bientôt fuivi
d'une entière guérifon. Ayant, par fnégaïde* tenu !
quelque temps dans la bouche un peu de neige où
l'on faifoit rafraîchir les boiffons, il fe trouva à
l'in fiant fi fenfiblement mieux, qu'il recommença
l'application de la neige. A mefure qu elle fon-
doit, il en reprenoit de nouvelle : il ne le fit pas
long-temps fansfe trouver guéri. Plufîeurs, d'après
cette heureufe épreuve, ont effayé de ce remède
fi fimple, & toujours avec un fuccès furprenant.
( Anecd. de Médecine. )
DÉPENSE. Louis XII dîfoit que la plus
grande partie des gentilshommes de fon royaume
étoient, comme Aêléon & Diomède , mangés par
leurs chevaux & leurs chiens.
DES ADRE TS (Beaumont, baron). Le baron
Des Adrets, cajvimfte zélé & cruel, fe jouoir avec
inhumanité de la vie des catholiques qui tom-
boient entre fes imins. A yant, dans le cours de
fes expéditions fangu inaires * p iïs ,e n 1^62, le
fort de Monrbrifon , dans le Forez, il fît d'bord
couper la tête aux plus diffinguês de ceux qui l'a-
Voient défendu. Après dîné, il fit monter les au
très fur une tour très-élevée , & fe faifoit un
amufement de les obliger à fe précipiter. Un
d’eux eut le bonheur de fe tirer de ce mauvais pas
par une faillie : c'étoîc fans doute un gafcon ; il
prenoit fa fecouflfe , mais* fur le point de fe précipiter
, il s’arrêtoit aufli-tot , & recommençoit
le même manège. Le baron, irrité, lui dit t Veux-
tu finir, voilà déjà trois fois que tu recommences ?
Ma fo i , monfieur le baron , répondit au fit tôt le
gafcon , je vous te donne en quatre. Cette plai-
fanterie, dans un .danger fi preffant, dérida le
front du barons il accorda la vie à ce malheureux.
D E SB A R R E A U X , ( Jacques de Vallée } né
à Paris en 1602, mort en 1674.
, Defiarreaux étoit cofifeiller au parlement de Paris.
Il fie chargea une fois d'être rapporteur ; fe
voyant, preffé par les parties, il les fit venir,
bnîîa le procès en leur préfence, & paya de fon
argent ce qui étoit demandé.
Desbarreaux changeait de domicile félon les
fai fans de 'année. îl p.iffoic l’hiver à.Marfeille. La
faaifon qu’ il appé-'oit fa favorite étoit dans te Languedoc
; c’étoit celle'du comté de Oermont Lodève)
où ii difa.t que la bonne chère & la liberté
étoient fur leur trône. Il avoit en Anjou ïa matfoft
du Lude, où étoit autrefois l'abord des plus beaux
efpi its & des plus honnêtes gens. Il alloit voir quelquefois
Balzac fur les bords de la Charente; Mais
la maifon où il fe pjaifoit davantage, c'étoit Che-
nadles fur la Loire, lieu aujourd'hui agréable,
& autrefois féjour de plaifir & de bonne chère.
Defbarreaux paffoit pour un homme fans religion.
Un jour de carême que ce débauché & M*
d'Elbcne étoient enfemble, ils voulurent manger
de la viande, & ne trouvèrent que des oeufs dont
on leur fit une omelette. Dans le tems qu’ils la
mangeoient, il furvint un orage & un tonnerre *
terrible, qu’il fembloit qu'il allât renverfer la
maifon où ils étoient. Desbarreaux, fans fe troubler,
prit le plat, & le jetta par la fenêtre en
difant: Voilà bien du bruit pour une omelette.
Une autrefois Desbarreaux préfenta un bon morceau
à M. d,Elbène>qui s’exeufa de le manger, di-
lant qu’il étoit excellent s’il confultoit fon goût,
mais que fon eftomach ferait incommodé s'il le
mangeot. Desbarreaux lui repartit; Es tu de ces
fats qui s’amufent à digérer ? ,
DÉSERTEUR. Qn fe préparoit à Chatam,
à faire paffer par les baguettes un déferteur du
vaiffeau du roi l’Oxford: déjà on le dépoui Ilote»
malgré fa réliftance , lorfqu'on apperçut avec
étonnement, une fille dans le criminel. On voulut
favoir le motif qui l’avoit portée à s’engager :
elle répondit que e’écoir l'amour. Elle étoit de
Hall : elle avoit plu à un jeune homme qui, ayant
oublié tous fes fermens, l'avait quittée pour fe
rendre à Londres : qu'alors fous des habits d homme
elle l'y avoit fuivi, qu’ayant,, été informée
: qu'il s’étoit engagé fur l’Oxford à Chatam,. elle
avoit pris le même parti. Qu'enluite ayant appris
que f*n amant avo.t déferte. avant fon arrivée,
elle s'enfuit au, bout de quelques jours* dans le
deffein de l'aller chercher. Après fon récit, elle
fut conduite à l’amiral lire Peter Denis-, qui lui
donna une petire Tomme. Cette jeune fille, qu'ont
j dit être fort jo ie , & n'avor pas encore dix neuf
ans, partit pour chercher fon amant , après avoir
; reçu des préfens de tous les officiers du vaifieau*
Bans les premiers jours de la campagne que les
François ouvrirent en Allemagne en 169-1, il arriva
une aventure de défemurs affez particulière*.
Un gr madier du régiment de Souternon déferte „
& aver-it les mvVtaux qu’un convoi- allez confi-
dérab’e part d’Allemagne pour l’armée françoife*
Mille chevaux partent aufiitôt de Mayenne pour
iVniever. Un huflard Afiemind déferte eu même
temps, avertit les Rançon du rifqua que court Je
convoi; & fon rapport les détermine à le faire
foutenij par un détachement confidérabte, les’
deux corps fe rencontrent, fe chargent avec beaucoup
de vivacité, & les impériaux font battus.
Ainfi cette double défertion expofa & fauva le
convoi*
D E S C A R T E S , ( René-) né en Touraine l’an
1596, mort à Stockolm le 11 février 1650, D e f
fartes étoit d'une taille un peu au deffous de la médiocre,
mais affez déliée üc bien proportionnée.
Il avoit l.e front large & un peu avancé, les yeux
d'un gris noir, le teint olivâtre. On lui voyoit à
la joue une efpèce de petite bube qu'il garda toujours.
Son regard étoit agréable, fon vifage fé-
rein, fon fon de voix doux & prévenant. Il avçit
une foible famé, dont il prenoit foin fans en être
efclave. Au lieu de trouver le moyen de conferver la
vie y écrivoit-il un jour, j ’en ai trouvé un autre
bien plus fur ,• c’eft celui de ne pas craindre la mort.
Doux, c.omplaifant avec tout le monde, il étoit fur-
tout affable envers ceux qui avoient befoin de lui.
Ses domeftiques trouvotent en lui un père tendre
& généreux. Un d'eux voulut le remercier d’un
ferviee important i que fa i tes-vous, lui dit-il, vous
êtes mon égal, & j ’acquitte une dette.
Comme il travailla à inftruirc les hommes, il
eut des ennemis; mais il ne chercha à fe venger
d’eux que par une forte de mépris philofbphique.
Quand on me fait une offenfe , difoit-i!, je tâche d'élever
mon ame f i haut que i ’offenfe ne parvienne pas
jufqua moi.
Il renonça de bonne heure au commerce des
livres, parce qu’au lieu de la fcience qu’il y cher*
C'hoit, il n’y trouva que des erreurs de convention.
Il crut que pour connoître la vérité , il fai—
loit écarter tous les nuages dont les hommes avoient
cherché à l’obfcürcir , & l’étodier dans le grand
livre de la nature. Il fe préfenta à cette étude
avec une ame faine, un cjoeur pur & un jugement
Lbre dé tous préjugé: .
Defcartes, élevé au collège de la Flèche, fit
dans fes études des progrès qui annoncèrent de
bonne heure fon génie. Au lieu d'apprendre, il
dout >!t, & i 1 étoit encore très-jeune qu’on l'ap-
pelioii déjà lephilofophe.
L 1 lôgrque de fes maîtres lui parut chargée d’une
foule de préceptes ou inutiles, ou dangereux ; il
s'occup de à l'efr fép 't::r j ‘ tomrrte ie'fidtuaire , dit-
il lui-même', travaille ci tirer une Minerve d’un
bloc de marbre qui eft informe.
: On permettoit au jeune Defcartes , à caufe de
la foibkff- de fa fmté , de paffer une partie des
fnatinéés1 aû lir. Il emplôvoit ce temps à réfléchir
profondément fur les objets de fes études; & il
en cohtra&a lih ibitude pour le refte de fa vie.
Lorfqu’il eut achevé fes premières études de
philofophiê,. il porta les armes en qualité de v©’-
iontaire au fiégê de la Rochelle ^ & en Hollande
fous le prince Maurice. Son deffein ne fut point
de devenir grand guerrier, il ns vouloit être que
fpedtateur des rôles qui fe jouent fur ce grand
théâtre, & étudier feulement Jes moeurs des hommes
qui y paroififent. Ses attraits étoient la liberté
, la philofophiê & la géométrie.
En 16 17, étant au ferviee de la Hollande, un
inconnu fit afficher dans les rues de Breda un problème
à réfoudre. Defcartes vit un grand concours
de pafians qui s’arrêtoientpour lire. Il s’approcha;
mais l’afficne étoit en Flamand qu'il n’enténdoit
pas* Il pria un homme qui étoit à côté de lui de
ia lui expliquer, G etoit un mathématicien nommé
Bukman, principal du collège de Dordrecht.
Le principal , homme grave , voyant un petit
officier en habit d'uriifo'rnie , crut qu'un problème
de géométrie n'étoit pas fort intéreffant pour lui;
& apparemment pour le plaifanter, il lni offrit de
lui expliquer l’affiche, à condition qu’il réfoudroit
le problème. C ’étoit une efpèce de défi. De fcartes
l'accepta; le lendemain matin le problème
étoit réfolu. Bukman fut fort étonné ; il entra en
converfat on avec le jeune homme ; & il fe trouva
que le militaire de vingt ans en favoit beaucoup
plus fur la géométrie que le Vieux profefleür de
mathématiques*
Defcartes quitta la profeffion des armes, & ce
philofophe qui ne vouloit avoir, difoit-il, d’autre
livre que le monde* fe mic à voyager à l'exemple
des Thalès, des Solon, des Pythagore. Lorf-
qu'il paffoit par mer d’Embden dans la Wcltfrife,
il penfa périr dans ce trajet. Il étoit feul avec un
domeftique parmi des matelots, maîtres du vaiffeau
Ht de fon .fort, qui joignoient la fcélérateffe
à une ruflicité barbare. Defcartes obfervoit, mé-
ditoit, parloit peu, ne parloit qu'à fon domeftique
, f& ne parloit que François. Les matelots de
leur côté l’obfervoient aufiî, & malheureufement
ils le ciroyoient riche; ils projettèrent de le tuer y
de le voler, & de le jetter dans la m er, perfuacjés
que perfonne ne reclameroit un étranger inconnu;
ils tenoient confévl devant lui, croyant qu’iligno-
roit la langue du pays. L'air calme 8c ferein de la
fécuritéqui brûloir fur fon vifage pendant leuren-
trerien, confirmoic leur erreur. Tout-à*coup cet
air change, Defcartes fond fur eux l'épée à la
main, terrible , menaçant, armé de toute la fnpé-
riorité du courage & de la vertu fur ta baffeffe &
le crime. Les matelots furpris, effrayés, condamnés
par leur propre coeur, fe troyent foudroyés
par un Dieu qui lit dans les âmes, & qui punit
les penfées coupables, ils oub'ient l’avantage du
lieu & du moment ,7ils retournent en tremblant
au gouvernail & à la manoeuvre, ils rampent,
ils obéi fient, & Defcartes, toujours, en leur, pouvoir
, leur fait grâce. Eloge de Defiartes par M .
Gaillard,